PH&N Institutionnel a récemment établi un partenariat avec les CFA Societies à Vancouver, Calgary et Ottawa afin d’organiser un webinaire intitulé Emerging opportunities: The case for emerging markets (nouvelles occasions : l’attrait des marchés émergents). Nous sommes reconnaissants d’avoir eu l’occasion de travailler avec des partenaires aussi formidables et nous sommes heureux de l’intérêt porté par tous ceux qui ont pu assister à l’événement.
Après presque dix ans de résultats décevants, les actions de marchés émergents et les titres de créance de marchés émergents tentent de retrouver leur avance sur les titres de marchés développés. Laurence Bensafi, cheffe déléguée, Actions, Marchés émergents RBC, et gestionnaire de portefeuille, RBC Global Asset Management (UK) Limited, et Polina Kurdyavko, première directrice générale et cheffe, Marchés émergents, BlueBay, première gestionnaire de portefeuille, BlueBay, RBC Global Asset Management (UK) Limited, se penchent sur l’évolution récente des actions et des titres de créance de marchés émergents, les considérations associées aux placements dans ces deux catégories d’actifs d’un point de vue institutionnel, et les perspectives des marchés émergents.
Les sujets abordés sont les suivants :
- Nouveaux voyages, avantages des visites de contrôle diligent en personne
- Évolution de la situation en Chine et son incidence sur les marchés
- Nouvelles sur le conflit entre la Russie et l’Ukraine
- Régions qui, selon nous, peuvent servir d’élément catalyseur pour les rendements futurs
- Perturbations technologiques et répercussions potentielles de l’intelligence artificielle
Durée : 01 heure 03 minutes 01 secondes (en anglais seulement)
Conférenciers :
- Laurence Bensafi, Cheffe déléguée, Actions, Marchés émergents RBC, et gestionnaire de portefeuille, RBC Global Asset Management (UK) Limited
- Polina Kurdyavko, Première directrice générale et cheffe, Marchés émergents, BlueBay, première gestionnaire de portefeuille, BlueBay, RBC Global Asset Management (UK) Limited
Animé par :
- Julie Ducharme, Vice-présidente et gestionnaire de portefeuille institutionnel, PH&N Institutionnel
Transcription
Bonjour. Je m’appelle Poppy Rui et je préside le programme de la CFA Ottawa Association. Nous accueillons aujourd’hui Laurence Bensafi, gestionnaire de portefeuille et cheffe déléguée, Actions, Marchés émergents, RBC Global Asset Management (UK) Limited, et Polina Kurdyavko, cheffe, Marchés émergents, BlueBay et première gestionnaire de portefeuille à RBC Global Asset Management (UK) Limited. Elles gèrent divers fonds de marchés émergents, tant dans le segment des actions (Laurence) que dans celui des titres à revenu fixe (Polina), dont le total des actifs, pour l’ensemble des fonds, s’élevait à environ 26 milliards de dollars américains au 31 juillet.
Ensemble, elles cumulent 28,5 années d’expérience à RBC GMA. Cette table ronde est animée par Julie Ducharme, gestionnaire de portefeuille institutionnel, PH&N Institutionnel. Les participantes ont été invitées pour discuter de tous les aspects des marchés émergents : l’état des actions et des titres à revenu fixe dans ces marchés, les thèmes et les tendances actuels qu’elles surveillent de près et les occasions à saisir pour les investisseurs à long terme.
Je vais maintenant céder la parole à Julie pour le coup d’envoi de notre table ronde.
Merci, Poppy. Bonjour, je vous souhaite la bienvenue. Merci de vous joindre à nous aujourd’hui. J’espère vraiment que nos précisions et explications sur les marchés émergents, qui concernent autant les investisseurs en actions que ceux du segment des titres à revenu fixe, vous seront utiles. Je suis vraiment heureuse de faire équipe avec mes deux collègues qui se trouvent, ironiquement, sur le même étage que moi.
En fait, pour des raisons techniques, elles doivent se joindre à nous à partir de leurs propres écrans. Laurence fait partie de l’équipe Actions, Marchés émergents, et Polina fait partie de l’équipe Titres de créance de marchés émergents BlueBay. Je vous remercie de participer à cette séance avec moi. Je suis heureuse d’entreprendre cette discussion avec vous et de faire état de nos réflexions aux membres des CFA Societies à l’échelle du Canada. Bienvenue à tous !
Récemment, nous avons été confrontés à des taux en hausse (des taux records pour certains d’entre nous) et à un dollar américain très fort. Ces facteurs sont généralement considérés comme des obstacles considérables pour les marchés émergents. Si l’on tient compte, en plus, des effets de l’inflation, même si elle montre des signes de ralentissement pour certains d’entre nous dans les marchés développés, force est de constater que les taux demeureront élevés.
Cette réalité détonne toutefois avec ce qui se produit dans les marchés émergents, puisque nous avons commencé à y observer une baisse des taux. Il est donc intéressant de voir cette divergence entre les deux, car elle dévoile une complémentarité entre les marchés développés et les marchés émergents qui se profile de façon vraiment évidente. Aujourd’hui, notre objectif est de vous présenter ce qui est enthousiasmant dans les marchés émergents à l’heure actuelle.
Quels risques doivent être pris en compte ? Quels éléments exigent de faire preuve de prudence ? Et à quelle complémentarité peuvent s’attendre ceux d’entre nous qui connaissent bien les marchés développés ? Je vous invite donc à nous présenter vos perspectives ainsi que les éléments qui nourrissent votre optimisme et votre scepticisme dans vos marchés respectifs.
Sur une échelle allant de moins 5 pour les perspectives les plus pessimistes à plus 5, quel serait votre scénario le plus optimiste ? Les dix dernières années ont été vraiment rudes pour les marchés émergents. Où croyez-vous qu’ils se situeront prochainement, sur une échelle allant de moins cinq à plus cinq ? Êtes-vous optimistes ou pessimistes ?
Je suis curieuse de savoir ce que vous en pensez. J’aimerais commencer par vous Laurence. Pourriez-vous nous en dire plus sur vos perspectives avant d’entrer dans les détails ?
Merci. Merci pour cette présentation, Julie. Je suis très heureuse de vous parler des actions de marchés émergents aujourd’hui. Alors, sur une échelle de moins 5 à plus 5, je dirais que les actions des marchés émergents se situent probablement à plus 3 à l’heure actuelle. Comme vous l’avez mentionné, la contre-performance des actions dure depuis longtemps. De fait, les actions ont tendance à bouger sur de longs cycles.
Ainsi, avant cette longue période de contre-performance, qui a duré environ 10 à 12 ans, nous avons connu une longue période de rendements supérieurs. Comme vous l’avez mentionné, les deux principaux obstacles ayant contribué à la récente contre-performance ont probablement été le profil brut ajusté au risque défavorable pour les pays marchés émergents et la forte vigueur du dollar américain sur de nombreuses années, qui ont accru l’écart de rendement entre les pays développés et les marchés émergents. Cela dit, nous croyons maintenant avoir atteint un point d’inflexion pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, comme vous l’avez souligné, nous assistons à une hausse des taux d’intérêt qui demeureront probablement élevés plus longtemps, mais aussi à une augmentation de l’inflation, et nous croyons que les marchés émergents sont mieux outillés dans ce nouveau contexte. Les portefeuilles de certains investisseurs accordent une faible pondération aux titres de marchés émergents dont les valorisations sont pourtant très intéressantes. De fait, un grand nombre de pays des marchés émergents se portent très bien.
Les grands pays comme l’Inde, l’Indonésie, le Brésil ou le Mexique ont procédé à d’importantes réformes au cours des dernières années, et les résultats de ces changements commencent à s’observer dans l’amélioration de leur profil de croissance. De plus, certains de ces pays vont grandement bénéficier des politiques de diversification hors Chine, ou de leur retour ou nouvelle entrée sur le marché ; une tendance conforme à ce qui a été observé depuis la fin de la COVID-19.
Nous nous attendons donc à de meilleures conditions dans les années à venir pour cette catégorie de titres sous-pondérée et sous-évalué.
