Aperçu
Le présent numéro du #MacroMémo aborde un vaste éventail de sujets, des tendances en matière d’infection à la COVID-19 aux efforts de lutte contre le virus, en passant par diverses nouvelles économiques. Parmi celles-ci, notons les dernières révisions apportées à nos prévisions, l’assouplissement des indicateurs, la santé de la consommation aux États-Unis et de nouveaux points de vue sur les stocks. Enfin, nous constatons certaines preuves voulant que l’inflation plafonne.
Points positifs :
- De nombreux pays émergents déclarent moins d’infections à la COVID-19.
- Malgré le variant Delta, la croissance économique se poursuit assez rapidement.
- Les consommateurs américains sont en bonne position financière.
- L’accumulation future de stocks est susceptible d’avoir des effets plus avantageux que nous ne pensions.
- Il se pourrait que l’inflation soit en train de plafonner.
À l’inverse, voici certains points négatifs :
- Le variant Delta demeure préoccupant, avec un niveau élevé d’infections à l’échelle mondiale.
- Au Royaume-Uni, les cas ont augmenté dans les dernières semaines, ce qui a ébranlé les espoirs que le pire de la vague liée au variant Delta soit passé.
- Il semble qu’un rappel de vaccin soit nécessaire plus tôt que tard pour limiter la propagation de la COVID-19.
- L’inflation reste élevée.
- La Réserve fédérale américaine a durci le ton, ce qui a temporairement inquiété les marchés.
- La croissance économique ralentit.
- Nous avons revu à la baisse nos prévisions de croissance pour 2022 et nous nous situons légèrement en deçà du consensus.
On peut à juste titre affirmer que bon nombre de ces facteurs représentent des perspectives différentes sur les mêmes sujets. La croissance est rapide, mais elle ralentit. L’inflation est élevée, mais elle plafonne probablement. Le variant Delta est inquiétant, mais en déclin dans de nombreux pays émergents. Il y en a autant pour les optimistes que pour les pessimistes.
Progression de la COVID-19
Le nombre quotidien d’infections à la COVID-19 à l’échelle mondiale demeure élevé, mais n’augmente plus activement (voir le graphique suivant).
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 dans le monde
Au 22 août 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Là-dedans, les pays émergents commencent à connaître une baisse du nombre de cas, alors que les pays développés continuent, dans l’ensemble, à enregistrer une hausse (voir le graphique suivant).
Nombre de cas de COVID-19 dans les pays émergents et dans les pays développés
Au 22 août 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien d’infections. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
L’amélioration dans les pays émergents est loin d’être universelle, mais elle est assez large. En Afrique, les chiffres sont élevés, mais en recul (voir le graphique suivant). De nombreux pays d’Amérique latine sont également sur la bonne voie (voir le Brésil dans le deuxième graphique). Il en va de même pour de nombreux pays asiatiques en développement, dont l’Inde et l’Indonésie (voir le troisième graphique).
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 en Afrique
Au 22 août 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 au Brésil
Au 22 août 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 en Indonésie
Au 22 août 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Cela dit, la vague liée au variant Delta continue de mettre à l’épreuve d’autres pays émergents. Le Mexique, la Thaïlande et la Malaisie (voir le graphique suivant) en sont des exemples.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 en Malaisie
Au 22 août 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Pays développés
Parmi les pays développés, le tableau varie énormément en Europe. Les cas sont en baisse en Espagne, stables en France, en Italie, au Portugal, ainsi qu’aux Pays-Bas, et en hausse en Allemagne, de même qu’en Suède. En Asie, le Japon connaît actuellement sa pire éclosion depuis le début de la pandémie (voir le graphique suivant).
