Mark Dowding, chef des placements, BlueBay, analyse le rendement des marchés des titres à revenu fixe en 2024 et présente ses perspectives pour l’année à venir.
La deuxième administration de Donald Trump est susceptible de générer de la volatilité sur les marchés des titres à revenu fixe. Les investisseurs qualifiés devraient avoir de nombreuses occasions de générer un rendement par une gestion active.
Les taux d’intérêt aux États-Unis devraient rester élevés plus longtemps sous l’administration de M. Trump. Cette situation pourrait poser problème pour des catégories d’actifs telles que les titres de créance privés, dont le ratio de levier financier du bilan est le plus élevé.
Les titres de créance de catégorie investissement pourraient continuer à produire des résultats supérieurs dans un contexte d’offre excédentaire d’obligations d’État. Ce facteur est également à l’origine de l’accentuation des courbes de rendement.
Nous voyons des occasions dans le secteur européen de la finance et dans les titres de créance moins liquides dans des situations spéciales sur les marchés européens.
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Transcription
Mark Dowding :
Que pouvons-nous dire du rendement des marchés des titres à revenu fixe en 2024 ? La première chose que je note est que ce fut une très bonne année pour les investisseurs en titres de créance. Cela peut sûrement être en grande partie attribuable à la solide croissance continue de l’économie américaine tout au long de l’année.
Au début de 2024, beaucoup de gens s’attendaient à une récession aux États-Unis. Peut-être en raison de l’inversion de la portion à long terme de la courbe des taux, qui est historiquement un indicateur de récession, quoique peu fiable. Nous avons en fait toujours cru qu’il s’agissait d’un faux signal. De notre point de vue, l’économie semblait en assez bonne santé.
Nous avons donc eu tendance à l’optimisme au cours des derniers mois. Sinon, d’un point de vue macroéconomique, les taux des obligations à long terme ont augmenté durant l’année, peut-être en raison de certaines craintes de récession, tandis que les taux des obligations à court terme ont évolué dans l’autre sens, la Réserve fédérale annonçant sa première réduction de taux d’intérêt de 50 points de base en septembre de cette année. Elle a réitéré en octobre.
De ce point de vue, les courbes se sont donc un peu accentuées. En ce qui concerne la macroéconomie des titres à revenu fixe, les indices de référence ont tiré de l’arrière sur les liquidités, puisque les taux des obligations à long terme ont augmenté au court de l’année. L’année a donc été inégale pour les investisseurs en titres à revenu fixe, peut-être assez bonne au chapitre du crédit, moins sur le plan macroéconomique, mais elle a certainement offert beaucoup d’occasions aux investisseurs actifs comme nous.
Alors, à quoi nous attendre en 2025 ? La première chose à laquelle s’attendre est certainement la volatilité. Le deuxième mandat de M. Trump va entraîner beaucoup de changements et de perturbations. Il semble en fait s’agir de l’essentiel de son discours. Au chapitre de la négociation, il est ravi de déstabiliser ses adversaires en disant et en faisant parfois des choses assez scandaleuses.
Mais en cette période de changement, il est clair que cela peut entraîner une certaine volatilité sur les marchés financiers. Vous voudrez donc parfois vous positionner en conséquence, soit lorsque les marchés réagiront trop ou trop peu aux dires et mesures de la nouvelle administration. La deuxième chose pour l’année à venir, c’est que la courbe des taux devrait beaucoup plus s’accentuer.
Je continue de croire fermement que la politique budgétaire dépensière finira par entraîner une accentuation assez spectaculaire de la courbe des taux américains. En ce moment, nous pensons plutôt à une accentuation baissière. Les investisseurs seront encouragés à se positionner en conséquence, mais la duration plus longue qui en résulte ne me plaît guère. Il faut aussi noter que sous M. Trump, nous devons nous attendre à des tarifs douaniers.
Le dollar pourrait continuer à se négocier assez bien cette année. Je sais qu’il semble un peu surévalué, un peu gonflé. Mais à bien des égards, il a été assez difficile ces dernières années de faire beaucoup de profits avec les devises en tant que catégorie d’actif. Nous pourrions toutefois entrer dans une période où ces tendances macroéconomiques vraiment divergentes offrent un peu plus d’occasions à l’égard des devises européennes.
Le thème devrait s’articuler autour de la politique budgétaire de l’Allemagne. Visera-t-elle un équilibre strict après le bref signal qui a suivi les élections allemandes ? Nous attendrons de voir ce qui s’y passe. Disons toutefois que si l’Allemagne détend sa politique budgétaire, qu’elle permet à l’UE d’émettre encore plus de titres de créance, les titres à revenu fixe européens à long terme pourraient bien en pâtir.
