Tensions dans le système bancaire
Six semaines après la faillite de deux banques régionales américaines, le système bancaire demeure relativement tendu. Une bonne partie de l’argent qui a été retiré n’est pas revenue (voir le graphique suivant).
Les dépôts bancaires diminuent aux États-Unis, tandis que les emprunts montent en flèche
Données pour la semaine se terminant le 12 avril 2023. Sources : Federal Reserve Board, Macrobond, RBC GMA
Heureusement, la demande de prêts d’urgence auprès de la Réserve fédérale américaine (Fed) a commencé à baisser. Toutefois, le recours à ces facilités par les institutions financières demeure élevé (voir le graphique suivant).
Les prêts d’urgence accordés aux banques par la Fed ont explosé en raison des dernières faillites bancaires
Données pour la semaine se terminant le 20 avril 2023. Sources : Federal Reserve Bank, Macrobond, RBC GMA.
Les inquiétudes que les banques, notamment leur capacité à rembourser leurs dettes, suscitent sur les marchés financiers se sont largement dissipées. Notons qu’elles n’ont jamais été aussi vives que durant la crise financière mondiale de 2008-2009 (voir le graphique suivant).
Le stress lié au financement aux États-Unis s’amenuise, après le bond provoqué par les turbulences qui ont secoué les banques
Au 19 avril 2023. Écarts entre les contrats de garantie de taux et les swaps indexés sur le taux à un jour. Sources : Bloomberg, RBC GMA.
Cela dit, de nombreuses banques ont perdu énormément d’argent sur leurs placements en obligations sous l’effet de la hausse des taux d’intérêt. En raison de ces pertes et des retraits massifs, elles disposent de moins de liquidités et de fonds propres plus restreints que d’habitude. Avant cet épisode de tensions, les banques avaient déjà fortement resserré leurs normes de crédit (voir le graphique suivant) et leur aversion pour le risque ne fera qu’augmenter.
Les normes de prêt aux États-Unis se resserrent pour toutes les entreprises
Sondage sur les pratiques de crédit bancaire auprès des premiers agents des prêts, janvier 2023. Sources : Federal Reserve Board, Macrobond, RBC GMA
Par conséquent, les prêts commerciaux et industriels aux États-Unis, qui affichaient un léger recul, sont maintenant en forte baisse (voir le graphique suivant).
Les premiers signes d’un fléchissement de la croissance du crédit apparaissent aux États-Unis
Données pour la semaine se terminant le 5 avril 2023. Sources : Réserve fédérale, Macrobond, RBC GMA
Ce déclin n’est peut-être pas terminé. La part des petites entreprises américaines qui s’attendent maintenant à des conditions de crédit plus strictes a nettement augmenté (voir le graphique suivant).
Les petites entreprises s’attendent à des conditions de crédit plus strictes
En date de mars 2023. La zone ombrée représente une récession. Sources : National Federation of Independent Business, Federal Reserve Bank de St. Louis, Macrobond, RBC GMA
Le livre beige que la Fed a publié récemment confirme que la demande de prêts a reculé au cours des derniers mois, tant du côté des entreprises que du côté des consommateurs. On signale un resserrement des normes de crédit dans plusieurs régions du pays, en raison de l’incertitude grandissante et des préoccupations entourant la liquidité. Cependant, dans l’État de New York, les conditions se seraient fortement détériorées.
C’est principalement l’offre de crédit bancaire plus restreinte qui entraînera des dommages économiques. Les petites et moyennes entreprises étant plus tributaires des banques, elles subiront ces dommages de façon disproportionnée par rapport aux grandes entreprises, puisque les conditions d’emprunt sont restées largement normales sur le marché des obligations de sociétés. Par conséquent, les effets seront limités pour les investisseurs en actions et en obligations, bien que l’onde de choc puisse quand même atteindre les grandes entités.
Par ailleurs, on peut raisonnablement s’attendre à ce que les perspectives des banques régionales américaines restent sombrent pendant des années :
- Les déposants sont désormais plus imprévisibles ; ils sont plus sensibles au risque que présente le secteur bancaire et peuvent aisément déplacer leur argent d’une banque à l’autre grâce à la technologie.
