Webémission mensuelle
Notre plus récente webémission mensuelle sur l’économie, intitulée « Où est la récession ? », est maintenant accessible.
La Chine est aux prises avec des problèmes économiques persistants
L’onde de choc économique se poursuit en Chine. Après un bref regain d’optimisme au début de l’année, à la suite de la levée des restrictions liées à la pandémie, la relance économique a été décevante et est désormais presque inexistante.
La croissance des ventes au détail en Chine continue de ralentir, ayant même baissé abruptement en juillet (voir le graphique suivant). Le taux de croissance annuel corrigé de l’inflation n’est que de 2,8 % d’une année sur l’autre, son plus bas niveau depuis des décennies si l’on exclut la pandémie (voir le graphique subséquent). Pour un pays qui veut opérer une transition vers les dépenses de consommation d’un point de vue structurel et qui vise un taux de croissance de 5 % en 2023 d’un point de vue cyclique, les choses s’annoncent mal.
La croissance des ventes au détail en Chine continue de ralentir
En date de juillet 2023. Sources : National Bureau of Statistics of China, Macrobond, RBC GMA.
Les ventes au détail chinoises ont été faibles
En date de juillet 2023. Sources : China National Bureau of Statistics, Haver Analytics, RBC GMA.
Le commerce international chinois est également en chute libre (voir le graphique suivant). En toute franchise, la Chine n’est pas le seul pays à connaître cette situation, qui s’explique en partie par la baisse des prix des produits de base, la faible demande mondiale de biens et les tensions géopolitiques. Néanmoins, la tournure des événements en dit long sur l’état de l’économie chinoise.
La croissance du commerce chinois ralentit
En date de juillet 2023. Commerce de marchandises en dollars américains. La zone ombrée représente une récession aux États‑Unis. Sources : Macrobond, RBC GMA.
Dans le même ordre d’idées, les deux indices des directeurs d’achats du secteur manufacturier de la Chine se trouvent maintenant sous le seuil critique de 50 qui sépare l’expansion de la contraction.
Bien que le taux de chômage global du pays demeure acceptable, celui des jeunes, tant décrié, continue d’augmenter. Il a d’ailleurs atteint 21,3 % en juin. Nous avons avancé quelques explications possibles à ce sujet dans le #MacroMémo du 27 juin. Dans ce contexte, de nombreux jeunes Chinois se désistent de la course : ils parlent de rejeter les pressions sociales relatives au travail acharné et les recommandations du président Xi de persévérer malgré les difficultés.
Outre les implications économiques négatives et le fait surprenant qu’un pays avec un nombre décroissant de jeunes ait quand même du mal à les employer, ce n’est pas bon sur le plan politique. Par le passé, les soulèvements politiques en Chine ont été menés par des étudiants. Cela représente donc une menace pour le Parti communiste au pouvoir.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, le gouvernement chinois vient d’annoncer qu’il cesserait de publier les données sur le taux de chômage de la jeunesse du pays, ce qui n’est pas vraiment la solution au problème.
En juillet, l’IPC de la Chine est également passé en territoire légèrement déflationniste. Ainsi, l’IPC global a rejoint l’indice des prix à la production, qui tombe à pic depuis 12 mois (voir le graphique suivant).
Précisons qu’il est loin d’être certain que cette déflation se poursuivra ou que quoi que ce soit de particulièrement pernicieux se produira, mais la situation est perçue de manière assez différente en Chine qu’ailleurs. Alors que de nombreux pays accueilleraient favorablement un épisode de déflation pour résorber un peu la flambée des prix des deux dernières années, la Chine n’a pas connu d’inflation excessive. En conséquence, cette déflation devrait plutôt être vue sous l’angle d’une analyse économique traditionnelle. En effet, la baisse des prix risque de créer un cercle vicieux où les intervenants reportent leurs dépenses dans l’espoir que les prix diminuent encore, ce qui affaiblit davantage l’économie et entraîne une spirale descendante.
Encore une fois, bien qu’il n’y ait aucune certitude, cette déflation chinoise pourrait devenir un problème économique.
L’inflation globale de la Chine est passée en territoire négatif
En date de juillet 2023. Sources : National Bureau of Statistics of China, Macrobond, RBC GMA.
Difficultés sur le marché du logement chinois
Les politiques mises en place il y a quelques années pour ralentir l’expansion immobilière en Chine étaient tout à fait logiques et même souhaitables dans une perspective de maximisation de la croissance à long terme. Le boom était devenu une bulle, avec les répercussions suivantes : logements inabordables, mauvaise affectation des capitaux (notamment une forte tendance des ménages chinois à investir la majeure partie de leur épargne dans l’immobilier), construction excessive et surendettement des constructeurs. Tout cela, sur fond de dissimulation des déficits budgétaires structurels au niveau des gouvernements locaux.
Toutefois, les conséquences du frein politique bien intentionné se révèlent difficiles à gérer pour l’économie chinoise à court terme. Les dépenses liées à l’immobilier et à la construction ont été des moteurs disproportionnés de la croissance phénoménale du pays au cours des dernières décennies. Une fois cette variable ôtée de l’équation, l’économie s’essouffle et les problèmes d’endettement excessif deviennent apparents. Cela s’étend même aux dépenses de consommation en ce sens que les ménages chinois sont réticents à dépenser, parce que leur investissement primaire ne s’apprécie plus. Qui plus est, ils sont nombreux à s’inquiéter à propos des appartements qu’ils ont payés, mais dont la construction a été interrompue en raison des difficultés des entrepreneurs.
