Ce plus récent #MacroMémo porte sur un large éventail de sujets, à commencer par la hausse des cas de COVID-19 et le resserrement des restrictions gouvernementales. Nous y abordons ensuite de nouveaux sujets, comme les inondations en Colombie-Britannique et la reconduction du président de la Fed, Jerome Powell, avant de présenter un résumé du sommet sur le climat de la COP26. Nous examinons également les tendances récentes de l’économie et de l’inflation et faisons le point sur les chaînes logistiques et le marché du pétrole. Pour finir, nous traitons des perspectives à long terme de l’inflation et observons un changement de l’équilibre des forces entre les travailleurs et les entreprises.
Les développements récents sont plutôt mitigés, voire légèrement défavorables.
Principaux points positifs
- L’économie américaine continue de s’accélérer après une accalmie.
- Les problèmes liés aux chaînes logistiques se sont un peu résorbés.
- Le président actuel de la Fed demeurera en poste pendant encore quatre ans.
- Nous ne croyons pas que l’inflation restera élevée à long terme.
Faits négatifs
- Les cas de COVID-19 augmentent dans les pays développés.
- Les pays développés hors États-Unis semblent connaître un ralentissement économique.
- L’inflation demeure extrêmement élevée.
- La côte Ouest du Canada a subi de graves inondations, lourdes de conséquences économiques.
Hausse des cas de COVID-19
Poursuivant une tendance qui persiste depuis près de deux mois, les cas de COVID-19 continuent d’augmenter dans les pays développés (voir le graphique suivant). Il est intéressant de noter que les marchés émergents ont, pour la plupart, été épargnés par cette vague.
Nombre de cas de COVID-19 dans les pays émergents et dans les pays développés
Au 21 novembre 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien d’infections. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
L’Europe demeure l’épicentre de ces problèmes : l’Allemagne est l’un des pays les plus touchés et rapporte à l’heure actuelle environ deux fois plus de nouveaux cas par jour qu’à tout autre moment depuis le début de la pandémie (voir le graphique suivant). Mais le pays n’est pas le seul dans cette situation. Le nombre de cas est également en forte hausse en Autriche, aux Pays-Bas, en Suisse et dans plusieurs autres pays. Au Royaume-Uni, le nombre de cas est relativement stable, mais demeure élevé. Fort heureusement, l’augmentation du nombre de décès n’a pas été aussi marquée, sans doute à cause des vaccins.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 en Allemagne
Au 21 novembre 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Aux États-Unis, le nombre d’infections continue de grimper (voir le graphique suivant), mais l’ampleur de la détérioration est probablement sous-estimée. En effet, plus de 40 des 50 États signalent maintenant une augmentation du nombre de cas (voir le graphique suivant). Les États-Unis continuent de faire bande à part à ce chapitre : en effet, le taux de létalité n’a pas diminué de manière appréciable dans ce pays au cours des dernières vagues, et la pandémie y est toujours très mortelle.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 aux États-Unis
Au 21 novembre 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Nombre d’États américains dont le taux de transmission est supérieur au seuil clé de 1
Au 21 novembre 2021. Le taux de transmission correspond à la variation sur sept jours de la moyenne mobile sous-jacente sur cinq jours du nombre de nouveaux cas par jour, lissée au moyen de la moyenne mobile sur sept jours. Un taux de transmission supérieur à un signale une augmentation du nombre quotidien de nouveaux cas. Comprend Washington D.C. Sources : Haver Analytics, Macrobond, RBC GMA
Le nombre d’infections affiche également une légère hausse au Canada (voir le graphique suivant), mais varie considérablement d’une région à l’autre. Ainsi, la situation s’aggrave en Ontario et au Québec, tandis qu’elle s’améliore en Colombie-Britannique, en Alberta et en Saskatchewan.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 au Canada
Au 21 novembre 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Si la situation se détériore dans autant de pays développés, c’est probablement à cause d’une combinaison des raisons ci-dessous :
- le relâchement de la vigilance des gens ;
- la diminution de l’immunité offerte par les vaccins – la durée de l’efficacité du vaccin pourrait ne pas dépasser sept mois ;
- le temps plus froid, qui assèche l’air (un facteur de propagation connu) et incite les gens à se rassembler à l’intérieur ;
- la réouverture des écoles, où l’on retrouve une forte concentration de personnes non vaccinées.
