Atteinte d’un sommet pour l’inflation
La nouvelle la plus importante, sans doute, est que notre feuille de pointage des pics de l’inflation aux États-Unis fait ressortir, une fois de plus, une hausse sensible du nombre de « oui » au cours du dernier mois (voir le tableau suivant). À la fin de juillet, six indicateurs de la feuille de pointage soutenaient l’idée que l’inflation refluait, dix qu’elle reculait peut-être et sept, qu’elle ne reculait pas. Aujourd’hui, douze indicateurs pointent en direction d’une baisse de l’inflation (une légère majorité), cinq donnent à penser qu’elle recule « peut-être » et six, qu’elle ne recule pas. Presque tous les indicateurs auraient montré une tendance négative au printemps dernier.
La feuille de pointage montre que l’inflation atteint un sommet aux États-Unis
Au 22 août 2022. Le « point de bascule » est déterminé à l’aide d’une combinaison de méthodes d’un mois sur l’autre et d’une année sur l’autre. Les « biens très populaires pendant la pandémie » sont les véhicules d’occasion et les véhicules de loisir (y compris les bicyclettes). Source : RBC GMA.
Les variables qui ont adopté une direction moins problématique sont notamment les suivantes :
- l’indice des prix à la consommation (IPC) général
- l’IPC médian, l’indice des prix à la production (IPP)
- l’inflation en temps réel
- le coût des biens très populaires pendant la pandémie
- les attentes inflationnistes des consommateurs
- les intentions des entreprises d’augmenter les prix.
Il est important de reconnaître que la progression de la feuille de pointage n’est pas nécessairement linéaire. Certaines mesures d’inflation qui viennent d’adopter une tendance favorable pourraient à nouveau se révéler défavorables, contredisant l’idée selon laquelle l’inflation a atteint son sommet. Mais, pour le moment, la grande majorité des indicateurs pointent en direction du « oui » ou du « peut-être », ce qui concorde avec notre opinion selon laquelle l’inflation a probablement atteint son sommet en juin de cette année ; cela dit, sa décélération au cours des prochains mois devrait être irrégulière, et il faudra probablement un certain temps avant que l’inflation revienne à la normale.
Inflation de juillet
Un des principaux facteurs portant à croire que l’inflation a atteint un sommet est que les prix à la consommation ont diminué de façon significative en juillet. Aux États-Unis, la variation mensuelle des prix à la consommation a été de 0,0 % (voir le graphique suivant - la barre pour juillet est invisible puisqu’elle correspond exactement à l’axe de 0,0). Selon les valeurs à deux décimales, les prix en juillet étaient en fait légèrement inférieurs à ceux de juin. Il s’agit d’un contraste marqué avec le mois précédent, lorsque les prix ont enregistré une hausse incroyable de 1,3 % en un seul mois.
La variation mensuelle tendancielle de l’indice des prix à la consommation (IPC) des États-Unis s’atténue
En date de juillet 2022. Sources : U.S. Bureau of Labour Statistics (BLS), Macrobond et RBC GMA.
Cette brusque inversion de l’inflation en juillet a été principalement attribuable à la baisse de 4,6 % des prix de l’énergie. En revanche, les prix des denrées alimentaires ont poursuivi leur robuste progression (+1,1 % en juillet), tout comme les coûts du logement (+0,5 % d’un mois sur l’autre). Ces trois catégories sont de loin celles qui ont le plus contribué au taux d’inflation mensuel en juillet (voir le graphique suivant).
La baisse des prix de l’énergie est le principal facteur influant sur les catégories ayant eu la plus forte incidence sur le plus récent taux d’inflation mensuel aux États-Unis
Au 1er juillet 2022. Sources : U.S. Bureau of Labour Statistics (BLS), Macrobond et RBC GMA.
Les États-Unis ne sont pas le seul pays qui ait observé un renversement soudain des tensions inflationnistes en juillet. La plupart des pays ont fait état d’une situation très similaire étant donné le caractère universel de la baisse des prix de l’essence. Au Canada, le taux d’inflation a fléchi, passant de 8,1 % sur 12 mois à 7,6 %.