Le marché du logement chinois continue de s’affaiblir activement. Selon China Real Estate Information Corp., en juillet, les 100 principaux promoteurs immobiliers du pays ont enregistré une baisse d’un tiers de leurs ventes de logements privés en valeur par rapport à celles de juin. Or, il s’agit du résultat mensuel le plus bas en trois ans. Les prix des logements étaient déjà en baisse, mais cette tendance a commencé à s’accélérer. De même, les ventes ont de nouveau fléchi (voir le graphique suivant).
Le marché chinois du logement poursuit sa spirale descendante
En date de juillet 2023. L’évolution du prix des logements est une moyenne des variations de prix sur les marchés primaire et secondaire. Sources : National Bureau of Statistics of China, Macrobond, RBC GMA.
Compte tenu de la faiblesse du marché du logement et du resserrement plus général des conditions de crédit, la croissance du crédit privé en Chine continue de ralentir d’une année sur l’autre et a atteint un creux de plusieurs décennies (voir le graphique suivant). L’impulsion du crédit en Chine est elle aussi en chute libre (voir le graphique subséquent).
La croissance du crédit privé en Chine a encore ralenti
En date de juillet 2023. Sources : Banque populaire de Chine, Haver Analytics, RBC GMA.
L’impulsion du crédit en Chine plonge après le bref rebond post-réouverture
En date de juillet 2023. Correspond à la variation d’une année sur l’autre de la moyenne mobile sur trois mois du total du financement social, à l’exclusion des actions, et des émissions obligataires par les administrations locales, en pourcentage du produit intérieur brut (PIB). Sources : Haver Analytics, RBC GMA.
Les constructeurs chinois sont de retour sous les projecteurs, et pas pour les bonnes raisons. Nous avons parlé des problèmes du secteur, plus particulièrement d’Evergrande, dans ce numéro, ainsi que dans celui-ci, en 2021. Essentiellement, ces entreprises ont trop emprunté dans une course à l’expansion et se trouvent dans une situation périlleuse maintenant que le boom immobilier est terminé. Evergrande fait encore une fois les manchettes, demandant officiellement l’approbation des tribunaux américains pour déclarer faillite.
Parallèlement, un autre géant, Country Garden, semble maintenant aspiré dans une même spirale baissière, car il a récemment omis de payer des intérêts sur sa dette. Le cours de l’action de la société est maintenant tombé à seulement 0,09 $ par action, ce qui laisse croire que l’on s’attend à son insolvabilité. Country Garden prévoit perdre 7,6 milliards de dollars américains rien qu’au cours des six premiers mois de cette année. Même si le passif de la société est heureusement d’environ 40 % inférieur à celui d’Evergrande (bien qu’il s’élève à 199 milliards de dollars américains), elle compte près de quatre fois plus de projets immobiliers en Chine. Elle s’est engagée à construire 700 000 unités en 2023 (pour les lecteurs canadiens, c’est environ trois fois plus que toutes les unités construites au Canada en un an), mais elle a du mal à atteindre cet objectif.
Il ne s’agit pas seulement d’un problème pour les actionnaires et les porteurs d’obligations, mais aussi pour les nouveaux acheteurs en Chine qui paient une part inhabituellement importante de la valeur d’une propriété avant le début de la construction. Ces parties hautement intéressées ont donc grandement intérêt à ce que ces constructeurs poursuivent leurs activités.
Mesures de relance en Chine
Que font donc les décideurs chinois pour remédier à la situation ? Moins que vous ne le pensez, dans la mesure où la déflation et la faible croissance exigent toutes deux un soutien politique supplémentaire, contrairement aux signaux contradictoires auxquels de nombreux pays sont confrontés.
Néanmoins, les décideurs chinois font sans doute plus que ce qu’on aurait pu imaginer. Cependant, au lieu d’une mesure coup de poing, ils prennent plusieurs mesures plus modestes, et d’une manière traditionnelle chinoise, elles prennent davantage la forme de changements de règles que de programmes d’aide financière.
Baisses de taux
Le 15 août, la Chine a procédé à une deuxième baisse de taux en trois mois, bien qu’une fois de plus, elle n’ait été que de 15 points de base – soit moins que le minimum de 25 points de base utilisé par la plupart des banques centrales dans le monde. La Banque populaire de Chine n’a pas non plus réussi à faire baisser les taux, certains taux préférentiels habituellement connexes demeurant inchangés.
Lutte contre la faiblesse de la monnaie
Qu’est-ce qui limite la banque centrale ? La faiblesse du yuan surtout. Le taux de change de la Chine par rapport aux États-Unis est déjà passé de 6,3 au début de 2023 à 7,2 aujourd’hui. Cela représente une dépréciation de 12 % dans un laps de temps relativement court – un vote de méfiance des marchés internationaux, un niveau de volatilité indésirable pour un pays si dépendant du commerce international et une insulte à un pays qui considère sa monnaie comme un baromètre de son statut international. Si la banque centrale réduisait encore les taux, la monnaie s’affaiblirait davantage, étant donné que la plupart des autres banques centrales envisagent encore des hausses de taux.
Bien sûr, même si l’affaiblissement de la monnaie est embarrassant, il n’est pas totalement pernicieux. En fait, la dépréciation devrait contribuer à raviver l’inflation en augmentant le coût des importations et pourrait contribuer à tirer les exportations vers le haut en améliorant la compétitivité. Par conséquent, la monnaie peut accomplir une partie de la lourde tâche que la stimulation monétaire supplémentaire pourrait normalement cibler.
