Webémission mensuelle
Notre dernière webémission mensuelle sur l’économie, intitulée « Le resserrement de la politique monétaire suscite l’inquiétude », est maintenant accessible.
Aperçu
Dans le bulletin de cette semaine, nous examinons les dernières tendances de la pandémie et les scénarios pour son évolution à long terme, et nous évaluons les dommages économiques causés par la vague de variant Omicron, le cas échéant. Nous faisons ensuite rapidement le point sur la chaîne logistique, l’inflation et la situation géopolitique, avant d’aborder le cycle économique et la politique des banques centrales.
Globalement, les bonnes nouvelles ont été plus nombreuses que les mauvaises au cours des dernières semaines. Principaux points positifs :
- Le nombre de cas de COVID-19 poursuit son déclin dans l’ensemble des pays développés. En outre, il amorce maintenant un recul dans les marchés émergents.
- Malgré la vague Omicron qui a déferlé en janvier, l’économie américaine s’est remarquablement bien comportée.
- Les conditions de la chaîne logistique donnent des signes d’amélioration.
- L’inflation devrait culminer au cours des prochains mois.
- Le risque d’une invasion de l’Ukraine a légèrement diminué.
À l’inverse, voici certains points négatifs :
- Le cycle économique continue d’avancer.
- Les banques centrales maintiennent le cap sur un resserrement.
- L’économie canadienne a souffert de la vague Omicron.
Baisse des infections
Le nombre de cas de COVID-19 diminue non seulement dans les pays développés, mais aussi dans les marchés émergents (voir le graphique suivant).
Nombre de cas de COVID-19 dans les pays émergents et dans les pays développés
Au 4 février 2022. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien d’infections.
Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Par conséquent, la part des pays ayant signalé une augmentation des cas a chuté, passant de près de 90 % au début de l’année à seulement le tiers aujourd’hui (voir le graphique suivant).
Pays signalant une augmentation des nouveaux cas quotidiens de COVID-19
Au 4 février 2022. L’évolution du nombre de cas est calculée d’après la variation sur sept jours de la moyenne mobile sur sept jours des nouvelles infections quotidiennes. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Aux États-Unis et au Canada, les infections sont en net recul. Pour la première fois depuis le début de la pandémie, chaque État américain connaît une baisse des taux d’infection (voir le graphique suivant).
Nombre d’États américains dont le taux de transmission est supérieur au seuil clé de un
Au 6 février 2022. Le taux de transmission correspond à la variation sur sept jours de la moyenne mobile sous-jacente sur cinq jours du nombre de nouveaux cas par jour, lissée au moyen de la moyenne mobile sur sept jours. Un taux de transmission supérieur à un signale une augmentation du nombre quotidien de nouveaux cas. Comprend Washington D.C. Sources : Haver Analytics, Macrobond, RBC GMA
Toutefois, certains pays se démarquent de cette tendance à l’amélioration. La situation s’est fortement dégradée dans les pays émergents suivants : Iran, Russie, Corée du Sud, Pologne et Brésil.
Parmi les pays développés, la hausse du nombre de cas se poursuit en Allemagne, en Australie et en Autriche. C’est au Japon que les conditions se sont le plus détériorées, puisque le pays rapporte actuellement près de quatre fois plus de cas par jour qu’auparavant. En fait, la vague Omicron frappe la plupart de ces pays plus tard qu’ailleurs.
La situation actuelle du Royaume-Uni est surprenante. Bien que son taux d’infection ait considérablement chuté par rapport au sommet, il stagne maintenant à un niveau encore élevé (voir le graphique suivant). On ne sait pas exactement pourquoi ; peut-être est-ce attribuable à l’émergence du sous-variant BA.2. Comme le Royaume-Uni fait figure de baromètre pour d’autres pays, il se pourrait bien que la vague actuelle ne retombe pas aussi rapidement qu’on le croit généralement. Rappelons qu’en Afrique du Sud, la forte baisse des infections qui a suivi l’apparition du variant Omicron a été favorisée par le fait que c’était l’été.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 au Royaume-Uni
Au 4 février 2022. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès.
Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
D’autres indicateurs confirment que la situation sanitaire s’améliore dans plusieurs pays. Ainsi, le taux de positivité des tests de dépistage affiche enfin une baisse substantielle aux États-Unis (voir le graphique suivant).
Cas de COVID-19 et taux de positivité aux États-Unis
Au 4 février 2022. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et du taux de positivité. Sources : Our World in Data, OMS, Macrobond, RBC GMA
Le nombre d’hospitalisations fléchit maintenant dans un certain nombre de pays, notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada et en Israël (voir le graphique suivant). Enfin, la concentration de COVID-19 dans les eaux usées s’amenuise dans la plupart des cas.