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 au Japon
Au 22 août 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Du côté de l’Amérique du Nord, les cas au Canada ne sont pas encore élevés, mais ils continuent d’augmenter à un rythme soutenu. Or, le retour des températures plus froides et la rentrée des classes risquent d’alimenter cette progression au cours des prochains mois (voir le graphique suivant). Les chiffres grimpent particulièrement en Colombie-Britannique et en Alberta.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 au Canada
Au 22 août 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Aux États-Unis, le taux d’infection est considérablement supérieur, mais le rythme d’augmentation devrait maintenant ralentir (voir le graphique suivant). La situation continue de se détériorer dans presque tous les États. Toutefois, de façon intrigante, il se pourrait que le nombre de cas et d’hospitalisations en Floride ait culminé (voir le deuxième graphique). Ce serait inattendu, mais fascinant si la tendance se maintient, puisque la Floride a été un indicateur précurseur de cette vague aux États-Unis.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 aux États-Unis
Au 22 août 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
État de la Floride
Au 20 août 2021. Données sur les hospitalisations avant le 10 juillet 2020 provenant du Department of Health and Human Services. Sources : CDC, HHS, Macrobond, RBC GMA
Il convient de continuer à surveiller le Royaume-Uni, car il a en quelque sorte donné un avant-goût du déroulement de la vague liée au variant Delta dans le monde. Il y a quelques semaines, la situation était extrêmement prometteuse : non seulement les hospitalisations étaient relativement faibles, mais le nombre d’infections diminuait activement, dans une proportion largement supérieure aux attentes. Aujourd’hui, le taux d’hospitalisation est encore assez bas, mais le taux d’infection est reparti à la hausse (voir le graphique suivant). Au passage, le taux d’hospitalisation aux États-Unis est beaucoup plus élevé par infection.
Cas de COVID-19 et hospitalisations causées par la COVID-19 au Royaume-Uni
Au 22 août 2021. Sources : OMS, Our World in Data, Macrobond, RBC GMA
Il semble que la baisse précédente pourrait simplement être attribuable à la fin du championnat de football de l’Euro ou que la hausse récente soit le résultat de l’assouplissement des restrictions relatives à la distanciation sociale au Royaume-Uni en juillet, ou les deux. Dans un cas comme dans l’autre, il reste à déterminer si la ligne de conduite adoptée par le Royaume-Uni pourra être maintenue et si le pays devrait être considéré comme un modèle pour la sortie du confinement.
Malheureusement, les cas d’infections sont aussi maintenant extrêmement élevés en Israël, bien que le pays ait mené l’une des campagnes de vaccination les plus intensives au monde (voir le graphique suivant). Le nombre de décès demeure jusqu’ici inférieur à celui des vagues précédentes, mais il n’est tout de même pas négligeable. Israël a réagi en administrant un troisième vaccin à ses citoyens et en rétablissant son passeport vaccinal.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 en Israël
Au 22 août 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Le variant Delta est différent
Il est largement reconnu que le variant Delta est considérablement plus contagieux que les formes précédentes du virus, ce qui explique comment il a pu se répandre ainsi à l’échelle mondiale. Une étude chinoise récente a révélé que les personnes infectées par le variant Delta présentent une charge virale 1 260 fois plus élevée que celles infectées par la souche initiale du virus. Il est par conséquent beaucoup plus facile de le transmettre.
Cette recherche a permis d’arriver à une deuxième constatation. Les tests permettent de dépister beaucoup plus rapidement le variant Delta que la souche originale, soit seulement 3,7 jours après l’exposition plutôt que 5,6 jours. Bien que cela puisse être interprété de façon négative – les gens tombent malades encore plus rapidement, très probablement parce que la charge virale est tellement plus élevée –, il y a aussi un côté positif sous-évalué. En effet, l’un des aspects les plus pernicieux de la COVID-19 est que les personnes atteintes peuvent infecter quelqu’un d’autre avant même de présenter des symptômes. Le variant Delta semble moins bon à cet égard.
En fin de compte, cette observation ne réduit en rien la contagiosité du variant Delta. Nous avons déjà constaté qu’il se propage beaucoup plus facilement que les souches précédentes. Ainsi, sa charge virale accrue (et ses autres avantages évolutifs) pèse plus fort dans la balance que la période asymptomatique moins longue qui l’accompagne. Il est néanmoins encourageant de s’apercevoir que la période asymptomatique joue un rôle et est susceptible d’avoir une incidence moins grave.
