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Accepter Déclin

Dans notre deuxième balado de PH&N Institutionnel, Haley Hopwood, gestionnaire de portefeuille, PH&N Institutionnel, s’entretient avec Anna Temple, gestionnaire de portefeuille, Titres à revenu fixe PH&N, pour aborder l’analyse et l’intégration ESG dans le cadre des placements en titres de créance de sociétés. Leur conversation porte sur l’importance de l’analyse des risques ESG, ainsi que sur l’approche de l’équipe pour intégrer ses conclusions dans la prise de décision et le suivi concernant les titres de créance de sociétés de catégorie investissement. Lors de l’examen de l’approche de l’équipe, elles approfondissent en particulier les sujets suivants :

  • L’évaluation de l’importance des risques liés aux critères ESG

  • L’élaboration d’un cadre de cotation ESG interne

  • La valeur du dialogue direct avec les émetteurs

  • L’expansion du marché des obligations de type ESG

Temps d'écoute : 29 minutes, 23 secondes (en anglais seulement)

Transcription

Bonjour et bienvenue à ce balado Perspectives de PH&N Institutionnel, dans lequel nous abordons des sujets intéressants et pertinents pour les investisseurs institutionnels. Je m’appelle Haley Hopwood et je suis votre hôte. Je suis gestionnaire de portefeuille à PH&N Institutionnel, et c’est avec plaisir que je vous présente mon invitée de ce jour, Anna Temple. Anna est gestionnaire de portefeuille au sein de l’équipe Titres à revenu fixe PH&N et se spécialise dans les titres de créance de sociétés de catégorie investissement. Bienvenue, Anna. Merci beaucoup de te joindre à moi.

Bonjour, Haley. Merci beaucoup de m’avoir invitée ici.

Avec plaisir. Aujourd’hui, nous allons discuter des critères ESG et plus particulièrement de la façon dont l’analyse des risques ESG peut être intégrée dans la gestion des portefeuilles de titres à revenu fixe de nos clients. C’est un sujet auquel Anna consacre beaucoup de temps, en plus de s’occuper de mandats respectant des critères ESG précis. Entrons maintenant dans le vif du sujet.

Je suis presque sûre que tous nos auditeurs ont entendu parler des critères ESG, mais par souci d’exhaustivité, rappelons juste que les lettres E, S et G désignent l’environnement, la société et la gouvernance. L’intégration de critères ESG est généralement définie comme la prise en compte en continu de critères importants liés à l’environnement, la société et la gouvernance dans les décisions de placement, avec pour objectif d’améliorer les rendements ajustés au risque à long terme.

Je pense qu’il est juste de dire que les investisseurs sont aujourd’hui davantage sensibilisés aux critères ESG et que ces critères occupent une place de plus en plus importante sur l’ensemble des marchés de placements. Par ailleurs, la multitude des termes utilisés, comme intégration ESG, investissements ESG, investissement d’impact ou thématique, ou stratégies d’exclusion, peut, à mon avis, engendrer une confusion. Que signifient tous ces termes ? Nous pourrions commencer par là. Pourrais-tu brièvement nous les présenter ?

Oui, bien sûr. C’est une excellente question. Pour bien comprendre ces termes, la façon peut-être la plus simple est de se les représenter comme un éventail d’options d’intégration des critères ESG au sein d’un portefeuille. Prenons par exemple d’abord l’intégration ESG. Comme tu l’as mentionné plus tôt, cela signifie qu’une analyse des risques ESG est effectuée dans le cadre de la recherche fondamentale globale.

Cette analyse peut être assimilée à une tâche qui serait réalisée dans le cadre de l’analyse de la solvabilité. Tout comme on pourrait vouloir examiner les tendances sectorielles significatives, les activités de la société, son niveau d’endettement ou ses flux de trésorerie, on pourrait également vouloir évaluer l’exposition de la société aux risques environnementaux, sociaux et de gouvernance. Tout critère ESG susceptible d’avoir une incidence importante serait alors pris en compte dans l’évaluation globale du rapport risque-rendement.

Ensuite, nous avons une deuxième option pour intégrer les critères ESG. Elle s’adresse aux investisseurs qui pourraient vouloir aller plus loin et chercher un mandat qui exclurait expressément certains actifs ou certains secteurs. Dans le cadre de mandats de présélection et d’exclusion ESG, il pourrait être interdit de détenir des actifs présentant certaines caractéristiques ou bien des actifs dans les secteurs des combustibles fossiles, du tabac, des jeux ou d’autres types de secteurs.

