Webémission mensuelle
Vous pouvez maintenant écouter notre webémission sur l’économie du mois de janvier intitulée « Omicron, dernier obstacle à la reprise économique » (en anglais seulement).
Perspectives trimestrielles
Pour consulter nos perspectives économiques trimestrielles axées sur les prévisions pour 2022, c’est par ici.
Aperçu
Dans ce numéro du MacroMémo, nous abordons des sujets connus, mais avec de nouvelles informations et perspectives. Nous nous penchons sur les propriétés d’Omicron et les tendances relatives à ce variant, les répercussions du confinement, l’adoption d’une position plus ferme par la Fed, l’affaiblissement des données économiques, la Chine, les problèmes liés à la chaîne logistique et l’inflation.
Infections
À l’échelle mondiale, le nombre de nouvelles infections quotidiennes à la COVID-19 est deux fois plus élevé que lors du pic précédent (voir le graphique suivant). Le nombre de décès demeure beaucoup plus faible qu’auparavant, les personnes atteintes développant des formes moins graves de la maladie, bien que cette variable réagisse à retardement.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 dans le monde
Nota : Au 7 janvier 2022. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
La majeure partie des nouvelles infections surviennent dans les pays développés, mais les marchés émergents commencent aussi à observer une hausse (voir le graphique suivant).
Cas de COVID-19 dans les ME et les MD
Nota : Au 6 janvier 2022. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien d’infections. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Chose incroyable, le rythme des infections signalées au Canada dépasse maintenant de plus de cinq fois le record quotidien précédent. Les États-Unis ont brièvement enregistré plus d’un million de cas en une journée (un résultat certes faussé par les jours fériés adjacents) et tous les États rapportent maintenant une tendance à la hausse. La proportion de pays indiquant une augmentation des taux d’infection est à son point culminant depuis les premiers stades de la pandémie (voir le graphique suivant).
Pays signalant une augmentation des nouveaux cas quotidiens de COVID-19
Nota : Au 6 janvier 2022. L’évolution du nombre de cas est calculée d’après la variation sur sept jours de la moyenne mobile sur sept jours des nouvelles infections quotidiennes. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
On peut se demander si les marchés émergents seront aussi affectés que les pays développés par Omicron. Le fait que l’Afrique du Sud ait été frappée par un raz-de-marée d’infections et que les populations des marchés émergents soient généralement moins vaccinées plaide en faveur d’un « oui ». Cependant, jusqu’à présent, le variant a mis plus de temps à se propager dans de nombreux pays émergents et ces derniers ont acquis un niveau élevé d’immunité naturelle lors des vagues précédentes. En Inde, le bilan des infections commence à augmenter. Un test important sera de voir à quel point les pays émergents seront touchés.
Il est raisonnable de critiquer les estimations officielles, parce qu’elles sous-évaluent le nombre réel de personnes malades. Bien que cela ait été vrai à des degrés divers tout au long de la pandémie, ce l’est sans doute encore plus aujourd’hui, étant donné l’extrême pénurie de tests par rapport à la demande. Le taux de positivité donne un indice de l’ampleur du sous-dénombrement. Or, il est actuellement plus élevé qu’à tout autre moment de la pandémie, y compris au début (voir le graphique suivant). Ainsi, même si le nombre d’infections atteint des sommets inégalés, ces chiffres sont probablement sous-estimés dans une mesure jamais vue.
Cas de COVID-19 et taux de positivité aux États-Unis
Nota : Au 6 janvier 2022. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et du taux de positivité aux tests. Sources : Our World in Data, OMS, Macrobond, RBC GMA
La situation est semblable au Canada (voir le graphique suivant ; on ne peut déterminer avec certitude si le déclin récent est réel ou s’il est attribuable à un goulot d’étranglement antérieur dans le dépistage).
Cas de COVID-19 et taux de positivité au Canada
Nota : Au 6 janvier 2022. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et du taux de positivité aux tests. Sources : Our World in Data, OMS, Macrobond, RBC GMA
Comprendre Omicron
Nos hypothèses initiales concernant Omicron se sont avérées : le variant est effectivement plus contagieux, plus résistant aux vaccins et moins mortel. Ce qu’il y a de nouveau, c’est la disponibilité grandissante de chiffres à l’appui de ces allégations qualitatives.
Contagiosité accrue
Selon des estimations approximatives, le taux de reproduction naturel d’Omicron (en l’absence de mesures particulières pour atténuer la propagation) pourrait atteindre 10. Autrement dit, chaque personne malade infecterait 10 autres personnes – une augmentation spectaculaire par rapport à la souche originale dont le taux de reproduction s’élevait à environ 2,5 (ce qui est déjà beaucoup). Le variant Delta, quant à lui, présentait probablement un taux de reproduction naturel de près de 7.