Les doses de rappel du vaccin devraient contribuer à résoudre le point 2 ci-dessus ; le temps froid (point 3) ne durera pas éternellement, quoiqu’il faudra attendre encore plusieurs mois avant l’arrivée du printemps ; et de nombreux enfants seront bientôt vaccinés (point 4). Il semble toutefois peu probable que les gens adoptent des comportements beaucoup plus prudents (point 1). Il ne fait aucun doute que nous finirons par nous extirper de cette pandémie malgré la confusion apparente grâce à différentes permutations.
Les pays resserrent leurs règles
Certains gouvernements resserrent progressivement leurs restrictions relatives à la COVID-19. Notre indice de rigueur dans le monde a récemment fléchi légèrement pour la première fois depuis plusieurs mois (voir le graphique suivant).
Le point sur l’indice de rigueur dans le monde
Au 21 novembre 2021. L’indice de rigueur dans le monde évalue la rigueur des mesures de confinement qui restreignent la mobilité dans les 50 plus grandes économies. Sources : Université d’Oxford, Fonds monétaire international, Macrobond, RBC GMA
Plusieurs pays européens, dont la Grèce, ont imposé – ou réimposé – des passeports vaccinaux dans l’espoir de contrer l’augmentation du nombre d’infections. Pendant ce temps, l’Autriche a annoncé un confinement complet, devant ainsi le premier pays d’Europe de l’Ouest à imposer un nouveau confinement depuis le déploiement des vaccins.
Tous ces facteurs causent inévitablement certains dommages économiques – nous traiterons des signes de ralentissement économique plus tard – mais nous continuons de croire que ces dommages devraient être relativement mineurs étant donné que la plupart des restrictions sont plus ciblées que lors des premières vagues de la pandémie.
Inondations en Colombie-Britannique
Le sud de la Colombie-Britannique connaît actuellement des inondations qui ne produisent qu’une fois par siècle, et d’autres pluies sont prévues au cours des prochains jours. Il pourrait s’agir de la catastrophe naturelle la plus coûteuse de l’histoire du Canada.
La plupart des corridors de transport routier et ferroviaire de la province ont été coupés du reste du pays en raison des inondations ou des coulées de boue. D’un point de vue économique, la situation est évidemment compliquée pour la région touchée, mais elle est également lourde de conséquences pour l’ensemble du Canada, puisque le port de Vancouver, qui se trouve dans cette région, représente entre 15 % à 20 % de l’ensemble du commerce canadien de marchandises. Cela est regrettable, parce que jusqu’ici, les ports canadiens composaient mieux avec les problèmes liés aux chaînes logistiques que les États-Unis.
Selon une estimation, le flux normal de marchandises par voie routière et ferroviaire entre la Colombie-Britannique et le reste du Canada s’élève à environ 325 millions de dollars par jour. Il convient toutefois de préciser que tout n’a pas été perdu et que le montant de la valeur ajoutée serait considérablement moins élevé. Les sommes en cause sont néanmoins très importantes.
Des efforts héroïques sont en cours pour rétablir le service. En attendant, certains camions peuvent contourner la région en passant par les États-Unis, et certains trains font un détour en remontant la côte vers Prince Rupert. On prévoit qu’il faudra jusqu’à une semaine avant que le transport ferroviaire soit rétabli ; certaines routes devraient être en mesure d’absorber un trafic limité d’ici quelques jours, mais il faudra peut-être patienter pendant plusieurs mois avant que le service routier revienne à la normale.