Mais il y a une limite à la mesure dans laquelle une monnaie peut se déprécier avant de soulever des inquiétudes importantes au sujet d’un pays. Les dirigeants de la Chine considèrent apparemment un taux de change USD/CNY de 7,35 comme la limite de leur tolérance, le niveau actuel s’en rapprochant. Le gouvernement a demandé aux banques d’État d’intensifier leurs mesures, et les banques centrales ont indiqué qu’elles s’efforceraient d’éviter d’autres fluctuations importantes. Compte tenu de l’importance des réserves de change de la Chine, il semble raisonnable de s’attendre à ce que la dépréciation ralentisse, voire cesse.
Solutions pour la dette des gouvernements locaux
Nous avons écrit en long et en large sur le problème de la dette des gouvernements locaux en Chine. Le gouvernement national s’efforce à présent de traiter la situation.
Il a publié un rapport le 11 août dans lequel il a donné à de nombreux gouvernements provinciaux la permission d’émettre des obligations d’un montant pouvant atteindre 1 000 milliards de renminbis chinois (soit environ 150 milliards de dollars américains) pour rembourser les dettes hors bilan problématiques. Cela est nettement insuffisant pour résoudre toute la problématique et alourdira inévitablement le fardeau de la dette des provinces chinoises. Mais cela permettra sans doute de parer au plus urgent. D’autres modes de financement ou de refinancement sont également prévus, notamment une éventuelle restructuration de la dette.
Mesures de relance du logement
En dépit des préoccupations concernant une nouvelle bulle immobilière, les responsables politiques chinois s’efforcent aujourd’hui de raviver le marché du logement afin d’améliorer la croissance économique. On a récemment demandé aux banques commerciales de réduire les taux hypothécaires des emprunteurs actuels et de réduire le ratio obligatoire de la mise de fonds des nouveaux acheteurs. Il s’agit là de deux étapes importantes.
D’autres mesures sont prévisibles à la suite de la promesse de la banque centrale « d’ajuster et d’optimiser en temps opportun les politiques sur le marché immobilier », et compte tenu de l’abandon des proclamations antérieures selon lesquelles le logement doit être affecté à l’hébergement plutôt qu’à des fins de spéculation.
Mesures de relance visant les entreprises
Le gouvernement vient d’annoncer des mesures d’allégement fiscal destinées aux petites entreprises. Elles seront maintenues jusqu’à la fin de 2027.
La Commission nationale du développement et de la réforme de la Chine, le principal organisme de planification économique du pays, a publié un vaste ensemble de politiques conçues pour soutenir le secteur des grandes entreprises, qui auparavant avait été négligé, voire activement sapé par un changement de politique antérieur il y a deux ans. Voici quelques-unes de ces politiques :
- Créer un environnement « stable, équitable, transparent et prévisible » pour les entreprises privées en éliminant les obstacles à l’entrée sur le marché, en veillant à ce que la concurrence soit équitable et en améliorant l’accès au crédit.
- Renforcer l’état de droit et les droits à la propriété intellectuelle.
- Améliorer la gouvernance d’entreprise et la capacité d’innovation, et encourager les entrepreneurs actuels et futurs.
Point important pour les sociétés cotées en bourse : la China Security Regulatory Commission adopte les mesures suivantes :
- Prolongation de l’horaire de négociation
- Réduction de 30 % le coût des opérations sur les bourses de valeurs chinoises
- Soutien des rachats d’actions et assouplissement des règles pour les teneurs de marché
Réforme du hukou
Contrairement à la plupart des pays, les Chinois ne bénéficient pas vraiment d’une citoyenneté nationale, mais plutôt d’une citoyenneté locale. Les gens ne peuvent pas déménager de région sans renoncer à leur droit à l’éducation publique et aux soins de santé, et souvent, ils ne peuvent pas acheter de bien immeuble dans la nouvelle région. Plus particulièrement, environ 292 millions de migrants ruraux travaillent dans les villes chinoises, sans toutefois pouvoir bien s’intégrer dans la vie urbaine.
De toute évidence, l’économie fonctionnerait beaucoup mieux si ces restrictions étaient levées. La réforme du hukou, comme on l’appelle, a longtemps fait l’objet d’un débat, et des mesures ont été prises de façon progressive dans le passé.
Au début du mois d’août, la Chine a annoncé son intention de réduire les exigences pour l’obtention d’un hukou urbain, en éliminant simplement les restrictions pour les villes de moins de 3 millions d’habitants et en les assouplissant pour les villes de 3 à 5 millions d’habitants. Les plus grandes villes seront également encouragées à assouplir certaines restrictions.
Ce n’est pas la première fois que de tels bruits courent – une version du plan a été annoncée pour la première fois en 2019 –, mais le ministère de la Sécurité publique a indiqué que ce nouveau plan sera mis en œuvre d’ici la fin août. Ce qui complique les choses, c’est le fait que les politiques du hukou ont été décentralisées et qu’elles sont maintenant définies par chacune des municipalités. Il faudra donc du temps pour mener à bien la réforme.
Autres politiques
Parmi les autres politiques favorisant l’économie, mentionnons les suivantes :
- Apporter un soutien au marché de l’automobile en modifiant les restrictions sur l’achat de voitures (le nombre de voitures qui peuvent circuler dans de nombreuses régions est limité).