Enfin, nous avons les mandats thématiques. Ce sont des portefeuilles conçus pour répondre à un enjeu ESG particulier ou pour investir sur des thématiques ESG. Par exemple, un investisseur peut vouloir qu’une partie ou que la totalité de son portefeuille soit investie dans les secteurs du logement social ou des infrastructures d’énergie propre.

D’accord, donc les stratégies de présélection et les stratégies thématiques sont clairement des stratégies propres aux investisseurs, tandis que l’intégration ESG renvoie à une notion plus large qui est utilisée dans les stratégies traditionnelles. Je pense que nous allons nous concentrer aujourd’hui sur l’intégration ESG, et plus particulièrement l’intégration ESG au sein des stratégies traditionnelles de titres à revenu fixe, puisqu’il s’agit de ton domaine d’expertise. En tant qu’investisseurs en titres à revenu fixe, notre principale préoccupation est de savoir si une société a la capacité de rembourser ses créances et si les critères ESG peuvent avoir une incidence sur sa solvabilité.

Cette incidence pourrait être à la fois positive ou négative. Toutefois, on entend beaucoup de choses à ce sujet, mais toutes ces informations ne sont pas pertinentes. Alors, pourrais-tu nous expliquer comment ton équipe détermine quels critères ESG sont les plus importants pour les activités d’une société ?

Oui, bien sûr. C’est encore une excellente question. Nous passons effectivement beaucoup de temps à réfléchir à cette question.

Lorsque nous discutons des critères ESG, le concept clé qui revient souvent est celui de l’importance relative. Lorsqu’on y réfléchit, tous les secteurs et toutes les sociétés ne sont pas exposés de la même façon aux risques ESG.

Par exemple, dans le cas d’une société de télécommunications, ses principaux risques pourraient être liés à la gestion des données, à la protection des renseignements personnels ou à la sécurité de l’information, à l’équité d’accès au réseau pour les clients, à sa politique financière ou encore à d’autres types de risques. Maintenant, dans un autre secteur comme celui de la production d’énergie, les principaux risques pourraient être davantage liés à la sécurité, à la conformité réglementaire, aux émissions ou aux actifs délaissés.

Et, même au sein d’un secteur donné, l’importance relative peut également varier. Par exemple, l’importance des critères de gouvernance peut considérablement varier d’un émetteur à un autre, au sein d’un même secteur. De même, vous pouvez effectuer une évaluation du risque pour une société et obtenir des résultats très différents de ceux obtenus pour une autre, bien que les deux sociétés exercent leurs activités dans un même secteur. D’après notre expérience, on peut évaluer l’importance relative globale en répondant à quelques questions.

Nous commençons par nous demander quels sont les risques ESG auxquels est confronté le secteur, ou l’industrie, dans lequel la société exerce ses activités. Nous cherchons ensuite à cibler les risques ESG qui sont propres à l’émetteur lui-même. Comme mentionné plus tôt, chaque société est vraiment unique, c’est la raison pour laquelle les risques ESG peuvent différer d’un émetteur à l’autre, bien qu’ils appartiennent au même secteur.

Puis nous examinons les options dont dispose l’émetteur pour atténuer les risques propres au secteur, puis les risques propres à l’émetteur. Enfin, nous nous demandons si l’approche retenue par la direction pour atténuer les risques ou si les mesures qu’elle a prises en ce sens améliorent vraiment et réellement la viabilité de l’entreprise à long terme. Nous validons en quelque sorte la pérennité de son modèle d’affaires.

Cette dernière question est très importante et nous devons sans cesse l’avoir à l’esprit, même en présence d’équipes de direction très compétentes. En effet, les efforts fournis par l’émetteur pour atténuer les risques pourraient ne pas réduire fondamentalement les risques sous-jacents pour l’entreprise, et ce, malgré la quantité d’efforts déployés ou l’excellence de son équipe de direction. Prenons l’exemple suivant : pour un émetteur donné, ce qui nous préoccupe c’est le risque d’actifs délaissés, mais la direction concentre plutôt ses efforts sur l’amélioration de l’information ESG. Par conséquent, bien que nous serions évidemment ravis de ces progrès en matière d’information publiée, nous n’aurions pas l’impression que les mesures prises par la direction répondent à nos préoccupations les plus sérieuses et les plus importantes à l’égard de cette société. Lorsque nous passons en revue les critères ESG, nous essayons vraiment de comprendre ce qui peut menacer la viabilité de la société sur le long terme, puis de déterminer les options dont la direction dispose, le cas échéant.