D’un point de vue économique, les consommateurs ne peuvent pas obtenir les biens qu’ils veulent en provenance de l’Asie ou de la Colombie-Britannique, et les producteurs canadiens ne peuvent pas expédier leurs produits vers l’Asie ou la Colombie-Britannique. Par ailleurs, les autorités ont demandé aux habitants de la région touchée de rester chez eux, ce qui a pour effet de réduire davantage la production économique et la demande. Les pénuries de carburant pourraient aussi freiner l’activité pendant un certain temps. Le tourisme a évidemment souffert, en partie à cause des graves problèmes dans la région, mais aussi parce que les pluies torrentielles ont emporté une grande partie de la neige qui se trouvait sur les pistes de ski. Enfin, les coûts pour le secteur des assurances devraient s’élever à plusieurs milliards de dollars.
Selon certaines estimations économiques préliminaires, le PIB du Canada devrait reculer en novembre, la croissance pourrait perdre plusieurs points de pourcentage au quatrième trimestre (bien qu’elle devrait tout de même être positive), et la croissance globale pour l’année 2021 pourrait diminuer d’environ un quart de point de pourcentage. Tous ces facteurs renforcent la thèse du ralentissement de la croissance économique au Canada.
Bien sûr, comme c’est presque toujours le cas après une catastrophe naturelle, l’activité économique devrait se redresser presque totalement une fois que tout sera rentré dans l’ordre, d’autant plus qu’elle sera favorisée par la reconstruction des infrastructures et des propriétés privées. La croissance économique devrait donc être plus rapide qu’à la normale au cours du dernier mois de 2021 et au premier trimestre de 2022, voire au-delà.
Reconduction du président de la Fed
L’une des principales sources d’incertitude cet automne était de savoir si le président de la Réserve fédérale américaine Jerome Powell se verrait confier un deuxième mandat, ou s’il serait plutôt remplacé par Lael Brainard, aux idées plus « à gauche ». Cette incertitude a maintenant été dissipée. Le président Biden a choisi de renouer avec la tradition de longue date (brisée il y a quatre ans par le président Trump) en confiant un second mandat de quatre ans au président de la Fed.
Les marchés des paris étaient devenus de plus en plus hésitants quant au résultat. La probabilité attribuée à un choix se portant plutôt sur Mme Brainard est passée de moins de 20 % en septembre à près de 40 % juste avant la décision. Soulignons que le personnel de la Maison-Blanche avait recommandé le choix de M. Powell, en guise de marque de stabilité et d’esprit de bipartisme, et en raison de sa gestion de la pandémie jusqu’à présent. On croyait toutefois que M. Biden était tenté de choisir Mme Brainard, étant donné la volonté de mettre en poste un démocrate, d’accorder plus d’importance aux changements climatiques et d’avoir une politique monétaire peut-être plus conciliante. Lael Brainard est par ailleurs favorable à un resserrement de la réglementation bancaire.
La décision donnera lieu à une politique un peu plus ferme qu’elle ne l’aurait été dans l’autre scénario, bien qu’elle ne soit guère plus austère dans l’absolu et qu’elle constituait déjà la voie présumée. Néanmoins, dans une certaine mesure, la décision semble favorable au dollar et aux taux obligataires et possiblement défavorable au marché boursier (bien que celui-ci se soucie peut-être davantage de la stabilité et d’une maîtrise de l’inflation élevée qu’il ne craint un durcissement graduel de la politique monétaire). Compte tenu du niveau élevé de l’inflation et de l’ampleur de la reprise de l’économie américaine, il est sans doute préférable que la Fed ne poursuive pas une politique plus conciliante.
Cela dit, Lael Brainard continuera de participer au processus de politique monétaire. Ayant été nommée vice-présidente, elle devrait, à ce titre, superviser le secteur bancaire.
Ces nominations doivent recevoir l’aval du Sénat, mais toutes deux devraient l’obtenir, Jerome Powell bénéficiant d’un appui bipartite et Lael Brainard, d’un soutien partisan.
Bilan de la conférence sur le climat COP26
La dernière édition du sommet mondial annuel sur le changement climatique (COP26) a pris fin il y a un peu plus d’une semaine. Soulignons que 151 pays ont annoncé des plans pour le climat de plus en plus énergiques pour réduire leurs émissions d’ici 2030. En outre, des accords spécifiques ont été conclus dans le but :
- de réduire les émissions de méthane;
- d’arrêter et d’inverser les pertes forestières;
- d’aligner le secteur financier sur les objectifs de carboneutralité d’ici 2050;
- d’éliminer progressivement les moteurs à combustion interne;
- de diminuer plus rapidement l’utilisation du charbon;
- d’apporter un soutien accru aux pays pauvres qui poursuivent leurs propres mandats liés au climat.