- La nouvelle préférence pour la stabilité relative des grandes institutions financières se maintiendra probablement. La prépondérance des petites banques aux États-Unis a toujours semblé défier la logique, puisqu’elles ne peuvent pas réaliser d’économies d’échelle et qu’elles ont une exposition démesurée à de petites régions du pays et à des secteurs particuliers.
- Les taux d’intérêt élevés font que les comptes chèques sans intérêts, qui constituent la source de financement bancaire la moins chère, sont beaucoup moins populaires.
- Il semble évident que la réglementation visant les petites banques américaines sera bientôt beaucoup plus stricte pour éviter d’autres problèmes. Cela amoindrira l’avantage de ces établissements sur le plan de la réglementation, et réduira leur rentabilité et leur capacité de prêt.
Une capacité de prêt réduite minera davantage l’importance des petites banques, entraînant des difficultés pour le secteur de l’immobilier commercial et les petites entreprises en général. À court terme, une récession aggraverait la situation délicate des banques (et un large éventail d’autres acteurs économiques).
Reste à voir quelle sera l’ampleur de ces difficultés. Dans le pire des cas, la situation pourrait être aussi grave que lors de la crise de l’épargne et des prêts aux États-Unis, qui a duré toute une décennie (de 1986 à 1995). Près du tiers de ces institutions ont fait faillite durant cette période.
Évolution de la conjoncture économique
Les États-Unis s’accrochent
La conjoncture économique demeure globalement inchangée. La plupart des indicateurs économiques sont stables, malgré divers vents contraires annonçant une récession. Mais tout n’est pas parfait.
Certaines données sur l’emploi ont fléchi, comme nous le verrons plus loin. Selon le dernier livre beige, l’activité économique globale des États-Unis n’a guère changé, mais les dépenses de consommation, l’activité manufacturière, les volumes de fret et de transport ainsi que l’immobilier non résidentiel ont ralenti.
Les ventes au détail ont chuté de 1 % en mars aux États-Unis, un relevé qui s’ajoute à une série en dents de scie. Au final, la tendance des ventes au détail et des dépenses de consommations corrigées de l’inflation est moins vigoureuse qu’auparavant (voir le graphique suivant).
La consommation ralentit aux États-Unis
Consommation des particuliers en février 2023, ventes au détail en mars 2023. Sources : U.S. Bureau of Economic Analysis (BEA), U.S. Bureau of Labor Statistics (BLS), U.S. Census Bureau, Macrobond, RBC GMA
La reprise de la Chine se poursuit
L’économie de la Chine se rétablit après trois ans de confinements à répétition. Cependant, l’amélioration réelle fait débat. On dirait que la situation change complètement d’un mois à l’autre, passant d’une accélération rapide à une reprise plus lente, et à nouveau plus rapide. Cette fois, les dernières données sont encourageantes.
À titre d’exemple, l’indice de congestion routière de la Chine est reparti à la hausse, après un déclin prononcé le mois dernier et un bond durant la période précédente (voir le graphique suivant).
L’indice de congestion routière en Chine est reparti à la hausse
Au 19 avril 2023. Indice de congestion selon la moyenne mobile sur sept jours de la moyenne pondérée des pics de congestion quotidiens et du nombre d’immatriculations de véhicules dans les 15 villes qui affichent le plus grand nombre d’immatriculations en Chine. Sources : Baidu, BloombergNEF, RBC GMA
Le produit intérieur brut (PIB) de la Chine pour le premier trimestre a également été dévoilé. Il a crû de 9,1 % en taux annualisé (voir le graphique suivant). Ce gain s’explique par le redémarrage soudain de l’économie ; un ralentissement devrait se produire au cours des prochains trimestres. En outre, les exportations chinoises ont largement dépassé les attentes le mois dernier. Elles ont renoué avec la croissance d’une année sur l’autre après cinq mois consécutifs de recul.
L’économie chinoise reprend vie après la fin de la politique zéro-COVID
En date du premier trimestre de 2023. Sources : National Bureau of Statistics of China, Macrobond, RBC GMA.
Nous restons d’avis qu’une reprise modérée est le scénario le plus probable pour la Chine. En réalité, le pays n’a pas été complètement confiné pendant longtemps, limitant l’ampleur de la reprise subséquente. L’épargne que les ménages chinois ont accumulée pendant la pandémie est importante, mais pas particulièrement impressionnante par rapport à ce qu’on voit dans d’autres pays. Néanmoins, une forme de reprise est en cours et devrait faire avancer la Chine à un moment où la plupart des pays sont appelés à ralentir. La Chine devrait donc fournir un contrepoids mondial bienvenu.
