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Revenons deux milliards d’années en arrière…

Il n’y a pratiquement pas eu d’oxygène sur Terre durant la moitié de son existence. Puis, il y a deux milliards d’années, des bactéries uniques – les cyanobactéries (aussi appelées algues bleu-vert ) – ont commencé à faire de la photosynthèse, dont l’oxygène est un sous-produit. C’était une évolution véritablement unique : aucune autre forme de vie n’a jamais auparavant ou depuis réalisé le même exploit. De fait, les arbres et les plantes s’appuient sur les cyanobactéries pour la photosynthèse 1, et c’est ce qui explique pourquoi les arbres sont verts.

Cependant, l’oxygène a pour inconvénient d’être hautement réactif et corrosif. À tel point qu’à l’époque où l’oxygène s’est accumulé dans l’atmosphère, la plupart des espèces terrestres ont été anéanties. C’est la nature réactive de l’oxygène qui fait du dioxyde de carbone (CO2) un tel problème aujourd’hui.

Quand la chimie remonte au secondaire

Je dois confesser que je n’ai jamais vraiment compris les chiffres sur le CO2 – il m’était difficile de concevoir une tonne de CO2 comme une menace. À partir de combien de tonnes devrais-je commencer à m’inquiéter ? Et à paniquer ?

La dernière fois que j’ai fait de la chimie, c’était au secondaire, aussi m’a-t-il fallu rafraîchir mes connaissances pour bien appréhender la question. Je décris à droite la façon dont je comprends le CO2, en le ramenant à un litre de pétrole.

Ce qui ressort clairement de cet exemple est que nous générons collectivement beaucoup de CO2. Ma voiture contient 50 litres d’essence, soit 115 kg de CO2. Ce carburant doit être extrait du sol, transporté, raffiné, puis acheminé par camion au poste à essence. Le carbone s’accumule vite.

La combustion d’un litre de pétrole en chiffres…

Un litre de pétrole pèse 0,75 kg, mais génère 2,3 kg de CO2 lors de sa combustion. Comment expliquer ce phénomène ?

Avant tout, rappelons qu’un litre de pétrole est constitué à 87 % de carbone pur et contient donc 0,64 kg de carbone.

Lorsqu’un moteur d’un véhicule brûle ce carbone, chaque atome de carbone réagit instantanément avec l’oxygène présent dans le cylindre, en se combinant à deux atomes d’oxygène pour créer une molécule de CO2. Les chiffres indiqués dans les cases ci-dessous désignent la « masse atomique » des atomes. On peut voir que l’oxygène est plus lourd que le carbone.

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Notre atome de carbone (masse = 12) attire donc deux atomes d’oxygène (masse = 16 × 2, soit 32). Par conséquent, 0,64 kg de carbone attire 1,7 kg d’oxygène (0,64/12 × 32), pour donner 2,3 kg de CO2.

Voici où ça devient intéressant. Le CO2 est un gaz et se disperse. Cette « masse » de 2,3 kg rend plus concrète la « quantité de matière dont on parle ». Si on congelait ce CO2, qui, accessoirement, compose la glace sèche que l’on utilise en spectacle pour produire de la fumée, on pourrait visualiser ces 2,3 kg de CO2.

On a donc bien généré 2,3 kg de CO2 ; ils sont simplement invisibles. Et on oublie vite ce que l’on ne voit pas. Si le CO2 était solide et tombait sur la chaussée, nous aurions probablement réagi beaucoup plus vite.

Soit dit en passant, nous mettons l’accent sur le carbone, alors que le véritable ennemi est l’oxygène, hautement réactif !

Gaz à effet de serre, CO2 et CO2e

Un gaz à effet de serre (GES) est un gaz présent dans l’atmosphère qui absorbe et ré-émet de l’énergie, avec pour effet de causer un réchauffement. Les GES les plus courants sont la vapeur d’eau, le CO2 et le méthane.

L’activité humaine génère principalement du CO2, d’où l’habitude d’employer le raccourci de langage CO2 pour désigner l’ensemble des GES, ce qui peut créer une certaine confusion.

On convertit aujourd’hui les gaz autres que le CO2 en équivalents CO2, ou éq. CO2, qui expriment la quantité de CO2 qui aurait une incidence équivalente en matière de réchauffement planétaire. Par exemple, le méthane émis par les bovins est puissant et a un facteur de conversion de 25 ; cela signifie que 1 kg de méthane correspond à 25 kg d’éq. CO2. Le recours aux éq. CO2 est utile, car il permet de regrouper tous les autres gaz sous un seul et même chiffre.