- Investir dans les infrastructures de véhicules électriques.
- Encourager les restaurants à prolonger leurs heures d’ouverture et réduire les prix des billets pour les sites touristiques.
- Encourager les régions rurales à subventionner les achats importants, comme les électroménagers et les matériaux de rénovation domiciliaire.
- Aider les fabricants de biens de consommation à accroître leur capacité de production.
Le point sur les mesures de relance
Le fait est que si vous additionnez les mesures de relance mises en place en Chine, leur ampleur est assez significative.
- Certains changements structurels pourraient entraîner une croissance à plus long terme grâce à la réforme du hukou.
- Certains leviers clés liés au logement ont été utilisés pour stimuler la demande.
- Les modestes baisses de taux combinées à la dépréciation de la monnaie ne sont pas négligeables.
- On s’attaque sérieusement aux problèmes d’endettement des gouvernements régionaux, mais peut-être de façon incomplète.
- Les politiques commerciales sont assouplies après une période de répression des entrepreneurs.
De toute évidence, un plus grand soutien politique serait le bienvenu et devrait être apporté. La Chine a encore de bonnes chances d’afficher un taux de croissance de 5 % cette année, malgré ses revers récents.
Augmentation des taux obligataires
Les taux obligataires ont continué d’augmenter ; ainsi, le taux des obligations américaines à 10 ans se situe actuellement à 4,34 %, son niveau le plus élevé du cycle en cours, alors qu’il était environ un point de pourcentage moins élevé au printemps. Malgré le ton plutôt ferme des plus récents comptes rendus de la Fed, l‘augmentation des taux obligataires n’est pas tant attribuable au fait que le marché s’attend maintenant à un durcissement monétaire beaucoup plus prononcé. Certes, il y a quelques mois, un resserrement supplémentaire d’environ 50 points de base était prévu, mais le marché table désormais sur un taux essentiellement stable.
En fait, l’augmentation du taux à 10 ans au cours des dernières semaines serait plutôt imputable à d’autres raisons :
- Certaines statistiques récentes, y compris les ventes au détail aux États-Unis, sont demeurées robustes, ce qui donne à penser qu’il pourrait être plus difficile de maîtriser l’inflation.
- La décote de la dette des États-Unis (dont nous reparlerons plus longuement plus loin dans la présente publication) a ajouté une prime de risque supplémentaire aux obligations du Trésor.
- Les émissions d’obligations du Trésor ont sensiblement augmenté, en partie à cause de déficits importants et croissants, et en partie pour des raisons de gestion de trésorerie, étant donné que le Trésor américain regarnit ses coffres après que ses réserves se sont presque taries pendant l’impasse sur le plafond de la dette au printemps.
- Le Japon a laissé augmenter les taux de ses propres obligations, ce qui a entraîné une certaine sortie de capitaux aux États-Unis.
- Ces derniers mois, le Trésor américain a enregistré d’importantes sorties nettes de capitaux chinois, probablement imputables, du moins en partie, au fait que la Chine défend sa monnaie.
Tendances économiques
En juillet, les ventes au détail aux États-Unis ont solidement progressé de 0,7 %, soit plus que prévu. Signalons toutefois que les achats importants (véhicules, meubles ou appareils électroniques) ont ralenti. Le coût d’emprunt commence probablement à peser sur les ventes de ces produits.
En septembre et par la suite, les dépenses pourraient être plus modérées étant donné que le moratoire sur les prêts étudiants aux États-Unis prendra fin le 1er septembre, ce qui pourrait se traduire par des centaines de dollars de versements mensuels supplémentaires en moyenne pour 43 millions d’Américains.
Aux États-Unis, le nombre des emplois en juillet n’a augmenté que de 187 000 (il ne s’agit pas d’une nouvelle fraîche, mais elle porte sur un fait qui s’est produit après la parution du dernier numéro du #MacroMemo ). Le nombre des nouveaux emplois était tout à fait raisonnable, bien qu’inférieur aux prévisions générales, et il a été accompagné d’une révision à la baisse de 49 000 postes des chiffres des mois précédents, entraînant une baisse mensuelle surprenante de 0,2 % du total des heures travaillées.
Autrement dit, le nombre des travailleurs a augmenté, mais la main-d’œuvre dans son ensemble a néanmoins travaillé quelques heures de moins. Il s’agissait d’un quatrième recul en cinq mois.
L’emploi a cédé du terrain, tant dans la fabrication que dans l’information. Le nombre des emplois temporaires a aussi reculé, pour un sixième mois d’affilée, ce qui représente un indicateur avancé classique. La grande exception a été l’enseignement et la santé privés, où le nombre combiné des nouveaux emplois a atteint 100 000. Mais si ces emplois sont tout à fait légitimes, ils ne disent pas grand-chose sur la confiance des entreprises.
Au Canada, le nombre d’emplois en juillet a diminué, compte tenu de la perte de 6 400 postes. Il s’agit d’un deuxième recul en trois mois ; toutefois, le mois caractérisé par un gain, pris en tenaille entre les deux mois de baisse, a été marqué par la création de 59 900 nouveaux postes. Nous restons d’avis que les marchés du travail des pays développés se redressent graduellement.
Le PIB mensuel du Canada s’est montré robuste avec un taux de 0,3 % en mai, mais ce chiffre ne reflète pas toute la situation. Premièrement, la composante des biens a reculé de 0,3 % d’un mois sur l’autre, en partie à cause des incendies de forêt. Deuxièmement, les résultats préliminaires de juin sont ressortis à -0,2 %, ce qui signifie que le gain du mois précédent sera en grande partie effacé.