Il convient toutefois de rappeler que la contribution de la Chine à la croissance mondiale n’est peut-être plus ce qu’elle était. Normalement, chaque point de pourcentage supplémentaire de croissance du PIB chinois se traduit par une hausse de 0,3 % dans le reste du monde. Par contre, cette fois-ci, le Fonds monétaire international (FMI) s’attend à ce que la reprise corresponde seulement au tiers de ce qu’elle aurait été autrement, à cause de son orientation interne.
Main-d’œuvre plus abondante
Le nombre de travailleurs disponibles a fortement chuté pendant la pandémie, en raison de la maladie, de la peur d’être infecté, de l’insuffisance des services de garde d’enfants, des transferts gouvernementaux généreux et de l’accroissement de la richesse des ménages (attribuable à la montée en flèche des marchés boursiers et des prix des maisons au début de la pandémie).
Même si la pandémie s’est résorbée et que certains de ces facteurs se sont estompés, l’offre de main-d’œuvre s’est ravivée à contrecœur et seulement en partie. Certes, les embauches ont bondi et le taux de chômage a reculé, mais le taux de participation au marché du travail (le pourcentage de la population qui travaille ou qui souhaite travailler) est encore bien en deçà de ce qu’il était avant la pandémie.
Au moment même où presque tout le monde avait renoncé à l’espoir que ces travailleurs disparus réintègrent un jour la population active, ils ont commencé à revenir en 2022 et maintenant en 2023 (voir le graphique suivant). Aux États-Unis, le taux de participation au marché du travail est encore inférieur au niveau d’avant la pandémie, mais l’écart a été considérablement réduit. De 63,4 % avant la pandémie, il est tombé à 60,1 % puis est maintenant remonté à 62,7 %. La différence de 0,7 % qui persiste n’est en fait que de 0,5 % quand on tient compte des facteurs démographiques (le vieillissement de la population réduit naturellement le taux de participation « normal » au fil du temps).
Le taux de participation aux États-Unis continue d’augmenter
En date de mars 2023. Taux ajusté en fonction de la démographie, en supposant la même composition démographique depuis janvier 2007. Sources : Haver Analytics, RBC GMA.
Soit dit en passant, et toujours sur une base ajustée en fonction de la démographie, le taux de participation au marché du travail aux États-Unis est presque revenu à son niveau d’avant la crise financière mondiale. C’est remarquable, car il y a eu une longue période, de 2009 à 2016, au cours de laquelle ce taux a diminué de façon constante. Cette baisse s’est produite malgré une croissance économique raisonnable et d’une façon laissant supposer que des facteurs structurels baissiers étaient à l’œuvre (voir le graphique précédent).
Le récent bond du taux de participation au marché du travail est très important, car il a empêché celui-ci de surchauffer malgré un nombre élevé d’embauches cette année. Autrement dit, la demande de main-d’œuvre a augmenté rapidement, mais l’offre a suivi le rythme de façon inattendue. La réduction de l’épargne des ménages, la baisse de la valeur des comptes de retraite, la chute des prix de l’immobilier, l’apaisement des craintes liées à la pandémie, la forte hausse des salaires (du moins en termes nominaux) et la pléthore d’emplois disponibles ont probablement incité les travailleurs à revenir.
Parallèlement, l’économie américaine n’est pas beaucoup plus tendue qu’il y a un an. Ainsi, entre autres choses, les banques centrales ne sont pas aussi en retard que l’on pourrait imaginer si on leur disait qu’on avait ajouté 2,6 millions de travailleurs à la masse salariale au cours des 12 derniers mois.
Encore plus de grèves ?
Il semblerait logique qu’il y ait plus de grèves que d’habitude en ce moment. Le marché du travail est tendu, ce qui accroît le pouvoir des travailleurs, et les salaires corrigés de l’inflation ont perdu de la valeur en raison de la flambée des prix.
Le Royaume-Uni a connu un grand nombre de grèves ces derniers temps : travailleurs ferroviaires, médecins et infirmières, enseignants, fonctionnaires de 124 services gouvernementaux, etc.
En outre, une grande partie des fonctionnaires fédéraux du Canada ont récemment débrayé.