Hospitalisations liées à la COVID-19 dans les pays développés
Selon les dernières données disponibles au 6 février 2022. Sources : Our World in Data, Macrobond, RBC GMA
Le prochain variant
Nous continuons de surveiller le sous-variant BA.2, qui présente 27 mutations différentes de celles de son précurseur Omicron. Ce sous-variant se verra probablement attribuer un nom grec, « Pi », la prochaine lettre dans l’alphabet.
BA.2 a désormais été détecté dans 57 pays, contre 40 il y a deux semaines. Il est un peu plus difficile à identifier qu’Omicron, ce qui signifie que le nombre réel de cas pourrait être beaucoup plus élevé. C’est maintenant le variant dominant au Danemark, en Inde et en Afrique du Sud.
Bien que des analyses préliminaires aient laissé entendre que BA.2 pourrait être deux fois plus contagieux qu’Omicron, des analyses plus récentes ont finalement ramené ce taux à 34 %. Néanmoins, du fait de sa contagiosité supérieure, le sous-variant devrait au fil du temps devenir prédominant au niveau mondial.
On ne sait pas si BA.2 peut davantage remettre en cause notre immunité qu’Omicron. Certaines études l’affirment, d’autres indiquent qu’il possède des caractéristiques similaires à Omicron (qui, il faudrait le souligner, est particulièrement résistant aux anticorps déjà présents).
Une information rassurante est que le taux d’infection se stabilise ou recule aujourd’hui au Danemark (voir le graphique suivant), en Inde et en Afrique du Sud. Par conséquent, BA.2 ne devrait pas provoquer une nouvelle vague de grande ampleur à l’échelle mondiale. Le haut niveau d’immunité conféré par les vaccins et les anticorps produits après une infection par Omicron pourrait expliquer cette situation. En outre, les taux d’hospitalisation n’ont pas beaucoup évolué dans les pays les plus touchés, mais ce variant n’en est qu’à ses débuts.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 au Danemark
Au 4 février 2022. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès.
Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
En ce qui concerne la vaccination, dix milliards de doses ont été administrées dans le monde – un exploit remarquable accompli en à peine plus d’un an, même si cela ne permet pas d’atteindre l’immunité collective. Malheureusement, le rythme de la vaccination a fortement ralenti depuis peu, après une accélération en décembre et en janvier provoquée par les craintes liées au variant Omicron (voir le graphique suivant).
Nombre quotidien de doses de vaccin contre la COVID-19 qui ont été administrées
Au 6 février 2022. Moyenne mobile sur sept jours du nombre quotidien de doses de vaccin administrées, par million de personnes. Sources : Our World in Data, Macrobond, RBC GMA
Perspectives à long terme de la pandémie
Les perspectives à long terme de la pandémie ne peuvent qu’être incertaines. Il suffit de songer aux prévisions pessimistes des années précédentes.
Il y a deux ans, au premier trimestre de 2020, il était communément admis que les pays, à l’instar de la Chine, devaient se confiner pendant environ six semaines pour éradiquer le virus. Mais il est apparu que les restrictions de mobilité mises en place dans les autres pays étaient bien moins strictes, ce qui a rendu cet objectif irréalisable.
Il y a un an, au premier trimestre de 2021, selon la croyance largement répandue, les nouveaux vaccins allaient permettre au monde (ou du moins, aux pays développés) d’atteindre l’immunité collective, d’éradiquer la COVID-19 et de retrouver une normalité complète d’ici le deuxième semestre. Ces prévisions étaient tout à fait réalistes à l’époque et partaient du principe qu’une couverture vaccinale d’environ 65 % de la population d’un pays serait suffisante.
Mais les mutations sont alors apparues et ont engendré des variants bien plus contagieux, ce qui a mis un terme à l’idée qu’un taux de vaccination de 100 % permettrait d’arriver à l’immunité collective (étant donné que le taux d’efficacité d’un vaccin est inférieur à 100 %).
Aujourd’hui, il semble plus raisonnable de penser que le rappel vaccinal combiné à un haut niveau d’immunité naturelle acquis après avoir contracté Omicron devrait fortement limiter l’apparition de nouvelles vagues, ce qui minimiserait les effets de la pandémie sur nos vies. Selon l’évolution de la situation, cette prévision pourrait toutefois s’avérer aussi inexacte que celles qui ont été formulées au cours des deux dernières années.