Perspectives pour le mois d’août et par la suite
En août, il semblerait que les prix des marchandises (à l’exception du gaz naturel) soient restés à peu près stables ou qu’ils aient continué de baisser. Par conséquent, les pressions baissières qui s’exercent sur l’inflation à la consommation devraient s’intensifier en août.
Le modèle de prévision immédiate de la Fed de Cleveland laisse entrevoir une hausse de seulement 0,13 % des prix à la consommation en août, soit une faible hausse même selon les normes historiques. Selon une mesure exclusive de l’inflation en temps réel, l’inflation a continué de ralentir activement tout au long du mois.
En effet, lorsque l’on examine les quatre secteurs du panier de prix qui ont été collectivement responsables des trois quarts de la flambée de l’inflation au cours de la dernière année, ils présentent tous des arguments raisonnables selon lesquels l’inflation devrait ralentir à l’avenir :
- Les prix du gaz se sont déjà repliés, car la Russie a maintenu sa production et la demande mondiale devrait se tasser.
- Les coûts de transport commencent à se stabiliser ; en effet, les prix des voitures commencent à revenir à la moyenne et les prix des billets d’avion diminuent.
- Les coûts du logement n’ont pas encore donné de signes tangibles de ralentissement, bien que le marché du logement ait pris un bon coup de froid dans plusieurs pays développés. Divers effets retardés doivent être pris en compte : ainsi, les coûts du logement ne devraient pas se révéler déflationnistes de sitôt dans de nombreux pays, mais la pression sous-jacente commence sûrement à s’atténuer (en revanche, les coûts de location continuent d’augmenter, en raison de la hausse des frais de possession d’une maison imputable à l’augmentation des taux hypothécaires, et étant donné que les coûts de location ne reflètent pas encore pleinement la forte hausse des prix des maisons).
- Les prix des denrées alimentaires ont commencé à baisser au niveau des produits de base, et un nombre croissant de spécialistes du secteur de l’alimentation prévoient que cela se répercutera sur les prix des aliments pour les consommateurs d’ici quelques mois.
Ajustement du risque de récession
Le risque de récession reste élevé, mais il semble avoir quelque peu diminué. Nous avons tendance à penser que le risque de récession aux États-Unis d’ici la fin de 2023 a reculé de 80 % à 70 % environ. Le risque demeure plus prononcé (et la récession potentielle encore plus grave) au Royaume-Uni et dans la zone euro.
De plus, nous commençons à croire que si une récession survenait aux États-Unis, elle serait un peu plus légère que prévu. Dans le passé, nous avons évoqué une récession américaine modérée dans laquelle la production réelle chuterait d’environ 2,5 %. Bien que ce chiffre reflète la profondeur moyenne du déclin observé lors des récessions américaines depuis 1948, entre le sommet et le creux, l’ampleur d’une récession normale est surestimée, car le calcul inclut la récession exceptionnellement profonde (et artificielle, et brève) liée à la pandémie au début de 2020. Si nous excluons cette crise, la récession moyenne aux États-Unis se traduit plutôt par un recul du PIB de 1,8 %. C’est un déclin de cet ordre qui semble à présent le plus probable.
Qu’est-ce qui a fait baisser le risque de récession et sa profondeur probable ? Dernièrement, plusieurs choses ont été positives pour l’économie mondiale.
- Comme nous venons de le voir, l’inflation a commencé à chuter. L’inflation galopante a constitué un frein pour l’économie, à la fois de façon directe, parce que les consommateurs et les entreprises ont réduit leurs dépenses face à la baisse du pouvoir d’achat, et de façon indirecte, en raison du resserrement monétaire énergique mis en œuvre pour contrer la flambée inflationniste. Pour illustrer cette variation, le baril de pétrole de catégorie West Texas Intermediate a atteint un sommet de 124 $ US le 8 mars. Depuis, il est tombé à 87 $ US fin août. Cela représente une économie importante pour les personnes qui achètent de l’essence, bien que le prix du pétrole demeure beaucoup plus élevé que sa moyenne de 68 $ en 2021.