Merci, c’est parfait. Tout ce que tu as dit semble être applicable à la fois aux investisseurs en titres à revenu fixe et aux investisseurs en actions. Selon toi, existe-t-il des types particuliers de risques ESG qui concernent plus spécifiquement les investisseurs en titres à revenu fixe ?

Tu as raison. De façon générale, tous les fournisseurs de capitaux souhaitent investir dans des entreprises ayant des activités solides et qui sont gérées de façon très prudente sur le plan financier. Sur ce point, les deux types d’investisseurs se rejoignent. Toutefois, je pense qu’il y a bien un domaine dans lequel nous pourrions parfois avoir des positions différentes de celles de nos collègues des équipes Actions, ce serait celui de la gouvernance.

Les sociétés prennent parfois certaines mesures qui peuvent sembler ou être considérées comme favorables aux actionnaires. Il peut s’agir, par exemple, de la croissance rapide des dividendes, de rachats d’actions ou de l’augmentation de l’effet de levier. Mais évidemment, en respectant une certaine limite, car nos homologues des équipes Actions ne voudraient pas non plus que l’une de leurs sociétés se retrouve exclue du marché des capitaux d’emprunt. Pour nous, il est important que les sociétés soient prudentes dans la gestion de leur bilan, qu’elles s’engagent fermement à maintenir ou améliorer leurs cotes de solvabilité et à atteindre leurs cibles de levier financier, et qu’elles soient globalement transparentes sur leurs priorités en matière d’utilisation de leurs capitaux. Si des titres de créance sont émis, nous voulons que le produit de cette émission serve à soutenir la compétitivité globale de l’entreprise ou à améliorer son modèle d’affaires, et non à financer les rendements offerts aux actionnaires. Nous avons également rencontré des cas où l’émetteur avait tendance à adopter une politique financière trop stricte et risquait finalement de subir des pressions de la part de ses actionnaires.

Je pense que ce point est très intéressant et très important. Il n’existe pas réellement de démarche unique pour analyser les critères ESG. Changeons maintenant un peu de perspective. Je sais que l’équipe Titres à revenu fixe PH&N considère depuis longtemps qu’il est important d’analyser tout risque pertinent, qu’il s’agisse d’ESG ou d’autre chose, pour déterminer la durabilité et la solvabilité d’une société. C’est pourquoi nous avons toujours pris ces critères en compte. Au fil des ans, l’équipe a toutefois beaucoup travaillé pour améliorer le processus et le structurer davantage en ce qui concerne l’intégration de l’analyse des risques ESG dans nos recherches, nos décisions et la surveillance des titres de créance de sociétés de catégorie investissement. Tu pourrais peut-être nous en parler un peu, ainsi que nous présenter certaines des évolutions que l’équipe a apportées.

Oui, c’est tout à fait vrai. L’analyse des critères ESG n’est pas du tout un exercice nouveau pour nous. Notre équipe a toujours pensé qu’il était important d’être aussi exhaustif que possible dans toute analyse fondamentale de la solvabilité. Le travail nous le faisions déjà, même s’il y a encore quelques années, nous ne l’aurions pas nécessairement appelé « analyse des critères ESG ». Bien comprendre comment une société fonctionne a toujours été un élément clé dans notre travail de recherche.

Il a toujours été important pour nous de comprendre tous les risques majeurs, qu’il s’agisse d’un risque ESG ou d’un autre type de risque fondamental. Pour évoquer des sujets sur lesquels nous avons travaillés plus récemment, je dirais que notre équipe a officiellement défini son approche en matière d’évaluation des risques ESG et la façon dont cette évaluation est présentée et s’intègre dans notre analyse globale de la solvabilité et les rapports de solvabilité que nous produisons.

Nous avons également élaboré un cadre interne de cotation ESG pour les obligations de sociétés, les obligations quasi gouvernementales et les obligations d’État. Tous ces éléments peuvent avoir et ont certainement une incidence sur nos cotes globales internes de solvabilité. Par ailleurs, nous avons la chance de collaborer avec l’équipe Investissement responsable de RBC Gestion mondiale d’actifs. Cette équipe réalise un énorme travail pour suivre les tendances sectorielles et l’évolution de la réglementation, ainsi que faire partager les meilleures pratiques. Toutes ces informations sont en effet mises à la disposition de toutes les équipes des placements dans la plateforme de RBC GMA. L’équipe de RBC GMA aide également à calculer les valeurs des paramètres ESG au sein des portefeuilles.

