Le terme carboneutralité sous-entend l’atteinte d’un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre (GES) et celles qui sont retirées de l’atmosphère. Le concept est aussi appelé zéro émission nette ou neutralité climatique. Dans le présent article, nous exposerons les initiatives qui visent cet objectif dans le monde entier. Nous traiterons également de la prise en compte de la carboneutralité dans la stratégie de placement.
Principaux points à retenir
- La carboneutralité ne signifie pas une absence d’émissions. On peut encore produire des émissions, mais elles sont compensées au moyen de processus ou de mesures qui les réduisent, tels que la plantation d’arbres et l’élimination du carbone.
- Pour limiter le réchauffement de la planète, il faudra apporter des changements « rapides et profonds » à notre mode de vie et donc engager de nouvelles réflexions sur l’utilisation des sols, l’énergie, l’industrie, les bâtiments, les transports et l’urbanisme.
- De nombreux pays ont pris des engagements fermes, mais insuffisants, lors de la conférence sur le climat des Nations Unies (ONU) en novembre 2021. Si ces engagements sont respectés, nous nous rapprocherons de l’objectif de carboneutralité d’ici 2050 et de limitation du réchauffement de la planète à 1,5 oC.
Pourquoi devons-nous atteindre la carboneutralité ?
Les activités humaines (comme la combustion de combustibles fossiles) et les changements dans l’utilisation des terres (comme la déforestation) engendrent la libération de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère. Les GES emprisonnent la chaleur dans l’atmosphère, ce qui fait augmenter les températures mondiales moyennes. À long terme, ce phénomène donne lieu aux changements climatiques. Par exemple :
- La température moyenne mondiale a déjà augmenté d’environ 1 oC depuis l’époque préindustrielle.
- L’augmentation des températures moyennes entraîne des événements météorologiques plus intenses et plus fréquents, ainsi que des changements des régimes climatiques (ouragans, inondations, feux de forêt, vagues de chaleur extrême, sécheresses, etc.).
En 2018, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a déclaré qu’un réchauffement dépassant le seuil de 1,5 oC d’ici la fin du siècle entraînerait de graves conséquences. Selon le GIEC, pour rester sous ce seuil, deux mesures sont nécessaires :
- Réduire les émissions de GES de 45 % d’ici 2030
- Atteindre la carboneutralité d’ici 2050 *
Émissions annuelles de dioxyde de carbone, par région
Émissions annuelles de dioxyde de carbone (CO2) liées à la production, mesurées en tonnes (1860-2020). Sources : Global Carbon Project, Our World in Data.
Comment y parviendrons-nous ?
Le rapport du GIEC de 2021 a montré que le réchauffement de la planète pourrait bien dépasser 1,5 oC d’ici 2030, à moins de fortes réductions des émissions de dioxyde de carbone (CO2) et d’autres GES.* Il sera nécessaire de transformer de fond en comble les filières de l’énergie, de l’alimentation, des transports et des infrastructures.
La transition du secteur énergétique est essentielle. Plusieurs facteurs y contribuent déjà :
- nouveaux règlements sur les changements climatiques ;
- baisse des coûts de l’électricité renouvelable ;
- augmentation de la demande d’électricité en raison du virage vers les véhicules électriques ;
- évolution des attentes des investisseurs.
Des changements dans le type d’énergie consommé et son mode de consommation contribueront à la réduction des émissions. Cependant, le rapport du GIEC indique clairement que la carboneutralité n’est pas possible sans technologies ou solutions naturelles qui éliminent les émissions atmosphériques, notamment les technologies qui permettent la capture et le stockage du carbone, la plantation d’arbres et une meilleure gestion de l’utilisation des sols.
La transition énergétique a déjà commencé, mais sa vitesse, son ampleur et sa portée divergent entre les régions et les pays. Toutefois, le changement survient de plus en plus vite. Les entreprises de tous les secteurs et de toutes les régions prennent de plus en plus de mesures pour prendre en compte les risques et les occasions importants liés au climat qui découlent de la transition vers la carboneutralité.
L’image ci-dessous montre les principaux secteurs où la décarbonation devra avoir lieu.
Qui s’est engagé à atteindre la carboneutralité ?
En novembre 2021, la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26) a réuni 197 pays dans le but d’accélérer la lutte contre les changements climatiques et d’atteindre les objectifs établis dans l’Accord de Paris et la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Les engagements pris avant la COP26 visaient alors 2,7oC.² Cependant, selon l’Agence internationale de l’énergie, si toutes les promesses en matière de climat annoncées lors de la conférence COP26 sont respectées intégralement et dans les délais, nous pourrions arriver à limiter la hausse des températures mondiales à 1,8 °C d’ici 2100.³
Bien entendu, la réalisation des objectifs climatiques est loin d’être assurée. Cependant, pour la première fois, des engagements nous placent en position d’atteindre une hausse des températures mondiales inférieure à 2oC. Par ailleurs, il est essentiel de concrétiser les engagements des pays grâce à des plans de transition par secteur, des politiques d’État et des mesures concrètes. Voici quelques points saillants de la conférence COP26 :
Plus d’une centaine de pays ont signé l’engagement mondial sur le méthane.4 Le méthane est l’un des gaz à effet de serre les plus puissants. Par conséquent, si nous parvenons à réduire les émissions mondiales de méthane de 30 % d’ici 2030 comme promis, nous pourrions observer une réduction de 0,2 % du réchauffement planétaire d’ici 2050.5 Parmi les signataires de l’entente se trouvent les États-Unis, l’Union européenne, le Canada et le Brésil. De grands émetteurs de méthane, comme la Chine, l’Inde et la Russie, n’ont pas suivi le mouvement.
