Dans cet épisode, Slava Sherbatov, gestionnaire de portefeuille institutionnel, s’entretient avec Gord Keesic et Kai Lee, membres du groupe Services de placement aux Autochtones PH&N, au sujet des aspects uniques de la prestation de services aux investisseurs autochtones. Gord et Kai soulignent leur rôle dans la promotion de la réconciliation en aidant les collectivités à gérer les règlements financiers, en renforçant la prise de décisions et en favorisant l’établissement d’un patrimoine intergénérationnel.
Les thèmes abordés incluent notamment :
les différences entre la collaboration avec les investisseurs autochtones et les investisseurs institutionnels plus traditionnels, comme les régimes de retraite et les fonds de dotation
l’augmentation des règlements et des investissements à long terme dans les collectivités autochtones du Canada
l’appui au changement de mentalité chez les dirigeants autochtones, à savoir de la gestion de la pauvreté à la gestion du patrimoine
l’importance de l’éducation pour permettre aux générations futures de bien gérer leur argent à long terme
le souci d’accroître la représentation des Autochtones dans le secteur de la gestion des placements, compte tenu du rôle croissant des investisseurs autochtones au Canada
Cet épisode de balado a été enregistré le 18 septembre 2025.
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Transcription
Bonjour et bienvenue au balado Le pouls du secteur institutionnel, où nous traitons de sujets intéressants et pertinents pour les investisseurs institutionnels. Je suis votre animateur, Slava Sherbatov, et nous allons aujourd’hui nous attarder au domaine important et en pleine croissance des investissements autochtones. Pour ce faire, nous pouvons compter sur la présence de deux invités particulièrement bien placés, soit Gord Keesic et Kai Lee, qui sont membres de notre équipe Services des placements aux Autochtones.
Messieurs, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue au balado.
Merci de nous accueillir.
Oui. Merci.
Nous enregistrons donc cet épisode à l’approche de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Il est donc particulièrement opportun que vous vous joigniez à nous non seulement en tant que professionnels du placement au service des Premières Nations et des communautés autochtones de l’ensemble du pays, puisque vous, Gord, êtes basé à Thunder Bay, et Kai, à Winnipeg – mais en tant que membres, vous-mêmes, des Premières Nations.
Normalement, je proposerais une petite introduction, mais comme vous avez tous les deux des histoires intéressantes à partager avec nous, je vais vous inviter à vous substituer à moi et à nous en dire brièvement un peu plus sur chacun de vous. Gord, peut-être pourrions-nous commencer par vous.
Bien sûr. Normalement, je n’aime pas tellement faire le travail de quelqu’un d’autre, mais, dans ce cas-ci, je suis absolument ravi de le faire. Mon nom est donc Gordon Keesic. Je suis gestionnaire de portefeuille institutionnel auprès de RBC Gestion mondiale d’actifs, PH&N. Je travaille à Thunder Bay, en Ontario. Et comme Slava vient de le dire, je viens de la Première Nation de Lac Seul. Je suis donc un Ojibwé du nord-ouest de l’Ontario.
Pour ceux d’entre vous qui ne savent pas où se trouve Lac Seul, c’est près de Sioux Lookout. Pour ceux qui ont besoin d’un point de repère, disons que c’est environ cinq heures de route au nord-ouest de Thunder Bay. Je travaille donc chez PH&N, ou Gestion mondiale d’actifs, depuis près de 20 ans. J’ai beaucoup aimé mon expérience auprès de ce groupe. Mon travail consiste à aider les communautés autochtones à gérer leurs placements à long terme.
Pour vous donner un peu de contexte, je dois vous dire que ce sujet de la réconciliation est en fait très important pour moi et ma famille. En effet, il faut savoir que je suis né à Red Lake, en Ontario, et la raison pour laquelle je suis né là-bas tient au fait que mes grands-parents vivaient dans la Première Nation de Lac Seul. Cependant, différents paliers de gouvernement ont jadis décidé d’aménager un barrage hydroélectrique à Ear Falls, aménagement qui a entraîné l’inondation de notre Première Nation. De ce fait, beaucoup de citoyens ont dû quitter la réserve pour aller s’installer dans les communautés voisines, où le niveau de l’eau était plus stable.