Dans des scénarios optimistes, le virus pourrait muter vers une souche moins virulente, jusqu’à devenir insignifiant à terme. Ou bien, la recrudescence de cas resterait limitée et ponctuelle, et disparaîtrait rapidement compte tenu d’un haut niveau d’immunité de la population.
Dans des scénarios plus modérés, une vague de COVID-19 pourrait sévir chaque année en raison de l’érosion au fil du temps de l’immunité acquise et de l’influence des saisons sur la transmission du virus, comme c’est le cas pour la grippe. Ou encore, compte tenu de sa nature hautement infectieuse et de sa capacité à muter rapidement, on pourrait assister à plusieurs vagues saisonnières chaque année – une évolution peu réjouissante, mais qui n’exigera pas une modification permanente de notre mode de vie.
Dans les scénarios les plus pessimistes, la mutation rapide de la COVID-19 pourrait compromettre l’immunité acquise jusqu’à présent et ramener régulièrement le monde à la case départ, le forçant à se démener pour trouver de nouveaux vaccins et traverser des épisodes de prudence considérable. Le virus pourrait aussi muter et se révéler encore plus mortifère, ce qui exigera la mise en place de mesures sanitaires durables.
Les scénarios du pire pourraient toutefois être tempérés par des médicaments antiviraux (comme celui que Pfizer a récemment annoncé, qui cible une partie du virus qui ne semble pas muter), combinés à des vaccins pour l’ensemble des coronavirus susceptibles de nous protéger contre les variants futurs, comme ceux qui font déjà l’objet d’essais aux États-Unis.
Bref, s’il semble raisonnable de s’attendre à ce que les répercussions de la COVID-19 sur la vie quotidienne s’atténuent au cours des prochaines années, la situation réelle pourrait se révéler légèrement plus favorable ou considérablement pire qu’elle ne l’est.
Mesures de confinement
Plusieurs pays où le nombre des nouvelles infections atteint des records, comme la Corée du Sud ou la Russie, imposent de nouvelles restrictions à leur population. Cependant, la tendance générale va dans la direction opposée, en raison de la diminution du nombre d’infections (voir le graphique suivant).
La rigueur des mesures de confinement varie d’un pays à l’autre
Selon les dernières données disponibles au 4 février 2022. Écart par rapport au niveau de référence normalisé en fonction des États-Unis et lissé au moyen d’une moyenne mobile sur sept jours. Sources : Google, Université d’Oxford, Macrobond, RBC GMA.
Principaux thèmes économiques
Vigueur de l’économie américaine pendant la vague Omicron
Les statistiques récentes sur l’économie américaine montrent que les dommages imputables au variant Omicron ont été étonnamment modérés.
Un nombre remarquable de travailleurs (467 000) ont été embauchés en janvier, ce qui dépasse les prévisions les plus optimistes. Le nombre d’emplois a augmenté même dans les secteurs touchés par la pandémie, notamment le commerce de détail, l’hébergement, les services alimentaires et les établissements de boissons. La hausse de la rémunération horaire a connu une accélération, passant de 4,9 % à 5,7 % sur 12 mois.
Les chiffres des deux mois précédents, qui ne correspondent pas strictement à la vague Omicron, ont été aussi nettement révisés à la hausse ; en effet, un examen plus approfondi a permis d’ajouter le nombre incroyable de 709 000 nouveaux emplois !
Cette nouvelle a été accueillie par les marchés financiers avec moins d’enthousiasme qu’on aurait pu l’espérer, en grande partie parce que des statistiques économiques solides signifient qu’une hausse de taux est quasi certaine.
Les deux indices ISM du pays ont légèrement fléchi, mais restent robustes. L’indice ISM du secteur manufacturier a glissé de 1,2 point en janvier, mais demeure solide, à 57,6 points. Pour sa part, l’indice ISM des services a cédé 2,4 points à 59,9 ; il reste donc également robuste, même s’il a reculé par rapport aux sommets atteints il y a quelques mois.
Notre principal indicateur économique en temps réel a fait ressortir une certaine faiblesse en décembre et au début de janvier, mais il montre que la reprise est bien enclenchée (voir le graphique suivant).
Reprise économique dans la foulée du tsunami Omicron
Données au 22 janvier 2022. L’indice d’activité économique correspond à la moyenne de neuf séries de données économiques à périodicité élevée mesurant la variation en pourcentage par rapport à la même période en 2019. Sources : Bank of America, Goldman Sachs, OpenTable, Macrobond, RBC GMA.