Bien entendu, la population mondiale est au courant de la COVID-19 et prend des précautions. Au moment de sa découverte, Omicron avait un taux de reproduction réel (taux auquel il se propageait dans un contexte de précautions modérées, l’automne dernier) de 3 à 4. Pour faire reculer le virus, il faut ramener le taux de reproduction réel en dessous de 1.
Aux fins de mise en contexte, Omicron n’est pas le virus le plus contagieux de l’histoire, si l’on s’en tient au taux de reproduction naturel. Cet honneur revient à la rougeole : chaque personne atteinte peut s’attendre à en infecter 15 autres, contre environ 10 pour Omicron.
Toutefois, si l’on élargit les critères, Omicron pourrait bien remporter la palme. Chaque génération d’infections à la rougeole est espacée d’à peu près 12 jours (ce qui signifie que les 15 personnes tombent malades 12 jours après l’infection de la première personne). En revanche, chaque génération d’infections à Omicron survient à seulement 4 ou 5 jours d’intervalle. Par conséquent, une personne positive à Omicron en contamine 10, puis 100, puis 1 000 dans le même laps de temps qu’il faut à la rougeole pour en infecter 15. De ce point de vue, Omicron est vraiment incroyable.
Résistance aux vaccins
Les vaccins et les anticorps générés par les infections antérieures ne sont pas aussi efficaces contre Omicron. Cela explique en partie son niveau élevé de contagiosité dans le monde réel.
L’efficacité des vaccins à ARNm, qui était de 50 à 80 % contre le variant Delta, semble diminuer à seulement 20 à 25 % contre Omicron. Heureusement, une troisième dose fait remonter le taux d’efficacité contre Omicron à environ 75 %.
Les scientifiques estiment que les personnes qui ont déjà eu la COVID-19 sont cinq fois plus susceptibles d’être infectées par Omicron que par Delta.
Heureusement, toutes les nouvelles ne sont pas mauvaises. Tout porte à croire qu’une infection à Omicron offre une protection contre une future infection à Delta. C’est la clé, car toutes ces infections à Omicron ne contribueraient guère à l’immunité collective si les anticorps et les lymphocytes T générés par elles ne protégeaient pas contre le variant Delta qui circule toujours (et qui est plus mortel).
En outre, bien que les vaccins semblent moins efficaces contre Omicron, la deuxième ligne de défense (mémoire cellulaire et lymphocytes T) fonctionne quand même en bonne partie. Cela explique pourquoi les personnes vaccinées ou précédemment infectées peuvent contracter le virus, mais présenter des symptômes souvent plus légers que les non-vaccinés. Une étude révèle que les patients entièrement vaccinés passent en moyenne quatre jours à l’hôpital, comparativement à près de deux semaines pour les non-vaccinés.
Dangerosité inférieure
Il est difficile d’évaluer avec précision dans quelle mesure Omicron est moins mortel que les variants antérieurs. Les experts médicaux le décrivent souvent comme agissant davantage dans les voies respiratoires supérieures plutôt qu’inférieures, ce qui donne généralement lieu à des symptômes moins graves.
L’Afrique du Sud signale une réduction de 80 % des hospitalisations par cas d’Omicron par rapport aux autres variants – une baisse énorme. Des études menées au Danemark, en Écosse et dans l’État de New York indiquent une diminution d’environ deux tiers.
Néanmoins, ces estimations peuvent exagérer le recul réel de l’intensité des infections à Omicron. Un plus grand nombre de personnes sont vaccinées ou jouissent d’une immunité naturelle aujourd’hui que lors des vagues précédentes. Cela explique certainement une partie des résultats plus modérés. Des travaux réalisés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’Imperial College soutiennent que, si l’on tient compte de ces variables, le risque d’hospitalisation d’une journée ou plus est de 40 à 45 % inférieur à celui de Delta.
Évidemment, la flambée des cas a été telle que malgré la diminution des conséquences graves par infection, la plupart des hôpitaux doivent composer avec une explosion de la demande (voir le graphique suivant), un grand nombre d’entre eux étant complètement débordés. Fait curieux, ce facteur est variable : ainsi, les hôpitaux d’Afrique du Sud n’ont jamais été submergés comparativement aux vagues précédentes ; ceux du Royaume-Uni sont également beaucoup moins sollicités que lors des sommets précédents, tandis que ceux du Canada et des États-Unis établissent déjà des records (même si les conséquences sont en moyenne moins graves pour les personnes hospitalisées). De plus, bien que dans l’ensemble, les personnes admises à l’hôpital y passent moins de temps que lors des vagues précédentes, cela peut tout de même signifier qu’un nombre beaucoup plus important de patients doivent passer au moins quelques jours à l’hôpital que pendant les vagues précédentes.