Malgré ces progrès, les engagements n’ont pas atteint les niveaux nécessaires pour limiter le changement climatique à une augmentation cumulative de 1,5 degré. Il semble désormais peu probable que cet objectif soit atteint, puisqu’il faudrait pour cela que les émissions mondiales soient réduites de plus de moitié d’ici la fin de la décennie. Les engagements actuels correspondent à un changement cumulatif de température d’environ 2,5 degrés.
Les prochaines réunions devraient donner lieu à des promesses supplémentaires. Des retardataires comme la Chine, l’Arabie saoudite et l’Australie pourraient participer avec plus d’enthousiasme à l’avenir. Mais, parallèlement, de nombreux pays ne parviendront probablement pas à atteindre leurs objectifs. Dans ce contexte, nous supposons que le changement de température réel sera de près de 2,5 degrés, ce qui est une augmentation suffisamment importante pour que des effets non linéaires ne puissent être exclus.
Diverses conséquences économiques résultent de tels changements climatiques (et des politiques conçues pour limiter tout nouveau réchauffement). Ces conséquences sont plutôt limitées d’un point de vue global. Toutefois, elles sont empreintes de beaucoup d’incertitude et ont des implications considérables pour certains secteurs (nous en traiterons en détail dans un rapport ultérieur).
Tendances économiques
Aux États-Unis, la tendance demeure favorable : la mini-accélération dont nous avons parlé dans le dernier rapport semble toujours en cours. Les ventes au détail ont augmenté de 1,7 % et la production industrielle, de 1,6 % en octobre.
En revanche, une trajectoire inverse se dessine pour la plupart des autres pays développés. Au Canada, les ventes au détail ont diminué de 0,6 % en septembre et les récentes inondations risquent d’empirer la situation dans les mois à venir.
Le PIB du Royaume-Uni a progressé de 1,3 % (non annualisé) au troisième trimestre. Ce piètre résultat par rapport au trimestre précédent s’explique apparemment par le taux élevé d’infections à la COVID-19, l’utilisation d’une application gouvernementale obligeant ceux qui ont été en contact étroit avec une personne infectée à s’isoler et les problèmes liés aux chaînes logistiques mondiales qui se sont révélés particulièrement importants pour le Royaume-Uni.
Le PIB du Japon a également écopé au troisième trimestre, affichant une baisse de 3,0 % (annualisé), en raison de la pire recrudescence des cas de COVID-19 au pays. Heureusement, la situation s’est grandement améliorée depuis. Le quatrième trimestre s’annonce donc considérablement meilleur.
Le point sur l’inflation
Les dernières données sur l’inflation demeurent extrêmement élevées.
En octobre, aux États-Unis, l’indice des prix à la consommation (IPC) a bondi de 6,2 % d’une année sur l’autre, un sommet depuis 1990. Les prix ont augmenté de 0,9 % au cours du dernier mois seulement. L’Inflation de base n’est pas si extrême, mais elle a néanmoins atteint 4,6 % d’une année sur l’autre. En outre, de plus en plus de preuves indiquent que les tensions inflationnistes se sont éloignées de leurs facteurs initiaux. Comme nous l’avions prédit dans un billet précédent, les coûts d’habitation exercent maintenant une pression haussière supplémentaire qui, de toute évidence, ne s’inversera pas.
Au Canada, l’IPC s’est également accru, passant de 4,4 % à 4,7 % d’une année sur l’autre en octobre. Sur les trois paramètres fondamentaux de l’inflation au pays, l’IPC-comm reste inférieur à 2 % (+1,8 %), mais les deux autres sont désormais nettement plus élevés (2,9 % pour l’IPC-méd et 3,3 % pour l’IPC-tronq). L’IPC du Royaume-Uni s’élève maintenant à 4,2 % d’une année sur l’autre et celui de la zone euro, à 4,1 % d’une année sur l’autre. Le Japon est le seul grand pays développé à résister à la tendance (avec à peine +0,1 % d’une année sur l’autre).