Malgré cela, le nombre de cessations de travail en Amérique du Nord demeure relativement faible par rapport aux décennies précédentes (voir le graphique suivant, mais noter que les données sont un peu dépassées pour le Canada et excluent la récente grève de la fonction publique). Il se pourrait qu’il y ait plus de grèves à l’avenir, mais jusqu’à présent, leur nombre reste modéré en dépit des tensions présentes depuis plus d’un an sur le marché du travail.
Le nombre de cessations de travail reste faible aux États-Unis et au Canada (la récente grève de la fonction publique n’est pas encore prise en compte)
Au Canada, en date de janvier 2023. Aux États-Unis, en date de mars 2023. Les données sur les cessations de travail au Canada incluent celles qui représentent au moins 10 jours-personnes non travaillés. Les données sur les cessations de travail aux États-Unis incluent celles d’au moins 1 000 travailleurs. Sources : Statistique Canada, Bureau of Labor Statistics (BLS) des É.-U.
Pour quantifier l’impact économique de la récente grève des employés du gouvernement du Canada, il faut d’abord savoir qu’environ 100 000 travailleurs non essentiels sont en grève, soit environ 0,5 % de la population active du pays. En supposant un niveau de productivité moyen et une durée d’un mois pour le conflit de travail, il faudrait soustraire 0,04 % du montant de la production économique annuelle, ce qui est peu. Néanmoins, cela sous-estime divers effets secondaires découlant de l’absence de certains services publics et la modification du comportement des fonctionnaires moins bien rémunérés. En revanche, toute perte devrait être pleinement récupérée dès la fin de la grève. Il pourrait même y avoir un effet de rattrapage, le gouvernement s’efforçant de résorber tout arriéré.
Ralentissement du marché du travail
Même si les embauches demeurent soutenues, des signes de faiblesse commencent à poindre à la périphérie du marché du travail. La part des emplois temporaires diminue, tout comme le taux de démission et le nombre d’ouvertures de postes. En effet, des mesures complémentaires à celles de l’enquête JOLTS soutiennent qu’au cours de la dernière année, le nombre de postes vacants a diminué plus fortement que ce l’on pense généralement. Ces sources comprennent les données publiées par Indeed, LinkUp et ZipRecruiter.
Par ailleurs, les demandes d’assurance-chômage aux États-Unis continuent d’augmenter. Il y en a eu 245 000 nouvelles au cours de la dernière semaine, soit une hausse de 26 % par rapport au début de 2023 (voir le graphique suivant).
Les demandes d’assurance-chômage aux États-Unis ont augmenté
Données pour la semaine se terminant le 15 avril 2023. Sources : Département du Travail des États-Unis, Macrobond, RBC GMA.
Nous surveillons maintenant deux mesures différentes des licenciements collectifs. L’une augmente plus fortement que l’autre, mais les deux suivent une tendance à la hausse. Il s’agit traditionnellement d’un signe précurseur de pertes d’emplois et de récession à l’échelle de l’économie (voir le graphique suivant).
Aux États-Unis, les annonces de licenciements collectifs et de suppressions d’emplois augmentent
En date de mars 2023. Avis selon la loi Worker Adjustment and Retraining Notification (WARN) pour les plus grands États : la Californie, New York, la Floride, le Texas, l’Illinois, la Pennsylvanie, l’Ohio, le Maryland, Washington et la Virginie. La zone ombrée représente une récession. Sources : openICPSR, Challenger, Gray & Christmas, Federal Reserve Bank de St. Louis, Macrobond, RBC GMA.
Titres de créance de marchés émergents en difficulté
Lorsque les taux d’intérêt augmentent sensiblement, divers groupes d’emprunteurs et d’investisseurs éprouvent des difficultés (voir le graphique suivant pour les segments dont la vulnérabilité est réelle ou éventuelle).
La hausse des taux d’intérêt touche de nombreux emprunteurs et investisseurs
Au 21 avril 2023. Source : RBC GMA.
Les emprunteurs des marchés émergents (ME) figurent parmi le groupe de ceux qui en subissent l’incidence négative. Non seulement les coûts d’emprunt ont-ils augmenté, mais l’aversion des investisseurs pour le risque s’est aussi quelque peu accentuée.