D’un autre côté, si l’Allemagne conserve une politique très stricte, la BCE devra probablement réduire les taux d’intérêt de façon plus marquée. Cela profiterait à la portion à court terme de la courbe des taux. En Europe donc, tout comme aux États-Unis, nous pensons que le thème en ce début d’année sera l’accentuation de la courbe, et c’est la position que nous adopterons au Royaume-Uni.
Nous pensons que l’inflation au Royaume-Uni restera peut-être plus élevée que dans l’UE ou aux États-Unis. Le cas échéant, je pense qu’il sera difficile pour la Banque d’Angleterre de réduire beaucoup plus les taux d’intérêt. En même temps, je pense que Rachel Reeves se trouve dans une position un peu délicate, puisqu’elle ne dispose d’aucune marge budgétaire.
Ainsi, contrairement à d’autres pays, il semble que le Royaume-Uni ne dispose d’aucune latitude sur le plan monétaire ou budgétaire pour réellement soutenir la croissance économique. Sinon, au Japon, nous continuons à nous intéresser au thème de la reflation, en fait le vieillissement de la population, la diminution de la main-d’œuvre disponible exercent des pressions à la hausse.
Passons aux salaires. Nous prévoyons que la croissance des salaires dépassera de nouveau les 5 % au premier trimestre, comme ce fut le cas au premier trimestre de 2024. Si cette projection s’avère, elle exercera des pressions haussières sur l’inflation, qui influeront sur la normalisation de la politique monétaire japonaise. Nous continuons donc à rechercher des rendements plus élevés dans les obligations d’État japonaises. À l’heure actuelle, nous continuons de voir les obligations à dix ans soutenues par les achats d’obligations de projet.
Ils diminueront toutefois durant la prochaine année. Le taux à dix ans pourrait monter à 1,5 % au cours des mois à venir. Si la normalisation de la politique japonaise survient alors que les taux évoluent en direction inverse dans la zone euro, la paire de devises euro-yen me semble assez intéressante. Elle semble très bon marché relativement aux valorisations passées. Elle pourrait passer d’un niveau proche de 165 aujourd’hui à 140 l’année prochaine. Enfin, en ce qui concerne les marchés émergents et les marchés du crédit de la région, il s’agira de choisir les gagnants, d’éviter les perdants, le thème de M. Trump, le thème d’un dollar plus fort seront prévalents ; pas nécessairement ce qui favorise le plus les actifs des marchés émergents.
Mais il y aura des rendements divergents. Il y aura des actifs à posséder. Il y aura des actifs à éviter. Il faudra faire montre de compétence en gestion active et en crédit. Les valorisations sont tendues, mais nous pensons que le crédit peut continuer à bien se comporter en l’absence d’une récession.
Au chapitre des écarts de crédit, nous continuons de croire que les titres de créance de catégorie investissement peuvent continuer à surpasser les obligations d’État sous-jacentes dont l’offre est abondante, contrairement aux obligations de sociétés dont l’offre est relativement insuffisante. Cela crée une technique assez puissante dans le secteur du crédit ; la chose qui nous préoccupe est l’effet de levier important.
Nous évoluons dans un monde où les taux demeurent plus élevés pendant plus longtemps. Dans ce monde, l’endettement n’est pas souhaitable. Il faut donc faire attention aux catégories d’actif, comme les actifs privés, le capital-investissement, les titres de créance privés. Ce sont là des secteurs où les structures sont assez endettées.
Être trop endetté dans un contexte de taux trop élevés signifie que tous les flux de trésorerie disponibles sont affectés au service de la dette. Il convient donc d’être prudent à cet égard. Si vous voulez vraiment investir dans les titres à rendement élevé, nous continuons de mettre l’accent sur les occasions offertes par le secteur européen de la finance, les obligations à conversion conditionnelle européennes nous plaisent toujours.
Une autre chose à souligner est que les titres de sociétés européennes en difficulté offrent une multitude d’occasions attrayantes. À l’aube de 2025, l’année ne sera probablement pas la meilleure pour le bêta des titres à revenu fixe, plus globalement.
En adoptant une gestion active toutefois, nous pensons qu’il y aura de nombreuses occasions pour ceux qui ont les compétences nécessaires pour réellement lire ce qui se passe dans le monde des placements. Sur ce, bonne chance. Et nos meilleurs vœux pour la fin de l’année.