Dans les autres faits notables que je devrais probablement souligner sur les ESG, c’est que de manière générale, le marché est beaucoup plus sensibilisé au risque ESG. La plupart des émetteurs avec lesquels nous discutons ont développé leurs propres stratégies de durabilité, ou bien ont commencé à publier des données ESG. Certains ont même commencé à émettre des obligations de type ESG.

Cette prise de conscience globale au sein du marché et cette compréhension et reconnaissance des risques ESG nous ont certainement permis d’avoir des discussions plus enrichissantes avec les sociétés. Nous sommes très fiers d’avoir pu établir ce dialogue. Nous pouvons ainsi discuter de manière ouverte et transparente avec les équipes de direction sur les mesures qu’elles comptent prendre pour gérer les risques ESG, sur les informations ESG qu’elles publient, sur leurs réussites ou sur certains des défis qu’elles rencontrent.

Dans certains cas, nous avons également été activement impliqués dans les discussions avec les émetteurs en vue d’établir leurs stratégies initiales de durabilité ou de réviser ces stratégies pour y intégrer des faits nouveaux, voire d’introduire des obligations de type ESG sur le marché. Et peut-être enfin un dernier point. Au cours de ces dernières années, nous avons lancé une série de fonds soumis à des contraintes très spécifiques liées aux critères ESG. Ces contraintes figurent explicitement dans les restrictions du mandat de placement.

D’accord, merci. Parmi les sujets que tu as évoqués, il y en a plusieurs que je souhaiterais approfondir. Le premier serait le cadre interne de cotation ESG que tu as mentionné. Peux-tu nous en dire un peu plus et nous expliquer son fonctionnement ?

Bien sûr. Nous établissons des cotes internes de solvabilité depuis très longtemps. En transposant cette idée de cotes aux critères ESG, nous avons pensé que nous devrions également définir une échelle interne de cotation ESG.

Nous aurions pu définir cette échelle entre n’importe quels nombres, cela aurait pu être entre 0 et 10, ou entre -5 et 5. Nous avons retenu une échelle entre -1 et +3. -1 est la cote attribuée aux émetteurs à risque ESG élevé, et +3 est la cote généralement attribuée aux émetteurs qui exercent des activités dans les secteurs du logement, de l’éducation, des soins de santé, des énergies renouvelables ou d’autres types d’infrastructures sociales ou essentielles. Cette cote est attribuée après avoir effectué une analyse très approfondie du secteur et de l’émetteur, de tous les renseignements et rapports accessibles au public ainsi que des discussions avec les agences de notation financière et, bien sûr, avec l’équipe de direction de l’émetteur.

Pour comprendre comment nous attribuons cette cote, il faut revenir aux questions que nous avons évoquées plus tôt, à savoir : Quels sont les risques ESG dans ce secteur ? Quels sont les risques ESG propres à l’émetteur ? Et l’émetteur peut-il vraiment atténuer ces risques de manière significative ?

Prenons l’exemple suivant : si nous considérons qu’un secteur présente généralement un risque ESG faible, un émetteur pourrait recevoir en moyenne une cote de +2, ou peut-être même une cote de +3. Toutefois, compte tenu des préoccupations majeures de gouvernance que nous avons à l’égard de cette société, nous pourrions finalement abaisser cette cote à -1. La cote attribuée varie donc selon la société et selon le secteur.

Lorsque nous effectuons notre analyse du risque, nous essayons vraiment de déterminer dans quelle mesure les risques ESG sont atténués. Nous essayons de porter notre attention sur les efforts qui préservent la viabilité à long terme de cette entreprise ou qui assurent sa compétitivité, car ce qui nous préoccupe en fin de compte, en tant que détenteurs d’obligations, c’est d’être remboursés. Par conséquent, nous n’accorderions probablement pas beaucoup d’importance au fait que la société a globalement bien conscience des risques ESG ou que l’information ESG qu’elle publie est bien présentée. Une fois que nous aurons attribué la cote de risque ESG, celle-ci sera alors automatiquement reportée dans notre calcul de cote globale interne de solvabilité. Elle aura une incidence sur le calcul de la cote interne de solvabilité que si elle affiche des valeurs extrêmes. En cas de cote ESG très faible, la cote interne de solvabilité pourrait être abaissée. En cas de cote ESG très élevée, la cote interne de solvabilité pourrait être relevée.