Mise au point d’un vaccin
Mandats de vaccination et passeports vaccinaux
Les mandats de vaccination et les passeports vaccinaux deviennent de plus en plus populaires comme solution de rechange à la méthode plus radicale qui consiste à fermer des industries entières. L’opinion publique demeure généralement favorable.
Il est maintenant assez courant pour les gouvernements d’exiger que les fonctionnaires, les travailleurs de la santé et les enseignants soient vaccinés. Les États-Unis ont déclaré qu’ils imposeront également la vaccination contre la COVID-19 à tous les membres de leurs gigantesques forces armées. Les 25 meilleures universités américaines exigent maintenant aussi que leurs étudiants soient vaccinés.
Dans la plupart des cas, une clause dérogatoire permet aux personnes non vaccinées de conserver leur emploi ou de poursuivre leurs études en subissant fréquemment des tests de dépistage.
La vaccination obligatoire n’est pas vraiment révolutionnaire : les armées imposent des vaccins depuis des centaines d’années. Les écoliers doivent depuis longtemps être vaccinés contre une panoplie de maladies.
Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises exigent que leurs employés soient vaccinés. Le nombre d’affichages de poste qui mentionnent la vaccination est passé de 50 par million en février à 600 par million en juillet et à 1 200 par million en août. Il est vrai qu’il s’agit là d’un minuscule pourcentage du total – 0,1 % ! – mais la tendance est néanmoins explosive. Et cela, sans compter que de nombreux employeurs ne mentionnent pas la vaccination dans leurs affichages, mais l’exigent tout de même.
Certaines entreprises imposent la vaccination non seulement à leurs employés, mais aussi à leurs clients. Ainsi, les navires de croisière ont considérablement restreint l’accès aux clients non vaccinés, et ont eu gain de cause dans les contestations judiciaires. Certaines équipes sportives exigent désormais que leurs partisans soient vaccinés ou présentent la preuve d’un test négatif récent.
Les gouvernements exigent aussi de plus en plus souvent que les résidents présentent une preuve de vaccination pour utiliser les transports en commun ou avoir accès à certains lieux publics, comme les salles à manger de restaurants ou les salles de sport. Israël a ouvert le bal à cet égard il y a plusieurs mois ; la France et l’Italie ont récemment mis en place des programmes similaires, et d’autres pays sont en train d’emboîter le pas. Au Canada, le Québec a mis en place un tel programme, et la Colombie-Britannique est sur le point d’en adopter un.
Le gouvernement canadien prévoit également imposer la vaccination à tous les employés de la fonction publique fédérale, de même qu’à ceux qui travaillent dans des secteurs sous réglementation fédérale et ceux qui voyagent par avion ou par train. Les secteurs sous réglementation fédérale comprennent les services bancaires et les télécommunications.
Vaccin de rappel
Un nombre croissant d’études montrent que la protection offerte par les vaccins s’estompe étonnamment rapidement. Selon une nouvelle étude britannique, l’efficacité du vaccin Pfizer chez les personnes âgées de 35 à 64 ans passe de près de 80 % deux semaines après la deuxième dose à seulement 60 % après 100 jours. Et son efficacité semble continuer de diminuer par la suite.
Ajoutons à cela l’efficacité réduite des vaccins contre le variant Delta par rapport au virus original, et on comprend pourquoi les clameurs pour un vaccin de rappel vont en s’accentuant. De nombreux pays se sont engagés à administrer des doses de rappel à leur population au cours des prochains mois, sinon à tout le monde, du moins aux personnes les plus vulnérables. En Israël, 14 % de la population a déjà reçu une troisième dose du vaccin.
Une étude préliminaire menée auprès des personnes âgées de 60 ans et plus a révélé qu’une troisième dose augmentait la protection par un coefficient de quatre fois contre une infection et de cinq à six fois contre une maladie grave ou le décès.