Émissions mondiales et régionales

L’estimation la plus courante de la quantité de CO2 émise annuellement par la combustion de combustibles fossiles dans le monde est de 37 milliards de tonnes 2. Un chiffre aussi grand est difficile à se représenter ; ramené à l’automobile, il correspond, très grossièrement, au CO2 qui serait émis si chaque personne sur la planète consommait un réservoir d’essence complet chaque semaine.

Ce chiffre ne représente que le CO2 émis par la combustion de combustibles fossiles – il faut y ajouter les émissions résultant de nombreuses autres activités humaines, comme l’agriculture, et y inclure tous les GES, et non uniquement le CO2. C’est ici que les équivalents CO2 trouvent leur utilité. L’estimation actuelle des émissions est de 55 milliards de tonnes d’éq. CO23.

Par ailleurs, il existe deux méthodes d’attribution de la responsabilité des émissions de CO2 : selon la « production » et selon la « consommation ». L’approche selon la production attribue les émissions résultant d’une activité économique au pays de production et tient compte de l’utilisation finale du produit, même s’il est exporté. En revanche, l’approche selon la consommation attribue les émissions au pays où le bien est consommé. On comprend que l’estimation des émissions selon la consommation implique de suivre les biens dans le monde entier. Lorsqu’un bien est importé, les émissions d’éq. CO2 s’ajoutent à celles du pays importateur et sont déduites de celles du pays exportateur.

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Évolution des émissions par régions

Le graphique ci-dessous montre la part couramment citée des émissions mondiales de CO2 résultant de la combustion de combustibles fossiles. La Chine est le principal émetteur, devant les États-Unis et l’Europe.

Évolution des émissions par régions

Source : www.ourworldindata.org/co2-emissions.

Intéressons-nous aux principaux émetteurs de CO2, indiqués sur le diagramme ci-dessus (qui ne porte que sur le CO2 et exclut les éq. CO2). Sans surprise, la Chine arrive en tête, devant les États-Unis ; à eux deux, ces pays sont responsables de plus de 40 % des émissions mondiales. Ce sont les pays eux-mêmes qui communiquent ces chiffres, à l’aide d’un cadre de travail initialement défini par le protocole de Kyoto.

Au niveau régional4, on observe que les émissions de CO2 étaient de 319 millions de tonnes pour le Royaume-Uni et de 372 millions de tonnes pour l’Australie en 2020. Pourquoi les émissions de l’Australie sont-elles plus élevées, alors qu’elle ne compte que la moitié de la population du Royaume-Uni?

Cela s’explique par l’approche selon la production, l’Australie exportant des quantités de charbon, de fer et d’autres minerais. Ces émissions sont imputées à l’Australie, et non au pays importateur. Ainsi, lorsque l’Australie extrait une tonne de charbon et l’exporte en Chine, les émissions correspondantes sont attribuées à l’Australie, et non à la Chine.

On peut dès lors se demander si le niveau élevé des émissions de la Chine est attribuable à sa production et à ses exportations ; la réponse est en partie oui. On a estimé 5 que les émissions du pays chuteraient de 14 % si on adoptait l’approche selon la consommation (ses exportations répondent à la demande d’autres pays). Les émissions de CO2 des États-Unis, importateur net, augmenteraient de 8 % si on se fondait sur la consommation. Les pays peuvent dans une certaine mesure diminuer leurs émissions déclarées en recourant à la « fuite de carbone », stratégie consistant à délocaliser leur production.

Le point de vue d’un investisseur en obligations

Les investisseurs en obligations attachent de plus en plus d’importance à l’évaluation du bilan (ou empreinte) carbone de leurs placements. Il est toutefois plus difficile d’évaluer le bilan carbone d’un portefeuille d’obligations que celle d’un portefeuille d’actions, et nous insistons sur ce point. Un détenteur d’actions connaît bien sa part de la « propriété » d’une entreprise donnée (et, dès lors, la proportion d’émissions dont il est responsable).

La fraction de « propriété » est plus discutable dans le cas des détenteurs d’obligations – une obligation représente juste un prêt d’argent à une société, qui peut emprunter davantage ou rembourser sa dette, ce qui modifie la contribution de l’investisseur en obligations à la dette totale ou à la valeur totale d’entreprise de la société.

Malgré cette difficulté, les investisseurs en obligations disposent de deux approches, chacune avec un angle différent, pour évaluer les émissions d’un portefeuille obligataire.