Ils sont donc partis s’installer à Red Lake, en Ontario, avec tous leurs enfants, et c’est là que tant mon père que moi-même sommes nés. Peut-être, donc, pourrez-vous comprendre un peu mieux pourquoi cette idée de réconciliation importe tant pour moi, compte tenu de mes antécédents familiaux.
Voilà donc Slava quelques mots sur moi et sur mon parcours.
Merci, Gord. Kai, je vous cède maintenant la parole.
Très bien. Merci, Slava. Mon nom est Kai Lee. J’occupe le poste d’associé institutionnel au sein de l’équipe Services des placements aux Autochtones auprès de PH&N Institutionnel et de RBC Gestion mondiale d’actifs. Je suis membre de la Première Nation de Peguis, située tout juste au nord de Winnipeg, au Manitoba. Et comme Slava l’a indiqué, je travaille à notre bureau de Winnipeg, qui se situe dans la Première Nation Swan Lake 8a, tout juste à l’ouest de Winnipeg.
Je travaille dans le secteur des placements depuis plus de 10 ans. Auparavant, j’ai brièvement travaillé dans le domaine bancaire, où j’ai rapidement compris que je ne me passionnais pas pour le domaine des prêts – ou plus précisément pour la tâche qui consiste à refuser des demandes de prêt. Cette prise de conscience m’a amené à aider les clients à gérer leurs placements, et je n’ai jamais regretté cette décision.
Merci, Gordon et Kai, de nous en avoir dit un peu plus sur vous. Vous nous avez indiqué depuis combien de temps vous travaillez dans ce domaine, ainsi qu’en collaboration avec les communautés autochtones. Pour aider nos auditeurs à bien comprendre, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce qui distingue le fait de collaborer avec des investisseurs autochtones par rapport à des investisseurs institutionnels traditionnels, comme des caisses de retraite et des fonds de dotation ?
C’est l’aspect clé qui nous a permis d’obtenir de très bons résultats sur ce marché au cours des dernières années. Notre compréhension repose en fait sur les multiples discussions que nous avons eu avec différents groupes autochtones à travers le Canada. Un certain nombre d’éléments se sont avérés particulièrement importants. Peut-être pourrions-nous tout d’abord évoquer brièvement le sujet des différences linguistiques.
Dans certaines des communautés où nous rendons, par exemple, nous devons rendre compte aux membres de cette communauté du rendement des placements au cours de l’année précédente. Les présentations que nous faisons lors de certaines de ces réunions sont traduites. Et cela peut poser certaines difficultés à certains des traducteurs car, à titre d’exemple, nous pourrions penser que la notion d’intérêt composé est relativement courante.
Cependant, dans les langues autochtones du Canada, il n’existe pas de véritable équivalent pour cette notion. Nous devons donc nous efforcer de transmettre cette idée d’une manière qui puisse être facilement traduisible. De sorte que, dans ces présentations, nous multiplions le recours aux supports visuels, aux diagrammes, etc. de manière à faire passer ces idées afin que tout le monde puisse bien les saisir. Voilà qui constitue donc en quelque sorte une différence : la langue, les barrières linguistiques en tant que telles, ou encore l’occasion que représente cette situation selon le point de vue que vous choisissez d’adopter.
L’autre aspect, qui est en quelque sorte lié à celui-là, tient au fait qu’il arrive fréquemment que des membres de la communauté en tant que tels souhaitent que nous venions leur parler. Nos présentations s’adressent donc aux bénéficiaires des fonds. Voilà une situation qui diffère de celle à laquelle sont confrontés les investisseurs institutionnels classiques, alors que nous rendons compte, disons, en tant que professionnels du placement, à un comité de placement et non directement aux retraités en tant que tels.
Voilà donc deux différences entre les investisseurs autochtones et les investisseurs qu’on pourrait qualifier d’institutionnels, si ce terme est le terme approprié. L’une de ces différences tient à la langue tandis que l’autre tient à l’engagement auprès des bénéficiaires des fonds en tant que tels. Je dirais également que la plupart de nos investisseurs institutionnels sont généralement situés dans des grandes villes, là où se trouve souvent leur siège social.