Le principal inconvénient, c’est que cela nuit aux campagnes de vaccination des pays en développement, qui doivent recommencer à rivaliser avec les pays riches pour mettre la main sur un nombre limité de vaccins.
Mesures de confinement limitées
Malgré la propagation du variant Delta, les mesures de confinement n’ont été utilisées qu’avec parcimonie. Certains pays laissent plutôt le virus se propager en espérant limiter les hospitalisations et en comptant sur les gens pour qu’ils modifient volontairement leur comportement. De nombreux pays adoptent également des mandats ou passeports de vaccination, comme nous l’avons vu plus haut.
Pourtant, un certain resserrement est perceptible, surtout dans les pays qui ont précédemment mené une politique de tolérance zéro à l’égard du virus. Parmi eux figurent la Chine, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. La Chine a imposé un confinement à des régions qui ont été frappées par le variant Delta, de telle sorte que Goldman Sachs estime maintenant que l’économie chinoise pourrait être temporairement ralentie de 4 % par rapport à son rythme d’avant ces mesures. Évidemment, la production économique de la Chine ne serait inférieure de 4 % que si de telles restrictions étaient maintenues pendant une année entière. Jusqu’à présent, il n’a été question que de quelques semaines.
Ailleurs dans le monde développé, notre indicateur des mesures de confinement révèle que des pays ont soit interrompu leurs efforts de réouverture ou resserrent légèrement leurs règles (voir le graphique suivant).
La rigueur des mesures de confinement varie d’un pays à l’autre
Selon les dernières données disponibles au 8 août 2021. Écart par rapport au niveau de référence normalisé en fonction des États-Unis et lissé au moyen d’une moyenne mobile sur sept jours. Sources : Google, Université d’Oxford, Macrobond, RBC GMA
Réduction des prévisions économiques
Nos dernières prévisions de croissance du PIB continuent de tabler sur une forte croissance. Toutefois, les estimations pour 2022 sont maintenant légèrement inférieures à ce qu’elles étaient auparavant et également un peu en deçà des prévisions générales (voir le tableau suivant). Nous sommes à peu près en phase avec les prévisions générales pour 2021, ce qui n’est pas surprenant étant donné que près des deux tiers de l’année sont déjà terminés.
Prévisions du PIB revues par RBC GMA
Prévisions de RBC GMA au 30 juillet 2021. RBC GMA rel. à CE (Consensus Economics), calculé en soustrayant les prévisions de CE de celles de RBC GMA. Les pays développés comprennent les États-Unis, le Canada, la zone euro, le Royaume-Uni et le Japon. Le monde comprend les pays développés susmentionnés, ainsi que la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, le Brésil, le Mexique et la Russie. Sources : CE, RBC GMA
Plusieurs considérations appuient cette thèse d’une croissance ralentie et inférieure aux prévisions générales :
- Les prévisions générales sont très élevées, ce qui laisse peu de place à des surprises positives, surtout à un moment où les surprises économiques sont récemment passées de positives à négatives.
- En ce qui a trait particulièrement aux États-Unis, la vigueur devrait être considérablement moins grande en 2022 qu’en 2021. Après tout, nous nous attendons à ce que les capacités excédentaires restantes aux États-Unis disparaissent d’ici le début de 2022. Normalement, la croissance ralentit considérablement lorsqu’un pays atteint sa pleine capacité économique.
- Nous croyons que la demande accumulée s’estompera au fil du temps, car la nouveauté des secteurs rouverts se dissipera (bien que, comme nous l’expliquons plus loin, les consommateurs demeurent en très bonne posture).
- L’année prochaine sera marquée par un freinage budgétaire, quelle que soit l’ampleur du plan d’infrastructure des États-Unis.
- Les banques centrales prévoient maintenant un certain renversement des mesures de stimulation monétaire pour 2022, aussi faible soit-il.
- Dans l’ensemble, nous estimons qu’il y a plus de risques de baisse que de risques de hausse entourant le scénario de référence.