D’accord. Maintenant, Polina, sur la même échelle allant de moins 5 à plus 5, vous situez-vous à l’extrémité optimiste du spectre ou, en tant qu’investisseuse en titres de créance, êtes-vous plus prudente ? Faites-nous part de vos impressions.
Merci, Julie. Eh bien, comme vous l’avez souligné à juste titre, les investisseurs en titres de créance ont toujours l’impression que le rapport risque-rendement est asymétrique. Il va donc de soi que nous discutions d’abord du coût de portage, pour ensuite approfondir la réflexion et examiner les prévisions en matière d’écarts et de défaillances. Tout d’abord, je dirais qu’en ce qui concerne le coût de portage, nous avons atteint des sommets de dix ans, ce qui est très attrayant pour un investisseur en titres à revenu fixe.
Parallèlement, il faut examiner les écarts, particulièrement dans le segment des titres d’État, et garder à l’esprit que l’univers des titres à revenu fixe de marchés émergents se chiffre à plus de 23 billions de dollars. Probablement que 80 % de ce montant est en monnaie locale, mais le reste est en dollars, et cette partie des titres à revenu fixe en dollars se trouve autant dans le segment des titres d’entreprise que des titres d’État.
En ce qui concerne les titres d’État, nous avons observé d’importantes dislocations dans les écarts, ce qui est très enthousiasmant, surtout dans le contexte d’un cycle de défaillance dont le point culminant nous semble avoir été dépassé, après cinq années marquées par un nombre élevé de défaillances. Maintenant, pour revenir à votre question, sur une échelle allant de moins 5 à plus 5 pour, nous situerions les titres de créance d’État libellés en monnaie forte à plus 3, comme Laurence.
Et je dirais aussi qu’il existe aussi de solides arguments en faveur des titres de créance en monnaie locale. Vous avez mentionné que certains des acteurs du segment des titres de créance de marchés émergents ont été prévoyants, dans une certaine mesure, et ont entamé les hausses de taux presque deux ans plus tôt que les marchés développés. Nous avons ainsi vu apparaître des taux directeurs à deux chiffres dans un certain nombre de pays, en particulier en Amérique du Sud.
Et je ne crois pas que nous ayons connu une période où les taux de base ou les taux directeurs ont franchi le cap des 10 % depuis 15 ans, si ce n’est depuis 20 ans. Ces hausses ont créé un coussin de sécurité pour la monnaie locale, ce qui explique pourquoi, au cours des dernières années, les monnaies locales des marchés émergents ont été moins volatiles, et ont surpassé, en moyenne, d’autres produits à revenu fixe.
Tous ces éléments forment un contexte emballant pour nous en matière de rendements potentiels, même s’ils incluent le coût de portage. Il se peut en outre que les écarts s’élargissent. Et il faut faire attention à la volatilité, car elle est élevée même pour les taux de base.
Et naturellement, lorsque les actifs sans risque sont plus instables, la volatilité des autres éléments d’actif s’accroît aussi. Nous espérons donc obtenir le maximum dans un tel contexte et à l’avenir, grâce à notre style de gestion active.
Merci. Vos perspectives sont donc optimistes, tant en ce qui concerne les actions que les titres de créance, et intègrent une certaine prudence en ce qui a trait à la volatilité. Je veux toutefois vous poser une autre question liée à l’histoire récente, car le confinement provoqué par la COVID-19 vous a toutes les deux attachées à vos villes, bureaux et maisons pendant quelques années, alors qu’aujourd’hui les passeports sont redevenus utilisables pour exécuter vos fonctions d’investisseuses en actions de marchés émergents et en titres de créance.
Ainsi, vous voyagez, vous êtes sur le terrain. Pouvez-vous nous décrire comment se passe le retour sur le terrain, après quelques années d’immobilisme ? Comment se déroulent les discussions de contrôle diligent, Polina, lorsque vous êtes en mission ? Je crois que votre passeport a été tamponné à plusieurs reprises au cours des 12 derniers mois. Pourriez-vous nous donner une idée de la situation ?
Merci, Julie. Vous avez tout à fait raison. Nous avons tendance à voyager beaucoup. En tant qu’équipe, nous passons environ 70 % de notre temps sur le terrain, dans les marchés émergents. Et n’oublions pas que le segment des titres à revenu fixe regroupe plus de 70 pays. Il nous offre une panoplie de destinations possibles en tant qu’investisseuses.
Aussi, nous sommes très heureuses d’avoir l’occasion de recommencer à voyager presque de la même façon qu’avant la pandémie, car en ces temps où les perspectives de croissance sont si « sombres », en l’absence d’un meilleur mot, et où l’on observe diverses tendances macroéconomiques difficiles, qu’il s’agisse de l’inflation élevée, des liquidités plus chères et des taux plus élevés de la Fed, je crois ce que le plus important est de comprendre le contexte à l’échelle nationale. Et ce contexte ne se limite pas à l’évaluation de la capacité ou incapacité des responsables politiques à livrer les résultats attendus. Il faut également bien comprendre les contraintes de chaque pays. Je sais que certains pourraient trouver mon ton désillusionné, et que ce que je suis sur le point de dire peut sembler évident, mais la vérité est que lorsque les choses sont difficiles, personne ne veut être porteur de mauvaises nouvelles.
Ce qui est important pour nous, quand nous allons sur le terrain en mission de contrôle diligent, c’est de comprendre le lien entre les décideurs politiques et, par exemple, l’administration présidentielle à un niveau plus élevé. Nous évaluons par exemple la communication entre ces deux camps, si les décideurs nationaux comprennent les enjeux et s’ils sont en mesure de bien en expliquer l’importance aux échelons supérieurs. Évidemment, nous devons aussi être en mesure d’évaluer le tout dans une perspective mondiale.
Je pense par exemple à mon dernier voyage en Chine ; le pays a les ressources et la liquidité pour soutenir les secteurs des sociétés privées et de l’immobilier, mais il a choisi de ne pas fournir ce soutien parce que cela contreviendrait à ses objectifs sur le plan des politiques. En somme, notre travail consiste à comprendre ces objectifs et à déterminer s’ils s’harmonisent ou non aux rendements des investisseurs.
Nous pensons donc qu’il est crucial de nous fonder sur la « thèse de la mosaïque » pour évaluer tous ces éléments. Laurence et moi avons fait un voyage en Turquie récemment, où nous avons à la fois examiné les actions et les titres de créance, ce qui s’est révélé très avantageux puisque nous pouvons ainsi adopter des angles différents, et combiner une vision macroéconomique et une méthode ascendante pour tenter de repérer les occasions de rendement corrigées du risque.
Je veux que nous parlions un peu plus du fait que vous avez voyagé ensemble. Je ne sais pas s’il est courant que des gestionnaires d’actifs du segment des marchés émergents misent sur la coopération des équipes spécialisées en actions et en titres de créance, mais le fait est que vous voyagez ensemble. Cela dit, Laurence, je veux savoir ce que ça fait d’être de retour sur la route et ce que vous apporte le fait d’être sur le terrain.
Mais aussi, comment se déroule le voyage quand vous voyagez avec Polina et quand vous voyagez par vous-même ? Peut-être pouvez-vous répondre à ces questions en deux temps ?
Oui, bien sûr. Je dois d’abord dire que ça a été super. Comme vous l’avez mentionné, nous n’avons pu visiter aucun de nos pays pendant presque deux ans, et il faut même compter trois années pour la Chine, car elle est demeurée inaccessible plus longtemps. Nous pouvons, bien sûr, continuer à gérer notre portefeuille et à y mettre en œuvre de nouvelles idées, mais je dirais que rien ne remplace vraiment le fait d’être sur le terrain et de rencontrer les sociétés. Ce qui est différent, c’est la vitesse à laquelle il est possible d’atteindre un certain degré de conviction avant d’ajuster les positions dans le portefeuille. Je pense que quand les rencontres en personne ne sont pas possibles et qu’on ne peut aller visiter les installations, les usines ou les magasins, il faut plus de temps pour atteindre un haut degré de conviction.
