Dans cette vidéo, Dagmara Fijalkowski, chef, Titres mondiaux à revenu fixe et devises, examine les forces déflationnistes qui ont une incidence sur ses prévisions d’inflation. Dan Mitchell, Gestionnaire de portefeuille, discute des facteurs à l’origine de la baisse du dollar américain et des devises qui devraient en bénéficier.
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Transcription
Quelles sont vos perspectives pour les rendements obligataires à la lumière du redémarrage de l’économie ?
Nous prévoyons dans notre scénario de base que les taux des obligations américaines à 10 ans se maintiendront dans une fourchette de 1,5 % à 2 % pendant une bonne partie du reste de l’année. Toutefois, ils pourraient augmenter à plus de 2 % ou glisser en deçà de 1,5 %.
Permettez-moi de vous expliquer pourquoi. Les investisseurs en obligations continuent d’être surtout préoccupés par la hausse de l’inflation et on assiste à une lutte entre ceux qui, comme la Fed, estiment que les tensions inflationnistes ne sont que transitoires, et ceux qui pensent que nous sommes au seuil d’une hausse qui s’étalera sur plusieurs années, ce qui mettra fin aux craintes déflationnistes.
Appelons cela la bataille entre la « théorie transitoire » et la « théorie structurelle ». On réduit souvent l’argument transitoire à celui du scénario de base, c’est-à-dire que la hausse de l’inflation découle mathématiquement de la baisse des prix de l’énergie et de l’inflation survenue au printemps dernier lorsque le monde a été frappé par la COVID.
Mais ce n’est pas tout. L’argument transitoire tient également compte des préoccupations entourant l’étranglement de l’offre pendant la pandémie. Pensons, par exemple, à la hausse de plus de 500 % des prix du bois d’œuvre ; à la pénurie de vélos, de tapis roulants, de tentes, d’appareils de chauffage externes ; aux constructeurs automobiles confrontés à une pénurie de puces ; à la hausse des prix des maisons qui contribue à augmenter les coûts liés au logement ; à la hausse des coûts des conteneurs d’expédition.
La théorie transitoire pointe également la demande refoulée de voyages et l’accumulation de l’épargne, tablant sur le fait que la réouverture des frontières stimulera énormément de dépenses.
Pour sa part, le groupe des penseurs stratégiques projette tous ces facteurs d’inflation à court terme dans le futur. Ce groupe considère qu’un facteur en remplacera toujours un autre ; si ce ne sont pas des vélos, ce seront des raquettes. Plusieurs facteurs d’inflation transitoires entraîneront une hausse des anticipations inflationnistes.
À cela, on peut ajouter la politique budgétaire extrêmement accommodante, les énormes déficits et le fait que les dirigeants de la banque centrale n’ont pas vécu d’inflation durant leur carrière et sont impatients de la voir progresser ; ou aussi l’instauration de la taxe sur le carbone et les relocalisations. La liste est longue. L’augmentation des salaires fait presque toujours partie de la discussion.
Selon nous, l’offre se redressera durant le reste de l’année à mesure que l’économie redémarrera. Le resserrement de la note de crédit de la Chine fera pression sur les prix des marchandises, en particulier pour le minerai de fer et le cuivre. La pénurie de puces devrait se résorber. Cinq usines de GM ont dû fermer leurs portes récemment en raison du manque de semi-conducteurs.
En Australie, nous avons noté un fort taux de participation, surtout des femmes, au marché du travail au moment du redémarrage de l’économie. En Israël, rien ne laisse entrevoir une demande refoulée pendant la reprise. Nous ne relevons pas de pressions salariales dans les pays asiatiques. La part de marché des ventes au détail en ligne augmente.
Nous nous sentons plus à l’aise de considérer ces éléments comme des facteurs transitoires. Les attentes inflationnistes s’équilibreront simplement à mesure que la demande de biens s’atténue et que les services effectueront un retour en force, et elles disparaîtront éventuellement pour laisser de nouveau la place aux pressions déflationnistes structurelles à long terme. Ces tensions étaient déflationnistes avant la COVID et elles le seront davantage après.
Avant la COVID, nous connaissions les données démographiques, et nous savions que les citoyens plus âgés dépensent moins et épargnent plus. Nous savions aussi que la technologie améliore la productivité, ce qui compensait les augmentations du coût de la main-d’œuvre.
Après la COVID, nous notons une augmentation de la main-d’œuvre potentielle, puisqu’il est désormais possible pour davantage de gens d’offrir des services dans le confort de leur maison. Plus de femmes, plus de personnes handicapées, des personnes qui vivent dans des régions où le coût de la vie est moins élevé ou qui ne peuvent travailler qu’à temps partiel prennent donc part au marché du travail. Les personnes qui sont à l’aube de la retraite peuvent prolonger leurs activités professionnelles puisqu’elles peuvent continuer à travailler et planifier leur retrait en douceur du marché du travail.