Quoi qu’il en soit, la croissance économique devrait rester solide et nous croyons que le cycle économique en est encore à un stade précoce. Ce contexte est tout à fait compatible avec une nouvelle progression modérée des actifs à risque, mais il pourrait être plus difficile de reproduire les gains fulgurants de l’année dernière.
La Fed amorce la pompe
On a récemment observé un ton plus austère dans les procès-verbaux de la Réserve fédérale des États-Unis, ce qui a déclenché une vague temporaire d’inquiétude sur le marché. Malgré la prise en compte de la pandémie actuelle et des risques qui y sont associés, l’accent a été mis sur l’amélioration de la situation économique et les progrès réalisés à l’égard des objectifs politiques au cours des derniers mois.
Selon les participants, leurs critères relatifs aux « nouveaux progrès notables » n’ont pas tout à fait été remplis, mais cette cible semble assez proche. En retour, la Fed devrait commencer à réduire son programme d’achat d’actifs entre octobre de cette année et le début de 2022.
Bien que les actifs à risque aient d’abord mal encaissé cette perspective, les choses semblent s’être stabilisées. Il est essentiel de comprendre que la diminution progressive des mesures de relance ne constitue pas un retrait, mais plutôt un ralentissement. Au lieu de carrément vendre des obligations, la Fed en achètera moins. D’ailleurs, les États-Unis ne sont pas le premier pays à s’engager dans cette voie ; le Canada, entre autres, le fait depuis quelques trimestres.
Fondamentalement, les marchés financiers devraient se réjouir quand les banques centrales font ce qu’il faut, pas seulement quand elles mettent en œuvre des mesures de stimulation. Parfois, un resserrement représente la meilleure stratégie possible pour maintenir l’expansion économique, car il amenuise le risque de surchauffe. Cela décrit sans doute les intentions de la Fed pour les prochaines années.
On obtiendra probablement d’autres éclaircissements lors du sommet annuel de Jackson Hole plus tard cette semaine, où Jerome Powell, président de la Fed, prononcera un discours le 27 août. Il est déjà arrivé par le passé que les commentaires de certains présidents de la Fed lors de ce sommet secouent le marché. Si le titre du discours (« Perspectives économiques ») laisse cette possibilité ouverte, il serait néanmoins étrange d’utiliser cette occasion afin d’annoncer un changement dans l’orientation de la politique monétaire pour les raisons suivantes :
- La Fed a déjà donné une bonne indication de ses plans.
- À l’ère moderne, elle dispose de nombreux moyens de communication avec le public et les marchés financiers, notamment les déclarations, les procès-verbaux, les points de vue et les conférences de presse.
Assouplissement des indicateurs en temps réel
Divers indicateurs économiques en temps réel signalent un ralentissement de la croissance à la fin de l’été. Dans certains cas, toutefois, on s’interroge à savoir dans quelle mesure cela reflète les distorsions saisonnières (saison des vacances) par rapport aux facteurs fondamentaux, comme la propagation du variant Delta ou l’atténuation des mesures de relance budgétaire. Les données en temps réel sur le nombre d’heures travaillées ont récemment fléchi après une longue période de gains (voir le graphique suivant).
Évolution en pourcentage du nombre d’heures travaillées des employés à salaire horaire aux États-Unis
Au 10 août 2021. Les répercussions reposent sur une comparaison du nombre d’heures travaillées en une journée par rapport à la médiane du jour de la semaine correspondant en janvier 2020. Utilisation dans le graphique d’une moyenne mobile sur sept jours. Sources : Homebase, RBC GMA
De même, le taux d’occupation des immeubles de bureaux a récemment décliné dans presque toutes les grandes villes des États-Unis (voir le graphique suivant). On pourrait soutenir que c’est à cause des vacances, mais il n’y a pas eu de baisse évidente en août 2020. Cela dit, il se pourrait que le vent de croissance ait été si fort l’été dernier que le schéma saisonnier habituel n’a pas été perçu.
