Dans cette vidéo, l’Économiste en chef Eric Lascelles fait part de ses perspectives relatives à la croissance économique mondiale, alors que la reprise faisant suite à la pandémie se poursuit. Il donne également un aperçu de l’inflation et des marchés du logement, et indique si les deux devraient continuer d’augmenter.
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Transcription
Avec la réouverture des économies, quelles sont vos perspectives à l’égard de la croissance économique mondiale pour le reste de 2021 ?
Fondamentalement, nous pensons que 2021 devrait demeurer une année positive sur le plan économique grâce à la progression plutôt satisfaisante des programmes de vaccination, à la réouverture des économies et à la levée progressive des restrictions. C’est ce que nous constatons en traversant la dernière vague, tout en reconnaissant qu’il pourrait y en avoir d’autres, mais sans oublier que nous voyons des preuves de croissance économique. En ce moment, nos indicateurs en temps réel sont très prometteurs. N’oubliez pas que nous baignons dans les mesures de relance monétaires et budgétaires qui stimulent la croissance. Nous pensons aussi que les économies ont une certaine résilience naturelle, c’est-à-dire que leurs rendements ont été inférieurs à la normale, et qu’elles ont généralement tendance à revenir à la normale, ce que nous constatons.
Pour être plus précis, en ce moment, nous constatons que les secteurs qui ont subi le plus de restrictions au cours des diverses vagues de la pandémie sont, dans certains cas, ceux dans lesquels la reprise de la demande est la plus vigoureuse. Ces choses ont manqué aux gens, qui se ruent sur ces marchés dès que cela devient possible. Nous constatons que la demande s’est accumulée et que les gens ont mis de l’argent de côté. La réouverture des économies permet d’utiliser cet argent, et les séquelles économiques devraient être limitées. Nous ne croyons pas que les conséquences économiques de la pandémie seront très durables.
Sur le plan régional, je peux dire que, de façon générale, les États-Unis ont eu un rendement supérieur au cours des derniers trimestres. Ils ont ouvert plus de secteurs, vaccinés plus de gens, et ainsi de suite. Nous pensons que les autres pays sont maintenant en bonne position pour les rattraper. Et donc, le Canada et l’Europe pourraient même avoir un rendement supérieur à celui de pays comme les États-Unis, simplement parce qu’ils ont plus de rattrapage à faire. Le cas des pays émergents est assez semblable. Nous croyons qu’ils sont plus ou moins synchronisés avec les pays développés. Il est juste de constater que le rythme de vaccination y est lent, mais, en fin de compte, nous prévoyons qu’ils connaîtront eux aussi une bonne croissance l’année prochaine.
Les investisseurs devraient-ils s’inquiéter de l’inflation ?
Je crois que les investisseurs ont de très bonnes raisons de surveiller l’inflation très attentivement en ce moment, et qu’il est indéniable qu’elle est très forte, mais nous croyons que les perspectives sont très différentes à court, à moyen ou à long terme. Et donc, au cours de prochains mois, c’est-à-dire à court terme, nous prévoyons que l’inflation sera très forte. Aux États-Unis, elle est supérieure à 4 % et pourrait même approcher les 5 %. Au Canada, elle est supérieure à 3 % et pourrait approcher les 4 %. Ce sont des chiffres impressionnants. C’est plus de deux fois le taux normal, et nous n’avons pas vu cela depuis près d’une décennie. Dans certains cas, cela découle de causes bénignes, comme les effets de base. Mais il y a tout de même une réelle surchauffe. Les prix des marchandises augmentent. Les préférences de la demande ont changé. Les consommateurs achètent maintenant des appareils électroniques. Il y a des pénuries, des pénuries de conteneurs, les ports sont surchargés, et ainsi de suite.