Dans la mesure où les pays développés achètent de nombreux biens de consommation de la Chine, il est inquiétant de constater que l’indice des prix à la production (IPP) de la Chine a connu, en octobre, sa croissance la plus rapide en 26 ans : +13,5 % d’une année sur l’autre.
Après avoir été élevés mais stables pendant la majeure partie de l’été et le début de l’automne, les indicateurs en temps réel de l’inflation sont repartis à la hausse. Bref, nous demeurons à l’aise avec nos prévisions à court terme supérieures au consensus en ce qui a trait à l’inflation.
Inflation et marchés
Comment l’inflation élevée interagit-elle avec les marchés financiers ? Un effet important se fait sentir seulement si l’on s’attend à ce que l’inflation élevée persiste, ce qui n’est pas le cas actuellement. Toutefois, si les marchés devaient changer d’avis, les rendements obligataires ont tendance à augmenter pour deux raisons, faisant subir des pertes en capital à court terme aux investisseurs en titres à revenu fixes :
- Premièrement, les banques centrales resserrent davantage les taux, ce qui pousse les taux réels à court terme à la hausse.
- Deuxièmement, les anticipations inflationnistes sont prises en compte dans les obligations, ce qui fait augmenter le rendement nominal. Des taux plus élevés se traduisent, bien sûr, par une baisse des prix des obligations. Bien que les coupons subséquents soient alors supérieurs, le rendement supplémentaire est illusoire, car il provient de manière disproportionnée de la poussée de l’inflation plutôt que de celle des taux réels.
Pour les investisseurs boursiers, les bénéfices des sociétés ont tendance à être relativement bien protégés par le fait que ces dernières peuvent augmenter le prix de leurs produits lorsque les coûts explosent. Cependant, les valorisations boursières devraient encore être plus faibles dans un contexte d’inflation chroniquement élevée :
- Le taux d’actualisation augmente de telle sorte que la valeur des bénéfices futurs diminue pour les investisseurs.
- Des rendements obligataires supérieurs nécessitent un ratio cours-bénéfice plus faible si la prime de risque doit rester constante.
- Les investisseurs doivent savoir que le taux d’imposition effectif réel sur les revenus des marchés financiers augmente lorsque l’inflation accélère.
L’impôt des gouvernements est calculé sur la base de la valeur nominale plutôt que des rendements réels. Si le rendement réel est de 2 % et que l’inflation est de 0 %, le taux d’imposition effectif réel est le même que le taux d’imposition nominal. Par contre, si le rendement réel est de 2 % et que l’inflation est de 4 %, le taux d’imposition effectif réel est trois fois plus élevé (et peut complètement annuler le rendement réel !).
Amélioration dans les chaînes logistiques
Les problèmes liés aux chaînes logistiques demeurent intenses et se sont récemment aggravés au Canada à cause des inondations. Certaines améliorations disparates sont néanmoins visibles ailleurs dans le monde.
Le nombre de porte-conteneurs qui attendent d’accoster et de décharger leurs marchandises dans le sud de la Californie a beaucoup diminué (voir le graphique suivant). Nous hésitons à trop nous réjouir, car il y a déjà eu deux faux départs au cours des derniers mois. Cela dit, une amélioration est une amélioration jusqu’à preuve du contraire.
Porte-conteneurs au mouillage ou dans des zones d’attente à Los Angeles et à Long Beach
Au 19 novembre 2021. Sources : Bourse maritime de Californie du Sud, RBC GMA
Le coût d’expédition des marchandises à l’échelle mondiale a également diminué – progressivement pour les conteneurs et assez fortement pour le vrac sec (voir les deux graphiques suivants). Le coût réel d’expédition ne représente habituellement pas une grande partie du prix d’un produit. Il ne s’agit donc pas d’un facteur d’inflation important. Toutefois, l’insuffisance du débit d’expédition a fait mal à de nombreux secteurs. Par conséquent, les coûts devraient baisser à mesure que les problèmes liés aux chaînes logistiques s’atténuent.