Taux d’occupation des immeubles de bureaux dans les grandes villes des États-Unis
En date de la semaine se terminant le 4 août 2021. Le « baromètre » indique le taux d’occupation hebdomadaire des immeubles de bureaux en fonction du balayage des cartes de contrôle d’accès. Sources : Kastle Systems, Bloomberg, RBC GMA
Le nombre de vols commerciaux à l’échelle mondiale semble également avoir diminué ces derniers temps (voir le graphique suivant).
Vols commerciaux suivis par Flightradar24
Au 11 août 2021. Comprend les vols commerciaux de passagers, le fret, les vols nolisés et certains vols d’affaires sur des avions à réaction. Source : Flightradar24 AB, RBC GMA
Dommages relatifs au variant Delta
En plus des dommages provisoires révélés par les récents indicateurs en temps réel, on a également observé une certaine faiblesse attribuable au variant Delta dans les indicateurs plus traditionnels. Par exemple :
- Les ventes au détail aux États-Unis ont baissé de 1,1 % en juillet. Cependant, ce recul est dû de façon disproportionnée aux ventes de véhicules extrêmement volatiles. Curieusement, les grands détaillants, dont Walmart, Target et Lowe’s, ont tous récemment rehaussé leurs perspectives, comme quoi la consommation n’est pas universellement en chute. On a dit que les dépenses liées à la rentrée scolaire ont été particulièrement élevées, ce qui pourrait s’expliquer en partie par le nouveau crédit d’impôt pour enfants aux États-Unis.
- Fait encore plus frappant, l’indice de l’Université du Michigan sur la confiance des consommateurs s’est effondré en août, allant de mal (81,2) en pis (70,2). Précisons que le dernier chiffre est encore plus bas que ce que nous avions observé au printemps 2020. Cela dit, nous doutons que ce soit vraiment la fin du monde. Rappelons que l’indice sur la confiance était resté aussi bas pendant quelques années après la crise financière mondiale, ce qui n’a pas empêché l’économie de remonter. Par ailleurs, aucun autre indicateur n’a baissé aussi profondément au mois d’août. En outre, l’indice homologue du Conference Board des États-Unis, qui sera publié dans quelques jours, ne connaîtra probablement pas de chute aussi extrême.
Malgré ces mauvaises nouvelles, nous ne croyons pas que l’économie américaine se contractera. De plus, nos prévisions tiennent déjà compte des problèmes causés par le variant Delta et depuis longtemps, elles tablent sur une piètre croissance du PIB pour le second semestre.
Les ménages se portent bien
Que les consommateurs américains soient enclins à dépenser ou non, force est de constater qu’ils sont en bonne santé financière. Le ratio des obligations financières des ménages américains a atteint un plancher de plusieurs dizaines d’années et se porte beaucoup mieux qu’avant la crise (voir le graphique suivant). Essentiellement, les ménages disposent d’un excédent de revenu de deux points de pourcentage qui, autrefois, servait à rembourser les dettes. Les taux d’intérêt devraient remonter graduellement, mais le ménage moyen ne s’endettera pas avant longtemps.
Amélioration de la capacité de remboursement des dettes des ménages américains pendant la pandémie
Au premier trimestre de 2021. Sources : Federal Reserve Board, Macrobond, RBC GMA
De même, la valeur nette des ménages demeure très élevée. Ce solide coup de pouce n’est guère étonnant, compte tenu de la croissance du prix des habitations et des marchés boursiers.
Malgré la pandémie, la valeur nette des ménages américains est très élevée
Au premier trimestre de 2021. La zone ombrée représente une récession. Sources : Réserve fédérale, Haver Analytics, RBC GMA
D’une part, comme nous l’avons souligné il y a deux semaines (voir Les ménages puiseront-ils dans leur épargne ?), nous doutons que les ménages dépensent une bonne partie de l’épargne excédentaire qu’ils ont accumulée au cours des 18 derniers mois. En effet, il est probable que la majeure partie reste investie dans leur patrimoine financier.