Nous pensons tout de même que la plupart de ces facteurs se dissiperont en même temps que la pandémie, lorsque les préférences de la demande reviendront à la normale. Nous pensons donc que, dans l’ensemble, cela ne durera pas. Et donc, à moyen terme, au cours des prochaines années, nous pensons que l’inflation restera légèrement supérieure à la normale. Certains des effets de la pandémie subsisteront, mais ils seront beaucoup moins intenses qu’actuellement. Nous croyons que l’inflation sera d’environ 2,5 %, ce qui est un peu élevé, mais à mon avis, pas au point d’être problématique. Nous ne pensons pas que le prix des marchandises continuera à augmenter indéfiniment. Oui, les banques centrales ont imprimé de l’argent, mais elles vont cesser et cela aura probablement des effets moins inflationnistes qu’on le croit. Donc, en fin de compte, nous nous attendons à une inflation d’environ 2,5 %, ce qui est supérieur à ce à quoi nous étions habitués, mais pas aussi élevé qu’en ce moment.
Et en fait, à long terme, nous nous attendons à ce que cette période puisse comporter plus de forces déflationnistes que de forces inflationnistes. Et cela, tout simplement pour des raisons démographiques. Dans les vieux pays comme le Japon et les endroits comme la Zone euro, l’inflation a du mal à se maintenir à un niveau normal, et il n’est même pas envisageable qu’elle dépasse la normale. Je ne crois donc pas qu’elle posera problème à long terme. En bref, la situation pourrait encore s’aggraver un peu à très court terme, mais nous croyons que le pic est presque atteint et que l’inflation deviendra probablement moins problématique par la suite.
Où nous situons-nous dans le présent cycle économique ?
Notre système de pointage nous indique que nous sommes encore au début du cycle économique actuel. En fin de compte, cela constitue la réponse finale. J’y ajouterai tout de même un peu de couleur en ajoutant que ce cycle évolue rapidement, et que nous sommes passés assez rapidement d’une récession à l’essor, puis au début d’un nouveau cycle. Certaines données de notre système laissent maintenant entendre que nous pourrions être arrivés à mi-cycle, ce qui veut dire que notre conclusion est peut-être un peu hâtive, mais certaines données indiquent également que nous pourrions encore enregistré un certain progrès. Nous sommes donc d’avis, dans l’ensemble, que nous sommes toujours au début du cycle. Historiquement, le début d’un cycle est une période favorable pour les actifs-risque, comme les actions. C’est, en général, une bonne période pour investir. Il faut reconnaître que nous nous attendons à ce que, cette année, les économies croissent rapidement pour atteindre leur potentiel. Nous croyons même que les États-Unis pourraient y parvenir avant la fin de l’année 2021. On peut donc dire que ce cycle progresse rapidement, et que nous attendrons peut-être même le mi-cycle d’ici la fin de l’année. Mais n’oubliez pas que même lorsque les économies auront regagné leur potentiel, il restera normalement quelques années de croissance. Cela ne signalera pas que le cycle est terminé.
Et je crois donc pouvoir affirmer qu’il est plausible que ce cycle économique soit finalement plus court que les derniers. Les derniers cycles ont duré dix ans, ce qui est en fait fort long. Peut-être celui-ci durera-t-il cinq ans, mais rien ne m’indique qu’il durera un ou deux. Nous pensons qu’il y a encore place à la croissance. En fait, nous croyons que la croissance de la productivité pourrait s’accélérer, ce qui soulage la pression sur les éléments qui font surchauffer l’économie.
Quelles sont vos perspectives pour l’économie américaine en 2021 et par la suite ?
Jusqu’ici, pendant cette reprise suivant la pandémie, l’économie américaine a été en tête de file. Elle a tiré parti de plus de mesures de relance budgétaire que celles de pratiquement tous les pays. Elle a tiré parti d’un taux de vaccination supérieur et d’un moins grand nombre de restrictions par rapport à la vie quotidienne et aux entreprises que toutes les autres pendant les derniers mois. Il n’est donc pas étonnant que l’économie américaine ait crû particulièrement rapidement. De plus, il pourrait, à l’avenir, y avoir d’autres mesures budgétaires, en particulier aux États-Unis, où l’on discute en détail d’une éventuelle loi sur les infrastructures qui entraînerait des dépenses supplémentaires se chiffrant à des billions de dollars dans les prochaines années. Une loi distincte sur les dépenses pourrait aussi être adoptée, même si je dois vous prévenir qu’elle pourrait aussi être accompagnée d’augmentations d’impôts destinées à financer partiellement ces mesures, et que celles-ci viseraient disproportionnellement les sociétés et les investisseurs, ce qui ne serait pas totalement positif dans une perspective de placement.