Malgré sa vigueur relative, la croissance du PIB des États-Unis au premier trimestre atteint à peine 0 %, selon l’outil de suivi du PIB de la Réserve fédérale d’Atlanta. Cette disparité apparente avec l’emploi peut s’expliquer. En dépit du nombre plutôt élevé d’embauches en janvier, beaucoup de gens ont été malades pendant une partie du mois, ce qui a fait baisser légèrement le total des heures travaillées. En outre, une forte poussée de l’accumulation des stocks a dynamisé artificiellement la croissance du PIB au quatrième trimestre de 2021, la portant à 6,9 % en rythme annualisé, et un certain recul est attendu au premier trimestre de 2022 qui ne représentera pas la faiblesse réelle observée au cours de la période.
Faiblesse de l’économie canadienne pendant la vague Omicron
L’économie canadienne, par contre, a été touchée beaucoup plus durement par la vague Omicron que l’économie des États-Unis. L’indice de la situation des entreprises locales en temps réel de Statistique Canada s’est sensiblement replié au cours des derniers mois (voir le graphique suivant).
La situation des entreprises canadiennes s’est détériorée pendant la vague Omicron
Données au 17 janvier 2022. Moyenne à pondérations égales des indices de la situation des entreprises pour les villes suivantes : Calgary, Edmonton, Montréal, Ottawa-Gatineau, Toronto, Vancouver et Winnipeg.
Sources : Statistique Canada, RBC GMA.
Parallèlement, le nombre d’emplois au Canada a diminué de 200 000 en janvier, ce qui représente 1 % du total des travailleurs. Le recul du nombre total d’heures travaillées était considérablement plus marqué, de 2,2 %, probablement à cause des travailleurs malades. Les secteurs caractérisés par des contacts rapprochés sont ceux qui ont le plus souffert ; la baisse dans les segments de l’hébergement et des services alimentaires, de l’information, de la culture et des loisirs ainsi que du commerce de détail représente la presque totalité des emplois perdus. En revanche, 23 000 postes ont été créés dans le segment des biens en janvier.
Prévisions à la baisse
Il y a trois mois, ce n’est pas sans une certaine fébrilité que nous apprenions que la croissance prévue par le FMI aux États-Unis en 2022 était presque 2 points de pourcentage plus élevée que celle que nous entrevoyions (5,2 %, contre 3,5 %). Qu’est-ce que les 2 400 employés du FMI savaient, que notre équipe composée de deux employés et demi ignorait ? La réponse à cette question semble être : « pas grand-chose ». En effet, le FMI vient tout juste d’abaisser sa prévision de croissance à 4,0 %. Notre prévision reste donc en deçà des prévisions générales, d’autant que nous sommes sur le point de retrancher 0,10 % ou 0,20 % à notre propre prévision. Mais l’écart n’est plus aussi notable. Il faut également souligner qu’une croissance de 3 % à 4 % correspond toujours à une reprise de l’économie.
Le FMI a aussi révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour d’autres pays ; ainsi, il a abaissé sa prévision à l’égard du PIB chinois de près d’un point de pourcentage, à 4,8 %, ce qui correspond à la nôtre, et a retranché 0,4 point de pourcentage à sa prévision de croissance en zone euro.
Rappelons que le graphique suivant résume les principaux facteurs favorables et défavorables que nous prenons en compte pour établir nos propres prévisions (voir le graphique suivant).
Les principaux facteurs économiques en 2022
Au 31 janvier 2022. Source : RBC GMA.
Perspectives de la consommation
Nous avons mentionné dans le dernier #MacroMémo que le taux d’épargne des ménages américains n’était plus aussi élevé qu’avant, et donc, que l’impulsion des gros achats associée à la conversion de l’épargne en dépenses s’était déjà résorbée. Malgré cela, les perspectives de consommation demeurent assez bonnes : le taux d’embauche est solide, la croissance des salaires s’accélère et les ménages ont mis beaucoup d’argent de côté.
Une autre source de vigueur vient de la santé financière du ménage moyen. Nous avons remanié un ancien graphique pour illustrer cela (voir le graphique suivant). Les taux de défaillance sur les prêts hypothécaires, les prêts-auto et les cartes de crédit sont tous nettement en baisse et s’avèrent assez bas en valeur absolue. Ces mesures seront à surveiller dans un contexte où les taux d’intérêt commencent à monter, mais elles sont favorables pour le moment.