Le renforcement du statut de la Chine comme prêteur aux pays en développement complique aussi les choses. Autrefois, les prêteurs à l’échelle mondiale se rassemblaient sous la houlette du Fonds monétaire international (FMI) et convenaient de la réduction appropriée de la dette des pays en difficulté. Mais la Chine souhaite que le FMI et la Banque mondiale réduisent leur propre portion des prêts, ce qui ne s’est jamais produit auparavant. De façon générale, la Chine s’oppose à ce que sa propre portion de la dette soit réduite.
À leur tour, les prêteurs du reste du monde sont peu disposés à récompenser indirectement les prêteurs chinois en acceptant une réduction plus importante de la part des créances sinistrées qu’ils détiennent. Cette situation a empêché une résolution rapide et raisonnablement ordonnée du surendettement des pays émergents par rapport à ce qui se produit habituellement.
Certaines nouvelles récentes concernant les problèmes de dette des ME donnent froid dans le dos. Selon The Economist, il s’agit de la pire crise de la dette depuis les années 1980 (si l’on en juge par la proportion de la population mondiale qui est concernée). Pour sa part, le directeur général du FMI souligne que près de la moitié des pays à faible revenu risquent de se retrouver en situation de surendettement, et que près de 15 % d’entre eux s’y trouvent déjà.
Parmi les pays touchés, mentionnons le Pakistan, le Ghana, le Sri Lanka, le Malawi, le Mozambique, la Zambie et la Grenade. Le nombre total de ces pays est d’au moins 21 pour une population totale de 718 millions d’habitants. Leur dette collective atteint 1 300 milliards de dollars américains. Le paiement des dettes en pourcentage des recettes publiques dans le cas des pays les plus pauvres du monde a atteint son niveau le plus élevé depuis 1998, une année sombre.
Tous ces éléments devraient ralentir la croissance à court terme de l’économie des pays en développement les plus pauvres de la planète.
Cependant, du point de vue des investisseurs en obligations de ME, les répercussions semblent être moins lourdes que ce qu’on pourrait imaginer de prime abord. L’indice standard des obligations de pays émergents met l’accent sur les pays les plus grands et les plus riches, dont le niveau de surendettement est moins élevé. Les défauts de paiement des ME qui se sont déjà produits ne représentent que 1 % de la capitalisation boursière.
Si on y ajoute les dix autres pays de l’indice qui sont en situation de « surendettement » (écart de plus de 1 000 points de base), on n’obtient que 2,7 % de la capitalisation boursière. Puisque le taux de recouvrement en cas de défaut de paiement est considérable, les pertes théoriques correspondent à beaucoup moins que 2,7 % du portefeuille. L’écart de taux des obligations des pays émergents fait plus que contrebalancer ce risque. En fait, ces défis sont bien compris et pris en compte par le marché.
Révision des modèles de récession fondés sur la courbe de rendement
La courbe de rendement est un outil qui permet traditionnellement de prévoir une récession. Lorsque la courbe s’aplatit au point où les taux à long terme sont inférieurs aux taux à court terme, on obtient un signal classique de récession. Qu’on examine la courbe entre les taux à 2 ans et à 10 ans, entre les taux à 3 mois et à 10 ans ou tout autre segment de la courbe, ils sont tous inversés en ce moment aux États-Unis. Pour sa part, le modèle de récession de la Fed de New York, fondé sur la courbe des taux, indique actuellement une forte probabilité de récession (voir le graphique suivant).
Le risque de récession aux États-Unis selon la courbe des taux monte en flèche
En date de mars 2023 pour le modèle de la Fed de New York ; estimations de RBC GMA en date du 19 avril 2023. Estimation de la probabilité de récession dans 12 mois au moyen de la différence entre les taux des effets du Trésor à 10 ans et à 3 mois. La zone ombrée représente une récession. Sources : Federal Reserve Bank de New York, Haver Analytics, RBC GMA.
Toutefois, la courbe de rendement a tout récemment commencé à s’accentuer quelque peu (voir le graphique suivant). Cela signifie-t-il que le risque de récession commence à diminuer ?
Les écarts des obligations du Trésor américain se sont resserrés dans la foulée de la tourmente du secteur bancaire
Au 21 avril 2023. La zone ombrée représente une récession. Sources : Federal Reserve Board, Macrobond, RBC GMA
Pas nécessairement. Bien que l’aplatissement de la courbe des taux soit traditionnellement annonciateur de récession, cela ne se vérifie qu’après plusieurs trimestres. Lorsqu’une récession est réellement sur le point de frapper, la courbe des taux commence à s’accentuer, car le marché tient compte de baisses imminentes des taux à court terme.