Cependant, dans notre cas, nous devons souvent nous rendre dans des endroits très éloignés pour entretenir de bonnes relations et maintenir un bon contact avec nos investisseurs. Voilà donc trois aspects que je me permettrais d’évoquer, Slava, pour illustrer les différences entre ces deux domaines.
Peut-être pourrais-je me permettre d’ajouter quelque chose, non sans prendre le temps de vous remercier, Gord. Slava, lorsque vous faites référence aux investisseurs institutionnels « traditionnels », je dois dire que, lorsque j’entends cette formule, j’ai un peu l’impression que ces types d’investisseurs, comme c’est le cas des régimes de retraite, des fonds de dotation universitaires et des fondations, gèrent de l’argent depuis longtemps. Voilà peut-être une distinction par rapport à la situation de nos investisseurs autochtones, qui n’ont pas toujours eu de placements à long terme.
Nous avons constaté cela dans la croissance de notre secteur. Même si nous remontons à il y a 10 ans, nous comptions alors à travers le pays 20 clients autochtones et nous gérions entre 500 et 600 millions de dollars dans une perspective à long terme. Aujourd’hui, nous aidons plus de 50 clients autochtones de l’ensemble du pays et nous gérons plus de 10 milliards de dollars. Vous savez, je ne dis pas cela pour nous vanter, mais cette réalité témoigne tout simplement de la confiance qu’ont en nous les nations avec lesquelles nous traitons. Je pense aussi que cela témoigne du fait de cette période importante de l’histoire que nous vivons, et qui concerne ces investisseurs autochtones, dont je me sens très honoré et privilégié de faire partie, en plus d’aider, où qu’ils soient à travers le Canada.
Merci, Kai. Voilà une excellente observation. Je pense en effet que les chiffres que vous venez de citer témoignent clairement de la croissance que nous avons pu observer, mais également de la progression plus généralisée des Autochtones en tant qu’investisseurs au Canada. Vous avez tous les deux parlé de votre expérience dans ce domaine et, Gord, sauf erreur, vous dirigez notre pratique autochtone depuis plus d’une décennie.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur l’évolution, les changements ou les thèmes qu’il vous a été donné d’observer au cours de cette période ? Il semblerait que quelque chose ait changé au cours des 5 à 10 dernières années. J’aimerais que vous puissiez nous en dire un peu plus à ce sujet. Gord, pourquoi ne commencerions-nous pas par vous ?
Bien sûr. L’une des choses que j’ai vraiment remarquées, et peut-être Kai sera-t-il en mesure de traiter d’autres aspects, mais j’aimerais m’attarder à cette idée, qui est peut-être un peu plus abstraite, mais que j’estime avoir perçue auprès de différents investisseurs autochtones et différentes personnes à travers le Canada, soit ce concept de conscience autochtone en matière de placement.
Je ne sais pas vraiment comment décrire cette notion autrement, bien que j’aie essayé de la définir en employant différents termes au cours des dernières années, mais il me semble qu’il s’agisse là de la bonne façon de l’envisager et de tenter de la cerner.
Je la décrirais donc ainsi : à mesure que le patrimoine des peuples autochtones s’est développé et que ces peuples ont été en mesure de générer des revenus – grâce à des activités commerciales ou à diverses méthodes leur permettant d’augmenter leur patrimoine, pour leur permettre de devenir plus autonomes et d’exercer une forme de pouvoir à l’égard de leur propre avenir financier –, s’est développé le sentiment que nous étions, en tant que peuple, désormais aux commandes, ou que nous disposions d’un patrimoine de plus en plus important.
A donc pris naissance cette idée qui consistait à se demander ce que nous ferions de ce patrimoine pour qu’il puisse nous profiter plus directement. Et, dans le même ordre d’idée, s’il convenait d’envisager différentes manières de gérer ce patrimoine en fonction de certains principes ? Je voulais donc tout simplement partager avec vous l’un des éléments de cette prise de conscience. Et j’ai entendu cette réflexion de la part de nombreux investisseurs autochtones de l’ensemble du pays : l’idée selon laquelle nous ne voulons pas que nos placements ou que notre argent aient une incidence négative sur un autre groupe, ailleurs.