Nous avons vécu la même chose que l’équipe de Polina. Nous avons procédé à un grand rattrapage et avons visité tous nos pays au cours des 12 derniers mois. C’était vraiment génial, et cela a ajouté beaucoup de valeur pour nous. Évidemment, il est possible d’organiser de nombreuses réunions virtuelles et celles-ci ne sont pas dénuées de valeur, nous offrons d’ailleurs des cours intermédiaires auprès de membres de directions, mais je pense que rien ne remplace une rencontre en personne. Pour ce qui est de voyager avec l’équipe de Polina, l’expérience a été incroyable. Évidemment, l’approche descendante est importante pour nous, mais les particularités des sociétés et des actions sont cruciales à nos yeux, et nous avons tendance à les examiner longuement.
En voyageant avec Polina, nous avons rencontré différents types de personnes, ce qui nous a donné un point de vue complètement différent sur notre travail et nous a aidé à avoir une meilleure vue d’ensemble. Ç’a été formidable et nous aimerions organiser d’autres voyages. Nous sommes occupées, mais espérons que nos horaires seront compatibles très bientôt.
C’est vrai que cela nous a permis de prendre connaissance des points de vue différents. Nous aimons vraiment que nos opinions soient bousculées, et le fait de pouvoir parler à différents types de personnes a été génial.
Oui, merci. Et c’est bien de lire les carnets de voyage des équipes qui y relatent leurs sorties, leurs observations et leurs expériences sur le terrain. J’aimerais que nous reparlions de la Chine. Commençons par quelques-uns des sujets les plus d’actualité concernant ce pays, puis nous poursuivrons la discussion à partir de là.
Nous avons certaines inquiétudes au sujet de la Chine. Il est vrai que la croissance du PIB y est élevée, mais elle soulève assurément des questions. Nous décelons beaucoup d’inquiétudes et de problèmes à l’horizon en lien avec le secteur immobilier. Cela dit, vos deux équipes ont récemment publié des articles sur la Chine. Certains éléments nous y donnent de l’espoir, et il me semble même que l’article de l’équipe des actions s’intitulait « Une relance ralentie, mais pas interrompue ».
Il y a donc certainement des occasions d’investissement à saisir. Peut-être pourriez-vous commencer, Laurence, par nous parler de ces occasions, et nous discuterons ensuite de ce qui en est du côté des titres de créance.
Absolument. Dans mes perspectives globales pour les actions des marchés émergents, la Chine est évidemment l’un des principaux moteurs de l’amélioration des rendements. Et c’est sans conteste ce rôle qu’a joué la Chine ces dernières années. Le pays a affiché un solide rendement pendant longtemps et a contribué favorablement à la croissance du secteur. Mais depuis la COVID-19, le profil de la Chine s’est nettement assombri.
De fait, au cours des trois dernières années, nous avons constaté une détérioration de la confiance envers la Chine et les actions chinoises, et cette perte de confiance atteint en ce moment un niveau probablement jamais vu. Et cela se traduit par des investisseurs, tant étrangers que locaux, qui quittent ce segment du marché. Nous avons assisté à des sorties massives de capitaux dans les titres de cette catégorie, et certains investisseurs ont de toute évidence, décidé de s’en retirer complètement.
Parallèlement, nous avons vu émerger des stratégies de marchés émergents hors Chine. La confiance de la population en Chine est également extrêmement faible. La consommation a diminué ainsi que les ventes de biens immobiliers. Nous avons aussi constaté que les entreprises accusent le coup et hésitent à investir dans quoi que ce soit. Et les investissements étrangers se sont aussi affaiblis. L’IDE (l’« investissement direct à l’étranger ») en Chine est aussi à son plus bas niveau en 20 ans.
Les reculs s’observent donc à tous les niveaux. Et je dirais que le problème principal pourrait être le degré de confiance. La situation de la Chine n’est pas vraiment pire qu’il y a deux ou trois ans. Mais le pessimisme s’y est vraiment accentué. Les consommateurs en Chine sont de grands épargnants et leur principale inquiétude, même si cela ne se concrétise pas, est de perdre leur emploi.
Et plus ils s’inquiètent, plus ils épargnent de l’argent. De plus, nous avons vu le taux d’épargne augmenter de nouveau depuis la COVID-19 et les gens tout simplement cesser de dépenser leur argent. Les entreprises s’inquiètent aussi de la faible demande en provenance de l’Europe, qui est un partenaire important, et des changements entrepris par le gouvernement qui ont une incidence sur certaines sociétés fermées.
C’est donc l’addition de tout cela qui explique le présent ralentissement. Cela nous a surpris, car nous pensions que la reprise serait plus rapide en Chine. Maintenant, quand on y réfléchit, la plupart de ces éléments ont déjà été pris en compte. En fait, le marché est moins cher que jamais. Comme je l’ai dit, les retraits sont massifs et nous sommes très près d’atteindre un point de capitulation, ce qui nous laisse à penser que les éléments mentionnés ont déjà été pris en compte. Et comme vous l’avez dit, la reprise n’est pas annulée, elle est retardée. Le gouvernement doit restaurer la confiance. Il y a des mesures à prendre et il fait des efforts en ce sens, mais il procédera en faisant preuve d’une grande prudence. Il y a beaucoup de choses qu’ils peuvent faire, par exemple, accroître les transferts à la population.
Les transferts du gouvernement sont très faibles en Chine, comparativement à presque tous les pays, même les États-Unis. Il y a donc des moyens d’améliorer significativement la confiance dans le pays, mais nous pensons que cela prendra du temps. Nous constatons néanmoins une amélioration progressive.
La croissance économique restera élevée, à 5 %. C’est très bien. C’est un bon chiffre. Et nous devrions aussi commencer à voir la confiance des investisseurs remonter dans les prochains mois.
Et Polina vous étiez en Chine au mois d’août je crois. Avez-vous le même avis sur les données économiques plus faibles dont nous parlons, plus particulièrement dans le secteur de l’immobilier ? Je pense que vous avez examiné de très près le secteur bancaire. Quelles sont vos réflexions à ce sujet ?
Avec plaisir. Eh bien, tout d’abord, Julie, je dirais qu’en ce qui concerne les titres à revenu fixe, la Chine est un pays parmi plus de 70, ce qui signifie que sa pondération dans l’indice est très faible en réalité. Elle représente environ 5 %. Ainsi, du point de vue des titres à revenu fixe, le pays n’est pas le plus important en matière de rendement des placements. Par contre, c’est évidemment le pays pour ce qui est des perspectives de croissance et des perspectives de financement des marchés émergents. Il s’agit en outre de la deuxième économie en importance dans le monde.
Pour ce qui est de la situation actuelle en Chine aujourd’hui, pour avoir visité le pays récemment, je crois qu’il a été décidé de façon délibérée de cesser de stimuler l’économie afin de mettre l’accent sur le désendettement, sur les interventions liées au logement abordable et sur l’apport de liquidités dans le secteur de l’immobilier, et ce pari, le gouvernement le prend consciemment, aux dépens des créanciers et peut-être de celui des investisseurs en général.
Cela étant dit, je précise que nous ne pensons pas qu’il s’agit d’un risque systémique pour le secteur bancaire parce que, comme nous le savons, les banques développent les sociétés d’État et appartiennent au gouvernement, de sorte que nous n’anticipons pas la même chute de valeur et le même risque systémique que nous avons vus, par exemple, au Japon pendant la crise immobilière.
Nous pensons donc que la crise se limitera au secteur immobilier du pays, et que la croissance à venir sera plus faible. Parallèlement, je dirais que le rôle de la Chine, en tant que deuxième puissance économique en importance, ne s’est pas affaibli avec le ralentissement de la croissance. À titre d’exemple, la semaine dernière, nous avons organisé un forum avec le ministère des Affaires étrangères du Royaume-Uni, au cours duquel nous avons réuni des acteurs clés du secteur privé et d’importants émetteurs de marchés émergents, plus particulièrement des pays en voie de développement et d’Afrique, ainsi que des acteurs multilatéraux clés, afin de discuter de la façon dont nous, en tant qu’entité du secteur privé, pouvons aider l’économie des marchés émergents à progresser en fournissant du financement, de l’expertise, etc.
