Le battage médiatique autour de l’IA a continué à prendre de l’ampleur ces dernières années, et comme la chaîne d’approvisionnement de l’IA se trouve principalement dans les pays émergents, le thème est essentiel pour les investisseurs de la catégorie d’actifs. Guido Giammattei, gestionnaire de portefeuille, Actions, Marchés émergents, donne son point de vue sur la façon dont les actions du secteur de l’IA pourraient dicter l’évolution du rendement à court terme.
Si la croissance structurelle offerte par le secteur de l’IA ne fait guère de doute, le rendement des actions sensibles à ce thème s’est considérablement élargi. D’un côté, les investisseurs pourraient continuer à rechercher ces actions, ce qui continue à faire grimper les marchés. Après tout, la demande reste forte, tout comme les dépenses en immobilisations, et aucun signe de révision à la baisse des bénéfices ne se manifeste. Les valorisations sont très élevées, mais pas « astronomiques ». Toutefois, les marchés finissent par subir une correction. La bulle Internet s’est heurtée à un mur en mars 2000, et le « pourquoi » et le « comment » de cette correction restent un mystère. Elle a tout simplement eu lieu.
Selon nous, les quatre facteurs suivants incitent à la prudence :
L’ampleur et la rapidité des gains boursiers : Depuis le début de l’année 2023, les actions taïwanaises ont progressé de 85 % sous l’impulsion de la hausse de 150 % du fabricant de puces TSMC1. En Corée, SK Hynix, le principal fournisseur de mémoire pour les processeurs graphiques de Nvidia, a gagné 220 %2. Aux États-Unis, Nvidia a progressé encore plus, gagnant 800 % sur la même période, tandis qu’un indice HSBC AI s’est apprécié de 160 % au cours des 18 derniers mois3. Une autre mesure de l’évolution extrême des prix, l’indice MSCI EM Information Technology par rapport à l’indice MSCI Consumer Staples, se situait il y a peu de temps au-dessus du pic relatif des technologies de l’information lors de la bulle Internet de 1999/2000.
Valorisations : La plus grande partie de la chaîne d’approvisionnement de l’IA se trouve à Taïwan, où la technologie ou les industries qui y sont liées représentent environ 85 % de la capitalisation boursière4. Malgré la récente correction, les actions de Taïwan continuent de se négocier selon la prime la plus substantielle par rapport aux marchés émergents (« ME ») au cours des trois dernières décennies, et les valorisations demeurent élevées dans ce secteur du marché, tant d’un point de vue absolu que relatif.
Ampleur : Le rendement de 7,7 % jusqu’en août 2024 constitue le meilleur début d’année de l’indice MSCI EM depuis cinq ans, mais aussi le plus restreint, car seulement trois actions représentent 70 % des rendements de l’indice (dans les secteurs de l’IA et de l’Internet en Asie du Nord)7. Aux États-Unis, où le secteur de l’intelligence artificielle a vu le jour, seulement 20 % des actions ont obtenu un rendement supérieur (en août 2024), soit la plus petite ampleur du marché depuis 20 ans5. La pondération de TSMC, leader mondial de la fonderie, a atteint 10 % de l’indice MSCI EM au cours de l’été, soit le poids le plus élevé qu’une seule action ait eu au cours des 25 dernières années.8
La monétisation de l’IA reste inconnue : Enfin, il est essentiel de souligner que la monétisation de l’IA reste inconnue. Comme les dépenses en immobilisations des sociétés américaines considérées comme des fournisseurs à très grande échelle devraient plus que doubler, passant de 366 milliards de dollars américains au cours des quatre années jusqu’en 2021 à environ 750 milliards de dollars américains d’ici la fin de 20256, la question de la monétisation par rapport à ces investissements se pose pour de nombreux investisseurs. Il en est ainsi parce que ces dépenses en immobilisations ne génèrent pas de revenus à l’heure actuelle. Le manque de visibilité quant au profil de marge prévu des nouvelles solutions d’IA générative, la répartition des investissements entre l’entraînement de modèles (monétisation future potentielle) et l’inférence (soutien de la monétisation actuelle), la comptabilisation relative à la relation OpenAI et la réutilisation des investissements en formation pour la capacité d’inférence future laissent plus de questions que de réponses. Selon nous, cette situation risque de compromettre la poursuite du cycle actuel des bénéfices pour les actions du secteur de l’IA.
Récemment, nous avons constaté une correction visant les actions du secteur de la technologie. Cependant, celle-ci est très modeste et ne modifie en rien l’opinion selon laquelle le secteur des technologies de l’information, et les actions liées à l’IA en particulier, demeure vulnérable à une pression supplémentaire, compte tenu des valorisations exagérées, du positionnement et des données techniques.
Que le récent repli de ces actions soit le début d’une tendance à la baisse plus profonde et plus large ou qu’il s’agisse simplement d’une prise de bénéfices, nous pensons que les marchés émergents pourraient être en meilleure position que les marchés développés. L’écart de valorisation entre les secteurs de la technologie des pays émergents et celles des pays développés est trop important pour être ignoré, et il devrait servir de tampon en cas de faiblesse accrue ou de moteur en cas de vigueur persistante.