Au cours des prochains mois, certaines distorsions continueront sans doute de brouiller le panorama économique Au Canada, une grève a paralysé les ports en juillet. En août, de nouveaux feux de forêt se sont soldés par l’évacuation presque complète de la capitale des Territoires du Nord-Ouest, Yellowknife, et de vastes incendies sont survenus autour de la ville de Kelowna – qui connaît la croissance la plus rapide du pays. En outre, d’autres incendies ont éclaté sur la côte est.
Aux États-Unis, des distorsions pourraient découler de l’incendie dévastateur à Hawaï et de la tempête tropicale inhabituelle survenue sur la côte ouest, bien que les incidences soient moins lourdes. Dans tous les cas, le PIB devrait temporairement être entravé, puis rebondir plus tard.
Enfin, les normes de crédit continuent de se resserrer aux États-Unis (voir le graphique suivant). L’ampleur de ces restrictions rappelle complètement les récessions passées. Le panorama est terne, mais un peu moins sombre en ce qui concerne la demande de crédit aux entreprises, ainsi que l’offre et la demande de crédit à la consommation (voir les tableaux ci-après).
Les conditions de crédit aux entreprises se resserrent aux États-Unis
Sondage sur les pratiques de crédit bancaire auprès des premiers agents des prêts, juillet 2023. Sources : Federal Reserve Board, Macrobond, RBC GMA.
La demande de prêts aux entreprises a chuté aux États-Unis
Sondage sur les pratiques de crédit bancaire auprès des premiers agents des prêts, juillet 2023. Sources : Federal Reserve Board, Macrobond, RBC GMA.
Les normes de crédit des banques américaines pour les consommateurs demeurent serrées
Sondage sur les pratiques de crédit bancaire auprès des premiers agents des prêts, avril 2023. La zone ombrée représente une récession. Sources : Federal Reserve Board, Macrobond, RBC GMA.
La demande de prêts à la consommation rebondit aux États-Unis
Sondage sur les pratiques de crédit bancaire auprès des premiers agents des prêts, juillet 2023. La zone ombrée représente une récession. Sources : Federal Reserve Board, Macrobond, RBC GMA.
Un indicateur avancé de récession
Comme nous l’avons mentionné dans le #MacroMémo du 1er août, certaines banques centrales des marchés émergents ont constitué des indicateurs avancés fiables concernant la politique monétaire des pays développés depuis le début de ce cycle. Elles ont été les premières à relever leurs taux, et certaines commencent à inverser la tendance.
Nous pouvons projeter ce modèle au domaine économique. Les banques centrales qui ont été les premières à augmenter leurs taux directeurs de manière vigoureuse se trouvent maintenant à la traîne sur le plan économique. Une étude du magazine The Economist portant sur huit de ces pays montre que leurs économies sont maintenant parmi les moins performantes. Le taux de chômage du Chili est en hausse d’un point de pourcentage complet, et il grimpe dans d’autres marchés comme le Brésil.
C’est sans doute une bonne nouvelle, car une économie plus lente devrait conduire à une modération de l’inflation. Il est également encourageant, d’un point de vue purement technique, que la politique monétaire ne soit pas complètement déconnectée de l’économie, car il serait tentant de tirer des conclusions différentes au vu de la remarquable résilience de la plupart des économies. Cela pourrait en fait être une question de temps, car le décalage entre les actions politiques et la réaction de l’économie s’avère étonnamment long.
Les soubresauts de l’inflation
L’inflation d’une année sur l’autre n’a pas diminué en juillet. Aux États-Unis, l’indice des prix à la consommation est passé de 3,0 % à 3,2 %. Mais cela était tout à fait prévisible. En effet, le même mois de l’année dernière a faussé l’équation annuelle en raison de sa faiblesse inhabituelle, qui contrastait fortement avec les chiffres précédents extrêmement élevés (ce qui garantissait que le chiffre d’une année sur l’autre suivrait une trajectoire baissière pendant toute l’année 2023 jusqu’à aujourd’hui). Soit dit en passant, l’IPC du Canada a affiché une progression semblable en juillet, augmentant de 2,9 % à 3,3 %.
En réalité, les résultats de l’inflation de juillet ont été satisfaisants. L’inflation de base américaine a poursuivi son repli, passant de 4,8 % à 4,7 % d’une année sur l’autre. Aux États-Unis, l’IPC global et l’IPC de base ont tous deux gagné 0,2 % d’un mois sur l’autre, ce qui représente une hausse raisonnable. Aucun secteur ne s’est démarqué notoirement, à l’exception du secteur du logement dont l’inflation commence néanmoins à ralentir et qui est connu pour réagir à retardement (voir les deux graphiques suivants). L’inflation des denrées alimentaires semble suivre une tendance beaucoup plus favorable (voir le graphique suivant).
Variation mensuelle de l’inflation par catégorie
En date de juillet 2023. Sources : U.S. Bureau of Labor Statistics (BLS), Macrobond et RBC GMA.
Logement et denrées alimentaires : locomotive de l’inflation aux États-Unis
En date de juillet 2023. Sources : Bureau of Labour Statistics des États-Unis, Macrobond, RBC GMA.
L’inflation des produits alimentaires recule aux États-Unis
En date de juillet 2023. La zone ombrée représente une récession. Sources : Bureau of Labour Statistics des États-Unis, Macrobond, RBC GMA.