- Les conditions financières sont un peu moins tendues. Les taux des obligations ont récemment décliné, car les craintes d’inflation se sont apaisées, les prévisions des banques centrales ont été revues à la baisse, et les attentes de récession ont été prises en compte dans les prix (voir le graphique suivant). Le marché boursier et les autres actifs à risque ont également connu une reprise partielle.
Les taux des obligations du Trésor américain à 10 ans ont chuté
Au 19 août 2022. La zone ombrée représente une récession. Sources : Trésor américain, Haver Analytics, RBC GMA
- Les chaînes logistiques ont poursuivi sur la voie de l’amélioration, et il semble raisonnable d’espérer de nouveaux progrès à mesure que les goulots d’étranglement seront résorbés.
- La situation économique de la Chine – bien qu’elle soit encore compliquée et précaire – pourrait ne pas être aussi problématique qu’il y a quelques mois. Il était alors apparu que plusieurs régions du pays seraient mises en confinement au fil des éclosions de COVID-19. Parmi les quatre facteurs, c’est celui qui s’améliore avec le moins d’entrain.
L’amélioration des quatre facteurs n’est pas suffisante pour conclure à un atterrissage en douceur en tant que scénario économique de base, mais si ces facteurs continuaient de progresser, un tel scénario deviendrait de plus en plus plausible.
Bien que la tendance économique générale indique toujours un ralentissement graduel de l’activité, quelques exceptions notables ont récemment émergé. Les demandes d’assurance-chômage ont ainsi diminué au cours de la dernière semaine. Par ailleurs, l’indice de confiance des consommateurs publié par l’Université du Michigan, qui était catastrophique depuis longtemps (et qui, pour être honnêtes, reste désespérant), s’est discrètement redressé en août.
Récession : le bon côté des choses
Dans le passé, nous avons avancé qu’une récession, dans ce contexte, n’était pas la pire des choses, dans la mesure où cela permettrait d’éviter que la forte inflation ne devienne structurelle – un aboutissement nécessaire, si le niveau de vie continue d’augmenter de façon significative au cours de la prochaine décennie.
En plus d’offrir des occasions de placement aux investisseurs aguerris, une récession pourrait aider à évacuer d’autres problèmes :
- L’activité économique, en particulier le marché du travail, est en surchauffe, à un niveau presque sans précédent. L’économie ne peut pas tenir ce rythme indéfiniment, et le fait de retarder sa normalisation pourrait provoquer un ralentissement plus grave plus tard. L’apaisement de l’économie aujourd’hui, par l’entremise d’une récession légère ou modérée, pourrait être le chemin le moins douloureux.
- Les excès de l’immobilier avaient pris des proportions inquiétantes avant même que les taux d’intérêt ne commencent à monter récemment. Une récession en bonne et due forme permettrait de rajuster le marché du logement, et de rétablir une certaine accessibilité à la propriété pour les générations futures.
- Les taux d’intérêt ultra-bas, voire négatifs, commençaient à causer des dommages importants à cause des distorsions dans les incitations. Il vaut peut-être la peine de relever les taux directeurs et les taux d’intérêt si cela permet d’éliminer ces distorsions, même si l’ajustement initial entraîne une brève récession.
Évaluation des défis liés aux marchés émergents
L’économie mondiale a souffert de la hausse des taux d’intérêt et de l’augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie au cours de la dernière année. Les pays des marchés émergents ont sans doute plus souffert que les autres.
L’augmentation des prix des denrées alimentaires est particulièrement problématique pour les pays des marchés émergents, étant donné que l’alimentation représente une plus grande part des dépenses dans les pays les plus pauvres.
La hausse des coûts d’emprunt a été encore plus importante dans de nombreux pays émergents. Non seulement le taux sans risque a grimpé au cours de la dernière année (plus ou moins, les taux des obligations d’État américaines), mais les primes de risque d’emprunt propres aux marchés émergents ont également augmenté. Il en résulte une hausse particulièrement marquée des coûts d’emprunt dans les marchés émergents (voir le graphique suivant).
