Dans cette vidéo, le chef des placements Dan Chornous présente ses perspectives économiques pour la nouvelle année et les principaux risques qui menacent la croissance mondiale. Il analyse également l’évolution de l’inflation et ses possibles répercussions sur les marchés obligataires. Enfin, il se demande si on peut s’attendre à d’autres gains sur les marchés boursiers.
Durée : 10 minutes 30 secondes |
Transcription
Quelles sont vos perspectives pour l’économie mondiale ?
Eh bien, des vents contraires se lèvent à l’approche de 2022. De nouveaux variants du coronavirus nous donnent du fil à retordre. L’inflation s’avère plus persistante que ce que prévoyaient les banques centrales et les analystes. Les perturbations de la chaîne logistique ont alimenté l’inflation. La Chine pose d’autres problèmes, comme le resserrement de la réglementation et l’endettement sur les marchés immobiliers.
Comme toujours, les sources de préoccupations ne manquent pas. Toutefois, il faut se rappeler que l’économie a fait preuve d’une grande résilience, grâce au soutien apporté par la politique monétaire et les mesures d’aide budgétaires.
L’ingéniosité dont nous avons fait preuve porte ses fruits. Les vaccins sont efficaces, les économies redémarrent, et celle des États-Unis, notamment, n’a jamais été aussi imposante. La pandémie n’est pas terminée.
Durant cette phase du cycle économique, il est naturel que la croissance exceptionnelle du stade initial ralentisse. L’économie prend sa vitesse de croisière et croît à un rythme qu’elle peut maintenir plus longtemps. Je crois que ce sera le cas en 2022.
Nous examinons les indicateurs avancés pour avoir une idée de ce que l’année 2022, et peut-être les suivantes, nous réserve. Ces indicateurs sont encore très élevés. Ils sont redescendus des sommets atteints l’été dernier, mais ils annoncent une croissance avoisinant les 3,5 %, voire jusqu’à 3,8 %, au Canada, aux États-Unis et en Europe. Ils sont donc inférieurs à ce qu’ils étaient l’an dernier, tout en demeurant très robustes par rapport aux moyennes récentes, du moins à celles d’avant la pandémie. Les marchés émergents pourraient connaître une croissance encore plus forte.
La croissance sera encore bonne en 2022, malgré de nouvelles menaces.
Quels sont les principaux risques qui pèsent sur vos perspectives économiques ?
Bien sûr, il est toujours possible que notre scénario de base se révèle trop optimiste. Diverses menaces pourraient déséquilibrer l’économie. Qu’il s’agisse du variant Omicron ou d’un autre, tout ce qui alimente la pandémie déstabilisera l’économie et freinera la croissance.
L’économie de la Chine ralentit déjà, alors que le pays a durci sa réglementation et que son secteur immobilier est lourdement endetté.
L’inflation est élevée, et dépasse largement nos prévisions et celles d’autres prévisionnistes, y compris les banques centrales. En fait, la Fed hésite désormais à la qualifier de temporaire. Si l’inflation se révèle plus pernicieuse qu’on le pensait, les banques centrales n’auront d’autre choix que de prendre des mesures plus musclées et cela constitue un risque modéré.
À l’heure actuelle, nous pensons que l’inflation retombera et que les banques centrales seront en mesure de poursuivre le resserrement des conditions monétaires de manière ordonnée et prévisible. En fait, ce resserrement est déjà amorcé avec le retrait progressif des mesures d’assouplissement quantitatif. Cependant, si l’inflation s’avère plus difficile à juguler, les hausses de taux seront plus rapides et leurs effets, plus déstabilisants, de sorte que notre scénario de base ne tiendrait plus.
Les sources de préoccupations ne manquent donc pas, même si nous prévoyons que la croissance restera assez forte en 2022.
Quelles sont vos attentes en matière d’inflation à court et à long terme ?
L’inflation suscite de grandes inquiétudes à l’approche de 2022. La plupart d’entre nous s’attendaient à ce qu’elle recule alors que la pandémie tirait à sa fin et que l’économie retrouvait son équilibre. Or, les choses ne se sont pas passées comme ça.
L’inflation est maintenant attribuable aux perturbations de la chaîne logistique. On pourrait l’expliquer par des événements précis survenus pendant la pandémie. Mais en vérité, les causes sont multiples. Nous devons être très prudents en ce qui a trait aux attentes inflationnistes.
Les attentes inflationnistes du marché ont légèrement augmenté à court terme, mais à long terme, heureusement, elles ont simplement remonté à un niveau normal après avoir été trop basses.
Ce qui s’est produit jusqu’à maintenant est le résultat des perturbations de la chaîne logistique combinées à une reprise très rapide de la consommation, que le marché de l’emploi n’est pas arrivé à suivre. La main-d’œuvre disponible était insuffisante pour pourvoir les postes vacants.
Au fur et à mesure que la situation s’améliore, on passe du court terme au long terme. La croissance nominale prend un rythme plus durable. Nous prévoyons une baisse de l’inflation, mais pas à court terme. Plus l’inflation reste élevée longtemps, plus la probabilité que les attentes inflationnistes à long terme changent est grande. À l’heure actuelle, nous prévoyons une inflation d’à peu près 4,5 % aux États-Unis au cours des 12 prochains mois et d’environ 3,8 % par la suite, puis une baisse régulière aux États-Unis et au Canada.