Pour conclure peut-être ce sujet, je dirais qu’en tant qu’investisseurs en obligations, nous pourrions acheter des titres de créance à très long terme, comme des obligations à 30 ans. C’est pourquoi nous devons être fermement convaincus que l’émetteur sera en mesure de rembourser ces obligations ou de les refinancer à l’échéance.

Très bien. C’est parfait. J’ai une dernière question, sur un point que tu as un peu abordé : si un émetteur reçoit une cote de -1, est-ce que nous exclurions automatiquement ses titres ? D’après tes explications, je pense que la réponse est « non ». Comment cette cote influence-t-elle notre décision de conserver ou non ce titre ? Par exemple, serions-nous moins enclins à maintenir ce titre en portefeuille ?

Non, nous n’exclurions pas cet émetteur, mais cela dépendrait bien sûr du mandat associé. Si vous appliquez une stratégie dont le mandat de placement stipule expressément que le secteur auquel appartient cet émetteur n’est pas autorisé, ou encore si les restrictions du mandat imposent une cote ESG donnée, alors cet émetteur serait exclu. En revanche, pour les mandats généraux qui ne comportent pas de restrictions ESG précises, la décision repose finalement sur l’évaluation du rapport risque-rendement.

Comme pour d’autres facteurs fondamentaux, notre analyse ESG évalue la nature des risques ESG et s’ils sont suffisamment atténués, que nous soyons à l’aise ou non d’être exposés à de tels risques. Et si nous le sommes, recevons-nous une rémunération suffisante pour assumer ces risques ? En fin de compte, c’est quelque chose que nous disons beaucoup à nos clients. Notre responsabilité fiduciaire envers nos clients est finalement de maximiser les rendements de leurs placements sans risque de perte indu.

Donc, à moins que le mandat de placement ne nous l’interdise, le simple fait qu’un émetteur ou qu’un secteur présente un risque ESG ou tout autre risque fondamental ne suffirait pas à nous contraindre de l’exclure tant que nous estimons que nous recevons une rémunération adéquate et attrayante pour assumer ce risque dans le portefeuille.

Cela nous semble très sensé. Le prochain sujet que je souhaite aborder est le dialogue avec la direction. Tu l’as mentionné plus tôt, c’est une chose dont l’équipe est très fière. Il s’agit d’un engagement plus général à RBC et c’est pour nous un sujet très important au sein de l’investissement responsable. En effet, il peut par exemple aider à évaluer si un émetteur gère efficacement les risques ESG.

Pour les investisseurs en actions, ce dialogue s’instaure de façon assez simple, puisqu’en tant qu’actionnaires, les gestionnaires de fonds peuvent avoir une influence sur les sociétés en exerçant leurs droits de vote et en participant aux assemblées des actionnaires. En revanche, pour les investisseurs en titres à revenu fixe, ce dialogue ne semble pas aussi évident. Alors, comment l’équipe Titres de créance de sociétés communique-t-elle avec la direction sur les enjeux ESG ? Vos équipes ont-elles observé de quelconque progrès grâce à ces efforts de communication ?

Nous croyons fermement que le dialogue est un outil très important dans notre analyse fondamentale de la solvabilité. En tant que détenteurs d’obligations, nous demeurons des fournisseurs essentiels de capitaux pour les sociétés. Et bien que nous ne puissions pas voter par procuration, nous avons toujours un accès direct à la direction pour leur faire part et discuter de nos réflexions ou de nos éventuelles préoccupations. Dans le cadre de notre travail, nous sommes en mesure de dialoguer avec la direction, que ce soit de façon régulière ou lorsqu’un événement important se produit. Dans les sociétés, il nous a toujours été possible d’accéder rapidement à des membres de la haute direction afin de leur poser des questions ou leur faire part de nos éventuels commentaires. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles on pourrait vouloir communiquer avec la direction. En premier lieu, nous dialoguons avec les dirigeants durant notre processus de recherche sur le crédit ou nous les sollicitons de façon ponctuelle pour mieux comprendre leur approche en matière de gestion des risques ESG et d’autres risques fondamentaux.