D’autre part, cela ne veut pas dire que les dépenses ne remonteront pas. Les niveaux d’épargne finiront par redescendre à la normale, et dans le cadre de ce processus simple, les consommateurs augmenteront graduellement leurs dépenses. À l’heure actuelle, les ménages américains mettent de côté 10,9 % de leur revenu disponible. Si ce taux redescend à 7,4 % du revenu, soit le taux habituel avant la crise, les ménages pourront consacrer 3,5 points de pourcentage de plus à leurs dépenses. Ce changement n’arrivera pas du jour au lendemain, d’autant plus qu’il sera largement contrebalancé par la diminution des dépenses publiques. Ce qu’il faut retenir, c’est que malgré l’assombrissement récent de l’horizon économique, la situation financière des ménages et les perspectives de consommation demeurent prometteuses.
Espoir du côté des stocks
Il y a quelques mois, nous pensions que les sociétés pourraient ralentir leur processus d’accumulation des stocks au cours de l’année à venir. Un sondage suggérait en effet que les entreprises étaient déjà en avance sur leurs objectifs de reconstitution des stocks fixés pour 2022.
Entretemps, les données ont fait pencher la balance de l’autre côté : l’accumulation des stocks pourrait bien devenir un moteur de croissance pour l’année à venir.
Le ratio stocks-ventes est en berne aux États-Unis, ce qui laisse entrevoir d’éventuels besoins de renflouement (voir le graphique suivant). Cet argument est toutefois discutable. Le ratio des stocks demeure plus élevé qu’à un moment équivalent lors du cycle précédent, et il ne faut pas oublier qu’il a décliné régulièrement pendant deux des trois derniers cycles économiques. Cependant, durant le dernier cycle, le ratio des stocks a remonté au fil du temps. Il serait d’ailleurs compréhensible que les sociétés reprennent peu à peu confiance et décident de détenir plus de stocks qu’en ce moment.
Le ratio stocks-ventes a diminué aux États-Unis en raison de l’augmentation des ventes
En date de mai 2021. Ratio stocks-ventes réel de l’ensemble des secteurs manufacturiers et commerciaux La zone ombrée représente une récession. Sources : BEA, Haver Analytics, RBC GMA
Heureusement, nous n’avons pas besoin de jouer aux devinettes en qui concerne les intentions des entreprises. Les sondages nous en donnent une bonne idée (bien que l’un d’eux nous ait induits en erreur !) Selon le sondage de référence de la National Federation of Independent Business, les petites et moyennes entreprises estiment que leurs stocks sont actuellement trop bas et envisagent donc de les accroître (voir le graphique suivant). Il semble d’ores et déjà que la reconstitution des stocks stimulera les résultats du troisième trimestre de 2021, grâce au rattrapage du trimestre précédent.
Les entreprises américaines estiment que leurs stocks sont insuffisants
En date de juillet 2021. La zone ombrée représente une récession. Sources : Étude économique menée par la NFIB auprès des PME, Haver Analytics, RBC GMA
Enfin, les entreprises souhaitent sans doute disposer de stocks plus volumineux que d’habitude. La plupart connaissent une forte expansion et bon nombre d’entre elles ont mordu la poussière à cause de la brusque désintégration des chaînes logistiques au début de la pandémie. De même que les sociétés ont aspiré à plus de liquidités à l’issue de la crise financière mondiale, elles pourraient désirer des stocks plus importants après la pandémie. La question la plus complexe sera de savoir s’il faut reconstituer les stocks maintenant, alors que les frais d’expédition sont colossaux et que certaines perturbations subsistent dans les chaînes logistiques, ou croiser les doigts pour que ces problèmes soient résolus avant la période des Fêtes.
Le point sur l’inflation
L’inflation a finalement cédé un peu de terrain aux États-Unis en juillet. Bien que le taux sur 12 mois reste élevé à 5,4 %, la variation d’un mois sur l’autre a ralenti pour passer d’un niveau exceptionnel de 0,9 % à un rythme plus modéré de 0,5 %. Cette inflation sur un mois est loin d’être faible, mais c’est le taux le plus bas depuis février. L’inflation de base a aussi ralenti, de 0,9 % à 0,3 % d’un mois sur l’autre. Nous pourrions donc supposer que le pire de la poussée inflationniste est derrière nous.