Hospitalisations liées à la COVID-19 dans les pays développés
Nota : Selon les dernières données disponibles au 9 janvier 2022. Sources : Our World in Data, Macrobond, RBC GMA
Quand Omicron plafonnera-t-il ?
La vague Omicron a déjà atteint son sommet en Afrique du Sud, où le nombre d’infections quotidiennes a déjà diminué de plus de la moitié par rapport à la normale (voir le graphique suivant). Selon certains rapports, le nombre de cas a également commencé à diminuer à Londres, qui figurait parmi les premiers endroits touchés. Par conséquent, il se pourrait que cette vague soit inhabituellement forte, mais d’assez courte durée.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 en Afrique du Sud
Nota : Au 7 janvier 2022. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Certains épidémiologistes prévoient que le taux d’infection quotidien pourrait atteindre un pic aux États-Unis et dans d’autres pays en janvier. Cela ne semble pas totalement déraisonnable : les gens s’isolent davantage, la période des Fêtes est terminée, le nombre de cas avait fortement chuté au mois de janvier l’année dernière, et le pourcentage de la population immunisée (de façon artificielle ou naturelle) augmente.
Tout cela étant dit, il faudrait en théorie réunir toute une série de facteurs pour que le taux de reproduction effectif du virus, qui s’établissait à trois à la fin de décembre, chute à moins de un (ce qui permettrait de neutraliser le virus). Mais si les gouvernements assouplissent leurs restrictions au cours des prochaines semaines, ou si les gens commencent à relâcher leur vigilance, il est tout à fait possible que le nombre de cas d’Omicron recommence à augmenter.
Si on examine la situation sous un autre angle, il semble peu probable que les campagnes de vaccination et les cas d’Omicron aient touché un pourcentage suffisant de la population en moins de deux mois pour diviser par trois le nombre de personnes susceptibles d’être contaminées. Et c’est ce qu’il faudrait pour faire ramener le taux de reproduction de trois à un. Par ailleurs, nous croyons qu’il est possible qu’Omicron commence à reculer en janvier, pour repartir de plus belle après la levée des restrictions et continuer de faire des victimes jusqu’à ce que quelque chose s’apparentant à l’immunité collective se matérialise.
Bien que les vagues précédentes aient été généralement vaincues lorsque le taux d’infection a commencé à chuter, les circonstances entourant chacune d’elles étaient sans doute particulières : ainsi, la première vague a pris fin lorsque les gens ont appris à porter des masques et adopté la distanciation sociale, et lorsque la température a grimpé. La deuxième vague a pris fin avec le déploiement des vaccins. La plus récente vague liée au variant Delta n’a jamais eu la possibilité de s’atténuer avant d’être surpassée par le variant Omicron. On peut espérer que les températures plus douces du printemps contribueront à améliorer la situation.
Les mesures de confinement s’intensifient
La vague d’Omicron nuit à l’économie de trois façons.
Premièrement, de nombreux pays adoptent des règles plus strictes, non seulement à l’égard du port du masque et des limites de capacité, mais aussi en ce qui concerne l’école virtuelle et la fermeture des salles à manger de restaurants, des salles de gym, des bars et des lieux de divertissement.
Deuxièmement, les gens se comportent plus prudemment, car ils sont conscients que le risque d’infection est plus élevé.
Troisièmement, et c’est sans doute un facteur plus important que lors des vagues précédentes, le nombre élevé de personnes qui contractent la maladie a un effet réel sur l’offre de main-d’œuvre. Un grand nombre de travailleurs sont absents parce qu’ils sont malades, ou s’isolent parce qu’ils ont été en contact avec une personne contaminée ou doivent prendre soin d’une personne malade. Tout cela se répercute sur l’activité économique. De nombreuses sources signalent un taux d’absentéisme élevé parmi les travailleurs d’hôpital, les chauffeurs d’ambulance et d’autobus, les enseignants, les agents de bord, les débardeurs, et ainsi de suite.
Quelle sera l’ampleur des dommages économiques ?
On peut évaluer de plusieurs façons l’ampleur des dommages économiques qui pourraient être causés par la vague Omicron.
Contexte historique : Au Canada, le PIB s’est contracté de 1,5 point de pourcentage au cours de la période de confinement d’avril mai 2021. Cette fois, la situation devrait être légèrement pire : les restrictions gouvernementales sont comparables, mais un plus grand nombre de personnes sont malades et incapables de travailler. Ailleurs, il semble raisonnable de croire que la présente vague causera des dommages économiques un peu plus lourds que lors des vagues précédentes, mais beaucoup moins graves que durant la première.