Au cours de ces discussions, nous pouvons leur demander de prendre certaines actions et de répondre à ces risques. Je peux citer de nombreux exemples des demandes que nous avons faites. Par le passé, nous avons demandé à la direction, entre autres, de s’engager à mener une politique de gestion du bilan prudente ou de diversifier les activités de la société pour se prémunir contre un éventuel risque d’actifs délaissés. Nous avons également encouragé les sociétés à obtenir d’autres cotes de solvabilité, à chercher à améliorer leurs relations avec les autorités réglementaires ou leur transparence.

En outre, nous avons étroitement collaboré avec les sociétés à l’élaboration d’un cadre pour leurs émissions d’obligations de type ESG. Enfin, nous sommes assez chanceux d’être invités par les émetteurs eux-mêmes à participer à des appels ou à des réunions avec les sociétés ou les consultants qu’ils ont embauchés pour établir leurs stratégies initiales de durabilité ou pour mettre à jour leurs stratégies actuelles afin d’y intégrer tout nouvel enjeu important qui aurait été identifié. Nous pensons que ces relations de type partenarial, que nous avons vraiment développées et entretenues pendant de nombreuses années avec les émetteurs au sein de notre univers de placement, ont été incroyablement enrichissantes. Ces discussions nous ont permis d’acquérir une compréhension bien plus approfondie et plus complète des sociétés dans lesquelles nous investissons finalement au nom de nos clients.

C’est vraiment rassurant de t’entendre parler de dialogue. On sent clairement que ce sujet te passionne. Cela témoigne de la qualité du contrôle diligent que toi et l’équipe mettez en place au nom des clients.

Avant de clore notre discussion, il y a encore un sujet que j’aimerais approfondir. Tu en as parlé à plusieurs reprises déjà, il s’agit des « obligations de type ESG ». Ces obligations comportent des objectifs ESG ou de durabilité précis. Il y a quelques années, il n’existait que des obligations vertes. Aujourd’hui, il existe une gamme complète d’obligations de type ESG. Peux-tu nous décrire brièvement ce que sont ces obligations ainsi que les différents types qui existent ?

Oui, bien sûr. Les obligations de type ESG se sont considérablement développées ces dernières années. Peut-être juste pour resituer les choses, la première obligation verte canadienne a été émise par Exportation et développement Canada en 2014. La Banque TD a suivi peu de temps après, également en 2014, et elle a été la première société à émettre une obligation verte. Depuis lors, nous avons assisté à l’émission d’un certain nombre d’obligations dites de type ESG. Il y a eu les obligations sociales, les obligations durables puis les obligations liées au développement durable. Nous les avons vues entrer sur le marché. En 2023, les émissions d’obligations de type ESG libellées en dollars canadiens ont représenté 25 milliards de dollars. J’ai vérifié le chiffre ce matin. Ces émissions ont atteint près de 18 milliards depuis le début de l’année et également à ce matin, le montant des obligations de type ESG libellées en dollars canadiens en circulation s’élève à environ 121 milliards de dollars. Je peux peut-être répondre à ta question en deux temps. D’abord, que recouvrent en réalité ces obligations ? Puis, comment s’intègrent-elles dans les portefeuilles de nos clients ?

Pour commencer, on peut dire que les obligations de type ESG sont généralement divisées en deux catégories : les obligations basées sur l’emploi du produit et les obligations basées sur les principaux indicateurs de rendement. Dans le cas des obligations basées sur l’emploi du produit, les produits sont tracés et affectés au financement de projets admissibles, conformément aux dispositions du cadre publié et mis en place par l’émetteur. Les obligations basées sur l’emploi du produit comprennent les obligations vertes, qui peuvent être utilisées pour financer des projets d’énergies renouvelables ou tout autre projet d’activités vertes. Elles incluent également les obligations sociales, qui peuvent servir à financer la construction de logements sociaux ou faire progresser les droits des minorités. Elles comprennent enfin les obligations durables, dont l’emploi des produits peut servir à poursuivre soit un objectif vert, soit un objectif social.