Ce forum a été très enthousiasmant. Et je souhaite souligner que les émetteurs que nous avons invités des pays africains (et d’autres marchés frontières) ont, presque à l’unanimité, affirmé de façon très claire que la Chine est un acteur clé dans leur pays et qu’elle est là pour rester, car elle leur a fourni un soutien constant et qu’elle continue de le faire.
Ce qui change, c’est la façon dont le soutien est fourni. Par exemple, l’effet de levier sera délaissé au profit de zones de libre-échange d’intérêt commercial qui permettent de compenser le soutien et l’infrastructure que la Chine fournit à ces pays. Nous sommes donc convaincus que la Chine continuera de soutenir les pays de marchés émergents à l’échelle mondiale, mais qu’elle tentera de s’éloigner un peu du modèle des engagements financés par emprunt pour y préférer des engagements présentant un intérêt commercial pour les deux parties, ce qui nous semble assez prometteur.
Vous avez donc parlé d’une contagion plus ou moins élevée et des effets à l’intérieur de la Chine et à l’extérieur de celle-ci, mais attardons-nous sur le risque de contagion. Un élément qui me semble avoir une incidence assez importante sur les titres de créance, peut-être encore plus que sur les actions, est la situation de l’Ukraine et de la Russie. J’aimerais que vous nous en parliez en premier, Polina. Où en sommes-nous avec la guerre et son incidence sur les investisseurs ? Quelles sont vos prédictions à cet égard ?
Eh bien, comme vous le savez, il est malheureusement encore plus difficile de prédire la fin de la guerre que d’en prédire le début. Mais nous essayons tout de même, et nos prédictions se sont avérées plutôt justes à ce jour. Pour ce qui est de la fin de la guerre, notre stratégie prévoit toujours que la fin de la guerre devancera le marché. Le conflit pourrait même se régler dès la fin de cette année ou au début de l’année prochaine.
Toutefois, si cette prédiction se révèle erronée, il sera nécessaire, dans une certaine mesure, d’attendre les élections américaines de l’année prochaine pour en mesurer l’incidence sur la guerre russo-ukrainienne. Cela dit, en tant que personne à moitié iranienne et à moitié ukrainienne née en Russie, ce problème en est un qui me touche particulièrement, et j’aimerais qu’il soit résolu très bientôt.
Du point de vue des investisseurs, je crois que trois effets « positifs » de la guerre pourront être observés. Premièrement, nous pourrions observer une normalisation des prix du blé, surtout celui en provenance de l’Ukraine, ce qui pourrait aider beaucoup de pays. Deuxièmement, nous pourrions assister à une légère normalisation des prix des produits de base globaux, bien que nous n’anticipions pas un changement marqué des prix du pétrole.
Troisièmement, les actifs ukrainiens seront les plus profitables du point de vue des investisseurs, car ils bénéficient d’une restructuration assez rapide. Nous constatons ainsi l’effet des efforts de reconstruction dont nous avons discuté pendant la majeure partie de l’année dernière. Et à mon avis, il s’agit là d’une réelle occasion de placement. À l’échelle mondiale, aucune mesure importante ne soutient la fin de la guerre, principalement parce que les sanctions ne seront pas levées en l’absence d’un accord de paix.
Et je crois que l’état actuel des choses deviendra notre scénario de base après la fin de la guerre.
Intéressant. Et en ce qui concerne les actifs russes et ukrainiens, même s’ils ne font pas partie de votre univers de placement, Laurence, compte tenu des répercussions qui y sont associées et de ce qui vient d’être dit, y a-t-il des éléments que vous gardez à l’œil ?
En ce qui concerne les actions, vous savez, la Russie a été l’un des plus grands pays d’actions de marchés émergents pendant de nombreuses années, mais son influence avait fortement faibli ces dernières années, même avant le début de la guerre. De fait, la Russie et les autres pays d’Europe de l’Est représentaient une infime partie de notre référence. La Russie est maintenant exclue et comme l’a mentionné Polina, je ne m’attends pas à ce que les sanctions visant les investissements soient levées avant de très nombreuses années.
Et bien sûr, un changement de leadership sera nécessaire avant que cela ne se produise. Sinon, nous avons une exposition minuscule à certains pays d’Europe de l’Est. Mais pour nous, le plus important est l’Asie. Évidemment, l’impact, l’influence ou les conséquences d’un revirement de situation dans le conflit Russie/Ukraine seraient très favorables sur la confiance globalement, mais cela ne serait pas nécessairement déterminant pour notre succès.
Oui, merci. Merci. Maintenant que nous avons traité des sujets d’actualité, parlons des perspectives plus réjouissantes. Peut-être que certains éléments dont nous n’aurions pas encore parlé vous emballent particulièrement ? Commençons par les actions. Laurence, où décelez-vous des occasions de croissance ? Quel endroit emballe le plus l’équipe pour les occasions de placement à venir ?
À l’heure actuelle, nous sommes très emballés par une grande majorité de nos pays. Et s’il est vrai que la situation a été catastrophique en Chine, comme nous l’avons mentionné, elle nous semble être très près du point de capitulation. Comme le potentiel d’un rebond est donc assez élevé, nous sommes très satisfaits d’en détenir quelques placements. Aussi, plusieurs des pays que Polina a mentionnés plus tôt commencent à réduire les taux d’intérêt, mais nous continuerons probablement d’évoluer dans un contexte de taux relativement élevés.
Cela sera bénéfique pour beaucoup de nos pays, comparativement aux marchés développés. Cela dit, deux autres pays actuellement très attrayants sont Taïwan et la Corée. Ils profitent vraiment de la reprise du marché de l’électronique grand public et de la croissance de l’IA, deux domaines dans lesquels nous avons une très forte présence.
En ce qui concerne l’Amérique latine, beaucoup de réformes ont eu lieu au cours des dernières années dans les pays où nous investissons dans les actions, un segment du marché qui diffère, rappelons-le, de celui des titres de créance. Le changement a été remarquable. Beaucoup de gouvernements populistes avaient émergé, mais nous avons récemment vu un retour vers des politiques plus favorables aux entreprises ou même des changements de gouvernement. Les répercussions ont été très positives, et le Mexique est sans conteste un pays d’Amérique latine où les perspectives nous semblent très favorables.
Les IDE dans le pays ont atteint un sommet inégalé depuis très, très longtemps. Ils profitent vraiment du processus de délocalisation à proximité. C’est un pays qui nous enthousiasme au plus haut point. Et finalement, l’Asie du Sud-Est se retrouve aussi dans la même situation en raison des politiques de diversification hors Chine. Des pays comme le Vietnam et l’Indonésie bénéficieront aussi de cette situation.
Ainsi, beaucoup de secteurs sont très intéressants dans notre marché et présentent, comme je l’ai mentionné plus tôt, de bonnes valorisations en ce moment. Le potentiel de hausse est donc plutôt substantiel.
Oui. Merci, Laurence. C’est la première fois que nous parlons de l’Amérique latine dans le cadre du présent appel. Polina, je crois que tu viens de revenir du Chili, du Pérou et de l’Argentine. Tous les pays ne font pas preuve du même degré de prudence en ce qui concerne l’argent et les habitudes de dépenses. Toutes les régions ne sont donc pas égales. Mais pourriez-vous nous dire quelles régions vous emballent et vous inquiètent le plus, peut-être en commençant par l’Amérique latine, si vous le voulez bien ?
Avec plaisir. Merci, Julie. Notre thèse des deux dernières années a été simple. Il s’agissait de nous concentrer sur les pays qui sont centrés sur les marchandises, car nous étions fermement convaincus que les prix des produits de base resteraient élevés en général, et ces pays constatent actuellement une amélioration de leurs déficits du compte courant ou de leurs excédents en raison de la hausse des prix des produits de base.
