Les actions des marchés émergents ont inscrit un rendement de 4,6 % au cours de la période de huit mois terminée le 31 août 2023, soit moins que les actions des marchés développés, qui ont enregistré un rendement de 16,1 % au cours de la période. Cette faiblesse relative est en grande partie attribuable aux piètres résultats de la Chine, qui représente 28,6 % de l’indice de référence des actions des marchés émergents. Au cours de la période de trois mois, les actions des marchés émergents ont affiché un rendement de 3,5 %, tirant de l’arrière par rapport aux actions des marchés développés. Tous les chiffres sont exprimés en dollars américains.
L’économie de la Chine a connu une faiblesse généralisée à la suite de sa réouverture dans le sillage de la pandémie à la fin de 2022. Les consommateurs chinois sont demeurés prudents, en raison des taux élevés de chômage chez les jeunes et de la faiblesse significative du marché immobilier résidentiel. Selon nous, la faiblesse de la consommation accroît la possibilité que des mesures de relance monétaire et budgétaire énergiques soient mises en place au cours des prochains mois. Du point de vue de l’évaluation, les actions chinoises se négocient à 10 fois les estimations de bénéfices sur 12 mois, comparativement à 11,6 fois en moyenne depuis 2006.
Au cours des 35 dernières années, les actions des marchés émergents ont connu quatre cycles de rendement importants ; la durée de chacun d’eux a varié entre six et onze ans. Les périodes au cours desquelles les marchés émergents ont damé le pion aux marchés développés présentent quelques caractéristiques communes : la croissance des marchés émergents a dépassé celle des marchés développés, et les ratios cours/valeur comptable des marchés émergents ont été inférieurs à ceux des marchés développés au moment où les bénéfices par action des marchés émergents augmentaient en dollars américains. En revanche, les cycles de rendement inférieur ont été imputables au ralentissement de la croissance des bénéfices par action des marchés émergents.
Au cours du plus récent cycle du marché baissier, qui a débuté en 2010, les bénéfices par action des marchés émergents se sont contractés de 1,1 % et le recul des valorisations des marchés émergents a été supérieur de 5,6 % à celui des valorisations des marchés développés. En ce qui concerne la rentabilité, nous constatons que les marges des marchés émergents sont inférieures à celles des marchés développés depuis juillet 2013. Nous prévoyons que la croissance des bénéfices sur les marchés émergents surpassera celle des marchés développés au cours des deux prochaines années, ce qui rappelle la tendance de 2016-2018 alors que l’écart de rendement était de 26 %. Nous sommes d’avis que la croissance des bénéfices des marchés émergents sera stimulée par des pays comme la Corée du Sud et Taïwan, où nous entrevoyons de solides perspectives de reprise cyclique des bénéfices dans un contexte de réduction de la production et des stocks et de demande de semi-conducteurs liée à l’explosion de l’intelligence artificielle.
L’inflation a été un phénomène mondial ces dernières années, provoquée par les mesures budgétaires et monétaires mises en place en réaction à la pandémie de COVID-19, les perturbations des chaînes logistiques et les répercussions de la guerre entre la Russie et l’Ukraine sur les prix des denrées alimentaires et des produits de base. L’une des raisons qui pourraient expliquer en partie la flambée de l’inflation aux États-Unis et dans d’autres pays développés serait la montée en flèche de la masse monétaire déclenchée par les mesures sans précédent en réaction à la pandémie. Ces mesures ont été beaucoup plus modestes dans les pays émergents que dans les pays développés. Par exemple, en Chine et en Inde, l’augmentation de la masse monétaire globale entre février et décembre 2020 a été nettement inférieure à celle observée aux États-Unis.