Les taux obligataires des marchés émergents ont atteint leur plus haut niveau en plus de dix ans
Au 19 août 2022. Sources : J.P. Morgan, RBC GMA
Enfin, la vigueur du dollar américain pose également problème à de nombreux débiteurs des marchés émergents, car leur dette extérieure est souvent évaluée en dollars. Étant donné que le dollar américain s’est apprécié, le montant de la dette de ces pays a connu une augmentation effective par rapport à leur puissance économique intérieure.
Par conséquent, parmi les 70 principaux pays qui composent l’univers des obligations des marchés émergents, une vingtaine sont en proie à des difficultés financières. Ce chiffre correspond à peu près aux niveaux enregistrés en 2020 et en 2008 pour les obligations de marchés émergents en difficulté. En revanche, le secteur des sociétés se montre plus résilient jusqu’à présent.
Ce sont surtout les petits marchés frontières qui connaissent des difficultés. Ces derniers sont généralement les plus petits composants des indices obligataires, ce qui limite les dommages. En outre, tous les pays en difficulté ne font pas forcément défaut, et les marchés financiers, traditionnellement tournés vers l’avenir, ont déjà tenu compte de ces problèmes dans les prix.
Le point à retenir est que les économies des marchés émergents souffrent sans doute davantage des récents obstacles économiques que les pays développés, lesquels ont tendance à prendre le centre de l’attention.
Suivre l’approche des élections de mi-mandat aux États-Unis
Les élections de mi-mandat aux États-Unis se tiendront dans un peu plus de deux mois. Le président Biden reste assez impopulaire malgré quelques succès législatifs récents. De plus, les présidents perdent généralement une grande partie de leur soutien lors des élections de mi-mandat. Ainsi, il y a un mois encore, on s’attendait généralement à ce que le Parti républicain ravisse la majorité aux démocrates, à la fois la Chambre des représentants et au Sénat.
Cette perspective semble avoir changé. Alors que la Chambre des représentants devrait rester entre les mains des républicains (voir le graphique suivant), les sondages indiquent maintenant que les démocrates devraient conserver leur majorité au Sénat (voir le graphique suivant). Bien sûr, avec une probabilité de 79 % et de 60 % respectivement, et compte tenu des changements d’allégeance politique observés au cours des derniers mois, ces pronostics pourraient encore changer avant les élections.
Qui sera majoritaire à la Chambre des représentants après les élections de mi-mandat de 2022 ?
Sources : FiveThirtyEight, RBC GMA.
Qui sera majoritaire au Sénat après les élections de mi-mandat de 2022 ?
Sources : FiveThirtyEight, RBC GMA.
D’un point de vue législatif, on peut soutenir que la direction prise par le Sénat importe peu : une Chambre des représentants républicaine entravera les efforts législatifs de la Maison-Blanche, et inversement. Mais cette prise de position est trop simpliste, car le Sénat prend des décisions cruciales, notamment la nomination des juges de la Cour suprême.
Le marché boursier a généralement le vent en poupe lorsque le Congrès est divisé entre deux partis, en théorie parce que l’impasse politique qui en résulte signifie que la politique publique ne subira pas de refonte et ne compromettra donc pas les modèles d’affaires existants.
Au niveau des États, 36 postes de gouverneur seront en jeu. Les sondages suggèrent actuellement que 17 d’entre eux iront aux démocrates et 17 aux républicains, et que deux se joueront à pile ou face (voir le graphique suivant). Cependant, puisqu’un plus grand nombre d’États républicains sont en lice pour les élections, cela n’en reste pas moins le signe de la perte d’environ trois gouverneurs républicains.
Combien de sièges chaque parti remportera-t-il lors des élections de gouverneur en 2022 ?
Nota : 36 sièges de gouverneurs feront l’objet d’élections en 2022. Pile ou face signifie que les deux partis ont une probabilité de victoire inférieure à 60 %. Sources : FiveThirtyEight, RBC GMA.