Rigueur des mesures de confinement : Notre indicateur de la rigueur des mesures de confinement donne à penser que les comportements ont sensiblement changé au cours du dernier mois, davantage qu’à tout autre moment depuis la première vague (voir le graphique suivant). Par conséquent, les dommages économiques devraient être plus lourds. Notons que cet indicateur semble toujours fléchir pendant les Fêtes, mais le recul observé dans la plupart des pays est plus prononcé cette année que l’an dernier (rappelons que nous étions aussi confrontés à une vague d’infections à la même période l’an dernier ; par conséquent, une partie de ces dommages étaient bien réels).
La rigueur des mesures de confinement varie d’un pays à l’autre
Nota : Selon les dernières données disponibles au 3 janvier 2022. Écart par rapport au niveau de référence normalisé en fonction des États-Unis et lissé au moyen d’une moyenne mobile sur sept jours. Sources : Google, Université d’Oxford, Macrobond, RBC GMA
Goldman Sachs, qui établit son propre indice de confinement effectif pour le monde, estime que le dernier tour de vis a entraîné une réduction de la production économique mondiale d’environ 1 %. Ces restrictions touchant les pays développés de façon disproportionnée, on peut avancer que les dommages temporaires pourraient être deux fois plus marqués dans ces pays.
Il est important de comprendre qu’une réduction temporaire de 1 % de la production économique ne signifie pas que la croissance annuelle du PIB baissera de 1 %. Pour que ce soit le cas, il faudrait que le déclin de la production persiste toute l’année. Dans le cas présent, il ne devrait durer qu’un mois ou deux ; l’effet net ne devrait donc représenter qu’une contraction de quelques dixièmes de point de pourcentage du PIB annuel.
Calculs approximatifs : Des calculs sommaires permettent aussi d’estimer de façon approximative les dommages économiques. Imaginons qu’une personne sur deux manque cinq jours de travail à cause du variant Omicron (parce qu’elle est malade, ou qu’elle doit s’isoler ou s’occuper de quelqu’un d’autre) ; cela représente une perte de 1 % de la production économique pour l’année entière et de 5,5 % pour les quelques mois de perturbations. Cependant, ce calcul exagère presque certainement les dommages, étant donné que les entreprises pourraient embaucher davantage de personnel pour combler cet écart, ou que certains travailleurs pourraient faire des heures supplémentaires, télétravailler s’ils s’isolent ou sont malades, utiliser des jours de vacances qu’ils prendraient normalement à un autre moment, ou mettre tout simplement les bouchées doubles à leur retour au travail.
Si l’on combine ces différentes méthodes, il semble raisonnable de prévoir que les dommages temporaires causés par le variant Omicron se traduiront par une diminution du PIB de 1 % à 3 %, avec de fortes variations selon les pays. Nous tablons sur le bas de cette fourchette.
La Réserve fédérale durcit le ton
Outre la forte hausse du nombre d’infections au variant Omicron, le durcissement de ton de la Réserve fédérale américaine représente l’autre thème macroéconomique dominant des deux derniers mois. Les marchés boursiers ont récemment manifesté une certaine agitation en raison du regain d’intérêt de la Fed pour un resserrement de sa politique monétaire. Le secteur technologique a été particulièrement touché du fait de l’incidence des taux d’intérêt sur les bénéfices futurs.
En fait, ce thème n’est pas nouveau et ne se limite pas aux États-Unis. Cette tendance s’observe au moins depuis l’été dernier, et les banques centrales de la plupart des pays – la Chine constituant l’une des rares exceptions – optent pour une orientation plus austère, relevant leurs taux ou signalant que de telles hausses seront décrétées en 2022.
Aux États-Unis, la Fed a indiqué au milieu de décembre qu’elle réduirait ses achats d’obligations deux fois plus vite que prévu auparavant, à tel point que ses achats nets prendront fin ce printemps. En outre, elle prévoit désormais trois hausses de taux en 2022, conformément aux attentes des marchés.
Les dernières nouvelles nous viennent du procès-verbal de la Fed, un résumé publié tardivement de la discussion entourant la décision prise à la mi-décembre. Selon ce document, les membres de la Fed se sont montrés plus impatients de retirer les mesures de relance.
On parle maintenant du calendrier du « resserrement quantitatif ». Ce processus consiste à vendre activement des obligations pour réduire le bilan de la banque centrale ; cette étape suit celle de la réduction de l’assouplissement quantitatif. Le président de la Fed, M. Powell, estime qu’il n’est pas nécessaire d’attendre aussi longtemps qu’après la crise financière mondiale pour procéder au resserrement quantitatif. À l’époque, celui-ci avait été amorcé trois ans après la fin de l’assouplissement quantitatif.
