Tous les principaux indices boursiers de référence ont subi des pertes en août, et les actions des marchés émergents ont reculé un peu plus que celles des marchés développés. La conjoncture a été marquée par de nombreux défis, notamment l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les confinements liés à la COVID-19 en Chine, la vigueur du dollar américain et le resserrement monétaire de la Réserve fédérale américaine.
Le rendement du marché boursier chinois a particulièrement fluctué cette année. Entre janvier et mai, la Chine a été de loin le plus faible des grands marchés émergents (à l’exception de la Russie), les valorisations atteignant des creux records, car elle a souffert de ses efforts extrêmes pour éradiquer la COVID-19, des rumeurs selon lesquelles elle pourrait envahir Taïwan ainsi que du resserrement monétaire, budgétaire et réglementaire. À compter de mai, le marché boursier chinois a enregistré une forte reprise, étant donné que le gouvernement a mis en place des mesures de relance, assoupli les conditions financières et commencé à réduire progressivement les restrictions liées à la COVID-19. Vers la fin du trimestre, les actions chinoises ont recommencé à fléchir alors que ralentissaient les ventes de logements, en raison des préoccupations sur la capacité des promoteurs à livrer des projets de logements prévendus.
L’examen des différents segments de l’indice MSCI Marchés émergents révèle que le décile d’actions le plus cher a accumulé une importante prime de valorisation en 2019-2020. Les actions des sociétés du décile le plus cher ont dégringolé en 2022, mais leurs valorisations semblent encore élevées, puisque la rentabilité a également diminué. Cette relation donne à penser que la prudence reste de mise à l’égard des sociétés les plus dispendieuses et qu’il est logique de se concentrer sur les secteurs un peu moins chers du marché qui présentent des niveaux de rentabilité similaires.
Les actions des marchés émergents dégagent des rendements inférieurs à ceux des marchés développés depuis plus de dix ans. Il est donc naturel d’envisager à quoi pourrait ressembler la prochaine décennie. Au cours des 35 dernières années, le rendement des marchés émergents a eu tendance à évoluer en suivant de très longues vagues, appelées « supercycles », dont quatre ont duré entre six à onze ans. L’élément déterminant de ces cycles a été la croissance des bénéfices des marchés émergents mesurée en dollars américains. Au cours des deux cycles haussiers, les marchés émergents ont affiché un taux de croissance annuel composé de plus de 13 %, mais cette mesure a été négative pendant les deux cycles baissiers.
Nous nous demandons donc si les marchés émergents arriveront à se frayer un chemin vers un nouveau cycle positif à long terme, stimulé par une longue période de croissance supérieure des bénéfices en dollars américains. Certains des thèmes qui pourraient favoriser un nouveau cycle des bénéfices des marchés émergents pourraient être la dépréciation du dollar américain ou l’amélioration de la croissance relative et de la rentabilité par rapport aux marchés développés. La croissance de la productivité représente un autre facteur susceptible d’avoir son importance. La croissance de la productivité des marchés émergents a été plus rapide que celle des marchés développés pendant un certain temps, puis celle des pays développés a récemment ralenti de façon significative. Les économies émergentes pourraient améliorer davantage leur productivité grâce à des réformes du travail, à la fois en termes de formalisation du travail et de souplesse du marché du travail. L’emploi informel représente une grande part de la main-d’œuvre de nombreux pays émergents : l’intégration des travailleurs dans l’économie officielle accroît l’assiette fiscale des programmes sociaux des gouvernements dans des domaines comme les soins de santé et l’éducation. La formalisation du travail peut contribuer à améliorer les conditions de travail, à réduire la corruption et à améliorer l’accès au crédit. L’amélioration de la souplesse du marché du travail est importante pour s’attaquer au chômage, répondre aux besoins d’une population en âge de travailler plus importante et accroître la productivité.
Les taux d’intérêt réels représentent un important aspect à surveiller en ce qui concerne le rendement à court terme des marchés émergents. De nombreux pays émergents affichent des taux réels positifs, étant donné que leurs banques centrales ont pris une longueur d’avance l’an dernier pour le resserrement de leur politique monétaire afin de combattre l’inflation, de sorte que certaines des plus grandes économies émergentes sont mieux placées pour rebondir que les économies développées. Ainsi, le Brésil, le Mexique et la Chine affichent des taux réels positifs, les deux premiers affichant même les taux les plus élevés.
Signalons qu’en raison du rendement inférieur des marchés émergents, leurs valorisations semblent de moins en moins élevées. En ce qui concerne les ratios cours/valeur comptable, les actions des marchés émergents sont moins chères de 43 % par rapport à celles des marchés développés. Ce niveau d’escompte est l’un des plus élevés, selon les données historiques, et devrait se révéler favorable si nous constatons une amélioration de la croissance des bénéfices dans les marchés émergents. Par ailleurs, les monnaies des marchés émergents sont intéressantes du point de vue des taux de change effectifs réels, qui ajustent les taux de change en fonction du pouvoir d’achat.
En ce qui concerne certains pays émergents spécifiques, il y a lieu de croire que le pire est passé pour la Chine, et que l’assouplissement des conditions financières pourrait contrebalancer en partie le risque d’une récession mondiale. Nous nous attendons à ce que la Chine finisse par délaisser sa politique « zéro-COVID-19 ». Les actions de Taïwan et de la Corée du Sud ont fait l’objet de ventes massives depuis le début de l’année, principalement en raison de la faiblesse des sociétés du secteur de la technologie de l’information. Le marché boursier de Taïwan était devenu le plus cher depuis l’an 2000, mais il reste au-dessus de la médiane à long terme, malgré le recul observé cette année. Le marché de la Corée du Sud a déçu, car l’élection d’un nouveau président favorable aux entreprises n’a pas suffi à contrebalancer l’exposition du marché à la technologie. Les actions sud-coréennes sont maintenant proches de leurs planchers historiques. Les titres d’un certain nombre de pays d’Amérique latine semblent aussi bon marché ; ainsi, les titres du Chili sont particulièrement attrayants dans la foulée de l’élection d’un dirigeant de gauche.
MSCI Marchés émergents : niveau d’équilibre
Valorisations et bénéfices normalisés
Source: RBC GAM
Les secteurs de la consommation discrétionnaire et des services publics paraissent relativement chers en regard des données historiques, tandis que celui des services financiers semble bon marché. Nous apprécions toujours le secteur financier en raison de ses valorisations attrayantes, de ses actifs stables et du nombre de nouveaux clients potentiels, étant donné que dans certaines régions, relativement peu de gens ont recours aux banques.
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