Les perspectives à court terme pour les actions des marchés émergents seront dictées en grande partie par l’inflation et les taux d’intérêt, l’évolution du dollar américain et la croissance des bénéfices, qui devraient tous être des facteurs favorables aux marchés émergents. L’assouplissement des restrictions sanitaires en Chine et les récentes mesures visant à stabiliser le marché immobilier du pays devraient également bénéficier aux marchés émergents.
À moyen et à long terme, de nombreux investisseurs craignent que les tensions géopolitiques perturbant le commerce mondial et l’industrie des semi-conducteurs deviennent des entraves considérables pour les marchés émergents. On redoute de plus en plus que le populisme, le conflit entre les États-Unis et la Chine et la volonté de parvenir à l’autosuffisance dans les secteurs essentiels à la sécurité nationale entraînent une démondialisation susceptible de réduire la croissance et les marges bénéficiaires des sociétés des marchés émergents. Le commerce mondial et les chaînes logistiques mondiales qui le soutiennent subissent une transformation ayant pour but de rendre les chaînes logistiques moins dépendantes de la Chine. Nous nous attendons à ce que les marchés émergents conservent à moyen terme leur avantage en ce qui concerne la fabrication de semi-conducteurs, Taïwan et la Corée du Sud continuant d’être les meneurs.
Ces dernières années, les gouvernements des marchés émergents ont resserré leurs politiques monétaires et budgétaires, souvent plus vite que les États-Unis. À ce jour, les taux d’inflation semblent être redescendus de leurs sommets dans la plupart des économies asiatiques et latino-américaines. La décélération attendue sur le front de l’inflation et la perspective d’une croissance économique plus modérée pourraient amener de nombreuses banques centrales des marchés émergents à réduire leurs taux d’intérêt au cours des 12 prochains mois. Le fait que de nombreuses banques centrales des marchés émergents soient sorties de la spirale inflationniste grâce aux hausses de taux suggère que la politique monétaire pourrait devenir un atout, et non plus un obstacle (figure 1).
Figure 1 : Politiques monétaires des marchés émergents
Valorisations et bénéfices normalisés
Nota : En avril 2023. Sources : UBS, CEIC
En plus d’un contexte plus favorable en matière d’inflation et de politique monétaire, les actions des marchés émergents devraient bénéficier de l’amélioration des rendements des capitaux propres et de la croissance des bénéfices. Sur ces deux fronts, les marchés émergents surpasseront probablement les marchés développés. Les rendements des capitaux propres ont augmenté à 14 % environ, après avoir chuté à 9 % pendant la pandémie. À notre avis, l’amélioration des rendements des capitaux propres et la croissance des bénéfices par action ces 12 prochains mois proviendront essentiellement de la technologie de l’information en Corée du Sud et à Taïwan, et de la relance économique en Chine.
L’évolution du dollar américain demeure un facteur déterminant quant à la trajectoire des actions des marchés émergents. Le déficit du compte courant des États-Unis est à son niveau record, en comparaison avec les marchés émergents au cours des deux dernières décennies, et il devrait continuer de se détériorer jusqu’en 2025. La situation budgétaire des États-Unis est également en train de s’affaiblir par rapport aux marchés émergents, ce qui devrait favoriser les devises des marchés émergents. Le dollar américain est extrêmement surévalué, sur la base de paramètres tels que les taux de change effectifs réels et la parité de pouvoir d’achat. Bien qu’un tel niveau de surévaluation ne permette pas de prédire les fluctuations de la devise, le fait que les valorisations du dollar américain soient extrêmes au moment où les marchés émergents détiennent un avantage en matière de commerce international et de politique budgétaire laisse supposer que les devises des marchés émergents continueront de bénéficier d’un soutien ferme.
À notre avis, ce que nous entrevoyons comme une restructuration du commerce mondial ne donnera pas lieu à une réduction du commerce, mais consistera plutôt à remplacer les nombreuses chaînes logistiques centrées sur la Chine qui se sont développées au cours des deux dernières décennies. La donne ne devrait pas changer pour les marchés émergents. La part de la Chine dans les exportations mondiales a augmenté, passant de 2,5 % à 12,5 % depuis le début des années 2000, et elle surpasse celle des États-Unis qui s’élève à 9,2 %. Les États-Unis ont une double motivation pour diminuer leur dépendance commerciale à l’égard de la Chine : 1) le désir de ralentir la croissance économique chinoise ; 2) la conviction que la Chine a tiré profit du système mondial de libre-échange pour renforcer ses institutions autocratiques et accroître son attrait auprès de régimes non démocratiques. Dans ce contexte, les pays émergents comme le Vietnam, le Mexique, la Malaisie, l’Indonésie et l’Inde continueront probablement d’accroître leur part dans les exportations mondiales au détriment de la Chine (figure 2).
Figure 2 : Part des exportations mondiales de chaque pays
(biens et services)
Nota : En avril 2023. Source : JPMorgan
La délocalisation des chaînes logistiques et la réduction de la part de la Chine dans les exportations concerneront en premier lieu la technologie de l’information, car ce secteur est assujetti à des restrictions américaines. En fait, la rivalité entre les États-Unis et la Chine et les restrictions américaines à l’égard des exportations de technologie vers la Chine (le terme de « guerre technologique » est souvent utilisé) est une tendance qui devrait perdurer. Les efforts des États-Unis pour accroître la production nationale de semi-conducteurs sont inscrits dans cette démarche.
MSCI Marchés émergents : niveau d’équilibre
Valorisations et bénéfices normalisés
Source : RBC GMA
D’un point de vue macroéconomique, nous estimons qu’il n’y aura pas de changement majeur dans la fabrication mondiale de semi-conducteurs au cours des prochaines années. En 2022, 92 % de la production de semi-conducteurs de pointe provenait de Taïwan et 8 % de la Corée du Sud. Deux facteurs principaux nous laissent penser que les choses ne changeront pas dans un avenir proche.
Premièrement, nous ne croyons pas que les États-Unis seront capables de reproduire l’écosystème des semi-conducteurs créé en Asie. Même avec la loi CHIPS adoptée l’an dernier dans le but de stimuler la production nationale de puces, il faudrait des années aux États-Unis pour créer une base de connaissances et des chaînes logistiques comparables à celles que l’Asie a accumulées en plus de quatre décennies. Les coûts plus élevés et l’échelle limitée pourraient constituer d’énormes obstacles. Bien que le financement soit essentiel au développement des semi-conducteurs, le succès n’est aucunement garanti, car le facteur clé est la capacité technologique. En fin de compte, les subventions tendent à rendre les secteurs et les sociétés moins concurrentiels, parce que les entreprises en viennent à compter sur les subventions au lieu de se concentrer sur l’amélioration de leur efficacité.
En ce qui a trait aux secteurs, nous restons positifs à l’égard de la consommation de base et de la finance, tandis que nous maintenons des positions faibles ou nulles dans l’énergie, les services de communications et les matières. Du côté des pays, nous avons une opinion favorable sur l’Inde, et une opinion un peu moins favorable sur la Corée du Sud.
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