Ces facteurs seront favorables pour les gouvernements des pays où des politiques monétaires plus strictes ont été adoptées. Il serait aussi avisé d’établir une stratégie haltère entre les pays qui n’ont pas besoin de l’argent, car les investisseurs adorent prêter à ceux-ci, mais en tenant aussi compte des pays qui ont déjà fait défaut et dont la dette n’est pas très élevée.
En d’autres termes, une stratégie haltère crée une asymétrie très intéressante pour les rendements. Aussi, je vous recommanderais de faire preuve de prudence avec les marchés frontières cotés B. Cela dit, notre structure de portefeuille a bien fonctionné ces dernières années, et nous apprécions toujours les pays d’Amérique latine. Vous savez, le Mexique compte parmi les pays où nous investissons le plus.
Nous aimons aussi la Colombie. Et nous voyons plusieurs pays à nouveau dans le camp des titres de meilleure qualité. Ils bénéficient des prix des produits de base, et ils ont été pénalisés dans leurs écarts en raison des gouvernements difficiles ou de l’émission. Ce sont des facteurs techniques dont nous sommes heureux de profiter pour nos investissements. Aussi, un portrait semblable peut être brossé, dans une large mesure, pour les pays du Moyen-Orient dans lesquels nous investissons à nouveau. Cette région est celle qui a le plus bénéficié des prix des produits de base élevés, et où des réformes sont à l’œuvre dans un certain nombre de pays. À titre d’exemple, Oman compte parmi l’une de nos expositions préférées.
C’est dans cette région que les progrès en matière de réforme ont été vraiment impressionnants, même si les produits de base sont restés élevés. Ensemble, ces pays forment la majeure partie de notre marge de sécurité. En revanche, nous avons encore une certaine exposition à des pays qui se sont retrouvés en défaut, même si nous en avons réduit la pondération récemment.
Cet état de fait s’observe dans une moindre mesure dans des pays d’Amérique latine comme l’Argentine, où encore une fois nous avons tiré la majeure partie des bénéfices sur nos titres, avant les élections. Nous pensons toujours que les défis sont importants, mais n’oublions pas que les titres de ces pays se négocient à 0,25 $, 0,35 $ par dollar. Ils sont de retour à leur valeur nominale. Et pour revenir à ma remarque de départ sur la symétrie, cette situation est la seule où la symétrie a le potentiel de changer la donne en faveur des investisseurs en titres à revenu fixe.
Et comme les marchés frontières se restructurent et que nous sommes d’avis que ce processus sera terminé pour la plupart d’entre eux au cours des prochains mois, nous commençons à trouver ce segment un peu plus attrayant. Il s’agit une fois de plus d’un contexte similaire à ce que je viens de décrire plus tôt. Mais comme la gestion du risque est la clé, notre exposition dans ce segment ne représente qu’une fraction de nos placements dans des titres de meilleure qualité.
Oui, et je soupçonne qu’il y a une bonne complémentarité entre certains des placements sectoriels sur lesquels vous misez, du point de vue des titres de créance par rapport aux actions. C’est donc bien d’entendre diverses réflexions, de les comparer et de les différencier. Maintenant, il se passe beaucoup de choses partout dans le monde, donc examinons les secteurs en commençant par le plus évident. L’IA va manifestement stimuler l’une des prochaines grandes vagues de croissance de la productivité et des salaires, mais il y a beaucoup de battage pour les deux plateformes en ce moment.
Dans quelle mesure le fait d’être un facilitateur ou un distributeur de l’IA compte-t-il ? Dans quelle mesure cette différence est-elle prise en compte pour les occasions de placement d’un investisseur ? Laurence, l’équipe a publié un document de réflexion très solide qui résume l’évolution de l’IA et de ses fonctionnalités du point de vue des investisseurs en bourse. Je vais donc commencer par vous.
Pouvez-vous nous expliquer où vous vous situez par rapport à ces questions ?
Vous avez raison. Je pense que nous avons beaucoup entendu parler des États-Unis et de certaines des grandes entreprises du secteur de l’IA, mais en fait, c’est aussi un thème très intéressant dans les marchés émergents et nous nous y intéressons depuis les deux dernières années. Nous avons aussi étudié un article il y a quelques années sur l’infrastructure technologique parce que nous avons senti, comme vous l’avez mentionné, qu’il est d’abord nécessaire de construire l’infrastructure pour l’IA avant de pouvoir la monétiser.
Dans le segment de l’infrastructure technologique, nous comptons parmi les plus grands fournisseurs de titres des marchés émergents, plus particulièrement de l’Asie, de la Corée et de Taïwan, pays où se trouvent de grands joueurs qui profitent vraiment de cette tendance. D’un autre côté, quelques-uns des géants d’Internet en Chine cherchent aussi des moyens de monétiser cette technologie et investissent pour ce faire depuis longtemps.
C’est leur priorité. Il n’est pas toujours facile de comprendre si la monétisation attendue se concrétisera, mais ils déploient assurément beaucoup d’efforts et de fonds à cette fin. Il y a donc réellement deux façons d’investir dans les marchés émergents : l’infrastructure technologique et les géants d’Internet qui vont la monétiser. C’est donc un thème très emballant que nous retrouvons aussi dans notre marché.
Et ce qu’il faut absolument souligner, c’est que lorsque l’on compare les valorisations des marchés émergents, il est possible d’obtenir une même exposition pour une fraction de ce que vous obtiendriez en actions américaines. Les titres de ce segment s’en sont très bien sortis et leurs valorisations sont beaucoup, beaucoup plus élevées.
De votre côté, Polina, allez-vous monétiser ce thème à des fins de vente ou prendra-t-il d’autres formes ?
En général, comme vous l’avez précisé tout à l’heure, la beauté de nos univers est qu’ils sont très complémentaires. D’une certaine façon, nous utilisons les titres à revenu fixe pour financer des dépenses en immobilisation pluriannuelles à long terme pour des pays ou des sociétés qui génèrent des liquidités en dollars et qui dépendent de ces flux de trésorerie pour continuer à générer des flux de trésorerie. Par conséquent, dans notre univers, j’estime que le secteur de l’IA est représenté dans la région de l’Asie, mais je dirais que ce thème est beaucoup moins important d’un point de vue du crédit, parce que les titres de ces entreprises ont tendance à se négocier à des écarts particulièrement resserrés. Et encore une fois, je précise que ces entreprises qui ont vraiment besoin de l’argent deviennent souvent des vaches à lait financières. En ce sens, nos univers sont complémentaires. Cela étant dit, l’incidence secondaire de l’IA dans nos entreprises se traduit par une réduction des coûts, et nous constatons qu’elle facilite peut-être une certaine délocalisation à proximité.
Et je pense qu’un point qui demeure très important est la réglementation. Jusqu’à un certain point, nous pourrions assister à de grandes améliorations dans le thème de l’IA. Mais la réglementation a une forte incidence sur la capacité des investisseurs à tirer profit de ces thèmes. Donc à mon sens, en termes simples, je dirais que l’univers des titres à revenu fixe repose encore principalement sur le travail physique.
Toutefois, certains de ces thèmes se manifestent, principalement dans l’amélioration de l’efficacité des entreprises que nous surveillons.
En effet. La question du travail physique souligne fortement à quel point nos économies de pays développés diffèrent de celles des marchés émergents, encore aujourd’hui. Nous nous attendons à une forte croissance, mais nous n’en sommes pas encore là. Aussi, nous parlons de la complémentarité des univers des titres de créance et des actions, mais nous devrions aussi nous intéresser à l’investisseur des marchés développés qui n’a peut-être pas investi dans les marchés émergents ou qui ne l’a pas fait depuis longtemps. Quelle est la plus-value de notre présence dans les marchés émergents comparativement à notre présence dans les marchés développés ? Réfléchissons à cette question.
Laurence, quels sont, selon vous, les réels avantages d’une présence dans les marchés émergents en ce qui concerne les actions ? Nous passerons ensuite la parole à Polina.