Les coûts d’expédition ont diminué, mais restent élevés
Données pour la semaine se terminant le 18 novembre 2021. Sources : Drewry Supply Chain Advisors, RBC GMA.
La normalisation des coûts d’expédition se poursuit
Au 22 novembre 2021. La zone ombrée représente une récession. Sources : Baltic Exchange, Macrobond, RBC GMA.
Un système d’amendes a été mis en place en Californie du Sud pour mettre fin pour de bon à l’accumulation de conteneurs qui restent coincés aux ports en attendant d’être déchargés. Toutefois, en raison de la grave pénurie de camionneurs et des contraintes liées au transport ferroviaire, on ignore encore si cette solution permettra de résoudre le problème.
Lors de la publication de leurs résultats, plusieurs grands détaillants ont été heureux d’annoncer qu’ils avaient amplement de stocks pour le Vendredi fou et la suite. Il est difficile de déterminer s’il s’agit là d’une véritable amélioration, car les sociétés présentent la situation de manière positive, et il est possible que les plus gros détaillants s’en tirent mieux que les plus petits au chapitre des expéditions.
Prix du pétrole
Les prix du pétrole sont passés de 83 $ à 76 $, mais ils demeurent élevés, même quand on les compare aux moyennes d’avant la pandémie. Au départ, on ne s’attendait pas à ce que la reprise soit marquée par des prix élevés, puisque la demande de pétrole est encore inférieure à ce qu’elle était avant la pandémie pour des raisons évidentes : moins de personnes se rendent au travail, et les déplacements par avion demeurent sous leurs sommets précédents. Or, les fournisseurs mettent du temps à accroître leur production, d’où un manque à gagner.
Nous continuons de nous attendre à ce que les prix du pétrole redescendent un peu au cours des six prochains mois, et ce, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit que l’offre augmentera de 1,5 million de barils par jour d’ici la fin de 2021 (ce qui est beaucoup) et qu’elle dépassera la demande légèrement ensuite, pendant une bonne partie de 2022 (voir le graphique).
Réduction du déficit pétrolier mondial prévue en 2022
Perspectives à court terme du secteur de l’énergie, AIE, novembre 2021. Source : RBC GMA
Qui plus est, l’OPEP prévoit qu’à ce niveau, les prix nuiront à la demande d’énergie dans certains pays émergents (la Chine et l’Inde, par exemple), comme c’est habituellement le cas après un épisode caractérisé par des prix élevés.
Les marchés financiers s’attendent certainement à une baisse des prix, car les contrats à terme font état d’un déport très important (voir le prochain graphique). Le déport est une situation dans laquelle le prix au comptant est supérieur aux prix à terme.
Le déport s’intensifie
Écart de prix du Brent entre le contrat sur un mois et sur six mois Sources : Bloomberg, RBC GMA
Aux États-Unis en particulier, la production demeure bien en deçà des niveaux d’avant la pandémie (voir le prochain graphique). On peut donc en déduire que la capacité latente est considérable. Plusieurs signes indiquent que la production a effectivement commencé à augmenter, quoique de façon modérée, compte tenu de la hausse du nombre d’appareils de forage (voir le graphique suivant).
La production de pétrole aux États-Unis reste encore largement inférieure aux niveaux d’avant la pandémie
Au 5 novembre 2021. Sources : AIE, Haver Analytics, RBC GMA
Le nombre d’installations de forage a augmenté régulièrement aux États-Unis
Données pour la semaine du 12 novembre 2021. Sources : Baker Hughes, Bloomberg, RBC GMA
Pour parler clairement, cela ne signifie pas que les prix du pétrole devraient chuter. Le plus probable est qu’ils seront un peu moins élevés. Et nous ne devons pas aller trop vite pour supposer que l’offre réagira aussi vivement que par le passé. Les conditions de collecte de capitaux sont à présent plus difficiles pour les producteurs de pétrole, et ces derniers craignent d’accumuler des réserves qui pourraient ensuite être laissées en plan face aux efforts pour atténuer les changements climatiques.
Plus ou moins d’inflation à long terme ?