La deuxième catégorie correspond aux obligations de type ESG qui sont basées sur les principaux indicateurs de rendement. Les produits peuvent être employés pour tout type de projets, y compris pour financer des activités non compatibles ou traditionnellement considérées comme non compatibles avec les critères ESG. En revanche, l’émetteur s’engage véritablement à réaliser des progrès mesurables en matière d’ESG et à payer une pénalité, en cas d’échec. Les obligations liées au développement durable sont donc un type d’obligations basées sur les principaux indicateurs de rendement. Ces indicateurs peuvent comprendre des critères comme la réduction de l’intensité des émissions ou une meilleure représentation de la diversité au sein de la direction ou des conseils d’administration. Pour ces titres basés sur les principaux indicateurs de rendement, une des difficultés est qu’il faut évaluer l’importance relative à accorder aux indicateurs choisis ainsi que déterminer si le fait de réussir ou non à améliorer ces indicateurs répond réellement aux risques ESG les plus significatifs pour cette société. L’autre difficulté associée à ces obligations est d’évaluer les objectifs qui ont été fixés pour ces indicateurs. Sont-ils réellement suffisamment ambitieux ?

Je clos ainsi cette première partie d’explication sur les obligations de type ESG. Maintenant, en ce qui concerne la façon dont elles s’intègrent dans les portefeuilles des investisseurs, je dirais que c’est un sujet complexe sur lequel il y aurait beaucoup de choses à dire. Nous pourrions probablement faire un autre balado sur ce thème pendant encore 30 ou 40 minutes. Je dirais simplement que les obligations de type ESG devraient vraiment être traitées au cas par cas, et qu’une analyse fondamentale devrait être réalisée, que vous achetiez une obligation de type ESG ou une obligation classique. Toutefois, dans le cas des obligations de type ESG, il est également important d’évaluer certains facteurs, comme la solidité du cadre qui définit l’emploi des produits, la convenance de ces obligations pour chaque portefeuille client ou l’affectation actuellement prévue des produits. Nous pouvons discuter de ces sujets avec la direction dans le cadre du processus associé à cette nouvelle émission. Il faut également tenir compte de tout risque d’écoblanchiment et de la présence d’une « prime verte » (ou « greenium »). Cette prime verte correspond au supplément de prix qu’un investisseur doit payer pour ces obligations de type ESG par rapport aux obligations classiques de l’émetteur. Par conséquent, si une obligation intègre une prime verte, nous devons nous demander si cette prime est réellement justifiée.

Par ailleurs, on nous demande souvent si les obligations de type ESG conviennent de manière systématique aux mandats comportant des contraintes ESG précises. Et notre réponse est non, car il faut évaluer ces obligations au cas par cas. Par ailleurs, notons qu’il est assez courant de voir que certaines des opérations les plus compatibles avec les critères ESG se réalisent sur le marché des placements privés.

Pensez au financement d’un projet d’énergie renouvelable, il s’agit d’investir directement dans un actif vert, ou au financement d’un hôpital. Pour ces opérations, les obligations émises ne sont généralement pas présentées comme des obligations de type ESG. Elles sont souvent émises comme des obligations classiques ou ne portent pas l’appellation « ESG ». Pour conclure peut-être ce sujet, je peux vous dire que notre équipe a rédigé un document d’introduction aux obligations de type ESG qui pourrait intéresser nos auditeurs.

Merci, c’est parfait. En plus de cette Introduction aux obligations de type ESG, notre équipe a également récemment publié un document sur l’intégration des critères ESG aux titres de créance de sociétés de catégorie investissement. Aussi, je vous encourage à consulter ces deux documents si vous souhaitez approfondir les sujets que nous avons abordés aujourd’hui. Anna, merci beaucoup d’avoir pris le temps d’être avec nous dans ce balado aujourd’hui.

Vous avez une telle maîtrise de ces sujets, et je suis heureuse que nous ayons pu en faire profiter nos auditeurs.

Au plaisir ! Merci beaucoup de m’avoir invitée.

Ce contenu est fourni à titre indicatif seulement et ne constitue pas des conseils financiers, fiscaux, juridiques ou comptables et ne doit pas être considéré comme tel. Ni PH&N Institutionnel ni aucune de ses sociétés affiliées n’acceptent de responsabilité en cas de perte ou de dommage découlant de l’utilisation de l’information contenue dans ce balado. Dans certains cas de stratégies de placement quantitatif, de stratégies passives et de stratégies de tiers gérées par des sous-conseillers, RBC Gestion mondiale d’actifs n’entretient pas de dialogue direct avec les émetteurs.

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Conférencier :

Anna Temple, gestionnaire de portefeuille, équipe Titres à revenu fixe PH&N, RBC Gestion mondiale d’actifs Inc.

Animé par :

Haley Hopwood, gestionnaire de portefeuille institutionnel, PH&N Institutionnel

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Déclarations

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