Fait déroutant, l’inflation a bondi au Canada en juillet, passant de 3,1 % à 3,7 % sur 12 mois. Cette hausse contredit en partie notre hypothèse selon laquelle l’inflation avait apparemment déjà commencé à reculer dans certaines régions, comme au Canada et dans la zone euro. Toutefois, le taux d’inflation demeure beaucoup plus faible au Canada qu’aux États-Unis, bien que les facteurs qui l’influencent l’échelle mondiale soient similaires. L’inflation devrait donc finir par reculer aux États-Unis à long terme et nous restons d’avis qu’elle est sur le point d’atteindre son sommet au Canada.
Il est également peu probable que l’inflation s’intensifie, d’après plusieurs autres éléments.
Aux États-Unis, la croissance des salaires s’est indéniablement accélérée dans certains secteurs, comme les loisirs, le tourisme d’accueil et le commerce de détail, mais son rythme reste soutenu, sans plus (voir le graphique suivant). L’analyse de la hausse des salaires selon les niveaux de compétences mène à des conclusions similaires : les travailleurs peu qualifiés bénéficient d’augmentations plus importantes, mais celles-ci n’ont rien d’insensé (voir le graphique suivant). Bref, il reste peu probable qu’une spirale prix-salaires se manifeste.
Les salaires des travailleurs peu qualifiés augmentent plus rapidement que la moyenne nationale
Au deuxième trimestre de 2021. La zone ombrée représente une récession. Sources : BLS, Haver Analytics, RBC GMA
La croissance des salaires des travailleurs peu qualifiés est revenue au niveau d’avant la pandémie
Données en date de juillet 2021. Moyenne mobile sur 12 mois de la croissance du salaire médian. Sources : Federal Reserve Bank d’Atlanta, Haver Analytics, RBC GMA
Soulignons que les fabricants se plaignent un peu moins qu’auparavant des prix élevés des intrants et de la lenteur des livraisons des fournisseurs (voir le graphique suivant). On peut en déduire que certaines perturbations des chaînes logistiques s’estompent.
Les fabricants américains sont aux prises avec les prix élevés des matières premières et la lenteur des livraisons des fournisseurs
En date de juillet 2021. Sources : ISM, Haver Analytics, RBC GMA
En fait, notre principale mesure des frais d’expédition ne fléchit pas encore, mais elle semble s’être stabilisée pour l’instant (voir le graphique suivant). D’autres données produites par Freightos montrent que le coût pour expédier des conteneurs de l’Asie de l’Est vers les États-Unis commence enfin à diminuer, mais ce n’est pas encore le cas pour les lignes à destination de l’Europe du Nord.
Les frais d’expédition ont bondi pendant la pandémie
Données pour la semaine se terminant le 12 août 2021. Sources : Drewry Supply Chain Advisors, RBC GMA
Il existe un risque : la Chine a imposé un confinement à plusieurs régions où se trouvent des ports, ce qui pourrait aggraver les problèmes des chaînes logistiques.
Enfin, il est assez encourageant de constater que les prix des voitures d’occasion, qui constituent le principal moteur de l’inflation, commencent à se modérer du côté des grossistes (voir le graphique suivant). Certes, les prix des voitures devraient rester assez élevés dans un avenir prévisible, mais sans doute pas à ce point, et leur progression sera certainement moins forte que récemment.
Les prix de gros des voitures d’occasion redescendent de leur sommet, mais restent élevés
En date d’août 2021. La zone ombrée représente une récession. Sources : Manheim Consulting, Bloomberg et RBC GMA
– Avec la contribution de Vivien Lee et de Lucas Hervato
Vous aimeriez connaître d’autres points de vue d’Eric Lascelles et d’autres dirigeants avisés de RBC GMA ? Vous pouvez lire leurs réflexions dès maintenant.