En fin de compte, je crois que les États-Unis adopteront certaines de ces propositions, mais probablement pas autant que le souhaite la maison blanche. La majorité démocrate est faible, surtout au sénat, mais nous pensons que les États-Unis prendront d’autres mesures budgétaires, et que celles-ci continuent à stimuler leur économie. En fait, selon nous, l’économie américaine a, depuis la fin du mois de mai, retrouvé son pic de productivité. Elle a donc accompli des progrès fort satisfaisants jusqu’ici. Nous prévoyons qu’elle atteindra tout son potentiel vers la fin de l’année, ce qui est extrêmement rapide, et que les taux de chômage devraient retrouver un niveau plus normal. Nous prévoyons une croissance de 6,4 % cette année, et de 4,1 % l’année prochaine. Il y aura donc une certaine décélération, mais la croissance sera tout de même bonne l’année prochaine et, finalement, tout cela sera fort positif. Nous savons que l’effet des mesures budgétaires s’estompera avec le temps. Nous savons qu’il ne faut pas prendre l’inflation à la légère, mais nous pensons que les choses se dérouleront probablement bien et que l’économie américaine reste fort accueillante pour le reste du monde.
Quelles sont vos perspectives pour le marché canadien du logement ?
Après une brève accalmie au printemps 2020, les marchés du logement du monde entier ont connu une croissance incroyable, et c’est aussi le cas au Canada. Le niveau d’activité a atteint des sommets incroyables. Les prix des maisons ont aussi énormément augmenté. Au Canada, ils ont augmenté de 23 % par rapport à la période précédant la pandémie, et cette augmentation est considérablement supérieure dans certains marchés locaux. Je dois admettre humblement que, dans certains cas, cette augmentation a été contraire aux attentes et à notre expérience historique. Normalement, les récessions se traduisent par un affaiblissement du marché du logement, de forts taux de chômage et un haut niveau d’aversion pour le risque, mais nous avons plutôt eu droit à une surchauffe. Bien sûr, cela a stimulé la reprise économique, ce dont je ne crois pas que nous nous plaindrons.
Il est aussi indéniable que les taux hypothécaires étaient extrêmement bas, même si l’on peut dire que c’est toujours le cas lors des récessions. Mais en fin de compte, cette pandémie a changé les mentalités des gens, qui dépensent beaucoup sur leurs logements, car ils veulent plus d’espace. Ce phénomène a peut-être encore plus touché les Canadiens que les citoyens des autres pays, ce qui a donné lieu à cette surchauffe du marché du logement. Dans certains pays, les logements sont restés plus abordables que la normale malgré la surchauffe du marché du logement. En d’autres termes, les taux hypothécaires ont beaucoup diminué et les prix, ont énormément augmenté. Et dans certains pays, notamment les États-Unis, les logements sont toujours plus accessibles qu’ils ne l’étaient avant la pandémie. Ce n’est pas le cas au Canada. Au Canada, les logements sont devenus beaucoup moins abordables.
Et je crois donc que la question consiste à déterminer ce qu’il se passera ensuite. Il serait donc logique que le marché du logement ralentisse quelque peu à partir de maintenant. Il est tout simplement impossible de soutenir une telle croissance, car l’accessibilité des logements est extrêmement préoccupante et que des règles hypothécaires plus strictes ont été adoptées. Mais je dois dire que l’expérience que j’ai acquise au cours des deux dernières décennies me pousse à éviter de prédire l’éclatement d’une bulle immobilière. N’oublions pas que certains autres facteurs favorables se présenteront. L’un d’entre eux est que, selon nous, le taux de chômage canadien pourrait diminuer, et que l’immigration augmentera beaucoup au Canada au cours des prochaines années. Le gouvernement veut faire du rattrapage pour compenser le temps perdu. Et donc, même si nous prévoyons que le marché du logement ralentira, je ne crois pas que je me risquerais à prédire une chute des prix des maisons ou l’éclatement d’une bulle immobilière. Je pense que l’on peut simplement envisager que la croissance sera plus modérée et que, dans une perspective économique, elle apportera une contribution plus modeste à celle de l’économie.
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