Il s’agit là de l’un des aspects qui ressort constamment de tous les entretiens que j’ai eus au sujet du patrimoine des communautés autochtones, de ce qu’ils veulent ou ne veulent pas faire de leur argent. Ainsi donc, à mesure que cette prise de conscience prend forme au fil du temps, il me semble que ces idées portant sur les principes en matière de placements autochtones seront pour ainsi dire appelées à se concrétiser davantage.
Mais, pour l’heure, voilà l’un des aspects que j’aimerais souligner, à savoir cette idée d’une sorte de pouvoir collectif en ce qui concerne la hausse des niveaux de richesse.
Merci, Gord. Je partage le même sentiment, et vous avez très bien expliqué tout ce que nous avons pu observer. Merci donc pour ces remarques. Peut-être, d’un point de vue plus technique, tout simplement pour informer certaines des personnes qui nous écoutent, me permettrai-je de souligner que nous avons constaté, au cours de ces dernières années, que nous gérons généralement des sommes d’argent dans une perspective à long terme, d’une part, et que ces fonds sont le fruit des injustices commises à l’égard des peuples autochtones, d’autre part.
En effet, ces fonds résultent généralement de règlements de revendications. Nous avons observé une multiplication des revendications et le dépôt de revendications plus importantes. Dans le passé, une Première Nation déposait une revendication, disons, peut-être, une revendication de droits fonciers issus de traité ou en rapport avec des terres cédées, et, aujourd’hui, les motifs d’indemnisation ont changé
Il s’agit généralement de situations comme des avantages agricoles. Nous constatons qu’au lieu que chaque nation reçoive des fonds individuellement, des règlements sont conclus au niveau des traités de même que des règlements régionaux et nationaux. Ce qui est aussi intéressant tient au fait qu’est observé un objectif commun de participation économique avec les Premières Nations du Canada. Cette réalité a donc conduit à l’établissement de partenariats qui créeront des revenus pour les Nations – on peut à cet égard penser à l’exploitation minière, forestière, pétrolière ou gazière, alors que les Nations s’associent à de grandes entreprises canadiennes.
Il s’agit donc là d’un thème commun qui n’existait pas il y a 10 ou 20 ans, à tout le moins pas à un tel niveau. Et il me semble que cela a conduit à une demande accrue pour des services plus évolués et à l’intervention d’un plus grand nombre de gestionnaires d’actifs ou de placements institutionnels, qui sont aujourd’hui appelés à travailler à cet égard, peut-être en plus grand nombre qu’il y a quelques années.
Et Kai, il me semble que cela met également en évidence le fait que, pour de nombreuses Premières Nations, il s’agit en fait ici d’un premier accès à des capitaux importants, d’où l’importance des conseils et de l’accompagnement. Mais cette réalité pose probablement également en soi un certain nombre de défis. Je me demandais si vous pourriez peut-être nous entretenir un peu de ce que vous observez, des domaines à l’égard desquels les Premières Nations ont le plus besoin de soutien, et des aspects à l’égard desquels vous et Gord consacrez peut-être le plus de temps.
Bien sûr. Je pense que tout cela commence, pour ainsi dire, au niveau du terrain. Et la première étape consiste à jeter des bases saines. La Nation a souvent des buts et des objectifs pour ces fonds. Comme elle a attendu longtemps, elle peut avoir énormément d’idées intéressantes. Au tout début, nous apportons notre concours pour parvenir à rassembler toutes ces idées.
Il est essentiel de faire correspondre les objectifs financiers à la tolérance au risque de l’investisseur. Cela facilite l’élaboration de politiques pour les placements à long terme, ainsi, peut-être, que pour mieux faire cadrer les dépenses annuelles que ces placements peuvent générer pour la Nation en tant que telle. Il convient donc d’intervenir sur le plan de l’éducation en matière de gouvernance, sur la façon d’instaurer un juste équilibre entre le fait de satisfaire les besoins des générations actuelles et la nécessité de dépenser de l’argent, voire d’en épargner pour les générations futures.