Notre série de mesures de l’inflation de base s’est grandement améliorée au cours des derniers mois (voir le graphique suivant).
Les mesures de l’inflation de base aux États-Unis sont globalement en amélioration
Coefficient de déflation des DPC en juin 2023. Mesures de l’indice des prix à la consommation en date de juillet 2023. La zone ombrée représente une récession. Sources : Macrobond, RBC.
Un fait important : l’ampleur de l’inflation continue aussi de s’atténuer aux États-Unis. À un moment donné, aux États-Unis, un tiers du panier des prix à la consommation connaissait une inflation de 10 % ou plus. À présent, cette fraction n’est plus que de 4 % (voir la zone ombrée en rouge dans le graphique suivant).
L’inflation élevée est de moins en moins généralisée aux États-Unis
En date de juillet 2023. Part des composantes de l’indice des prix à la consommation (IPC) dont la variation en pourcentage d’une année sur l’autre correspond aux fourchettes indiquées. Sources : Haver Analytics, RBC GMA.
De même, les entreprises sont beaucoup moins préoccupées par l’inflation qu’elles ne l’étaient, bien qu’elles en souffrent encore (voir le graphique suivant).
L’inflation est le principal problème des petites entreprises
En date de juillet 2023. La zone ombrée représente une récession. Sources : Étude économique menée par la National Federation of Independant Business auprès des PME, Macrobond et RBC GMA.
Selon la mesure des pressions sur les prix publiée par la Réserve fédérale de Saint-Louis, le risque que l’inflation dépasse 2,5 % au cours de la prochaine année s’est récemment replié d’un niveau proche de 100 % à moins de 50 % (voir le graphique suivant). C’est un grand changement.
La mesure des pressions sur les prix a fortement chuté aux États-Unis
En date de juillet 2023. La mesure des pressions sur les prix indique la probabilité que le taux d’inflation (d’une année sur l’autre) prévu au cours des 12 prochains mois dépasse 2,5 %. La zone ombrée représente une récession. Sources : Federal Reserve Bank de St. Louis, Macrobond, RBC GMA.
Dans le monde entier, les recherches sur le mot « inflation » dans Google continuent de diminuer, et récemment à un rythme accéléré (voir le graphique suivant). Le nombre de recherches n’est pas complètement revenu à la normale, mais il y est presque.
Les recherches sur l’« inflation mondiale » dans Google diminuent
Données pour la semaine se terminant le 12 août 2023 (données partielles). Nombre de recherches dans Google pour le sujet par rapport au point le plus élevé de la catégorie finance, pour la région et la période sélectionnées. Sources : Google Trends, RBC GMA.
Enfin, nous soutenions depuis six semaines que même si l’inflation annuelle officielle tournait autour de 3 %, le taux d’inflation réel était plutôt de l’ordre de 4 à 6 % en prenant en compte le rythme annuel de l’inflation de base, l’IPC sans l’effet de la chute des prix du gaz, ou l’IPC médian.
Tout cela reste vrai, mais les chiffres sont légèrement décalés. Ces taux annuels de 4 à 6 % sont quelque peu dépassés. La tendance réelle de ces indicateurs s’est avérée beaucoup plus modérée au cours des derniers mois (voir le tableau suivant) :
- La tendance sur trois mois sur une base annualisée est de 3,1 % à peine pour l’inflation de base.
- L’IPC excluant le gaz ressort est à 2,6 %.
- L’IPC médian est à 3,8 %.
Donc, au lieu d’avancer que l’inflation « réelle » se situe de 2 à 4 points de pourcentage au-dessus de la cible, il serait probablement plus juste de dire que l’inflation « réelle » est d’environ 0,5 à 2 points de pourcentage au-dessus de la cible. Il reste encore du travail à faire, et probablement un peu plus que ce que le chiffre de l’inflation globale laisserait supposer, mais nous sommes moins éloignés de la cible que nous le pensions au départ.
Les indicateurs d’inflation montrent un ralentissement
Données sur les DPC en date de juin 2023, données sur l’indice des prix à la consommation et sur l’indice des prix à la production en date de juillet 2023. Sources : BEA, U.S. Bureau of Labour Statistics, Federal Reserve Bank de Cleveland, Federal Reserve Bank de Dallas, Macrobond, RBC GMA.
Certes, le ralentissement est dorénavant moins marqué, car les effets de base s’atténuent progressivement du fait de la résilience de l’économie, comme en témoignent les indicateurs en temps réel d’inflation qui repartent à la hausse (voir le graphique suivant), et du fait que l’incidence de la hausse des prix du gaz sur l’inflation est restée faible sur juillet et sera bien plus forte en août.
Le recul de l’indice quotidien de l’inflation aux États-Unis de PriceStats est dorénavant moins marqué
Indice de l’inflation PriceStats au 7 août 2023. Indice des prix à la consommation en date de juillet 2023. Sources : State Street Global Markets Research, RBC GMA.
Abaissement de la cote de crédit des États-Unis
L’agence de notation Fitch a abaissé sa cote de crédit de la dette souveraine des États-Unis, qui est passée de l’excellente cote AAA à la cote AA+, un peu moins reluisante, au début du mois d’août. Standard and Poor’s l’avait déjà fait en 2011, ce qui signifie que, désormais, deux des trois plus grandes agences de notation pensent que la dette américaine est devenue moins fiable, justifiant de fait une cote AA+. Lorsque S&P a abaissé la cote de crédit des États-Unis il y a une douzaine d’années, les répercussions ont été moindres, car à l’époque, les deux autres principales agences de notation ont maintenu la cote AAA.