Plus de 100 pays ont signé un engagement visant à enrayer la déforestation d’ici 2030. Il s’agit notamment du Brésil, de la Chine, de la Colombie, du Congo, de l’Indonésie, de la Russie, du Canada et des États-Unis.6 Les forêts jouent un rôle crucial dans l’atteinte des objectifs climatiques. Les arbres contribuent à réguler les écosystèmes et peuvent réduire les incidences matérielles des changements climatiques.
La question des subventions aux combustibles fossiles et au charbon s’est imposée dans le nouveau Pacte de Glasgow sur le climat. Ce pacte a été signé par les 197 pays participants.7Pour la première fois, un accord porte sur le charbon et l’objectif de réduire la production d’énergie au charbon, source à forte intensité de carbone. L’accord mentionne également l’objectif d’éliminer les subventions pour les combustibles fossiles et encourage les pays à revoir et à renforcer leurs engagements climatiques en 2022 en vue de limiter le réchauffement planétaire à 1.5oC.
Dans la dernière année, les objectifs de carboneutralité des entreprises se sont multipliés et amplifiés. Par exemple, BP, 8 Ford Motor Company, 9 Walmart, 10 American Airlines, 11 Apple, 12 Microsoft, 13 Cemex14 et plus encore ont pris de tels engagements. Les objectifs de carboneutralité d’entreprise varient généralement en fonction de trois aspects clés15 :
Aspects clés des objectifs de carboneutralité d’entreprise
Les entreprises affirment que leurs actionnaires leur demandent de prendre de plus en plus de mesures pour lutter contre les changements climatiques. Par exemple, le Harvard Law School Forum on Corporate Governance signale qu’aux États-Unis, l’appui moyen accordé par les investisseurs aux résolutions des actionnaires qui concernent l’environnement a augmenté à 41 % au premier semestre de 2021, contre 32 % en 2020.16 Dans ce contexte d’engagements croissants en faveur d’objectifs carboneutres de la part des États et des entreprises pendant l’année écoulée, nous avons vu un certain nombre de propositions d’actionnaires demandant aux sociétés d’adopter des objectifs de carboneutralité spécifiques, ou de rendre compte de la manière dont leurs politiques existantes traduisaient une ambition de carboneutralité, pendant la récente période des votes par procuration. Par exemple :
- La Compagnie Pétrolière Impériale, important producteur de pétrole et de gaz au Canada, a reçu une proposition d’actionnaires liée à Climate Action 100+ lui demandant d’adopter un objectif de zéro émission nette globale de GES d’ici 2050. Bien que la société ait pour objectif à court terme de réduire ses émissions de GES avant 2023, elle était en retard sur ses pairs au regard des objectifs à long terme. De plus, l’engagement du Canada à parvenir à la carboneutralité d’ici 2050 entraînait le risque que la société ne soit pas prête à s’adapter si une nouvelle réglementation entrait en vigueur dans le secteur de l’énergie.
- Caterpillar, premier fabricant mondial d’équipement de construction, a reçu une demande similaire. La société a considérablement progressé dans la réduction de ses émissions de GES jusqu’en 2019. Toutefois, elle n’avait pas d’objectif dans ce domaine après 2020. En janvier 2021, la société ne satisfaisait plus à aucun des indicateurs de référence de Climate Action 100+ en matière de carboneutralité.
Comment la carboneutralité est-il prise en compte dans la stratégie de placement de RBC GMA ?
RBC GMA souscrit à l’objectif mondial de zéro émission nette en 2050 ou avant. Nous reconnaissons aussi la nécessité d’assurer une transition judicieuse et ordonnée vers l’élimination des émissions nettes qui favorise la prospérité économique à grande échelle. À cette fin, il faut :
- prendre en compte les conséquences financières des changements climatiques dans notre méthode de placement ;
- évaluer et surveiller la conformité des émetteurs en matière de carboneutralité ;
- maintenir le dialogue avec ceux pour lesquels le climat représente un risque financier majeur s’ils ne disposent pas de cibles et de plans d’action.
Les questions que nos équipes des placements pourraient prendre en compte sont les suivantes :
- La société dispose-t-elle de structures de gouvernance efficaces pour gérer les risques et les occasions liés au climat ?
- L’entreprise a-t-elle établi des objectifs climatiques globaux afin de s’attaquer aux risques financiers liés aux changements climatiques ? S’est-elle dotée d’un plan de transition et d’action solides pour les atteindre ?
- Les risques et occasions liés au climat sont-ils intégrés à la stratégie d’entreprise ?
- L’entreprise offre-t-elle une information transparente sur ces risques et occasions et sur la façon dont ils sont intégrés dans la prise de décisions stratégiques et financières ?
En ce qui concerne nos propres activités, nous nous engageons à maintenir un bilan carbone nul. De fait, RBC a atteint la carboneutralité pour la première fois en 2017, puis année après année. Étant donné que nous appuyons officiellement le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC), nous croyons qu’il est important de faire preuve de transparence dans la divulgation des risques et occasions liés au climat. Nous présentons des renseignements détaillés concernant les changements climatiques dans notre rapport Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques 2020.