Voilà donc certain des aspects à l’égard desquels nous pouvons apporter notre concours, pour parvenir à concrétiser ces objectifs et aider les Nations à prendre des décisions concernant, peut-être, pour la première fois, comme vous l’avez fort justement dit, des sommes d’argent importantes.
Oui. Gord, avez-vous quelque chose à ajouter de votre point de vue ?
Oui. Je pense que l’une des idées que Kai vient de mentionner est celle qui consiste à faire évoluer l’état d’esprit des dirigeants, qui doivent passer de la gestion de la pauvreté à celle de la richesse. Et cela constitue pour ainsi dire un véritable défi, mais tout autant une formidable occasion – alors que ces deux situations vont fréquemment de pair.
Et c’est précisément ce que m’ont dit plusieurs chefs. Vous savez, nous avons passé tellement de temps à gérer la pauvreté, alors que nous disposons peut-être aujourd’hui d’importantes sommes d’argent, ou nous gérons des entreprises très prospères… Comment pouvons-nous modifier notre état d’esprit de telle sorte que la gestion de la pauvreté cède désormais le pas à la gestion de la richesse ? Voilà donc l’un des défis les plus importants qui se pose, mais également l’une des occasions les plus intéressantes. Il s’agit d’une situation tout à fait formidable.
De sorte que, de notre point de vue, l’autre défi ou l’autre occasion que présente cette situation, consiste en quelque sorte à les aider ou à travailler de concert avec eux, alors qu’ils accompagnent la communauté au fil de ce processus, au fil de ce changement de mentalité – non seulement au niveau des dirigeants, puisque ces dirigeants doivent bien évidemment pouvoir compter sur le soutien de la communauté. Donc, discuter de ces idées avec les membres de la communauté en marge de ce processus, discuter de ce qui est en quelque sorte un changement de mentalité, voilà qui constitue probablement l’un des défis et l’une des occasions auxquels nous sommes confrontés.
Oui. Et peut-être pour donner suite à cela, Gord, comme je l’ai mentionné au tout début, il faut préciser que nous enregistrons ce balado à l’approche de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. À titre de gestionnaires de placements institutionnels travaillant de concert avec des communautés autochtones de l’ensemble du pays, quel pourrait être selon vous notre rôle, et peut-être pourriez-vous répondre à cette question d’un point de vue plus général, à caractère sectoriel – quel rôle pouvons-nous jouer en marge de ce processus, ainsi que pour appuyer la réconciliation et le bien-être économique à long terme des communautés que nous servons ?
Vous avez déjà abordé certains de ces aspects, mais je me demande si vous pourriez ajouter quelque chose à cet égard.
Bien sûr. Lorsque je pense à cette question de la réconciliation, je commence toujours par me demander ce que signifie ce mot. En fait, le mot « réconcilier » fait principalement référence à l’idée de redresser un tort ou de corriger quelque chose. De sorte que, lorsque nous parlons de réconciliation, nous reconnaissons, de manière générale, que les choses ne se sont pas déroulées, au fil de l’histoire, comme elles auraient peut-être dû se dérouler. L’objectif n’est pas de blâmer quiconque ou de pointer du doigt, telle n’est absolument pas la nature de mon propos.
Il est donc ici plutôt question de reconnaître la nécessité que certaines choses doivent être rectifiées ou changées. Tel est, pour l’essentiel, le moment de l’histoire canadienne qui est aujourd’hui le nôtre, alors qu’il est généralement reconnu et acquis que nous devons corriger certaines choses ou que nous devons réparer un certain nombre de torts historiques.
Pour notre part, nous sommes directement impliqués dans ce processus de réconciliation. Et je vais vous donner un exemple, avant de céder la parole à Kai. Pensons, par exemple, à une injustice historique, comme celle qui a touché ma communauté, alors que j’ai parlé plus tôt de ce qui était arrivé à ma communauté alors qu’elle fut inondée à notre insu et sans notre consentement, geste qui a eu de profondes répercussions sur la vie d’une foule de gens, dont mes grands-parents.