Baisse des taux de défaillance sur les prêts à la consommation aux États-Unis après une envolée initiale
Au troisième trimestre de 2021. Pourcentage du solde normalisé des prêts en souffrance depuis 90 jours ou plus. La zone ombrée représente une récession. Sources : Réserve fédérale de New York – Consumer Credit Panel/Equifax, Macrobond, RBC GMA
Peut-être que l’autre sujet principal concernant les ménages est le retour anticipé des dépenses consacrées aux services au détriment des dépenses en biens (voir le graphique suivant). Les dépenses de consommation en biens demeurent environ 10 % plus élevées que la normale, tandis que la demande de services est proportionnellement plus basse.
Retour des dépenses de consommation en biens aux États-Unis à leur niveau d’avant la pandémie
En date de décembre 2021. Sources : Macrobond, RBC GMA.
Nous hésitons quelque peu à prédire ce changement avec précision puisqu’une transition importante qui devait se produire selon nos prédictions au cours de 2021 s’est avérée pour le moins incomplète. Cependant, l’assouplissement des mesures de restrictions et le retour à la normale permettent de penser que la demande en biens cédera du terrain à la demande en services.
Cela pourrait avoir plusieurs répercussions majeures :
- Les problèmes de chaîne logistique, qui sont principalement dus à une demande élevée en biens, devraient s’atténuer de façon importante.
- Les fournisseurs de biens se retrouvent en position défavorable.
- Les fournisseurs de services sont susceptibles de profiter de la situation.
- Cela est plutôt de mauvais augure pour l’économie chinoise, qui a largement bénéficié de la demande élevée en biens de consommation.
Une question essentielle demeure : la demande en biens retournera-t-elle à la normale ou sera-t-elle inférieure, étant donné que tous les téléviseurs et les ordinateurs dont on pourrait avoir besoin dans un avenir prévisible ont déjà été achetés ? Nous tendons à penser qu’elle ne diminuera pas de façon trop importante, car certains biens, comme les véhicules motorisés, font encore l’objet d’une demande refoulée.
Mise à jour sur le milieu de cycle
Dans notre mise à jour trimestrielle sur le cycle économique aux États-Unis, nous en arrivons à la même conclusion générale qu’au trimestre précédent : nous sommes en milieu de cycle (voir le graphique suivant).
Feuille de pointage du cycle de l’économie américaine
Au 4 février 2022. L’ombrage indique la pondération accordée à chacune de ces variables selon le stade du cycle économique. Source : RBC GMA.
Toutefois, cet énoncé ne tient pas compte de plusieurs développements importants. En effet, on voit clairement que le cycle poursuit sa progression à une vitesse inhabituelle (voir le graphique suivant). Les indicateurs pointant vers un « stade initial » continuent de perdre du terrain au profit de ceux pointant vers un « milieu de cycle » qui est nettement devenu la perspective de choix, alors que le scénario d’un « stade avancé » commence à apparaître.
Feuille de pointage du cycle de l’économie américaine
Données au 4 février 2022. Calcul effectué à l’aide de la technique de la feuille de pointage par RBC GMA.
Source : RBC GMA.
Rappelons que le « milieu de cycle » est une phase favorable, associée à une solide croissance économique et à plusieurs années de croissance probables à venir. Cependant, le cycle progresse à un rythme si rapide qu’il pourrait durer seulement cinq ans au lieu de dix comme le cycle qui l’a précédé. De plus, les actifs risqués sont généralement au mieux lorsqu’ils sont au plus près du début d’un cycle, aussi cette progression soutenue indique qu’on peut s’attendre à l’avenir à des gains plus modérés sur les actions.
Un des avantages de notre système de pointage du cycle économique est qu’il admet différentes interprétations à partir de différentes variables. Par exemple, la part de l’emploi temporaire a récemment rebondi, ce qui est en général un signe de début ou de milieu de cycle (voir le graphique suivant).
Remontée de la part de l’emploi temporaire aux États-Unis
Données en janvier 2022. La zone ombrée représente une récession. Sources : Bureau of Labour Statistics, Macrobond et RBC GMA.
Par contre, l’inflation élevée, le resserrement imminent des banques centrales et la quasi-suppression de l’écart de production (voir le graphique suivant) sont des facteurs présents à un stade plus avancé du cycle.
L’écart de production est presque comblé aux États-Unis
Données au quatrième trimestre de 2021. La zone ombrée représente une récession. Sources : Congressional Budget Office, Macrobond et RBC GMA.
Lorsque nous faisons le point sur l’avancement du cycle économique, nous revoyons également un ensemble de modèles de récession. Ces modèles indiquent que les États-Unis ne sont certainement pas en récession à l’heure actuelle, et que le risque de récession au cours de la prochaine année augmente, mais demeure en deçà de 10 % (l’un de ces modèles est illustré dans le graphique suivant). Avec beaucoup moins de rigueur (et sans données objectives à l’appui de cette affirmation), nous avons tendance à penser que le risque de récession est un peu plus élevé, compte tenu de l’incertitude entourant une nouvelle série de mesures de resserrement monétaire, la poussée inflationniste, les perspectives obscures de la Chine et la poursuite de la pandémie.