En outre, la croissance démographique ralentit compte tenu des décès liés à la pandémie et de la diminution des naissances. L’expérience de la COVID stimulera fort probablement la constitution de fonds de prévoyance. Tous ces éléments devraient permettre de réduire les pressions inflationnistes. Si donc l’inflation ne subit aucun changement durable, ce n’est que lorsque le marché du travail se redressera (principal objectif de la Fed) que les banques centrales commenceront à relever les taux. Mais, cela ne se produira pas de sitôt.
Pour terminer, c’était l’an dernier qu’il fallait investir pour se protéger de l’inflation. Selon nous, les prix obligataires ont déjà intégré une bonne partie des craintes inflationnistes et des attentes liées à la croissance ; si on examine la forte inclinaison de la courbe des taux, la hausse des primes de risque a été presque aussi élevée que pendant la crise liée à la réduction de la relance en 2013, ce qui a été une réelle surprise. Mais ce n’est plus le cas maintenant.
Le point d’équilibre du taux d’inflation se situe au-dessus des niveaux d’avant la COVID. Nous n’anticipons pas de reprise durable de l’inflation ni de hausse importante des taux. C’est pour nous un risque extrême, même dans le cas d’un scénario de base. En cas d’échec de la politique de la Fed, il pourrait s’ensuivre une sorte de crise et les taux pourraient bondir, mais ce serait temporaire. Ils pourraient aussi baisser à moins de 1,50 % si les données relatives aux attentes élevées déçoivent.
Les taux des obligations à 10 ans devraient se négocier dans une fourchette de 1,5 % à 2 % la plupart du temps pendant le reste de l’année. Ils peuvent tout autant augmenter à plus de 2 % ou baisser à moins de 1,50 %, et nous pouvons tactiquement négocier la duration en tirant parti des mouvements haussiers ou baissiers.
Quels sont les principaux facteurs qui influent sur le dollar américain ?
Le marché des changes a vécu deux trimestres bien différents cette année. Le dollar américain a remonté fortement au premier trimestre et s’est apprécié de façon plutôt généralisée par rapport à nombre d’autres devises, grâce au succès de la campagne de vaccination et à la vigueur de l’économie aux États-Unis.
Au deuxième trimestre, cependant, le dollar américain a perdu quasiment tout le terrain qu’il avait gagné. Il se situe actuellement à des ceux cycliques par rapport à l’euro, à la livre sterling et au dollar canadien. Fait important, ce recul n’est pas attribuable à un fléchissement de l’économie américaine. On le doit plutôt à divers facteurs fondamentaux à long terme, qui continuent d’ailleurs de peser sur le billet vert. On parle ici des déficits (budgétaire et commercial), de la surévaluation du dollar américain, et de l’évolution de la composition des imposantes réserves de change mondiales (12 000 milliards de dollars américains) ; petit à petit, les capitaux quittent les États-Unis vers d’autres régions.
Le dollar américain en est à sa deuxième année de déclin, et nous pensons qu’il continuera de tendre à la baisse pendant quelques années et qu’il perdra encore de 10 % à 20 % sur cette période.
Ce contexte devrait surtout profiter aux devises cycliques, c’est-à-dire les devises liées aux produits de base, eux-mêmes étroitement liés au redémarrage de l’économie mondiale. Les devises de marchés émergents tombent bien sûr dans cette catégorie. C’est également le cas du dollar canadien, du dollar australien et de la couronne norvégienne.
Rappelons que l’année dernière a été particulièrement profitable pour le dollar canadien. Il s’agit aujourd’hui de la devise dominante parmi les marchés développés. Le huard a beaucoup à offrir par ailleurs. Les produits de base ne sont pas tout. La plupart des gens pensent au pétrole, mais il y a d’autres produits qui exercent une influence positive sur le dollar canadien. Pensons notamment au bois d’œuvre, de même qu’à l’agriculture, à l’énergie, aux métaux ; tous des produits dont les prix ont augmenté considérablement.
L’économie canadienne profite des dépenses budgétaires des États-Unis et du Canada. La dette nette du pays est faible, l’immigration devrait rebondir dès la réouverture des frontières, et la vaccination va bon train. Pour toutes ces raisons, la Banque du Canada se montre un peu plus optimiste qu’avant et a révisé ses prévisions de croissance à la hausse. De plus, si les marchés s’attendent à ce que les taux d’intérêt se normalisent plus rapidement au Canada qu’à l’étranger, ce sera un autre coup de pouce pour le dollar canadien.
Nous avons revu nos prévisions ce trimestre, car nous nous attendons à ce que le huard demeure vigoureux. Nous sommes maintenant d’avis que le taux de change CAD/USD sera de 1,15 au cours des 12 prochains mois.
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