En fait, les rendements sont moroses depuis longtemps. Quoiqu’en termes absolus, ils n’ont pas été si mauvais. Mais les marchés développés ont été si forts, principalement en raison du dollar, que les gens voient les marchés émergents comme une catégorie d’actifs constamment à la traîne.
Et je pense que les gens ont perdu de vue le fait que les marchés émergents donnent un réel accès à des pays à forte croissance présentant un très faible niveau de développement. On y retrouve d’excellentes sociétés, et certaines d’entre elles peuvent générer un niveau de croissance durable et de solides rendements boursiers. Il faut généralement être assez sélectif dans les marchés émergents, mais il demeure possible d’y obtenir ce type de rendements.
Et vous savez, les thèmes de croissance abondent dans les marchés émergents, y compris en ce qui concerne les taux de pénétration des services bancaires dans les bons pays. De fait, moins de la moitié de la population détient un compte bancaire dans beaucoup de pays des marchés émergents. C’est le cas du Mexique. Il s’agit de l’un de ces pays. On y observe une croissance de la consommation, des investissements massifs dans les infrastructures vertes, dans les soins de santé et dans la technologie. Le potentiel de croissance est énorme dans ces pays.
C’est à ce potentiel de croissance que vous avez accès par l’intermédiaire des marchés émergents. Celui-ci a fait piètre figure au cours de la dernière décennie, mais nous croyons qu’il reprend de la vigueur en ce moment grâce aux réformes et à l’amélioration des conditions, notamment et plus particulièrement en raison de la hausse des prix des produits de base, comme l’a mentionné Polina. Et si l’on ajoute à l’équation une baisse future du dollar américain, le contexte sera très différent et beaucoup plus positif pour la catégorie de titres.
Effectivement, une future baisse du dollar américain serait bénéfique, entre autres, pour les marchés émergents. Mais nous sommes des investisseurs canadiens en obligations ici, Polina. Et le marché obligataire est très dynamique. C’est du sarcasme. Rappelez-nous ce que nous apporte l’élargissement de notre gamme d’occasions à saisir dans le secteur des titres de créance des marchés émergents. Que pouvons-nous en tirer, en tant qu’investisseur, de complémentaire à ce que nous avons ici ?
Bien sûr. Eh bien, tout d’abord, même si cela peut sembler cliché, je crois qu’il importe de le préciser dans le contexte actuel du marché : vous obtenez une diversification dans plus de 70 cycles économiques. Et comme nous l’avons souligné au début de la présente discussion, les marchés émergents n’ont pas tous évolué de façon synchronisée avec les marchés développés, et nous avons vu une grande différence dans les rendements qui est attribuable au positionnement de ces pays par rapport aux cycles économiques. Non seulement une diversification des cycles économiques est possible, comme nous venons de le mentionner, mais vous pouvez en outre choisir le niveau d’exposition que vous souhaitez obtenir dans les titres à revenu fixe des marchés émergents.
En ce qui concerne les devises, il existe deux sous-catégories de titres qui sont uniquement composées de placements libellés en dollars américains et qui sont chacune plus grandes que les marchés à rendement élevé américains. Vous ne courez donc aucun risque de change. Vous pouvez aussi choisir d’investir dans un univers regroupant 17 à 18 billions de dollars de titres de créance en monnaie locale à des taux qui, dans certains pays, ont été les plus élevés des 20 dernières années.
En d’autres termes, vous pouvez profiter d’un écart de rendement supérieur à 10 % auprès de ce type d’entités qui soutiennent le rendement futur des devises. Les marchés émergents vous offrent de nombreuses options. Et je n’ai pas mentionné l’avantage le plus évident. Vous pouvez choisir d’investir dans les titres de créance des sociétés d’État ou des sociétés, ou dans les deux. À cet égard, je dirais que les émetteurs souverains sont un peu plus avancés dans le cycle que les entreprises mondiales.
Ainsi, selon votre tolérance au risque, vous pouvez atteindre des sommets dans l’ensemble des catégories. Mais en fin de compte, vous obtenez néanmoins des titres à revenu fixe assortis d’une volatilité caractéristique de ces types de titres. En ce qui concerne la volatilité des marchés émergents, celle des titres à revenu fixe est comparable à celle observée dans les marchés développés. Toutefois, les écarts de rendement et de taux y sont plus prononcés. Pour chaque société de marché émergent, une société d’État présentera un écart et un rendement en revenu plus élevé par rapport aux taux comparables des sociétés dans les marchés développés.
Enfin, je tiens à souligner que lorsque nous réfléchissons à l’écart de croissance, nous envisageons toujours les marchés émergents comme des pays dont la croissance est plus rapide que celle des pays développés. Mais je pense qu’un autre angle est très intéressant de nos jours, et c’est celui de la géopolitique. Et cet aspect n’est pas nécessairement négatif ou associé à un risque, car s’il est vrai que la Chine suit actuellement sa propre voie et que les relations entre les États-Unis et le pays se détériorent dans une certaine mesure, les États-Unis ont besoin tout de même besoin du plus grand nombre d’alliés possible, et les marchés émergents deviennent ces alliés.
De plus, nous assistons à une révision des ententes commerciales. En ce sens, l’Inde, pays hôte du sommet du G20, est un bon exemple. L’effet de levier dont a pu profiter l’Inde grâce au sommet est sans précédent. Et dans un contexte de coût élevé du capital, cela se traduit par une concurrence accrue pour fournir du capital aux marchés émergents, qu’il s’agisse des États-Unis ou même de la Banque Mondiale. On voit ainsi les nouveaux dirigeants étendre substantiellement la portée de leur programme pour fournir de nouvelles ressources de financement destinées aux marchés émergents, et la Chine, pays qui fournit habituellement le financement sur une base bilatérale, continue de faire des offres, mais a revu ses façons de faire des affaires.
En fin de compte, nous pensons que plus de choix de placements bénéficieront du contexte actuel, que ce soit au niveau des pays que des entreprises, en raison de la faible croissance à l’échelle mondiale qui est plutôt difficile.
Le défi pour ceux qui nous écoutent aujourd’hui est d’évaluer leur portefeuille pour voir s’ils s’y trouvent des obligations canadiennes représentant une exposition à 70, voire plus de 70, différents marchés obligataires, monnaies fortes et monnaies locales. Est-ce plus diversifié que dans le volet des actions ? Si vous avez un portefeuille centré sur les marchés développés et que vous y ajoutez des placements en actions de marchés émergents et des pays complémentaires, obtenez-vous une meilleure diversification qu’avec ce que vous détenez actuellement ?
C’est la question à laquelle vous devez réfléchir. Mais je veux aussi finir par quelques mises en garde et demander à chacune d’entre vous de nous parler de vos possibles préoccupations et obstacles ou de certains éléments que vous surveilliez étroitement. Nous passerons ensuite à la période de questions. Laurence, aimerais-tu commencer ?
Oui. Je crois que nous avons fait valoir de solides arguments pour le court ou le moyen terme, et je pense qu’il y a un décalage entre les valorisations et les données fondamentales dans de nombreux pays de marchés émergents. Nous avons beaucoup de très bonnes histoires de réussite dans nos pays. Mais je dois dire qu’à long terme, la Chine demeure le pays qui soulève le plus d’interrogations.
Et comme je l’ai dit, j’ai l’impression que nous pouvons compter sur une reprise. Je pense que Polina l’a aussi mentionné. Le gouvernement me semble prêt. Ils peuvent assurément passer à travers cette période, mais peut-être moins en dicter la vitesse ou les étapes. Mais à l’avenir, à plus long terme, la Chine sera évidemment confrontée à certains défis.
Et je dirais que des questions subsistent sur la capacité des dirigeants à vraiment traverser cette transition. Le PIB de la Chine a connu une croissance incroyable pendant 20 ans, passant de sa condition de pays très pauvre à celle d’un pays devant accroître son niveau de développement. Et pour passer au niveau suivant, car le pays a l’ambition de devenir un pays riche, beaucoup plus de réformes devront être adoptées.