Cette décision amène à se poser deux questions clés : était-ce justifié et quelles en sont les répercussions ?
Abaissement de cote justifié
La seule façon de faire valoir que la baisse de la cote de crédit des États-Unis n’était pas justifiée aurait été de considérer les États-Unis comme un pays d’exception qui échappe au concept de cote de crédit. Cette allégation n’est pas totalement ridicule :
- Le dollar américain sert de monnaie refuge dans le monde.
- Le marché obligataire des États-Unis est le plus vaste et le plus important au monde.
- La taille et la diversification de leur économie leur offrent en théorie la capacité de rembourser leur dette et, en raison du contrôle de leurs propres devise et banque centrale.
- Il est très peu probable que les États-Unis se retrouvent un jour en défaut de paiement de façon durable.
Toutefois, en prenant en compte les mêmes paramètres que ceux appliqués à tous les autres pays, l’abaissement de la cote de crédit des États-Unis est entièrement justifié par un ensemble de considérations politiques et budgétaires, et était sans doute attendu depuis longtemps.
D’un point de vue politique, la dette des États-Unis a été mal gérée à plusieurs reprises, notamment au regard des nombreuses fois où les négociations autour du relèvement du plafond de la dette du pays ont failli échouer, ce qui aurait pu entraîner un défaut technique de paiement de la dette. À la fin de mai, le pays a frôlé le défaut technique de paiement, à quelques jours près, simplement parce que les dirigeants politiques se livraient à une partie de bras de fer. Les prix des swaps sur défaillance de crédit des États-Unis ont brièvement bondi et les investisseurs ont dû réfléchir à des plans de secours dans l’éventualité où leurs bons du Trésor américain ne seraient pas remboursés. L’abaissement de la cote de crédit par S&P en 2011 avait également fait suite au quasi-échec des négociations sur le plafond de la dette.
Une des preuves évidentes de la détérioration de la gouvernance budgétaire est le processus budgétaire complexe qui se prête à des débats prolongés sur le budget, dont certains ont conduit à la paralysie pure et simple du gouvernement. La polarisation extrême et croissante au sein des deux principaux partis politiques aux États-Unis est une préoccupation sous-jacente, et le personnel de Fitch aurait même cité l’attaque du 6 janvier 2021 sur le Capitole pour justifier ses inquiétudes concernant la stabilité de l’appareil politique américain.
Il convient également de noter que la viabilité budgétaire n’est plus un sujet de discussion pour la plupart des politiciens américains. Les États-Unis n’ont pas établi de plan budgétaire à moyen terme, et peu de mesures ont été prises pour faire face à la hausse prévue des coûts liés à la sécurité sociale et à l’assurance-maladie à mesure que la population vieillit.
Le Congressional Budget Office vient d’augmenter le déficit fédéral prévu pour cette année à 1 700 milliards de dollars, une somme considérable qui représente 6,5 % du PIB. Ce déficit qui augmente de façon constante dépasse le chiffre déjà élevé de 5,5 % atteint l’an dernier. Il est l’aboutissement d’un ensemble de réductions d’impôt et d’initiatives en matière de dépenses mis en œuvre au cours de la dernière décennie (voir le graphique suivant).
Au-delà de leur rôle traditionnel d’outil contracyclique dans une optique keynésienne, les dépenses, et le déficit qu’elles engendrent, semblent également être devenues un outil procyclique. En d’autres termes, les déficits sont importants pendant les périodes de récession, mais aussi de prospérité. Les engagements budgétaires des États-Unis au cours des prochaines années ne permettent pas une véritable amélioration de leur trajectoire.
Le déficit budgétaire des États-Unis s’accroît de nouveau
https://rbcjira.fg.rbc.com/browse/GAMDOTCOM-900
Le ratio dette-PIB des États-Unis a désormais atteint 112,9 % du PIB, soit près du double du ratio qui prévalait avant la crise financière mondiale. Le nouveau poids de la dette des États-Unis représente également plus du double de la médiane des pays qui conservent leur cote AAA.
Les États-Unis devraient consacrer environ un dixième des recettes fédérales uniquement au remboursement de la dette fédérale d’ici 2025, soit un pourcentage très largement supérieur à la médiane de 1 % des pays AAA et bien au-dessus de la médiane de 2,8 % des autres pays avec une cote AA. Le caractère d’exception des États-Unis explique sans doute pourquoi leur cote de crédit n’est même pas inférieure à AA+.
Les répercussions de l’abaissement de la cote
D’un point de vue théorique, il était difficile d’anticiper la façon dont le marché obligataire devait réagir face à l’abaissement de la cote de crédit des États-Unis.
Pour les optimistes à l’égard des obligations, ces mauvaises nouvelles constituaient un événement susceptible d’accroître l’aversion pour le risque. Du fait du statut de valeur refuge des États-Unis, la demande de titres du Trésor américain pouvait paradoxalement augmenter, entraînant une baisse des taux pour l’instrument même qui était désormais considéré comme plus dangereux.