N’oublions pas qu’en passant des prévisions à court terme à celles à long terme, la pandémie cesse d’être un problème majeur et les perturbations de la chaîne logistique sont résolues. À ce moment-là, les pressions baissières qui s’exercent sur l’inflation sont considérables. Compte tenu de la situation démographique mondiale, à très long terme, la plus grande crainte n’est pas que les pressions haussières soient trop fortes, mais qu’elles soient trop faibles. Au final, le taux d’inflation s’établirait autour de 2 % à long terme.
Que prévoyez-vous en 2022 pour les marchés des titres à revenu fixe ?
Le marché obligataire a connu une certaine volatilité en cette fin de 2021. Toutefois, ce sont essentiellement les taux des obligations à court terme qui ont augmenté, car les investisseurs prévoient un resserrement des conditions monétaires au début de 2022 et par la suite.
Néanmoins, comme le taux de l’obligation du Trésor à 10 ans est inférieur à 1,5 %, que cette obligation est la plus négociée au monde et qu’elle sert de référence, les pressions à la hausse pourraient s’accentuer l’an prochain.
Les taux d’intérêt réels, c’est-à-dire déduction faite de l’inflation, se situent à des planchers historiques, de presque -2 %. Il est donc probable qu’ils atteignent au moins 0 % au cours du cycle à venir. Si cette remontée ne se produit pas à cause d’une baisse de l’inflation, les taux réels auront augmenté de 200 points de base, soit pas moins de 2 %, et il faudra s’attendre à un vrai problème sur le marché obligataire. C’est pourquoi l’inflation est un indicateur particulièrement important à surveiller.
Pour le moment, nous ne pensons pas que ce scénario se produira. Nous pensons que l’inflation diminuera, de sorte que les taux réels augmenteront et que les taux obligataires passeront d’environ 1,5 % à environ 1,8 % ou 2 % au Canada et aux États-Unis au cours des 12 prochains mois. Cependant, le grand risque est que l’inflation reste forte et que les taux réels augmentent ; les dommages pour le marché obligataire seront alors plus importants. Nous pensons que c’est peu probable, mais c’est une possibilité.
Quelles sont vos attentes à l’égard du rendement du marché boursier en 2022 ?
De nombreux indices boursiers ont atteint de nouveaux sommets en 2021, au grand bonheur et à la surprise de beaucoup. Le marché américain a notamment progressé de 21 % depuis le début de l’année. C’est donc une autre année de gains substantiels pour les actions, durant laquelle les sociétés technologiques à grande capitalisation ont mené le bal. Le marché boursier des États-Unis a surpassé tous les autres, même si celui du Canada a aussi fait belle figure.
Les conditions seront quelque peu différentes l’an prochain. Les valorisations, à savoir les ratios cours-bénéfice, sont particulièrement élevées en Amérique du Nord. Il faudra donc que la croissance des bénéfices soit soutenue pour alimenter le marché haussier. Les valorisations sont nettement plus raisonnables en dehors de l’Amérique du Nord ; les rendements ont été plus modestes et les ratios cours-bénéfice sont donc beaucoup plus faibles.
Par conséquent, pour que les marchés nord-américains dégagent des gains intéressants en 2022, les ratios cours-bénéfice devront s’établir autour de 22 ou 23 aux États-Unis. Or, nos modèles indiquent que, compte tenu des niveaux actuels et prévus des taux d’intérêt et de la rentabilité des sociétés, les ratios se situeront probablement à un niveau neutre, ni trop élevé, ni trop faible, de près de 19. Autrement dit, il est trop élevé de trois points. Les valorisations ne passeront donc pas forcément à un niveau neutre.
La croissance des bénéfices des sociétés sera-t-elle assez soutenue ? À des niveaux de valorisations aussi élevés, les surprises sont malvenues.
Prenons un modèle simple fondé sur la croissance nominale de l’économie, et sur les revenus et bénéfices qui devraient en découler. Actuellement, la croissance nominale que nous prévoyons générerait une hausse des bénéfices de 18 % aux États-Unis en 2022, par rapport à 2021. Et les bénéfices ont augmenté de près de 50 % en 2021. C’est énorme.
Les prévisions générales tablent plutôt sur une hausse des bénéfices de 8 %. Toutefois, comme l’économie semble en mesure de produire presque deux fois cette croissance et comme 80 % ou plus des résultats publiés dépassent les attentes, il est tout à fait possible que les bénéfices soient substantiels et que les ratios cours-bénéfice restent solides, entre 18 et 20, soit un peu moins que leur niveau actuel de 22 ou 23. Globalement, l’indice S&P 500 devrait dégager des rendements positifs qui pourraient aller jusqu’à un peu moins de 10 % ; le potentiel des autres marchés est même meilleur, en raison de la faiblesse des valorisations.
Que faisons-nous de toutes ces prévisions ? Je crois que l’éventail d’occasions est plus restreint à l’approche de 2022 qu’il ne l’a jamais été depuis le début de la pandémie, ne serait-ce que parce que les valorisations sont plus élevées et que les marchés ont fait beaucoup de chemin. À notre avis, les occasions ne sont vraiment pas intéressantes sur les marchés des titres à revenu fixe, où, d’une façon ou d’une autre, les taux augmenteront et effaceront pratiquement les revenus d’intérêts.
Nous avons donc orienté notre budget de risque vers les actifs à risque. Nous maintenons depuis assez longtemps une surpondération en actions, que nous avons légèrement réduite récemment. Pour les titres à revenu fixe, nous conservons une pondération inférieure à la pondération neutre à long terme. Nous avons créé une réserve de liquidités que nous utiliserons si la volatilité faisait baisser les actions.
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