Observation des tendances démographiques
Les Nations Unies (ONU) ont présenté leurs dernières projections de population à long terme au cours de l’été. Plusieurs conclusions fascinantes en sont à tirer.
- Le rythme de la croissance de la population mondiale devrait continuer à ralentir. L’explosion démographique mondiale vraiment extraordinaire qui a débuté au siècle des Lumières à la fin des années 1600 prendra effectivement fin d’ici la fin du 21esiècle (voir le graphique suivant).
L’essor démographique mondial tire maintenant à sa fin
Sources : McEvedy et Jones, 1978, Atlas of World Population History, Factors in File, Biraben, 1980, An Essay Concerning Mankind’s demographic evolution, Wikipedia, Projections démographiques mondiales des Nations Unies, 2022 ; Macrobond ; RBC GMA.
- La croissance de la population mondiale a été particulièrement lente en 2020 et 2021, probablement en partie à cause du nombre élevé de décès à la suite de la pandémie et de la réaction à celle-ci, et en partie parce que les taux de fécondité ont chuté particulièrement fort pendant la pandémie.
- L’ONU a réduit ses prévisions démographiques pour la fin du siècle de plus de 500 millions de personnes. Elle estime maintenant à 10,35 milliards de personnes la population en 2100 (voir le graphique suivant).
Les Nations Unies abaissent leurs prévisions concernant le pic de la population mondiale depuis 2019
En date de 2022. Source : Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (DAES de l’ONU), Macrobond, RBC GMA.
- Selon les anciennes prévisions des Nations Unies (datant de 2019), la population mondiale continuerait de s’accroître au-delà de l’an 2100 à la fin de l’horizon prévisionnel. Selon les nouvelles prévisions, la population mondiale atteindra son sommet en 2086, pour diminuer ensuite (voir le graphique suivant).
- Nous pensons que la population atteindra véritablement son pic en deçà du nombre projeté de 10,43 milliards, et que le pic surviendra peut-être un peu plus tôt. Cela s’explique en partie par le fait que les Nations Unies ont pris le pas de revoir à la baisse leurs prévisions démographiques et que de futurs ajustements à la baisse pourront donc également s’avérer nécessaires, et en partie parce que certains des taux de fécondité projetés sont censés se stabiliser naturellement autour de deux enfants par femme (un niveau qui donne une population approximativement stationnaire). Toutefois, en réalité, les pays développés qui sont passés sous ce taux de fécondité ont continué de voir celui-ci diminuer.
- Le fait de considérer la décroissance de la population mondiale comme avantageuse ou désavantageuse dépend entièrement du point de vue adopté. Il s’agit sans doute d’une évolution positive du point de vue de la préservation de l’environnement, de l’approvisionnement alimentaire, voire de la qualité de vie. À l’inverse, la diminution de la population a des effets négatifs sur la croissance économique et les rendements du marché boursier.
La population mondiale devrait atteindre un pic de 10,4 milliards de personnes parallèlement au ralentissement de la croissance
En date de 2022. Source : Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (DAES de l’ONU), Macrobond, RBC GMA.
- La dynamique qui sous-tend le pouvoir relatif des continents devrait continuer à évoluer (voir le graphique suivant). En termes strictement démographiques, l’Amérique du Nord, l’Amérique latine et l’Europe sont déjà reléguées à l’arrière-plan et devraient représenter une fraction encore plus petite de la population mondiale d’ici le tournant du siècle. Le géant actuel est l’Asie, où se trouve 59,5 % de la population mondiale. Toutefois, comme les taux de fécondité sont très bas, cette proportion devrait chuter à seulement 45,2 % d’ici la fin du siècle. En revanche, l’Afrique devrait connaître une nouvelle explosion démographique. Ce continent compte actuellement 17,4 % de la population mondiale, mais selon les estimations, sa population doublera pour s’établir à 37,9 % avant l’an 2100. Si cette prévision se concrétise, l’Afrique pourrait être une région fertile en possibilités économiques au cours des prochaines décennies.
