En 2021, les actions des marchés émergents ont chuté de 2,5 % en dollars américains, accusant ainsi un retard de près de 25 points de pourcentage sur les marchés développés, le deuxième plus important depuis la création de l’indice MSCI Emerging Markets en 1999. Au cours du trimestre clos le 28 février 2022, les actions des marchés émergents ont perdu 3,0 %.
La Chine a été le principal facteur de la piètre performance en 2021, notamment en raison du durcissement du contexte réglementaire qui a plombé l’important secteur de l’Internet. L’Amérique latine a également nui au rendement, et sans la Chine, l’indice de référence des marchés émergents a gagné 11 %. Les pays émergents ayant des taux de vaccination plus faibles ont souffert de la hausse des cas de COVID-19, et les confinements ont encore donné lieu à une croissance économique moins élevée que prévu dans de nombreux pays.
Après environ dix ans de contre-performance des actions des marchés émergents, les investisseurs ont commencé à remettre en question la nécessité de détenir ces titres. À notre avis, les actifs des marchés émergents offrent à la fois une diversification et une croissance économique supérieure, qui devraient se traduire par des rendements boursiers plus élevés à long terme.
Depuis le début de l’année et malgré la faiblesse des actions russes, le rendement relatif des actions des marchés émergents a commencé à s’améliorer. Entre le 1er janvier et le 28 février 2022, les actions des marchés émergents ont chuté de 4,8 %, selon l’indice MSCI Emerging Markets, comparativement à des reculs de 7,7 % pour l’indice MSCI World et de 8,1 % pour l’indice S&P 500.
L’un des grands risques pour 2022 est la politique de tolérance zéro du gouvernement chinois à l’égard de la COVID-19. L’imposition éventuelle de vastes mesures de confinement en Chine pourrait freiner la croissance au pays et nuire à la croissance mondiale et à la demande de marchandises.
Une erreur de politique de la part de la Réserve fédérale américaine (Fed) pourrait aussi provoquer une liquidation sur les marchés boursiers, un scénario dans lequel les marchés émergents tireraient probablement de l’arrière. Enfin, la situation en Ukraine laisse présager une inflation encore plus élevée et le risque qu’un plus grand nombre de pays soient impliqués dans le conflit.
L’écart de croissance très modeste prévu entre les pays émergents et les pays développés en 2022 constitue un obstacle majeur. S’établissant à environ 1 %, cette différence serait la plus faible en 20 ans. Habituellement, le rendement supérieur des actions des marchés émergents est étroitement corrélé à la performance économique des pays émergents par rapport aux pays développés. Nous estimons toutefois que les valorisations tenaient déjà compte de cette sombre perspective.
Les valorisations des marchés émergents sont très attrayantes. Elles sont inférieures de 45 % à celles des marchés développés, ce qui est l’écart le plus marqué en 20 ans, comparativement à la moyenne à long terme de 25 %. De plus, la conjoncture économique est plutôt favorable aux pays émergents. La vigueur soutenue de la croissance économique mondiale alimentée par la demande des consommateurs plus forte que prévu, l’augmentation des dépenses en immobilisations et la reconstitution des stocks à mesure que la pandémie s’estompe sont autant de facteurs avantageux pour les marchés émergents.
Voici d’autres données positives :
- Les pressions sur les salaires sont contenues dans les pays émergents, où la demande de biens n’a pas autant augmenté pendant la pandémie que dans les pays développés.
- Pour la même raison, l’inflation devrait généralement rester à l’intérieur des fourchettes cibles des banques centrales et a probablement atteint son sommet maintenant que les économies ont rouvert.
- Les taux d’intérêt sont déjà plus élevés dans les pays émergents que dans les pays développés, ce qui confère de la crédibilité aux décideurs des pays émergents dans la lutte contre l’inflation. En fait, la Chine a assoupli, et non durci, sa politique, ce qui favorise la croissance économique du pays.
- En Asie, les comptes courants se sont considérablement améliorés depuis la dernière série de resserrements, tandis que les cours des devises sont attrayants, à quelques exceptions près. Cette situation est très différente de celle qui prévalait au moment de la réduction des mesures de relance par la Fed en 2013.
Selon nos prévisions, un affaiblissement du dollar américain donnera lieu à un rendement supérieur des actions des marchés émergents en 2022, ces titres ayant tendance à progresser quand le dollar américain fléchit. Nous tablons sur une dépréciation de la devise américaine depuis quelques années, mais les principaux indices du dollar américain se situent actuellement à peu près au même niveau qu’à la fin de 2019. À notre avis, le dollar américain finira par se replier au cours des prochains mois.
En 2022, la faiblesse du secteur de l’Internet en Chine pourrait persister. Toutefois, nous croyons que la liquidation ne sera pas aussi prononcée que l’an dernier, et que l’incidence d’un éventuel recul serait moindre, puisque la pondération du secteur dans l’indice a chuté considérablement depuis février 2021. Les titres de croissance pourraient néanmoins subir de nouvelles pressions, car les actions coûteuses sont encore surévaluées par rapport à leurs paramètres fondamentaux, et la bulle de croissance n’a éclaté qu’en partie. Dans la tranche de 10 % des titres les plus chers de l’indice de référence des marchés émergents, le ratio cours/valeur comptable est encore de 15 pour un rendement des capitaux propres de 25 %, ce qui nous paraît excessif.
Sur le plan de la qualité, nous constatons que les titres du segment intermédiaire se négocient à des ratios trop bas. Bien que ces actions génèrent un rendement des capitaux propres médian de près de 13 %, leur ratio cours/valeur comptable médian est de seulement 1,7, ce qui est à peine supérieur à celui de 1,5 des titres de piètre qualité. Selon nous, les valorisations des titres de moindre qualité diminueront au cours des prochains mois et celles des titres de qualité moyenne augmenteront.
MSCI Marchés émergents : niveau d’équilibre
Valorisations et bénéfices normalisés
Source : RBC GAM
Les actions de valeur pourraient continuer de surpasser les actions de croissance, car l’écart de valorisation est encore trop important. Le retard affiché par les titres de valeur en 2020 n’a été comblé qu’à moitié en 2021, et nous nous attendons à ce qu’il se résorbe davantage au fil de la réouverture des économies, passant du niveau actuel de 70 % à près de 50 %. Les titres de valeur seront stimulés par la tendance à la décarbonisation, la reconstitution des stocks et la hausse des taux d’intérêt. Cependant, nous croyons qu’il y aura une grande disparité de rendement entre les titres de valeur les plus exposés à un ralentissement économique, qui semblent surévalués, et les titres de valeur moins cycliques, qui semblent les plus attrayants.
Au chapitre des pays, nous pensons que la forte contre-performance de la Chine prendra fin. Nous nous attendons à ce que les sociétés chinoises de services financiers, cycliques et axées sur la décarbonisation obtiennent les meilleurs résultats.
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