Depuis, certains membres de la Fed ont indiqué que des hausses de taux pourraient survenir dès le mois de mars.
En effet, le taux de chômage des États-Unis est passé en dessous de 4 %, ce qui est bas, tandis que l’inflation est supérieure à 6 %, un niveau élevé. Ce sont des raisons suffisantes pour resserrer la politique monétaire.
Certes, les taux d’intérêt plus élevés peuvent freiner la croissance économique à court terme et susciter une certaine agitation sur les marchés financiers. Toutefois, une politique monétaire plus ferme n’est pas complètement mauvaise. En fait, les hausses de taux semblent tout à fait justifiées. Il serait inapproprié de laisser le taux directeur à seulement 0,125 % alors que l’inflation atteint des sommets jamais vus en plusieurs décennies, et au vu de l’étroitesse du marché du travail. De plus, cela pourrait mettre un terme au cycle économique de façon prématurée.
Par ailleurs, d’après nos propres recherches, le marché boursier a tendance à afficher une certaine nervosité au moment du premier relèvement des taux, mais la plupart du temps, les actions continuent de s’apprécier pendant les 12 mois qui suivent la première hausse. Cette progression se déroule toutefois à un rythme plus modéré que pendant l’année qui a précédé cette hausse.
Il convient de noter que la vague Omicron s’est intensifiée depuis que la Fed a officiellement exprimé son opinion, et que les chiffres de l’emploi aux États-Unis n’ont pas été à la hauteur des prévisions. Ces facteurs pourraient tempérer l’enthousiasme de la Fed, mais probablement pas de manière significative.
Les données économiques en temps réel perdent de la vigueur
Les données économiques en temps réel ont commencé à s’affaiblir sous l’effet de la vague Omicron. L’occupation des bureaux s’est effondrée au cours du mois dernier (voir le graphique suivant), ce qui a eu des répercussions sur les nombreuses entreprises qui offrent des services aux employés de bureau. Il est normal que le taux d’occupation des bureaux baisse quelque peu pendant les Fêtes, mais jamais à ce point. Fait surprenant, un certain nombre de villes américaines affichent désormais des taux d’occupation des bureaux inférieurs à leur pire niveau du printemps 2020. Bien sûr, ces taux remonteront quand la vague Omicron se dissipera, mais ils témoignent de la gravité de cette vague par rapport aux précédentes.
Taux d’occupation des immeubles de bureaux dans les grandes villes des États-Unis
Nota : Données pour la semaine se terminant le 29 décembre 2021. Le « baromètre » indique le taux d’occupation hebdomadaire des immeubles de bureaux en fonction du balayage des cartes de contrôle d’accès. Sources : Kastle Systems, Bloomberg, RBC GMA
Les déplacements en avion déclinent à nouveau aux États-Unis. Ce n’est pas la première fois que cela se produit, mais le repli est notable. Cette tendance n’est pas uniquement liée à la demande ; en raison de la maladie, beaucoup de pilotes et d’agents de bord manquent à l’appel.
Déplacements en avion aux États-Unis
Nota : Au 6 janvier 2022. Variation de la moyenne mobile sur sept jours par rapport au même jour de semaine des années précédentes. Sources : TSA, Macrobond, RBC GMA
Enfin, nous notons que la mesure des dépenses de consommation en temps réel de Bank of America s’est tassée le mois dernier (voir le graphique suivant).
Dépenses quotidiennes globales par cartes aux États-Unis
Nota : Données au 1er janvier 2022. Le total des dépenses par cartes (moyenne mobile sur sept jours) comprend l’ensemble des opérations par cartes de BAC, qui tient compte des ventes au détail et des services payés par cartes. Il exclut les paiements traités par une chambre de compensation automatisée. Sources : BofA Global Research, RBC GAM
Les données économiques traditionnelles sont nuancées
Les données économiques traditionnelles ont été plus nuancées, en grande partie parce qu’elles couvrent à présent l’arrivée d’Omicron.
En décembre, 199 000 nouveaux emplois nets ont été créés aux États-Unis, soit moins de la moitié des prévisions générales. L’emploi reste toutefois solide par rapport aux périodes hors pandémie. Les marchés financiers n’ont pas montré trop d’inquiétude, rassurés par le recul du taux de chômage de 4,2 % à 3,9 %, la robustesse du salaire horaire et la vigueur persistante des autres indicateurs relatifs au marché du travail, comme les demandes de prestations d’assurance-emploi, le taux de démission (voir le graphique suivant) et le nombre de postes vacants par rapport au nombre de chômeurs (voir le graphique suivant).