Les nouveaux visages de la population mondiale
Sources : Projections démographiques mondiales de l’ONU, 2022 ; Macrobond ; RBC GMA.
Taux de fécondité en Asie
Le Japon est connu pour sa population vieillissante et son faible taux de fécondité. En réalité, le pays n’est toutefois pas le seul à présenter un tel profil lorsqu’on le compare aux autres pays riches d’Asie. En fait, son taux de fécondité de 1,3 enfant par femme en 2020 le place près de la tête du peloton, au coude à coude avec la Chine, et avec une avance considérable sur Singapour, Taïwan, Hong Kong, Macao et la Corée du Sud. Le taux de fécondité de la Corée du Sud, soit 0,8 enfant par femme, est le plus bas du groupe. À ce rythme, chaque génération sera nettement inférieure à la moitié de la génération précédente. Des changements extraordinaires se dessinent, notamment en raison de la frilosité de l’Asie en matière d’immigration, qui s’ajoute aux facteurs mentionnés ci-dessus.
Ces observations démontrent également que le taux de fécondité de la Chine ne remontera probablement pas beaucoup, même si le pays a mis fin à sa politique de l’enfant unique. En fait, la Chine se situe au sommet des taux de fécondité de la région (des pays riches). En outre, depuis qu’elle a commencé à assouplir ses restrictions, peu de signes témoignant d’une remontée de la population ont été observés. L’influence géopolitique de la Chine pourrait en pâtir à long terme.
Génération Y et baby-boomers
Comme on l’a souvent mentionné, il y a maintenant plus de personnes de la génération Y (nées entre 1981 et 1996) que de baby-boomers (nés entre 1946 et 1964) aux États-Unis. Ce fait en a amené certains à soutenir que les entreprises (et les investisseurs) prospères seraient bien avisées de tourner leur attention vers la génération Y.
Mis à part le fait que les spécialistes du marketing ont déjà tendance à cibler le groupe des personnes « d’âge intermédiaire », qui comprend en fait la génération Y, le virage générationnel n’est pas aussi important qu’il n’y paraît de prime abord. Les baby-boomers reçoivent toujours une attention particulière en tant que groupe énorme qui éclipse à la fois la génération qui l’a précédé et celle qui l’a suivi (génération X : nés entre 1965 et 1980). Ils étaient spéciaux parce qu’ils représentaient une portion extraordinairement importante de la population à leur apogée.
Il est vrai que la génération du baby-boom commence à décliner, et que la cohorte de la génération Y est un peu plus importante que la normale, puisque plusieurs sont des enfants des nombreux baby-boomers. Toutefois, en l’absence d’un choc comme la fin de la Seconde Guerre mondiale, et compte tenu de l’augmentation de la population américaine au fil du temps, il est naturel que chaque génération soit légèrement plus importante que la précédente. Il se trouve qu’il a fallu deux générations pour que cette croissance progressive se traduise par l’arrivée d’une génération qui dépasse les baby-boomers en nombre. Il reste possible que la génération suivante (génération Z : nés entre 1997 et 2012) dépasse la population maximale de la génération Y. Tout dépendra du rythme et de la composition de l’immigration future. Il est donc inévitable que la population de la génération Z dépasse tôt ou tard celle de la génération Y, qui vieillira et finira par s’effacer.
L’observation la plus importante est que les personnes de la génération Y représentent une fraction beaucoup plus faible de la population américaine que celle des baby-boomers à leur apogée (notons que la génération du baby-boom est injustement avantagée en se voyant attribuer une période de 19 ans, alors que les autres générations ne s’échelonnent que sur 15 ou 16 ans, mais ce biais n’explique pas entièrement la plus grande importance de cette génération à son apogée).
Bref, la génération Y n’est pas aussi importante que les baby-boomers à leur âge d’or par rapport à l’ensemble de la population. Par conséquent, les tendances sociétales et les campagnes de marketing ne doivent pas la cibler davantage que les campagnes précédentes ne visaient les baby-boomers.
– Avec la collaboration de Vivien Lee, Vanessa Adams, Aaron Ma et Andrew Maleki
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