L’économie mondiale ralentit, car la hausse des coûts d’emprunt et le resserrement des conditions financières pèsent sur l’activité. À ce stade avancé du cycle économique, les taux d’intérêt à court terme approchent probablement de leur sommet, les obligations sont plus attrayantes qu’elles ne l’ont été depuis longtemps et les marchés boursiers sont susceptibles de subir une correction en cas de récession.
Les économies se dirigent vraisemblablement vers une récession
L’économie a fait preuve de résilience jusqu’à présent cette année, mais le cycle de resserrement monétaire le plus énergique depuis les années 1970 commence à se faire sentir. La hausse des taux d’intérêt a fait grimper les coûts d’emprunt et diminuer l’appétit pour le risque, et est apparue comme la cause première des tensions dans le système bancaire. De plus, la confiance des entreprises s’effrite, le commerce mondial commence à régresser et les consommateurs recourent de plus en plus au crédit pour couvrir leurs dépenses. La résolution du plafond de la dette des États-Unis, qui s’accompagne d’un engagement à réduire les dépenses publiques au cours des deux prochaines années, freinera encore davantage la croissance. Dans l’ensemble, nous prévoyons que les économies des pays développés tomberont en récession au cours des prochains trimestres. Notre évaluation de la probabilité d’une contraction a augmenté à 80 %, par rapport à 70 % au dernier trimestre, en raison de l’impact du resserrement du crédit dans le sillage de la crise bancaire de courte durée survenue plus tôt cette année. Cela dit, nous nous attendons à ce qu’une éventuelle récession soit légère ou modérée ainsi que relativement courte, ne durant que deux ou trois trimestres. Nous avons revu légèrement à la hausse nos prévisions de croissance par rapport au trimestre précédent, mais elles demeurent inférieures aux prévisions générales. Une légère récession pourrait avoir des effets positifs, car elle aiderait à freiner l’inflation, inciterait les banques centrales à réduire les taux d’intérêt et ouvrirait la voie à la prochaine expansion économique durable.
L’inflation, en baisse par rapport aux sommets de l’an dernier, évolue dans la bonne direction
Les quatre principaux facteurs qui ont fait grimper l’inflation à son plus haut niveau en quatre décennies font marche arrière. Les prix des marchandises sont descendus bien en deçà de leurs sommets précédents, les problèmes de chaîne logistique se sont pour la plupart atténués, la politique monétaire est devenue restrictive et la politique budgétaire commence à avoir une incidence négative. D’autres indicateurs signalent également que les pressions inflationnistes s’estompent. Les prix à la production sont à la baisse en Chine, les entreprises ont réduit leurs projets d’augmentation des salaires et la part des produits faisant l’objet de hausses de prix rapides a diminué. Il reste toutefois encore du chemin à parcourir avant que l’inflation ne revienne aux niveaux visés par les banques centrales. En Amérique du Nord, le retour de l’inflation à 3 % devrait s’effectuer au cours des prochains mois, mais l’atteinte de la cible de 2 % pourrait prendre beaucoup plus de temps. Le principal obstacle à la poursuite d’un recul important de l’inflation à court terme est l’inflation du secteur des services, qui demeure élevée en raison de la vigueur du marché du travail. Une récession sera vraisemblablement nécessaire pour modérer les pressions sur les prix dans ce secteur. Dans l’ensemble, nous prévoyons que l’inflation pourra continuer de chuter et nos attentes d’inflation sont inférieures aux prévisions générales.
Le dollar américain marque une pause dans le cadre d’un repli à long terme
Le dollar américain est resté dans une fourchette étroite de l’ordre de 4 % au cours des cinq premiers mois de 2023, ce qui, selon nous, se révélera une pause dans la liquidation à long terme de la devise. Les récentes faillites de banques régionales aux États-Unis et les tendances monétaires et budgétaires renforcent notre opinion selon laquelle le dollar s’affaiblira. Toutefois, cette perspective a été remise en cause, car l’économie américaine a continué de mieux résister que ses pairs à l’échelle mondiale. Nous maintenons notre prévision d’un déclin du billet vert au cours de la prochaine année et croyons que ce repli sera plus marqué que nous ne l’avions prévu au dernier trimestre.
La fin des hausses de taux des banques centrales est en vue
Un resserrement monétaire musclé a déjà été appliqué et les taux directeurs sont maintenant restrictifs dans la plupart des grandes économies développées. Par conséquent, la poursuite d’un relèvement énergique des taux est de moins en moins justifiée et, bien que les taux pourraient encore augmenter légèrement, nous nous rapprochons probablement de la fin du présent cycle de resserrement. Les risques à court terme liés à cette hypothèse penchent vers une hausse des taux par les banques centrales un peu plus importante que prévu dans l’éventualité où l’inflation ne fléchirait pas et que les économies éviteraient la récession. Toutefois, à notre avis, la nécessité d’un relèvement des taux continuera de diminuer et plusieurs banques centrales devraient être en mesure d’abaisser les taux, au besoin, au cours de l’année à venir, à mesure que les économies s’affaibliront et que l’inflation ralentira. Nous ne croyons pas que les taux d’intérêt reviendront aux creux historiques de 2020, ni même à la moyenne enregistrée depuis la fin de la crise financière, mais nous pensons qu’ils seront limités dans les années à venir par la combinaison d’un endettement élevé, du vieillissement de la population et d’une croissance économique structurellement lente.
