Laurence Bensafi, Gestionnaire de portefeuille et chef déléguée, Actions, Marchés émergents, RBC Global Asset Management (UK) Limited, nous fait part des défis auxquels les pays émergents sont confrontés, et elle examine la question de savoir si les actions des marchés émergents surpasseront leurs homologues des marchés développés au cours des prochaines années.
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Quels sont les éléments à l’origine du récent rendement des actions de marchés émergents (ME) ?
Oui, une fois encore, les actions de marchés émergents ont été assez faibles cette année. Mais en fait, si nous examinons le rendement dans différents pays, nous avons obtenu de très bons résultats en Amérique latine et au Moyen-Orient, grâce aux prix élevés des marchandises.
Cependant, une fois de plus, la Chine explique les mauvais résultats des actions de marchés émergents, pour plusieurs raisons. L’une d’entre elles est son conflit persistant avec les États-Unis, à propos de certaines grandes sociétés qui y sont cotées.
La deuxième raison réside dans la poursuite de la politique de tolérance zéro à l’égard de la COVID-19. C’est ce que nous craignions, vraiment, au début de l’année. Et les mesures de confinement se multiplient dans des villes de plus en plus grandes.
En ce moment, Shanghai, la plus grande ville de Chine, est en confinement. Cette situation durera probablement quelques semaines. Ainsi, les attentes en matière de croissance économique risquent vraiment de diminuer, ce qui entraîne de piètres performances du marché boursier.
Mais pour l’avenir, nous pensons toujours qu’en Chine, soit la propagation de la COVID-19 sera maîtrisée dans les mois à venir, soit le gouvernement devra renoncer à sa politique de tolérance zéro à l’égard de la COVID-19. Dans les deux cas, le gouvernement devra stimuler l’économie. Habituellement, c’est un très bon déclencheur pour les résultats du marché boursier.
Voilà donc ce que nous attendons. Nous prévoyons une hausse des rendements de la Chine à l’avenir. Comme la proportion d’actions chinoises est très élevée dans l’indice de ME, on peut vraiment espérer une meilleure performance pour le reste de l’année. Toutefois, nous pourrions connaître encore des mois difficiles avant que tout s’améliore.
La guerre en Ukraine et l’incertitude du contexte géopolitique ont-elles influé sur votre approche de placement ?
Oui, c’est vrai. Mais la principale raison est le lien avec l’augmentation des prix des marchandises, je dirais. Ce serait, vraiment, la première raison.
Nous avons vu le prix du pétrole monter en flèche, et les prix des marchandises devenir encore plus élevés. Ce qui, en retour, conduit évidemment à une hausse de l’inflation. Les banques centrales à l’échelle mondiale doivent donc relever, à nouveau, les taux de façon beaucoup plus rapide et plus intensive que prévu il y a seulement quelques mois.
Par conséquent, nous sommes amenés à revoir la structure de nos portefeuilles. En effet, nous estimons que les risques d’une récession aux États-Unis, dans d’autres pays et en Europe se sont nettement accrus. Il est difficile de savoir si cela se produira et quand. Mais je pense que notre point de vue devient un peu plus prudent à cause de cette situation.
Les actions de ME affichent un rendement inférieur à celui de leurs pairs de marchés développés depuis plusieurs années. Quelles sont vos perspectives ?
Oui, vous avez raison. Il est clair que le rendement des actions de marchés émergents a été décevant au cours des neuf ou dix dernières années.
Je ne dirais pas que ces actions ont été si faibles. En fait, elles se sont bien comportées. Cependant, si vous les comparez aux actions nord-américaines, par exemple, elles sont vraiment à la traîne.
Donc, oui, à cet égard, nous sommes déçus, car, bien sûr, nous considérons toujours que les marchés émergents offrent un rendement plus élevé. Ils sont plus risqués, mais plus rentables, parce que la croissance y est plus forte.
Ces dernières années, nous avons rencontré un problème : la croissance économique a été soutenue par des mesures artificielles dans certains pays développés, notamment aux États-Unis, où M. Trump a vraiment tout essayé pour stimuler l’économie. Ces efforts ont permis au marché boursier de réaliser de très bonnes performances, voire trop fortes, si nous y réfléchissons.
En même temps, certains pays des marchés émergents ont été confrontés à des obstacles, de nature politique ou liés à des réformes à mettre en œuvre, qui ont nui à la croissance. Ces années n’ont donc pas été faciles.
Nos perspectives d’avenir n’ont pas vraiment changé. Nous pensons toujours que les marchés émergents représentent un endroit propice au placement. Dans une optique à moyen ou à long terme, leur croissance économique sera meilleure. Vous pouvez investir dans de nombreux pays différents et intéressants, où une multitude d’entreprises se développent très rapidement et répondent aux besoins de l’énorme population émergente de ces pays.