Probabilité d’une récession aux États-Unis d’ici un an
Données en janvier 2022. Selon le modèle de RBC GMA, qui comprend des facteurs financiers et macroéconomiques. La zone ombrée représente une récession. Sources : Haver Analytics et RBC GMA.
Optimisme au sujet de l’inflation
L’inflation demeure énorme. Nous pensons cependant qu’elle pourrait se stabiliser au cours des prochains mois. Voici trois arguments à l’appui de notre raisonnement.
- Bien que les chaînes logistiques demeurent peu fluides, comme en témoignent les frais d’expédition élevés et les retards importants dans les ports, la situation devrait s’améliorer un peu à cet égard. D’un point de vue théorique, les deux périodes de pointe de la demande (Noël et le Nouvel An lunaire) viennent de se terminer. De plus, la demande est habituellement beaucoup moins forte au premier trimestre que dans les trois autres. Dans ce contexte, un désengorgement des chaînes logistiques est possible. Simultanément, des informations indiquent que les chaînes logistiques s’améliorent réellement. Plusieurs dirigeants d’entreprise ont récemment déclaré que les problèmes s’atténuaient, et d’autres améliorations sont prévues (même dans le secteur des puces). Les perturbations des chaînes logistiques ont grandement attisé l’inflation. La résolution de ce problème devrait non seulement faire disparaître les pressions haussières, mais aussi avoir un effet déflationniste.
- Les mesures de l’inflation en temps réel que nous suivons ont cessé d’augmenter. En fait, elles ont légèrement diminué. De plus, aux États-Unis, ces données indiquent que l’inflation devrait en fait se situer plus près de 4 % que du taux actuel de 7 %. Au Japon, le contraire est vrai : l’inflation officielle est plus faible que ce que révèle le paramètre en temps réel).
- Bien qu’il y ait certaines similitudes entre le contexte inflationniste des années 1970 et la situation actuelle, les différences sont beaucoup plus nombreuses (voir le graphique suivant).
- La population était très jeune dans les années 1970 et est plutôt âgée maintenant.
- Les tensions inflationnistes provenaient d’une source très différente dans les années 1970 (un bouleversement nocif de l’offre plutôt que le bouleversement bénéfique de la demande aujourd’hui).
- L’étalon-or venait d’être abandonné dans les années 1970, alors que nous n’observons aucun point d’inflexion semblable aujourd’hui. En bref, une période de forte inflation structurelle est moins probable cette fois-ci.
Inflation : comparaison du contexte des années 1970 et du contexte actuel
Au 28 janvier 2022. Source : RBC GMA
Aperҫu de la situation géopolitique
Ukraine-Russie
Sans entrer dans le nœud du conflit (voir le numéro précédent du #MacroMémo), mentionnons que le risque d’invasion russe en Ukraine a sans doute légèrement diminué. Par conséquent, le marché des paris Good Judgment a ramené la probabilité d’une attaque russe de 75 % à 65 %. Nous sommes toujours enclins à croire que cette probabilité est inférieure, quoique le risque d’une attaque soit, au demeurant, bien réel.
Il convient de s’attarder sur quelques points.
- Les experts en Russie attribuent à l’éventualité d’une guerre un degré de probabilité visiblement moindre qu’ailleurs dans le monde. De même, selon le président de l’Ukraine, la mobilisation russe s’apparente à une guerre psychologique plutôt qu’à de véritables intentions guerrières. Les observateurs privilégiés du conflit ne sont pas convaincus qu’une guerre soit imminente.
- Le marché boursier de la Russie a progressé de 7 % depuis le 24 janvier, ce qui laisse croire que les marchés ont abaissé la probabilité que des sanctions soient imposées après une attaque. Cela dit, les marchés russes restent nettement plus bas que l’automne dernier, et les actions des marchés émergents sont généralement plus volatiles que celles des marchés développés.
- Dans notre dernier numéro, nous avions exprimé l’idée que les manœuvres russes visaient peut-être à restaurer la popularité personnelle du président Vladimir Poutine, et qu’il pouvait suffire à cette fin de brandir la menace d’une intervention militaire. Selon un récent sondage mené en Russie, la cote de popularité du président est passée de 61 % en août 2021 à 69 % en janvier dernier. En août 2021, la cote se situait à son niveau le plus bas – abstraction faite de la période ayant suivi la première vague de la pandémie – depuis 2013 (au moment du dernier conflit Russie-Ukraine). La cote de 69 % est nettement plus enviable et se situe près de l’extrémité supérieure de la fourchette normale au cours des dernières années.