Dans le passé, le resserrement rapide des politiques monétaires dans les marchés développés, en particulier aux États-Unis, a causé des tensions financières sur les marchés émergents, contraignant ces derniers à resserrer aussi leur politique monétaire afin de protéger leur monnaie et de prévenir l’inflation. Au cours du présent cycle, nous avons constaté que les banques centrales du Brésil, du Mexique et d’autres pays ont resserré leur politique monétaire beaucoup plus rapidement qu’aux États-Unis, et que l’inflation s’est atténuée tant dans les marchés émergents que développés. Cette décélération de l’inflation, conjuguée à la perspective d’une croissance mondiale modérée, amènera probablement de nombreuses banques centrales de pays émergents à se concentrer sur l’abaissement des taux d’intérêt plutôt que sur leur relèvement au cours des 12 prochains mois. Nous nous attendons à des baisses rapides des taux au Brésil et au Chili, qui contrasteront fortement avec les marchés développés, où il est plus probable que les banques centrales poursuivront le relèvement des taux au cours des 12 prochains mois.
Ces dernières années, la vigueur du dollar américain a représenté un défi de taille pour le rendement des actions des marchés émergents. Selon nous, diverses raisons expliquent pourquoi cette tendance pourrait maintenant s’inverser. Premièrement, les valorisations du dollar américain semblent fortement exagérées selon de nombreux paramètres. Le billet vert se négocie actuellement à des niveaux historiquement élevés en fonction des échanges. Deuxièmement, les données fondamentales de l’économie américaine sont généralement pires que celles des marchés émergents. Aux États-Unis, le déficit du compte courant et les déficits budgétaires soulèvent des préoccupations et la viabilité à long terme de la dette du pays demeure incertaine.
Par ailleurs, de nombreux marchés émergents ont considérablement amélioré les soldes des comptes courants grâce à la vente de produits de base ou, dans le cas de l’Inde, grâce à une forte demande de services informatiques et de produits pharmaceutiques. À long terme, nous prévoyons que les monnaies des pays émergents s’apprécieront par rapport au dollar américain. L’intensification des tensions géopolitiques a accéléré la récente tendance à la « dédollarisation » des opérations sur marchandises, de nombreux pays émergents concluant des accords pour régler les opérations dans leur propre monnaie plutôt que de compter sur le dollar américain.
MSCI Marchés émergents : niveau d’équilibre
Valorisations et bénéfices normalisés
Source : RBC GMA
Nous prévoyons que la Chine occupera une place moins importante dans le commerce mondial de l’Occident – une tendance connue sous le nom de « remondialisation » –, ce qui offrira des occasions à long terme pour les exportateurs des marchés émergents. De plus en plus, nous constatons que les entreprises mondiales diversifient leurs chaînes logistiques alors qu’elles sont confrontées à des risques géopolitiques considérablement plus élevés, principalement sous la forme d’un accroissement des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine. Puisque les exportations de la Chine vers les États-Unis ont diminué, les exportations vers d’autres marchés émergents ont augmenté. Depuis 2018, le pourcentage des exportations chinoises destinées à l’Amérique latine, à l’Afrique, à l’Inde et à l’Asie du Sud-Est a augmenté à 36 %, tandis que la part des États-Unis a reculé à 15 %.
Les économies de l’Asie du Sud-Est et de l’Inde restent les grandes gagnantes de la modification des chaînes logistiques, puisqu’elles bénéficient de la compétitivité liée aux coûts, du développement industriel, des liens avec les centres manufacturiers existants et de la hausse du nombre des consommateurs à revenu moyen. Ces deux dernières années, les pays d’Asie du Sud-Est ont gagné du terrain grâce aux investissements directs étrangers de la Chine et augmentent maintenant les commandes de sociétés américaines qui délaissent la Chine. Au cours de la dernière décennie, les investissements directs américains en Asie du Sud-Est ont augmenté au taux annuel moyen de 10 %, et nous prévoyons que les Philippines, l’Indonésie et la Thaïlande figureront sur la liste des pays « amis » de l’administration Biden, alors que le gouvernement américain cherche à reconfigurer les chaînes logistiques.
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