Le moment présent n’est donc pas un mauvais choix. Généralement, le bon point d’entrée est le moment où les investisseurs abandonnent. Nous n’avons donc pas changé d’avis.
Et, comme je l’ai dit, beaucoup de réformes ont été mises en œuvre ces dernières années. Je pense, par exemple, à des pays comme l’Afrique du Sud ou l’Inde. Nous en verrons les avantages dans les années à venir.
Quelles sont vos perspectives pour la Chine et quelle approche de placement adoptez-vous dans ce marché ?
Eh bien. La Chine est un très grand pays, d’abord. Elle est de loin le plus grand pays des marchés émergents. Je sais que beaucoup de gens ont demandé récemment si nous pouvions vraiment investir en Chine. Le gouvernement semble s’ingérer de plus en plus.
En réalité, l’ingérence existe depuis toujours. C’est effectivement une économie centralisée. Mais un nouveau secteur important est apparu, comme les actions liées à Internet, au commerce électronique ou aux jeux en ligne. Ce secteur était très petit il y a quelques années et le gouvernement a jugé peu nécessaire d’intervenir. Nous le voyions de manière tout à fait positive, parce qu’il créait des emplois et de la valeur. Toutefois, il a atteint une telle ampleur que, comme tout autre secteur de l’économie chinoise, il est désormais plus étroitement réglementé, je dirais.
Alors, pour nous, ce n’était pas une surprise… Je crois que ce qui nous a surpris, c’est plutôt la vitesse à laquelle le gouvernement intervient, et non la direction qu’il prend. Par conséquent, nous avons toujours considéré la Chine de la même façon. Nous cherchons vraiment à nous aligner sur le gouvernement, car ce dernier est en mesure de créer des secteurs et de les détruire. Si vous désobéissez aux exigences du gouvernement en matière de placement ou de comportement, il sera difficile d’obtenir des rendements satisfaisants.
Nous n’avons donc pas beaucoup changé notre processus d’investissement dans ce pays. Un petit changement est survenu : nous avons depuis peu accès à la Chine continentale. Elle compte beaucoup plus de sociétés qui sont assez différentes. Plutôt que des sociétés à grande capitalisation et sous contrôle strict dans les secteurs de la finance, de l’énergie, des télécommunications, etc., nous y retrouvons des sociétés plus innovantes dans les secteurs des produits industriels et des soins de santé. C’est donc un segment très intéressant.
Je dirais que nous aimons investir en Chine. Il faut faire très attention à la manière de le faire. Nous devons analyser les conséquences du placement dans certains segments et les risques éventuels d’ingérence du gouvernement. Par contre, ce marché offre également de nombreuses occasions.
Dans quels secteurs et pays trouvez-vous le plus d’occasions ?
Eh bien. Comme je vous l’ai indiqué, nous prenons une attitude un peu plus défensive en ce moment. Je pense que les grandes sociétés cycliques mondiales risquent de souffrir d’une récession éventuelle dans les prochains trimestres. C’est donc un aspect à surveiller.
Le secteur financier offre toujours des occasions intéressantes. Dans les marchés émergents, la perspective est légèrement différente de celle des marchés développés. Leur secteur financier connaît une forte croissance. Nous constatons un sous-développement des services financiers, tant au niveau de la banque que de l’assurance. Ces segments représentent donc de véritables domaines de croissance.
Ils ont subi en fait, même dans les marchés émergents, la faiblesse des taux d’intérêt pendant longtemps, parce que ces marchés ont également fait face à des taux d’intérêt bas à un moment donné. Puis, évidemment, la COVID-19 a également posé des problèmes ici.
Aujourd’hui, alors que nous sortons de la pandémie, les taux d’intérêt commencent à augmenter, la croissance des prêts reprend et la valorisation reste très attrayante dans de nombreux pays. Ce secteur nous intéresse donc beaucoup et nous donne des occasions.
Quant aux pays, la Chine, comme je l’ai dit, pourrait offrir une occasion sur le plan des valorisations. Les valorisations sont assez attrayantes dans ce pays. Il faut être prudent, mais la Chine présente quand même des secteurs intéressants, d’autant plus que le gouvernement s’efforce, par exemple, de réduire les émissions de carbone. Nous prévoyons donc investir dans les infrastructures vertes. Je sais que ces secteurs ont été volatils, mais je crois en leur potentiel. Je vous rappelle que la fabrication de produits à forte valeur ajoutée en Chine constitue également un secteur extrêmement prometteur.
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