L’accentuation récente de la courbe devrait-elle donc être interprétée comme une diminution du risque de récession ou comme l’entrée prochaine en récession ?
Nous penchons vers la deuxième interprétation, car il s’agit d’une accentuation haussière et non d’une accentuation baissière. Une accentuation haussière signifie que la courbe s’accentue tandis que les taux diminuent – ce qui concorde avec les prévisions de baisses des taux à court terme et l’aversion pour le risque en général. Dans le cas d’une accentuation baissière, les taux augmentent, ce qui se produit habituellement quand les perspectives économiques s’améliorent soudainement.
Le message principal est que l’accentuation de la courbe des taux n’écarte pas la possibilité d’une récession. Au contraire, cette possibilité est peut-être encore plus grande, étant donné que l’accentuation haussière tend à immédiatement précéder une récession. Nous continuons d’évaluer à 80 % la probabilité qu’une récession se matérialise aux États-Unis au cours de l’année à venir, le deuxième semestre de 2023 étant le moment le plus probable.
L’inflation coopère
Nous maintenons que l’inflation devrait chuter plus vite que ne l’anticipe le marché.
Malgré quelques périodes mouvementées, l’inflation a somme toute bien coopéré au cours des huit derniers mois. Par exemple :
- L’inflation globale selon l’indice des prix à la consommation (IPC) est passée de 9 % d’une année sur l’autre à 5 % aux États-Unis.
- L’inflation a fléchi de 8 % à 4 % au Canada.
- L’inflation a fléchi de 11 % à 7 % dans la zone euro.
Elle a été plus tenace au Royaume-Uni, mais semble maintenant aussi en voie de baisser. En ce qui a trait aux États-Unis et au Canada, l’inflation a parcouru plus de la moitié du chemin de retour à la normale.
En outre, en fonction de ce que nous considérons comme des projections raisonnables pour chaque grand secteur au cours des trois prochains mois, nous nous attendons à ce que l’inflation aux États-Unis et au Canada ait reculé à environ 3 % d’une année sur l’autre en juin. Il ne s’agit toujours pas de son niveau normal – qui est de 2 % –, mais cela s’en approche. De plus, c’est un changement radical par rapport au régime où l’inflation oscillait entre 8 % et 10 %.
Évidemment, rien ne garantit que ces prévisions se réaliseront. Une contre-offensive prochaine de l’Ukraine poserait par exemple des risques pour les prix de l’énergie.
Nous croyons toutefois que les hypothèses sous-jacentes sont raisonnables. L’inflation des prix des logements devrait culminer vers le milieu de cette année, si l’on se fie au temps que cela a pris par le passé. La tendance commence enfin à s’inverser du côté des produits alimentaires. De plus, l’étendue de l’inflation a considérablement diminué dernièrement (voir le graphique suivant). En effet, le pourcentage de produits du panier de consommation ayant augmenté de 10 % ou plus par année est passé de 31 % en septembre à seulement 19 % en mars.
L’inflation aux États-Unis est élevée dans une vaste gamme de secteurs, mais sa portée est désormais moins grande
En date de mars 2023. Part des composantes de l’indice des prix à la consommation (IPC) dont la variation en pourcentage d’une année sur l’autre correspond aux fourchettes indiquées. Sources : Haver Analytics, RBC GMA.
Timide redressement du marché canadien du logement
Le marché canadien du logement a récemment amorcé une légère remontée. Après un déclin long et prononcé, les prix des logements augmentent depuis quelques mois (voir le graphique suivant). Les reventes progressent également (voir le graphique subséquent).
Rebond des prix des propriétés sur tous les marchés au Canada
En date de mars 2023. Sources : Association canadienne de l’immeuble, Macrobond, RBC GMA
Les ventes de logements augmentent légèrement au Canada
En date de mars 2023. Sources : Association canadienne de l’immeuble, Macrobond, RBC GMA
Alors, on se le demande : est-ce le début d’une véritable reprise ou une simple passade saisonnière ?