Perspectives de la politique américaine
Même s’il est encore un peu tôt, nous tenons à dire quelques mots sur les élections de mi-mandat, qui auront lieu aux États-Unis en novembre prochain.
La popularité du président Joe Biden a passablement diminué (voir le graphique suivant) parallèlement aux perspectives des démocrates en général. Selon les résultats d’un sondage Gallup publiés à la mi-janvier, les démocrates ont globalement perdu 14 points de pourcentage d’appuis au profit des républicains en 2021, soit un transfert massif, que reflètent les résultats des récentes élections tenues au New Jersey et en Virginie.
La cote de popularité de Joe Biden a chuté depuis son élection
Au 28 janvier 2022. Sources : FiveThirtyEight, Macrobond, RBC GMA
Ce n’est pas la première fois qu’un président est peu populaire : la popularité de Donald Trump était même moindre que celle de Joe Biden à ce moment-ci de sa présidence, et il est normal que le parti au pouvoir perde des appuis lors des élections de mi-mandat. Néanmoins, la table est mise pour d’éventuelles « élections de changement » en novembre. De fait, les marchés des paris indiquent que la probabilité que la Chambre des représentants et le Sénat passent aux mains des républicains est respectivement de 80 % et de 70 %.
Si tel est le cas, les deux années suivantes du mandat de M. Biden seront sérieusement limitées sur le plan législatif, mais non sur celui de la réglementation ou de la politique étrangère.
De même, l’issue des élections de mi-mandat jettera un éclairage sur les élections de 2024, moment auquel le prochain président sera désigné. La polarisation de la politique américaine continue de s’accentuer et atteint un niveau tout simplement inédit (qui est même plus élevé qu’au cours de la guerre de Sécession selon une mesure, voir à ce sujet le graphique suivant). La presse se fait maintenant régulièrement l’écho des craintes de violence politique à grande échelle, voire de sécession.
La polarisation partisane du Congrès américain s’est intensifiée
Au 27 janvier 2022. Écart entre les scores médians obtenus par les membres du parti démocrate et les membres du parti républicain à la Chambre des représentants et au Sénat. Sources : Voteview.com, RBC GMA.
Une question clé et largement sans réponse pour les économistes et les entreprises consiste à déterminer dans quelle mesure une telle discorde aura un impact sur l’économie et les marchés financiers. Il est réellement difficile de trancher. L’environnement politique aux États-Unis est désordonné depuis au moins six ans, mais les marchés ont régulièrement atteint de nouveaux sommets et la croissance économique a généralement été bonne. Nous avons tiré quelques dixièmes de point de pourcentage par année de nos prévisions de croissance aux États-Unis en réponse à ces problèmes chroniques (en présumant qu’une partie des dommages touche le tissu social américain), mais il s’agit entièrement d’une conjecture.
Resserrement de la politique des banques centrales
Les banques centrales mondiales des pays développés sont manifestement sur la voie du resserrement :
- La Banque d’Angleterre a déjà relevé les deux deux fois.
- La Banque centrale européenne ne promet plus de maintenir son propre taux directeur inchangé au cours de l’année à venir. Il est maintenant prévu que la zone euro pourrait réduire son taux directeur négatif au cours de l’année à venir.
- Les récentes rencontres de la Réserve fédérale américaine et de la Banque du Canada n’ont pas donné lieu à des hausses de taux, mais elles semblent bien en vue.
Réserve fédérale américaine
Aux États-Unis, la Réserve fédérale et les marchés financiers semblent s’être finalement entendus pour imposer une hausse de taux en mars (voir le tableau ci-après). À l’appui de cette opinion, la Réserve fédérale a indiqué que l’inflation est « bien supérieure » à sa cible et que les « conditions du marché de l’emploi correspondent au plein emploi ». De plus, le président de la Réserve fédérale, M. Powell, estime que l’économie est beaucoup plus forte qu’elle ne l’était au début du dernier cycle de resserrement en 2015, et « qu’il y a beaucoup de marge de manœuvre pour hausser les taux d’intérêt sans menacer le marché du travail ».
Évolution des attentes du marché à l’égard des hausses de taux de la Réserve fédérale
Données au 28 janvier 2022. Sources : Bloomberg, RBC GMA.