Forte hausse des départs volontaires aux États-Unis
Nota : En novembre 2021. Estimations pour toutes les entreprises non agricoles du secteur privé. La zone ombrée représente une récession. Sources : BLS, Macrobond, RBC GMA
Pénurie sur le marché du travail américain : plus d’emplois que de chômeurs
Nota : En novembre 2021. Sources : BLS, Macrobond, RBC GMA
Au Canada en revanche, le marché du travail a surpassé les attentes en décembre, avec la création de 54 700 emplois alors que les prévisions générales s’élevaient à seulement la moitié de ce chiffre. L’ajout de postes à temps plein a été particulièrement remarquable, tandis que le taux de chômage du Canada a franchi un cap important en passant de 6 % à 5,9 %. À titre d’information, le taux de chômage considéré comme normal au Canada est supérieur d’environ 2 points de pourcentage à celui des États-Unis. Par conséquent, les deux pays semblent se trouver dans une situation à peu près similaire (bien que le taux de participation ait davantage chuté aux États-Unis, où le nombre d’emplois demeure inférieur de plusieurs millions au niveau d’avant la pandémie, tandis que le Canada a déjà dépassé ce seuil).
L’emploi est resté stable en Colombie-Britannique, ce qui est encourageant si l’on tient compte des inondations record survenues fin novembre et début décembre. Autre preuve que les inondations n’ont pas été aussi dévastatrices que prévu, l’estimation provisoire de la croissance du PIB au Canada s’est établie à 0,3 % en novembre. Ce résultat positif a contrasté avec la crainte que la catastrophe naturelle ne provoque une contraction de l’économie au cours du mois.
Dans l’Union européenne, le taux de chômage est tombé à 7,2 % et frôle la moyenne d’avant la pandémie. Bien que ce résultat semble impressionnant de prime abord, il faut garder à l’esprit que le taux de chômage de l’UE n’a jamais grimpé autant qu’en Amérique du Nord. Tout au long de la crise, les gouvernements européens ont en effet choisi de payer les travailleurs pour qu’ils restent chez leur employeur.
Les indices des directeurs d’achat (PMI) de la plupart des pays ont légèrement fléchi, à l’exception de celui de la Chine qui est vigoureux, tout en signalant encore une croissance économique solide. L’indice ISM du secteur manufacturier américain a chuté de 61,1 à 58,7 en décembre. L’indice ISM du secteur des services a dégringolé de 69,1, un niveau exceptionnel, à 62,0.
L’indice composite des directeurs d’achat de la zone euro a reculé de 55,4 à 53,3 en décembre. À notre avis, les indices baisseront encore en janvier, sous l’effet de la vague Omicron.
Plans en matière de stocks
En 2022, l’accumulation de stocks devrait soutenir l’économie. Les entreprises ont l’intention d’accroître leurs stocks comme jamais auparavant (voir le graphique suivant).
Les entreprises américaines prévoient accroître leurs stocks
Nota : En novembre 2021. La zone ombrée représente une récession. Sources : Étude économique menée par la NFIB auprès des PME, Haver Analytics, RBC GMA
Les entreprises risquent de se méprendre en voulant augmenter leurs stocks pour les raisons suivantes : a) elles sont influencées par les récents problèmes de la chaîne logistique et ceux-ci commenceront bientôt à se résorber ; et b) elles pensent que les ventes resteront élevées indéfiniment (alors que les ventes de certains biens reculeront probablement dès que le secteur des services reprendra vie).
Cependant, le désir d’augmenter les stocks semble globalement justifié : le ratio stocks-ventes est faible par rapport à ce qu’il était avant la pandémie (voir le graphique suivant). En outre, la baisse du ratio stocks-ventes ne s’explique pas seulement par le fait que les ventes sont particulièrement soutenues en ce moment. Le niveau brut des stocks a aussi diminué (il s’agit là d’un élément important – le pic du ratio stocks-ventes qui se manifeste à chaque récession s’explique moins par l’augmentation des stocks que par la baisse des ventes).
Le ratio stocks-ventes poursuit sa baisse aux États-Unis
Nota : En date d’octobre 2021. Ratio stocks-ventes réel de l’ensemble des secteurs manufacturiers et commerciaux. La zone ombrée représente une récession. Sources : BEA, Haver Analytics, RBC GMA
Chine
La bonne nouvelle pour la Chine, c’est que le gouvernement du pays concentre désormais son attention sur la « stabilité » et, par conséquent, soutient la croissance pendant une période difficile pour l’économie. La hausse récente et importante de l’indice des directeurs d’achat témoigne de ces efforts, et l’impulsion du crédit est enfin de nouveau positive après être demeurée longtemps négative (voir le graphique suivant).