Je l’ai mentionné plus tôt, mais il est primordial de stimuler la consommation. Il faut en outre stimuler l’innovation, continuer de progresser dans la chaîne de valeur de la fabrication de produits, etc. Et en ce moment, je dirais que nous ne savons pas si de telles avancées se produiront ou non. Le pouvoir est plus concentré qu’auparavant.
Certaines personnes conservent une opinion relativement positive parce que les choses pourraient évoluer plus rapidement du côté des réformes, mais de tels mouvements viennent parfois avec leur lot de défis et de décisions qui font vraiment mal à l’échelle nationale et autres pays qui y sont associés. Nous l’avons constaté dans des pays comme la Russie et la Turquie. Donc je dirais qu’il s’agira de l’un des principaux défis.
Mais nous ne pensons pas que ce sera vraiment crucial dans les prochaines années. Plus dans cinq ou dix ans. Il sera intéressant de voir comment la Chine évolue et ce sera important pour nous, bien sûr.
Oui. Et Polina, quels emprunteurs éprouveront des difficultés selon vos perspectives ?
Pour nous, le contexte est très difficile parce qu’en plus de 20 ans, nous n’avions jamais vu une telle combinaison de croissance faible et de hausse de l’inflation mondiale. Il faut remonter au milieu des années 1980 pour retrouver un contexte comparable. On pourrait toutefois souligner que les marchés émergents ont beaucoup plus d’outils pour faire face à une telle situation, parce que les problèmes nationaux dominent, comme nous l’avons mentionné, la catégorie des titres à revenu fixe, ce qui est formidable parce que cela signifie que les pays de marchés émergents sont moins vulnérables qu’au milieu des années 1980, où la plupart des emprunts se faisaient en dollars.
Mais cela ne veut pas dire que ces pays sont protégés. Et je pense notamment qu’il y a un prix très élevé à payer pour accéder à des dollars ou même à des liquidités nationales. Et pour faire un clin d’œil à la déclaration de Mario Draghi, il ne semble pas possible de tout faire pour répondre à l’ensemble des préoccupations des investisseurs en même temps. À ce stade, je pense que les investisseurs n’ont que très peu de patience pour attendre que des réformes soient mises en place.
Les émetteurs qui pensent que les investisseurs considéreraient comme un bon signe le simple fait de nommer un gouverneur de la banque centrale comme candidat favorable au marché ou un nouveau ministre des Finances font erreur ; ce n’est pas suffisant. Les répercussions doivent être concrètes. Et jusqu’à présent, le plus grand problème, à mon avis, est que les émetteurs de certains des plus grands pays qui se trouvent encore dans les marchés frontières n’ont pas assez tenu compte de ce qui doit être remis aux investisseurs dans un très court laps de temps pour que ceux-ci gardent confiance dans leur compétence et dans les investissements qu’ils ont faits.
Je suppose que vous avez beaucoup de travail à faire pour continuer à leur exposer cela.
Absolument. Par conséquent, le forum dont j’ai parlé a été le premier de cette ampleur parce que je pense qu’il était nécessaire.
J’espère qu’il y en aura d’autres. C’est fascinant. Vous avez réussi à réunir tous ces gens dans une pièce et à organiser ça. Très bien. Merci. Je vais donc passer la parole à nos autres hôtes de l’événement : la CFA Calgary Society. Julian, voulez-vous lancer la période de questions et réponses ? Je vous cède la parole.
Oui Julie. Merci à tous pour la discussion très instructive jusqu’à présent. J’aimerais que nous passions à la FAQ. Nous avons une boîte contenant des questions. Elle en contient déjà plusieurs. Si vous en avez d’autres, mettez-les dedans. Voici la première. Quel est le principal risque pour le rendement des ME ou des MD dans vos perspectives à moyen terme ?
Je peux commencer par les ME. En ce qui concerne les marchés émergents, il est clair que l’un des grands problèmes a été la géopolitique. La relation entre les États-Unis et la Chine nous a touchés durement. De fait, la Chine représente encore plus de 30 % de la catégorie de titres. Ainsi, lorsque les actions chinoises chutent de 5 % comme cette année,
la situation devient délicate pour les placements en actions de marchés émergents, en raison de nos résultats dans un tel contexte. Et une grande partie de cela, comme je l’ai mentionné, est attribuable à la reprise qui s’est manifestée plus tard, mais je crois aussi que c’est en grande partie dû aux investisseurs qui se sont départis d’actifs du pays, principalement en raison d’enjeux géopolitiques et d’une crainte que la Chine se retrouve isolée.
Il est possible d’en brosser un portrait peu reluisant. Et je pense qu’il s’agit vraiment d’un des risques. Cela dit, j’ai l’impression que nous nous retrouvons dans une situation où tout le monde perd. L’intérêt des deux pays est d’essayer de travailler ensemble. À titre d’exemple, la Chine et les États-Unis ont exprimé leur désaccord pendant très longtemps sur de nombreux sujets, mais plusieurs gouvernements des deux côtés ont accepté ces désaccords, en quelque sorte, pour pouvoir travailler ensemble.
Cela a été plus difficile récemment, et j’espère qu’ils trouveront une sorte de terrain d’entente profitable pour les deux pays. Mais je dirais que c’est l’un des risques que nous constatons. Un autre risque est celui que pose le dollar US dont tout le monde attendait les moindres signes d’affaiblissement : le recul s’est avéré temporaire.
Donc, si le dollar reste très fort pendant une plus longue période, cela aura assurément des répercussions sur les actions de marchés émergents.
En ce qui concerne les marchés développés, Julian, ma plus grande préoccupation est l’absence d’urgence. Nous nous retrouvons avec divers groupes de prêteurs observant les marchés émergents qu’ils doivent continuer à financer et à aider pour stimuler leur croissance. L’architecture financière d’aujourd’hui est beaucoup plus complexe que celle du milieu des années 1980, lorsque les grandes crises des marchés émergents ont entraîné la création de la catégorie des titres à revenu fixe des marchés émergents.
Nous nous retrouvons avec des acteurs multilatéraux, des créanciers privés et des créanciers bilatéraux comme la Chine et l’Inde. Et c’est le moment où tout le monde doit se rassembler pour coordonner la réponse politique. Alors que jusqu’à tout récemment, nous constations que les pays adoptent leurs propres politiques qui l’emportent bien souvent. Et à mon sens, si personne ne ressent l’urgence, il se peut que toute la catégorie de titres perde de la valeur au cours des années à venir.
Et je ne parle pas de la crise de 2008-2010. Je ne parle que du temps que prendront certains de ces pays pour traverser les conditions très difficiles que nous connaissons tous aujourd’hui. D’où le sentiment d’urgence élevée que nous avons. Nous avons presque l’impression de devoir, en tant qu’investisseurs, faire revivre ce que l’on appelait autrefois le London Club et le Paris Club, c’est-à-dire de redevenir des prêteurs officiels pour offrir une réponse et une assistance coordonnées aux marchés émergents.
Et quels sont certains des facteurs techniques en jeu qui pourraient ou non soutenir les marchés émergents (offre/demande, liquidité, nouvelles émissions, etc.) ?
En ce qui concerne les actions, je pense que l’un des principaux facteurs serait l’augmentation de la demande. Les placements dans les actions des marchés émergents sont probablement au plus bas niveau que nous ayons observé depuis très longtemps, soit depuis le début de la catégorie de titres. Nous avons observé une forte baisse au cours des deux dernières années.
Cela signifie que lorsque la confiance s’améliorera et que les investisseurs décideront de revenir vers cette catégorie de titres, une forte quantité de liquidités reviendra dans ces marchés. Je dirais donc qu’il s’agit de l’un des principaux facteurs. Cela dit, en ce qui concerne la reprise, le positionnement est très, très bas.
La situation est très semblable du côté du crédit, où nous avons constaté un des taux de placement les plus faibles dans les titres à revenu fixe au cours des dix dernières années, je dirais, et plus particulièrement dans les titres de créance en monnaie locale. Je dirais que la sous-pondération de ce segment a été presque écrasante, ce qui signifie, si nous sommes optimistes, que cette catégorie de titres pourrait continuer de dégager un rendement supérieur, comme elle l’a fait au cours des deux dernières années, parallèlement à toutes les autres catégories de titres à revenu fixe des marchés émergents.