Les arguments en faveur d’une véritable reprise sont que le rebond des prix n’est pas le fruit d’une évolution subite. Il découle plutôt l’aboutissement logique d’un processus progressif où les prix des logements ont freiné et adouci leur chute pour ensuite se stabiliser, puis commencer à rebondir.
Ce processus logique n’est pas tombé du ciel. Sur le plan structurel, le Canada pâtit d’une pénurie de logements. Les constructeurs ne parviennent pas à suivre avec la demande qui découle de la croissance démographique rapide elle-même due à l’immigration élevée.
Inversement, l’argument en faveur d’une simple passade saisonnière s’articule autour de trois observations :
- Il est normal que les marchés du logement s’échauffent au printemps. C’est ce qui est arrivé.
- L’offre de logements à vendre est toujours très basse, et il se peut donc que la hausse artificielle des prix des logements soit due à cette contrainte temporaire.
- Et surtout, l’abordabilité déjà pitoyable ne fait qu’empirer. En effet, 1,5 % des Canadiens ayant un prêt hypothécaire voient celui-ci basculer à un taux plus élevé chaque mois.
Même s’il n’est pas facile de trancher, nous pensons que la balance penche en faveur du second scénario. Nous ne prévoyons pas de retour à une chute rapide des prix telle que celle de l’année dernière. Nous nous attendons plutôt à une poursuite d’un malaise sur le marché du logement où les prix des propriétés se rapprochent du statu quo en termes nominaux (et chutent légèrement en termes réels). Ordinairement, les corrections du marché du logement s’étalent sur plusieurs années, et non quelques trimestres seulement. Il est difficile d’imaginer que le problème de l’abordabilité pour les propriétaires les plus démunis pourra être gommé entièrement.
Fardeau fiscal
Abordons deux dossiers fiscaux imbriqués :
- L’impulsion donnée par le budget pour 2023
Nos estimations à ce titre sont fondées sur un modèle qui calcule le changement décalé (pondéré) de l’équilibre budgétaire structurel sur la période précédente de trois ans. Ce faisant, les pays les plus développés devraient continuer de subir un freinage fiscal en 2023. En clair, il se peut que les gouvernements continuent de se montrer enthousiastes dans leurs dépenses, mais à un degré bien moindre qu’au cours des dernières années, et c’est là que tout se joue pour les répercussions économiques.
Il y a des exceptions : le freinage fiscal canadien pour 2023 est très important du fait d’une brusque réduction du déficit au cours des dernières années (en dépit de la frénésie marquée des dépenses dans le dernier budget). De son côté, le Royaume-Uni est prêt, sur le plan technique, à bénéficier de mesures budgétaires de relance en 2023.
- L’ampleur des déficits subsistants (en grande partie)
Même après l’imposition de restrictions budgétaires, les déficits subsistent (voir le graphique suivant). La plupart des pays ont toujours des déficits s’inscrivant dans une fourchette de 5 à 7 % du PIB. Ce niveau est élevé en termes absolus, et pire encore si l’on considère que les économies fonctionnent déjà à leur plein potentiel, voire plus.
Persistance de déficits budgétaires structurels importants
Projections financières du Fonds monétaire international (FMI) pour l’année 2023. Sources : FMI, Perspectives de l’économie mondiale, avril 2023 ; Macrobond ; RBC GMA
Ces déficits signifient que la dette publique croît chaque année, et à un moment où le coût du service de chaque dollar de dette est déjà colossal du fait des taux d’intérêt élevés.
L’année courante est sans doute assez particulière. La croissance du PIB nominal a été très rapide à cause de l’inflation élevée, de sorte que les rapports de la dette au PIB ne sont pas nécessairement pires qu’auparavant. Il est toutefois dangereux de se complaire. Le pare-chocs supplémentaire qu’offre l’inflation disparaîtra probablement au cours des prochaines années, et les déficits devront donc diminuer.
Des pays comme le Canada, la Corée du Sud, la Suisse, la Suède et l’Irlande sont bien placés. D’autres par contre, notamment, les États-Unis, le Japon, la France et le Royaume-Uni ont du pain sur la planche. Le calcul se complique pour des géographies telles que le Brésil, l’Inde et la Chine qui connaissent sur le plan structurel, soit une inflation plus élevée, soit des taux de croissance plus rapides, ce qui rend leurs déficits un peu plus supportables.
– Avec la contribution de Vivien Lee, de Thao Le et d’Aaron Ma
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