L’impulsion du crédit en Chine s’avère positive
Nota : En novembre 2021. Correspond à la variation d’une année sur l’autre de la moyenne mobile sur trois mois du total du financement social, à l’exclusion des actions et des émissions obligataires par les administrations locales, en pourcentage du PIB. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Néanmoins, nous ne perdons pas de vue les importants défis économiques auxquels le pays est confronté. En plus des enjeux démographiques structurels et des problèmes de chaîne logistique, la politique de tolérance zéro de la Chine face à l’un des virus les plus contagieux de l’histoire devrait avoir de lourdes conséquences. Les autorités ont déjà imposé un confinement dans plusieurs villes, dont Xian et Tianjin, qui comptent respectivement 13 et 14 millions d’habitants. Ces mesures ont tendance à être beaucoup plus strictes que dans les autres pays. Par exemple, les gens ne peuvent pas quitter la ville et ils doivent avoir un motif impérieux pour pouvoir sortir de chez eux.
Cela va inévitablement nuire à la production manufacturière et aux exportations chinoises. On rapporte également que le principal vaccin chinois contre la COVID-19 serait peu efficace contre le variant Omicron. Il en résulte que le variant pourrait avoir des répercussions extrêmement négatives sur l’économie, bien que le pays compte relativement peu de cas.
Par ailleurs, les problèmes qui touchent les constructeurs chinois persistent, malgré le fait que le crédit est à la hausse. La négociation des actions d’Evergrande a été interrompue temporairement, et la société a reçu l’ordre de démolir un ensemble d’immeubles d’habitations qui avaient été construits illégalement. Mais ce ne sont que des détails à côté du problème principal, qui est que la société (et plusieurs autres) ne peut plus s’acquitter de sa dette extérieure et cherche maintenant à négocier avec des créanciers nationaux pour retarder le paiement de sa dette intérieure. Tout d’abord, la société a d’importants problèmes de liquidité. Ensuite, elle pourrait aussi avoir des problèmes de solvabilité.
Sur un autre plan, le South China Morning Post a rapporté qu’il y a eu en Chine trois fois plus de fermetures que d’ouvertures de petites entreprises au cours des 11 derniers mois. C’est la première fois depuis deux décennies que le nombre de fermetures est supérieur à celui des ouvertures. Cela indique que tout n’est pas rose dans l’économie chinoise. Nous maintenons nos prévisions d’une augmentation du PIB de moins de 5 % en 2022, ce qui est en deçà de la moyenne, même si nous croyons que le gouvernement réussira à stabiliser la croissance une fois que la vague Omicron sera passée.
Quelques nouvelles budgétaires
Les efforts déployés par la Maison-Blanche pour présenter un important projet de loi sur les dépenses ont été anéantis par le sénateur démocrate non conformiste Joe Manchin, qui a refusé de soutenir l’initiative. Cela signifie qu’il manquait seulement une voix aux démocrates pour que le président Biden puisse remporter un succès politique majeur. La Maison-Blanche devra donc désormais revoir ses plans à la baisse.
Cette situation a de multiples conséquences. Entre autres, toutes les futures dépenses devraient avoir peu d’effets sur l’économie puisqu’elles devront être financées en grande partie par des hausses d’impôts. Les initiatives américaines visant à atténuer les changements climatiques seront également plus difficiles à mettre en œuvre.
En ce qui concerne le Canada, la mise à jour budgétaire de l’automne a permis de dégager 67 milliards de dollars de nouvelles dépenses pour les six prochaines années. Cela ne devrait pas aggraver le ratio dette-PIB prévu puisqu’on s’attend à une croissance élevée et, surtout, à une forte inflation ce qui contribue à améliorer encore plus les perspectives d’équilibre budgétaire. Néanmoins, cela représente de l’argent qui aurait pu servir à réduire le déficit ou même à rembourser la dette, ce qui nous donnerait plus de marge pour faire face à de futures crises.
Contradictions entourant la chaîne logistique
Il est difficile de dire si la chaîne logistique s’améliore ou non. C’est probablement le cas, même s’il est possible que les mesures de confinement en Chine exacerbent temporairement le problème. Plusieurs éléments laissent toutefois croire que la situation reste difficile.
Ainsi, le nouvel indice des tensions dans les chaînes logistiques mondiales de la Réserve fédérale de New York a rarement été aussi mauvais (voir le graphique suivant). D’autres indicateurs que nous suivons, notamment les coûts d’expédition maritime et le nombre de navires en attente de déchargement dans le sud de la Californie, demeurent plutôt défavorables.
Les tensions dans les chaînes logistiques mondiales n’ont jamais été aussi fortes
Nota : En novembre 2021. Les zones ombrées représentent une récession aux États-Unis. Source : Gianluca Benigno, Julian di Giovanni, Jan J.J. Groen et Adam I. Noble, « A New Barometer of Global Supply Chain Pressures » (nouveau baromètre des tensions sur les chaînes logistiques mondiales), Federal Reserve Bank de New York, Liberty Street Economics, Macrobond, RBC GMA
Rien n’indique que la demande soutenue de puces informatiques a considérablement diminué, comme en témoigne la flambée des exportations du secteur électronique de Taïwan (voir le graphique suivant).