J’ai récemment eu l’honneur de débattre avec Manoj Pradhan, de Talking Heads Macroeconomics, sur la question de savoir si l’inflation sera élevée ou faible à long terme. M. Pradhan penche pour une inflation élevée, conformément aux recherches présentées dans son livre intitulé « The Great Demographic Reversal ». En résumé, l’augmentation du nombre de personnes âgées signifie une pénurie de travailleurs, et implique qu’une grande partie de la population va désépargner pour vivre de son épargne-retraite. Or, ces deux forces pourraient être inflationnistes.
Aussi cohérents que ces arguments puissent paraître, j’ai volontiers pris le contre-pied du débat : je pense que l’inflation à long terme sera normale, voire un peu faible. Voici pourquoi :
- La forte inflation d’aujourd’hui est un phénomène cyclique plutôt que structurel. Elle résulte du redémarrage brutal de l’économie, avec une demande qui rebondit plus rapidement que l’offre. Cela n’a guère d’incidence sur les perspectives d’inflation à long terme.
- L’argument classique est que le Japon est le pays le plus ancien du monde, et qu’il est aussi celui qui a l’inflation la plus faible. Certes, le pays a connu un éclatement de sa bulle immobilière dans les années 1990, et a commis des erreurs de politique qui pourraient expliquer sa faible inflation. Cependant, il est difficile de penser que des erreurs de politique commises il y a 30 ans – et largement corrigées depuis – pourraient encore expliquer le bas niveau de l’inflation. En outre, si l’on examine plus en détail la situation au Japon – en tenant compte des distorsions politiques sur le plan national – les préfectures dont la population est la plus âgée présentent l’inflation la plus faible. En revanche, celles dont la population est la plus jeune ont l’inflation la plus élevée.
- Et il n’y a pas que le Japon. La Corée du Sud a un faible taux de fécondité et une inflation assez basse, tandis que la zone euro, avec sa population âgée, a également eu du mal à générer une inflation normale au cours des dernières années. À l’appui de ce qui précède, les recherches du FMI montrent que les pays qui ont une croissance démographique plus lente et une grande proportion de personnes de plus de 65 ans ont généralement une inflation plus faible.
- Plusieurs théories peuvent expliquer ces résultats. Les pays dont la croissance est lente – ce qui arrive souvent parmi les pays à données démographiques défavorables – ont tendance à connaître une inflation plus faible. Les pays dont la croissance démographique est lente, voire inexistante, ont également tendance à connaître une baisse des coûts des capitaux et une chute des prix des maisons – une autre force déflationniste. À mesure que les personnes âgées dépensent leurs économies, elles rapatrient leurs investissements de l’étranger, ce qui renforce le taux de change de leurs pays et fait baisser le prix des produits importés. Enfin, les personnes âgées n’aiment pas avoir une inflation élevée : la plupart vivent d’un revenu fixe et expriment leur préférence pour une inflation faible.
- S’il ne fait aucun doute que la mondialisation a ralenti et qu’elle exerce une influence déflationniste moins puissante qu’auparavant, la grande transition s’est apparemment produite il y a dix ans sur ce front. L’inflation n’a pas connu de pic par la suite. Les recherches de la Fed mettent en évidence que la Chine a exercé une influence déflationniste de peut-être -0,2 % à -0,3 % par an. Ce recul est important, mais pas suffisant pour faire passer l’inflation d’un niveau faible à un niveau franchement élevé.
- Du point de vue des banques centrales, une inflation basse pose un problème délicat, mais une inflation élevée n’est pas si compliquée à résoudre. Il peut être difficile de sortir d’une période d’inflation en berne, car il existe une limite à la baisse des taux de la part des banques centrales. Or, il n’y a pas de limite à l’augmentation des taux par les banques centrales si elles veulent mettre fin à une inflation élevée. Par conséquent, il est assez difficile de s’enliser dans une période d’inflation structurellement élevée.