À l’inverse, pour les pessimistes à l’égard des obligations, l’abaissement de la cote de crédit signifiait que la dette américaine devenait plus dangereuse, imposant une prime de risque plus élevée et donc une hausse des taux obligataires. De plus, bien que l’effet soit limité, certains investisseurs institutionnels ont des mandats qui interdisent la détention de titres de créance avec une cote inférieure à AAA, contraignant un petit nombre d’entre eux à des ventes forcées (tandis qu’un autre petit nombre d’investisseurs sont uniquement autorisés à détenir des titres de créance avec une cote inférieure et pourraient désormais en théorie acheter des obligations du Trésor américain pour la première fois).
Dans un souci d’exhaustivité, la pondération du risque de la dette du Trésor américain dans les bilans des banques ne change pas, tout comme son admissibilité à être utilisée comme garantie.
Une dernière interprétation divergente était qu’il n’était pas nécessaire que les taux obligataires évoluent, puisque les questions politiques et fiscales sous-jacentes étaient déjà connues de tous, même si elles n’étaient pas reflétées dans la cote officielle jusqu’à récemment.
En pratique, les taux obligataires ont augmenté, avec un important bond de 38 points de base pour le taux des obligations américaines à 10 ans depuis l’annonce du 1er août. Une petite prime de risque semble justifiée. Les marchés d’obligations d’État du monde entier doivent maintenant être autonomes, car les banques centrales n’achètent plus des obligations, mais en vendent. Les marchés obligataires nord-américains ne sont également plus le seul terrain de jeu des investisseurs qui cherchent un taux nominal positif assorti d’un risque relativement faible.
Au bout du compte, les taux des obligations américaines sont légèrement plus élevés, mais l’effet de la décote est essentiellement symbolique. Dans le meilleur des cas, les politiciens du pays s’indigneront et se montreront encore plus prudents sur le plan budgétaire. Cette éventualité est toutefois peu probable. La situation risque plutôt de rester inchangée, les déficits demeurant abyssaux.
Il convient de préciser que bien des pays dont la cote de crédit est moins élevée que celle des États-Unis sont tout à fait viables d’un point de vue économique et budgétaire (voir le tableau suivant). De même, une cote AAA ne garantit pas des conditions économiques exceptionnelles. Cela dit, les pays qui mettent de l’ordre dans leurs finances accroissent leurs chances de bonne santé économique à long terme.
Cote de crédit d’emprunteur souverain par pays
Au 17 août 2023. Cotes d’emprunteur souverain concernant la dette à long terme en devises étrangères et locales. Sources : Fitch Ratings, Moody’s Investors Services, S&P Global, Bloomberg, RBC GMA.
Boom du secteur de la construction manufacturière
Nous avons eu du mal à mesurer l’ampleur de l’essor actuel du secteur des infrastructures aux États‑Unis. À la fin de mai, nous avons écrit que la loi sur la réduction de l’inflation ( Inflation Reduction Act ), la loi sur les semi-conducteurs ( CHIPS Act ), la loi sur les investissements dans les infrastructures et les emplois (IIJA, Infrastructure Investment and Jobs Act ) et les politiques connexes devraient avoir un effet positif sur l’économie, mais pas forcément à la hauteur des attentes.
Par ailleurs, les investissements privés dans les structures aux États-Unis ont diminué de 2,0 % au cours de la dernière année. Ce nombre tient toutefois compte du secteur de la construction résidentielle, dont les investissements ont chuté de 14,0 % d’une année sur l’autre.
Il faut analyser les données en détail pour évaluer l’effet des mesures de relance budgétaire. L’augmentation des dépenses de construction manufacturière aux États-Unis est sans conteste impressionnante (voir le graphique suivant). Les dépenses réelles ont pratiquement doublé au cours des dernières années.
Les dépenses de construction manufacturière aux États-Unis ont grimpé en flèche après l’adoption d’une loi nationale sur les investissements
En date de juin 2023. Les dépenses totales de construction de base dans le secteur manufacturier privé sont ajustées en fonction de l’indice des prix à la production pour la demande intermédiaire, les matériaux et les composants de la construction. La zone ombrée représente une récession. Sources : Census Bureau, U.S. Bureau of Labor Statistics, Macrobond et RBC GMA.
Ce phénomène pourrait-il aussi refléter une tendance naturelle à favoriser le marché national, étant donné que les entreprises américaines font de moins en moins confiance à la Chine ? Nous ne croyons pas qu’il s’agisse d’une raison majeure, car il existe très peu de preuves d’une hausse des dépenses de construction manufacturière en dehors des rares secteurs informatiques ciblés par la loi sur les semi-conducteurs (voir le graphique suivant).
Récente hausse de la construction manufacturière aux États-Unis stimulée par les secteurs de l’informatique, de l’électronique et de l’électricité
En date de juin 2023. Les dépenses de construction dans le secteur manufacturier privé sont ajustées en fonction de l’indice des prix à la production pour la demande intermédiaire, les matériaux et les composants de la construction. La zone ombrée représente une récession. Sources : Census Bureau, U.S. Bureau of Labor Statistics, Macrobond et RBC GMA.
Alors, assistons-nous à un boom du secteur des infrastructures ? Pour les entreprises spécialisées dans ce type d’activité, oui, mais cet essor est très limité. Des dépenses supplémentaires de 100 milliards de dollars par année représentent une augmentation d’environ 0,5 % du PIB, ce qui est loin d’un bouleversement en tant que tel (et est relativement proche de notre première estimation effectuée au moins de mai).
– Avec la contribution de Vivien Lee et d’Aaron Ma
Vous aimeriez connaître d’autres points de vue d’Eric Lascelles et d’autres dirigeants avisés de RBC GMA ? Vous pouvez lire leurs réflexions dès maintenant.