Et aussi, soulignons que les émissions ont chuté de façon spectaculaire, et nous en sommes au mieux à 40 % des émissions que nous avions eues avant la pandémie. Des tendances techniques très favorables émergent donc de tout cela. Mais il faut qu’un changement se produise.
C’est logique. Reste le problème épineux de la monnaie. Quelles sont vos perspectives pour la monnaie forte et la monnaie locale et qu’est-ce qui les justifie ?
Tout d’abord, si on me demandait quel type de monnaie offrira des rendements supérieurs, soit les titres de créance en monnaie locale ou en monnaie forte, je miserais sur les titres de créance en monnaie locale. Et pourtant, si on me demandait lesquels seront les plus volatils, je répondrais aussi qu’il s’agit des titres de créance en monnaie locale. La raison pour laquelle j’estime qu’ils produiront un rendement supérieur est qu’ils présentent un écart de rendement supérieur à 10 % que nous n’avons pas eu depuis longtemps, et cela change fondamentalement la façon dont les investisseurs utilisent les marchés émergents.
À l’époque où les taux mexicains avoisinaient le zéro, et regardez les écrans si vous vous dites que le risque ne va pas très bien, la première stratégie des investisseurs était d’acheter des dollars mexicains. En d’autres termes, cela témoigne d’une vision négative du peso mexicain. Mais ce n’est pas une option quand vous devez payer des taux à deux chiffres pour vendre cette monnaie à découvert.
Et donc je pense que les données techniques sont très différentes pour cette catégorie de titres. Cela dit, vous savez, il s’agit d’un effet d’impulsion. Pour obtenir un effet d’attraction, nous devons continuer à voir des améliorations dans la dynamique du compte courant. Je pense que nous devons continuer de voir une amélioration continue en matière de politiques monétaires strictes, et que la croissance doit aussi être au rendez-vous.
Voilà. Ce sont les facteurs qui soutiendraient des résultats positifs du côté des devises ou simplement un rendement neutre.
Rapidement, j’ajouterais que pour ce qui est des pays dans lesquels nous investissons en actions, la plupart des devises semblent vraiment sous-évaluées en ce moment, et le dollar semble très surévalué. Et comme l’a mentionné Polina, il faut considérer qu’elles sont moins coûteuses qu’avant, car la plupart de ces pays ont vraiment amélioré leurs fondamentaux, principalement les déficits du compte courant dans le cas des pays qui n’ont pas accumulé des surplus.
Il y a donc de bonnes raisons d’apprécier les devises à l’avenir. Mais là encore, tout dépend de l’autre côté, c’est-à-dire du dollar US. Il devra s’affaiblir pour que nous puissions réellement voir une appréciation de ces monnaies. Parce que, encore une fois, à l’échelle des pays, nous constatons que la majorité, pas tous, mais la majorité d’entre eux travaillent dur pour améliorer les fondamentaux de façon notable.
J’ai quelques questions encore. La première concerne la répartition dans le fonds. Vous commencez par choisir les pays et les secteurs, ou préférez-vous suivre un processus ascendant plutôt que de vous concentrer uniquement sur les entreprises ?
C’est peut-être une question plus pertinente pour moi. En fait, c’est un peu des deux. Je dirais que ce qui prime, ce sont les entreprises. Nous sommes des sélectionneurs de titres, donc nous cherchons à repérer les sociétés vraiment solides ; pas nécessairement celles dont la croissance est la plus élevée, mais celles qui sont vraiment durables, très rentables, qui ont une excellente équipe de direction et qui oeuvrent dans un secteur où les barrières à l’entrée sont élevées, de sorte qu’elles peuvent générer des rendements élevés à long terme.
Nous ciblons aussi les entreprises qui tireront profit des facteurs favorables à la croissance à long terme, et j’en ai mentionné quelques-uns, comme les hausses du taux de pénétration des banques, de la consommation, des infrastructures vertes, etc. Cela dit, comme il s’agit des marchés émergents, le pays concerné a aussi de l’importance. Donc, si l’on tient aussi compte du point de vue descendant dans notre analyse, nous préférons évidemment investir dans des pays qui s’améliorent, qui sont forts, qui mettent des réformes en place, dont les institutions sont solides et qui présentent de bonnes perspectives en matière de croissance économique.
Il s’agit donc d’une combinaison d’analyses descendantes et ascendantes.
Et en ce qui nous concerne, je donnerais une réponse très similaire à celle de Laurence. Nous sommes des sélectionneurs de titres axés sur la recherche ascendante, car en fin de compte, à quoi se résument les approches ascendantes et descendantes lorsque vous investissez dans un pays des ME ? Par exemple, nous nous concentrons toujours sur le fait que l’ensemble de nos contrôles diligents sur le terrain forme réellement le socle de notre vision fondamentale basée sur la « thèse de la mosaïque », et cela sous-tend notre processus de contrôle diligent ascendant.
Cela dit, nous devons évidemment prendre en compte des facteurs descendants, que ce soit la Fed, le dollar US, la croissance à l’échelle mondiale et toutes les autres variables qui ont une incidence.
En ce qui concerne les facteurs descendants, nous avons eu une question sur les données démographiques. Est-ce que ces données ont une incidence sur votre thèse de placement ? Les participants ont signalé que les données démographiques de la Chine semblent défavorables pour le futur.
Oui, je sais que c’est une question qui revient souvent dans les discussions sur la Chine. Mais je dirais que ce n’est pas notre principale préoccupation. Évidemment, cela a des répercussions. Il s’agit d’un pays qui a généré une croissance assez forte pendant un certain temps sans nécessairement voir un énorme accroissement de sa population. Je pense que la croissance de la Chine reprendra si elle est bien gérée par le gouvernement, et qu’elle proviendra de la croissance de la consommation intérieure.
Comme je l’ai dit, cette consommation se trouve à un niveau assez bas, et la valeur de l’épargne accumulée est très élevée. La recirculation de cet argent dans l’économie pourrait créer un très important boom de consommation de 20 à 30 dans le pays. Je ne dirais donc pas que ce n’est pas important, mais tant que le gouvernement tiendra compte de ce nouveau contexte, tout en se concentrant sur la croissance à d’autres niveaux, je pense que la situation demeurera tout à fait gérable pour la Chine.
Et du côté des titres à revenu fixe, j’ajouterais que les données démographiques créent structurellement le chemin de la croissance, mais qu’elles n’indiquent pas si les coupons seront payés ou non. C’est donc un élément dont nous tenons compte, mais les données démographiques ne font pas partie des principaux arguments ou des facteurs qui influencent notre prise de décision.
Très bien. Merci pour ces réponses. C’est tout le temps que nous avions pour les questions aujourd’hui. Merci aux participants qui ont posé des questions. Je vais maintenant céder la parole à Amar pour le mot de la fin.
Merci. Et merci, Laurence et Polina, pour cette discussion instructive. Nous avons abordé de nombreux sujets intéressants, et je vous remercie, Julie, vous aussi, d’avoir modéré la discussion.
Après avoir écouté la discussion, je crois que les principaux points à retenir sont qu’il semble y avoir des raisons d’être optimiste à l’égard des marchés émergents, tant du côté des actions que des titres de créance assortis de valorisations attrayantes, au lendemain d’une période de sous-performance, de creux de confiance et d’occasions ponctuelles dans diverses régions.
Un lien vers de l’enregistrement de la séance sera transmis avec un sondage sur l’événement. Nous vous serions reconnaissants de nous communiquer vos commentaires lorsque vous aurez un moment.
Au nom des CFA Societies de Calgary, d’Ottawa et de Vancouver, nous tenons à remercier nos commanditaires de l’événement. RBC Gestion mondiale d’actifs et PH&N Institutionnel Merci beaucoup. Passez une excellente journée.