- D’autres forces déflationnistes semblent vouloir persister ou même étendre leur influence. L’automatisation semble s’intensifier, et remplace les travailleurs qui partent massivement à la retraite. Nous croyons que la croissance de la productivité pourrait s’accélérer dans l’avenir, ce qui représente, en théorie, une force déflationniste. Un niveau élevé d’endettement est aussi associé à des périodes de faible inflation, puisqu’un tel endettement ne peut être géré lorsque l’inflation est sensiblement plus forte.
À vrai dire, selon nous, les changements climatiques auront un effet inflationniste en raison d’une série de facteurs, notamment la hausse des prix du charbon (attribuable à la taxe carbone) et des aliments (à cause de conditions de croissance plus difficiles). Par ailleurs, comme nous l’expliquerons dans la prochaine section, les travailleurs commencent peut-être à se retrouver en position de force par rapport aux employeurs, ce qui pourrait se traduire par une hausse de l’inflation à cause de l’augmentation des salaires. Toutefois, il est peu probable que ces forces seront suffisantes pour contrebalancer le ralentissement imputable à la situation démographique.
Les travailleurs l’emporteront-ils sur le capital ?
Au cours des dernières décennies, le capital – autrement dit, les entreprises et les investisseurs – a largement prospéré, alors que les travailleurs se sont moins bien tirés d’affaire. De nombreuses raisons expliquent ce phénomène :
- Les taux d’imposition des sociétés ont eu tendance à baisser.
- La concentration des entreprises s’est accrue et a donné naissance à de grandes sociétés extrêmement prospères.
- L’offre de main-d’œuvre a été abondante en raison de l’arrivée de la Chine dans l’économie mondiale, de la chute du Rideau de fer et des meilleures années des baby-boomers sur le marché du travail.
- Le recul de la syndicalisation a eu pour effet de réduire l’influence des travailleurs.
- La mondialisation avait le vent dans les voiles, entraînant une réduction des coûts et un meilleur accès aux marchés étrangers.
- L’automatisation a gagné du terrain, ce qui a réduit encore plus les coûts.
Ces facteurs ont favorisé la hausse des marges bénéficiaires des entreprises et limité la rémunération des travailleurs.
Les conditions pourraient devenir un peu plus difficiles pour les entreprises et un peu plus favorables pour les travailleurs :
- La pandémie a vraisemblablement entraîné une réorientation des priorités au détriment du capital et au profit des employés, laquelle pourrait se traduire par une augmentation permanente du filet de sécurité sociale, dans la foulée d’expériences assez radicales lors de la pandémie.
- Les pénuries actuelles de main-d’œuvre s’expliquent par le fait que des gens prennent des retraites anticipées ou se retirent du marché du travail en raison de la pandémie, et aussi par la diminution de l’immigration durant cette période. Au cours des prochaines années, un grand nombre de baby-boomers prendront leur retraite et l’offre de main-d’œuvre sera encore plus limitée.
- Les résultats des élections semblent privilégier la gauche, ce qui défavorise les entreprises.
- Un taux d’imposition minimum des sociétés de 15 % sera mis en place à l’échelle mondiale.
- Aux États-Unis, le taux d’imposition des sociétés pourrait bientôt augmenter.
- Les efforts antitrust visant les géants technologiques ont pris une ampleur considérable en Chine et en Europe, et se dessinent aux États-Unis et ailleurs.
- Les salaires minimums affichent une tendance haussière considérable, et le plus récent prix Nobel d’économie est venu récompenser des recherches appuyant une hausse des salaires pour les travailleurs à faible revenu.
- La mondialisation ne progresse plus au même rythme que dans le passé.
- (Cela dit, il faut reconnaître que l’automatisation prend toujours de l’ampleur et que la syndicalisation continue de perdre du terrain.)
Nous n’irons pas jusqu’à prédire carrément une baisse des marges bénéficiaires des sociétés, mais ces changements pourraient donner lieu à une période où l’expansion des marges bénéficiaires sera interrompue et où la hausse des salaires s’accélérera quelque peu. Pour les investisseurs, cette situation entraînera la disparition de l’un des trois principaux moteurs de gains boursiers de la dernière décennie (croissance des bénéfices, hausse des évaluations, expansion des marges).
Avec la contribution de Vivien Lee et d’Aaron Ma
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