Par conséquent, la Réserve fédérale a laissé entendre que le rythme du resserrement pourrait être un peu plus rapide que les cycles précédents, ce qui signifie que les hausses de taux ne seront pas nécessairement espacées à chaque deuxième réunion. En effet, les marchés financiers tablent désormais sur un peu plus de cinq hausses de taux de 25 points de base d’ici la fin de 2022. Certains sont même allés jusqu’à dire que la Réserve fédérale pourrait relever les taux de 50 points de base en un seul bond, les marchés intégrant un resserrement de 35 points de base en vue de la décision du 16 mars – soit plus d’une seule augmentation de 25 points de base.
À ce stade, un relèvement de 50 points de base semble s’apparenter à une hardiesse inutile : deux relèvements de 25 points de base suffisamment rapprochés pourraient donner le même résultat sans terrasser les marchés et l’économie. La Fed semble toutefois bel et bien être sur des charbons ardents.
Comme nous l’avons mentionné dans le numéro précédent du #MacroMémo, il y a lieu de penser que ce cycle de resserrement de la Fed (et, en fait, des banques centrales du monde entier en général) s’accompagne d’un certain risque au vu du contexte : les taux sont restés nuls pendant longtemps, le resserrement planifié est particulièrement musclé et fait suite à une poussée inflationniste plutôt qu’à une croissance vigoureuse, et les banques centrales auraient probablement dû enrayer l’inflation au cours du second semestre de 2021.
Intervention retardée de la Banque du Canada
Il va sans dire que la Banque du Canada s’est montrée ferme en planifiant un relèvement de taux dès le 2 mars. Elle a toutefois défié les attentes : le marché avait estimé à 75 % la probabilité d’un relèvement de taux lors de la réunion de janvier, mais la Banque a opté pour le statu quo. Un relèvement de taux aurait alors été facilement justifiable, compte tenu de son acceptation généralisée par les investisseurs, de la virulence de l’inflation et de la résorption actuelle, selon la Banque du Canada, des capacités excédentaires du pays.
La Banque a toutefois reporté cette décision quelque peu. Ses motifs pourraient être les suivants :
- chercher à éviter un resserrement alors qu’Omicron continuait de faire des dégâts ;
- rechercher une meilleure synchronisation avec le cycle de resserrement des États-Unis, évitant ainsi une volatilité inutile sur les marchés des changes et les marchés financiers canadiens ;
- tenter de contenir les attentes des investisseurs sur le plan du resserrement de la politique monétaire en 2022 au Canada (bien que ces attentes n’aient fait que s’accentuer depuis lors, les marchés ayant désormais intégré pas moins de sept relèvements de taux de 25 points de base en 2022).
La Banque du Canada donne maintenant l’impression qu’elle pourrait procéder à des resserrements lors de deux réunions consécutives au lieu d’une réunion sur deux. Ce rythme serait sans doute nécessaire pour parvenir à ces sept relèvements de taux au cours des sept autres réunions de 2022. Nous continuons de croire que la banque centrale finira par procéder à un resserrement allégé par rapport à ce scénario, mais un resserrement important semble manifestement inévitable.
Il importe de savoir (et cela vaut pour presque toutes les banques centrales) que la trajectoire de resserrement précise à adopter est loin d’être claire. À l’heure actuelle, les banques centrales sont particulièrement à la merci des statistiques, de sorte que les marchés ne bénéficieront pas du coup de main qu’ils ont reçu lors des cycles précédents.
Réflexions éparses sur le marché
Terminons par quelques brèves réflexions sur les conséquences de ce resserrement pour les marchés financiers.
- Même si une augmentation des taux obligataires a lieu ordinairement dans la foulée du relèvement des taux, il ne faut pas s’attendre à une liquidation massive : ce relèvement est déjà bien intégré.
- Il se peut que les obligations et les actions ne se protègent temporairement pas aussi bien les unes comme les autres, comme c’est ordinairement le cas. Les actions pourraient pâtir de la grande menace que fait planer le resserrement des banques centrales. Dans le même temps, ce resserrement pourrait faire augmenter les taux obligataires (et donc provoquer une dégringolade des cours des obligations).
- Pour l’heure, l’écart entre les taux des obligations américaines à deux ans et à dix ans n’est que de 62 points de base, ce qui est assez bas.
De plus, on s’attendrait en moyenne à un aplatissement supplémentaire de la courbe au fur et à mesure que les taux à court terme augmentent à cause du resserrement monétaire des banques centrales. La courbe des taux pourrait être très plate, voire inversée dans un an, ce qui pourrait susciter des discussions sur les risques de récession.
– Avec la contribution de Vivien Lee et d’Aaron Ma
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