Exportations de produits électroniques de Taïwan
Nota : Ministère des Finances de Taïwan, Macrobond, RBC GMA
Voici les facteurs qui nous rassurent un peu à propos des chaînes logistiques. Nous en comptons quatre.
Premièrement, les tarifs de fret aérien ont chuté des sommets de la mi-décembre. Les entreprises étaient prêtes à payer plus afin que leurs produits soient sur les tablettes à temps pour la période des Fêtes, et ce n’est actuellement plus le cas.
Deuxième facteur, saisonnier lui aussi, les chaînes logistiques rattrapent habituellement leur retard au premier trimestre, étant donné que la demande est généralement plus faible à ce moment-là. Ça sera probablement le cas une fois que le Nouvel An chinois (1er février) sera passé.
Troisièmement, nous soupçonnons de nombreuses entreprises d’avoir avancé leurs achats. Compte tenu des difficultés d’approvisionnement, nombre d’entre elles ont passé des commandes excessives afin d’être épargnées par d’autres pénuries éventuelles. Cela pourrait se traduire par une diminution des besoins d’expédition plus tard.
Quatrièmement, l’indice des livraisons des fournisseurs et l’indice des prix payés de l’Institute for Supply Management (ISM) pour l’industrie manufacturière se sont beaucoup améliorés (voir le graphique suivant). C’est d’ailleurs l’élément qui a le plus pesé dans notre évaluation. L’indice des livraisons des fournisseurs a soudainement atteint son niveau le plus bas en 13 mois, ce qui est une bonne nouvelle et signale une amélioration réelle. Comme il s’agit de la seule enquête qui demande aux entreprises comment fonctionne leur chaîne logistique, elle est assez prometteuse.
Les fabricants américains se plaignent moins des fournisseurs et des prix
Nota : En date de décembre 2021. Sources : ISM, Haver Analytics, RBC GMA
Plafonnement de l’inflation ?
L’inflation demeure extrêmement élevée. Dans la zone euro, elle a grimpé à un niveau sans précédent de 5 % d’une année sur l’autre. Au Japon, l’inflation de base, qui reste encore extrêmement faible par rapport à la moyenne mondiale, n’a atteint que 0,5 % d’une année sur l’autre et pourrait encore augmenter. Elle aurait été plus élevée si le gouvernement n’avait pas réduit le coût des services de télécommunication.
Les derniers chiffres sur l’inflation aux États-Unis devraient être communiqués sous peu. Les prévisions tablent sur un nouveau record de 7 % d’une année sur l’autre.
Les prix du pétrole ont poursuivi leur progression, accentuant les pressions à court terme.
Nous croyons toutefois que l’inflation n’est pas loin de son sommet.
Ne serait-ce qu’à cause des effets de base, l’inflation sur 12 mois pourra difficilement continuer d’augmenter après le printemps, puisqu’il faudrait que les gains mensuels dépassent ceux, substantiels, de l’an dernier, à mesure que ceux-ci sortent de la période de calcul.
Ce sont les problèmes de la chaîne logistique et les prix élevés du pétrole qui alimentent le plus la flambée d’inflation. Mais comme nous l’avons vu plus haut, il semble que les problèmes de la chaîne logistique s’atténuent.
Les prix du pétrole devraient aussi légèrement diminuer en 2022. Le déport du marché des contrats à terme sur le pétrole se maintient (signe que le marché mise sur une baisse des prix plus tard) ; l’Agence internationale de l’énergie prévoit, elle, que l’offre de pétrole dépassera de nouveau la demande sous peu.
Comme nous l’avons mentionné plus tôt, l’indice ISM des prix payés par le secteur manufacturier a récemment fortement chuté, ce qui laisse croire que les sociétés bénéficient d’un certain répit.
Enfin, les indicateurs de l’inflation en temps réel que nous suivons ont légèrement fléchi dernièrement. Le fléchissement n’est peut-être que temporaire, mais à tout le moins ces indicateurs ne sont pas à la hausse. Il convient de noter qu’aux États-Unis, ces indicateurs donnent à penser que l’inflation devrait actuellement se situer autour de 4 % plutôt que près de 7 %.
– Avec la contribution de Vivien Lee et d’Aaron Ma
Vous aimeriez connaître d’autres points de vue d’Eric Lascelles et d’autres dirigeants avisés de RBC GMA ? Vous pouvez lire leurs réflexions dès maintenant.