Les obligations offrent un potentiel de rendement intéressant ; le risque d’évaluation est minime
Il semble que l’augmentation constante des taux obligataires observée l’an dernier ait ralenti et que les investisseurs se soient habitués à un contexte de taux d’intérêt supérieurs. Lorsque l’inflation a explosé, les investisseurs ont intégré une prime d’inflation plus élevée dans les obligations, et nos modèles indiquent que l’inverse sera vrai à mesure que l’inflation se modérera. L’autre composante de notre modèle des titres à revenu fixe est le taux d’intérêt réel, ou après inflation, qui remonte graduellement après avoir été négatif. À long terme, nous prévoyons toujours que les taux d’intérêt réels s’élèveront légèrement au-dessus de zéro, car les épargnants devront ultimement être récompensés pour leur épargne plutôt que pour leurs dépenses. Cependant, toute hausse des taux réels sera probablement négligeable à court terme comparativement à la forte baisse prévue de la prime d’inflation. Nous prévoyons donc que le taux des obligations du Trésor à 10 ans reculera à 3,25 % au cours de la prochaine année, ce qui se traduirait par un rendement global de près de 7 % moyennant un risque d’évaluation minime. De plus, divers signaux techniques sont favorables aux prix des obligations.
La reprise des actions est menée par une poignée de sociétés ; le potentiel de hausse est limité
Le rebond du marché boursier à la fin de 2022 et au début de 2023 a été galvanisé par l’atténuation des préoccupations des investisseurs concernant l’inflation et la durabilité de la croissance économique. La reprise a d’abord été généralisée dans l’ensemble des régions, mais ces derniers mois, les rendements ont été attribuables surtout à une poignée de sociétés américaines à mégacapitalisation du secteur technologique. Hormis le marché américain des grandes capitalisations, qui a été dopé par l’enthousiasme entourant l’intelligence artificielle, la plupart des principaux indices ont stagné ou diminué pendant le trimestre. En fait, même au sein de l’indice S&P 500, les rendements sous-jacents ont été sans éclat. Au 31 mai 2023, l’indice S&P 500 avait gagné 8,9 % en cinq mois, alors que sa version équipondérée, qui neutralise l’incidence des grandes sociétés technologiques, avait perdu 1,4 % au cours de cette période. Nous préférerions constater que la progression de l’indice boursier s’accompagne d’un accroissement de l’ampleur pour confirmer la présence d’un marché haussier solide et durable.
La principale menace qui pèse sur le marché boursier est maintenant la durabilité des bénéfices des sociétés, qui ont éprouvé des difficultés et qui seront vulnérables si l’économie tombe en récession. La croissance des bénéfices des sociétés du S&P 500 est actuellement au point mort, car la hausse des coûts pèse sur les marges bénéficiaires. Par ailleurs, les bénéfices sont supérieurs à leur tendance à long terme et nous n’avons jamais vu une contraction de l’économie qui n’ait pas contraint les bénéfices à revenir au moins à leur tendance à long terme. Dans un scénario de ralentissement, les bénéfices du S&P 500 pourraient chuter de 15 % par rapport à leur sommet, ce qui limiterait le potentiel de hausse des actions.
Composition de l’actif – neutraliser la pondération tactique
Notre composition de l’actif vise à établir un équilibre entre les risques et les occasions dans une diversité de scénarios pour l’économie et les marchés financiers. À long terme, nous avons tendance à privilégier légèrement les actions pour profiter de la prime de risque par rapport aux obligations. Toutefois, puisque cette prime est actuellement faible et que notre scénario de base table sur une entrée en récession de l’économie au cours de la prochaine année, nous sommes peu enclins à surpondérer les actions pour le moment. Nous avons donc mis fin à notre surpondération en actions en réduisant notre pondération de 100 points de base au cours du trimestre, et avons investi la moitié du produit dans les titres à revenu fixe et l’autre moitié dans les liquidités. Nos pondérations en actions, en obligations et en liquidités correspondent maintenant à nos niveaux stratégiques neutres. Malgré l’absence désormais d’une prise de risque tactique au sein de notre composition de l’actif, nous ne pouvons ignorer le fait que l’économie n’a pas encore trébuché et qu’il existe des scénarios d’atterrissage en douceur. Avant de relever la pondération en actions, nous attendrons que les conditions financières s’assouplissent, que les indicateurs économiques avancés s’améliorent et que l’ampleur du marché des actions augmente, particulièrement aux États-Unis. Pour un portefeuille mondial équilibré, nous recommandons actuellement la répartition de l’actif suivante : 60 % en actions (position neutre stratégique : 60 %), 38 % en titres à revenu fixe (position neutre stratégique : 38 %) et le reste en liquidités. La répartition de l’actif des fonds ou des portefeuilles de clients peut différer en fonction des politiques de placement individuelles.
Composition d’actifs recommandée
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