Nous avons donc intenté une action en justice contre le gouvernement fédéral, en lui demandant de rectifier ce qui s’était passé. Pour sa part, le gouvernement, en plus de prendre un certain nombre d’autres mesures, a offert à notre communauté une indemnisation financière. Durant le processus de ces réclamations ou de règlement de ces réclamations à caractère historique, il nous arrive fréquemment de participer à l’élaboration de l’accord de règlement en tant que tel, en offrant des conseils financiers et en fournissant l’expérience dont le gouvernement a besoin avant qu’il ne transfère les fonds à la Première Nation, en rapport avec cet événement d’ordre historique.
Nous intervenons donc directement dans ce processus de réconciliation. En parallèle, une partie de notre rôle, si vous réfléchissez à la raison pour laquelle de telles injustices historiques se sont produites, tient au fait que les peuples autochtones n’avaient pas le pouvoir, n’avaient pas ce que nous appelons la capacité d’agir, j’entends par là le pouvoir d’agir directement sur leur propre environnement ou d’exercer de l’influence sur cet environnement.
Cette réalité s’explique par une foule de raisons, sur lesquelles je ne souhaite pas m’attarder pour le moment. En plus de l’activité directe dont je viens de faire mention, il se trouve que nous nous efforçons également de promouvoir l’instauration d’un environnement dans lequel nous pouvons fournir de l’information aux décideurs des communautés autochtones de telle sorte qu’ils puissent prendre des décisions éclairées concernant leur propre avenir financier.
Par exemple, il y a lieu de se demander comment ils vont investir cet argent. Notre travail ne consiste pas à leur dire quoi faire. Il consiste plutôt à leur fournir l’information pertinente de telle sorte qu’ils puissent prendre des décisions éclairées, qu’ils puissent se prévaloir de cette capacité d’agir, pour faire référence au terme que nous employons pour désigner ce pouvoir. Et il s’agit là de la deuxième façon par laquelle nous contribuons à cette idée de réconciliation, ici, au Canada.
Formidable. Merci, Gord. Voilà qui est très éloquent. Je vous remercie d’avoir partagé certaines des expériences vécues par votre Première Nation, votre communauté et votre famille. En définitive, nous devons reconnaître que nous sommes des professionnels de la finance, des professionnels des placements, et que nous portons le titre de gestionnaires de placements. Mais, pour moi, notre action va au-delà de la simple gestion financière.
Nous devons intervenir à titre d’éducateurs, non seulement auprès des dirigeants et des responsables de la gouvernance, mais aussi auprès des membres. Gord, vous avez mentionné tout à l’heure que ce qui confère un caractère unique à notre travail tient au fait que nous interagissons avec les membres de la communauté. Nous parlons aux enfants, aux mineurs comme aux aînés. Nous ne devons pas seulement nous employer à obtenir le meilleur rendement possible en tout temps. Nous devons intervenir dans le cadre d’un partenariat qui nous permet d’éduquer et de donner aux générations futures les moyens pour elles d’avoir une incidence sur leur Nation et d’être de bons gestionnaires de ces fonds à long terme.
Et ce que j’aime de ce métier, c’est que nous devons toujours établir un certain équilibre entre les sujets très complexes qui nous semblent aller de soi, du fait que nous travaillons dans le domaine de la finance, et les présenter de manière à ce que tout le monde puisse les comprendre. Car, comme vous le savez, certaines personnes ne maîtrisent pas très bien les sujets que sont les actions, les obligations et toutes ces choses que nous connaissons bien. Nous devons donc être de très bons enseignants et éducateurs, en plus d’être des gestionnaires de placements.
Eh bien, merci à vous deux d’avoir partagé cela avec nous. Et il me semble, encore une fois, que l’une des choses qui ressort le plus, pour avoir voyagé avec vous et assisté à ces réunions, c’est qu’il va de soi que le fait de fournir des conseils en matière de placements de très haut niveau et de produire de solides résultats à l’égard de ces placements est absolument essentiel ; mais, encore une fois, il va sans dire que le travail ne se limite pas à ces aspects. En effet, comprendre les aspects culturels et les besoins de la communauté, tout en créant des partenariats à long terme et instaurer un véritable climat de confiance, importe tout autant, sinon plus.
Et, encore une fois, il me semble que vous avez tous les deux souligné cet aspect. Peut-être pourrais-je me permettre de vous poser une question qui, je l’espère, ne vous posera aucune difficulté : si vous pouviez formuler un souhait concernant le domaine du placement autochtone au Canada, de quoi s’agirait-il ?
Kai, peut-être pourriez-vous être le premier à répondre à cette question ?
Eh bien, pour moi, vous avez vu juste, cette question est tout à fait facile. J’aimerais que des Autochtones soient plus souvent représentés dans le monde de la finance et de la gestion des placements. Nous constatons que de plus en plus d’Autochtones travaillent dans le secteur bancaire, tant dans les services bancaires aux particuliers que dans les services bancaires aux entreprises. Mais rarement rencontrons-nous d’autres professionnels des Premières Nations qui travaillent dans le secteur de la gestion des placements, sans parler du domaine plus spécifique de la gestion des placements institutionnels. De sorte que si j’avais un souhait, Slava, ce serait de voir davantage de représentants autochtones travailler au Canada dans le secteur du placement.
Et, comme nous l’avons dit, la période actuelle est très intéressante pour travailler dans ce domaine. Avec un peu de chance, j’espère que nos propos pourront inciter certaines des personnes qui nous écoutent à se lancer dans le domaine de la finance et du placement.
Formidable, Kai. Et je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que nous avons beaucoup de travail à faire dans ce domaine. Et qu’en est-il de vous, Gord ?
Eh bien, nous avons parlé jusqu’à présent de sujets plutôt sérieux, n’est-ce pas ? Qu’il s’agisse d’évoquer le sujet de la réconciliation et de ce genre de considérations… Je vais me permettre de terminer sur une note un peu plus légère. J’ai dit plus tôt que je devais me rendre à tous ces endroits différents, n’est-ce pas ? En vérité, j’ai besoin de mon propre avion. C’est de cela que j’ai besoin. Si RBC pouvait me faire don de mon propre Dreamliner, je pense que je serais aux anges !
Mais, plus sérieusement, il serait formidable de retrouver des fonds et des solutions en matière de placement qui ont une incidence positive directe sur les communautés. Voilà encore quelque chose, en tant que secteur, que nous pouvons nous efforcer de réaliser. Voilà donc, Slava, les deux réponses que je fournirais à votre question.
Pour dire vrai, je pense que votre observation sur l’avion est tout à fait fondée car vous voyagez en effet énormément ! Et je tiens à souligner aux personnes qui nous écoutent que vous aurez probablement reconnu que le son n’est pas formidable et qu’on entend en arrière-plan des sonneries de téléphone. Voilà qui constitue en fait une journée type dans la vie de Gord Keesic alors qu’il se déplace à travers le pays.
Le moment est-il peut-être bien choisi pour mettre un terme à notre rencontre. Permettez-moi encore une fois de vous remercier tous les deux d’avoir pris le temps de partager avec nous vos réflexions. Et merci pour le travail important que vous accomplissez auprès de nos clients et des communautés autochtones de l’ensemble du pays. Je tiens également à remercier nos auditeurs. J’espère que vous aurez apprécié ce balado et que vous nous retrouverez pour notre prochaine édition. Merci.
Merci à tous.
Merci.
Ce contenu est fourni à titre indicatif seulement et ne constitue pas des conseils financiers, fiscaux, juridiques ou comptables et ne doit pas être considéré comme tel. Ni PH&N Institutionnel ni aucune de ses sociétés affiliées n’acceptent de responsabilité en cas de perte ou de dommage découlant de l’utilisation de l’information contenue dans ce balado.
Conférenciers :
Gord Keesic, Chef, Services des placements aux Autochtones PH&N et vice-président et gestionnaire de portefeuille institutionnel, PH&N Institutionnel
Kai Lee, Associé institutionnel, PH&N Institutionnel
Animé par :
Slava Sherbatov, gestionnaire de portefeuille institutionnel, PH&N Institutionnel