Approche fondée sur le risque

Une façon pour les investisseurs en obligations d’envisager la question de la fraction de propriété est de l’ignorer carrément et de définir d’autres mesures des émissions. L’« intensité » des émissions de carbone est un terme qui sert à décrire le calcul des émissions totales d’une société par unité de quelque chose (souvent 1 million de dollars US de ventes). Cela permet de normaliser l’intensité carbonique d’une société indépendamment de sa taille et facilite la comparaison de deux sociétés. Cette mesure est utile pour comparer l’efficience en matière d’émissions de deux émetteurs obligataires, surtout d’un même secteur d’activité.

Les investisseurs calculent également cette intensité pour l’ensemble d’un portefeuille, soit l’intensité moyenne pondérée des émissions de carbone. Ce calcul implique de multiplier l’intensité carbonique de chaque société en portefeuille par sa pondération (émissions totales par million de dollars US de ventes) comme dans l’exemple qui suit.

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Dans l’illustration, l’intensité moyenne pondérée des émissions de carbone du portefeuille s’établit à 36,4 tonnes d’éq. CO2 par million de dollars US de ventes. Il est possible d’ajuster la pondération respective des obligations pour réduire ses positions dans les émetteurs à fortes émissions, puis de suivre les progrès au fil du temps. Cela permet de bénéficier d’un cadre de décision transparent. L’investisseur à la tête d’un portefeuille associé à un indice obligataire de référence peut aussi comparer l’intensité moyenne pondérée des émissions de carbone de son portefeuille à celle de l’indice de référence.

Approche selon les émissions financées

Cette approche permet à un investisseur en obligations d’évaluer sa part de la propriété d’une société pour calculer la fraction des émissions que son placement à financées. La méthode de calcul est indiquée ci-dessous ; elle nécessite d’estimer la valeur totale d’un émetteur donné, ce qui se fait en totalisant ses capitaux propres, sa dette et ses liquidités (valeur de l’entreprise [VE] avec liquidités).

Cette approche a pour avantage de permettre à l’investisseur d’évaluer les émissions absolues associées à son portefeuille. Il peut le faire pour l’ensemble d’un placement donné, ou de façon normalisée par valeur d’actif, en calculant les émissions d’éq. CO2 par tranche de 100 millions de dollars US placés (ou parfois par million de dollars US placé).

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Émissions des entreprises

Les sociétés sont de plus en plus tenues de déclarer leurs émissions, et la véracité de leurs estimations s’est nettement améliorée ces dernières années. Un investisseur veut avant tout comprendre deux choses : les niveaux courants des émissions et le rythme des déplacements. Comme nous le verrons, même l’estimation des émissions d’une société est difficile, car on trouve du carbone en toute chose, du carburant des automobiles et camions aux fauteuils de bureau, en passant par les stylos, les trombones et le papier hygiénique.

Les estimations des émissions dépendent de ce que l’on prend en compte, et le cadre de travail utilisé à cette fin comporte une cascade d’éléments à inclure, chacun avec un « périmètre » élargi :

  • Périmètre 1 : Émissions directes attribuables à des activités appartenant à la société déclarante ou contrôlées par elle (automobiles, camions, etc.)
  • Périmètre 2: Émissions indirectes attribuables à la production de l’énergie électrique, de chauffage et de refroidissement consommée par l’entreprise.
  • Périmètre 3 : Émissions indirectes non déjà prises en compte produites dans la chaîne de valeur, en aval et en amont (trajets quotidiens des employés, utilisation des produits vendus, etc.).

Dans le périmètre 3, l’inclusion de l’utilisation des produits vendus a de larges implications pour certaines entreprises, car elle leur attribue les émissions associées à l’utilisation finale des produits qu’elles créent. Par exemple, bien que les sociétés pétrolières génèrent des GES en raffinant des combustibles, la majeure partie des émissions découle de l’« utilisation des produits vendus » ; leurs émissions du périmètre 3 peuvent dès lors être considérables.

L’intensité carbonique n’intègre souvent aujourd’hui que les émissions des périmètres 1 et 2. L’établissement des chiffres du périmètre 3 pose des difficultés importantes, même si on fait actuellement de nombreux efforts à cet égard.

La réglementation varie d’un pays à l’autre. Si on prend l’exemple du Royaume-Uni, les sociétés cotées en bourse ont l’obligation de déclarer leur intensité carbonique et les sociétés sont auditées, de sorte que les résultats soient à la fois rigoureux et fiables. La publication des émissions du périmètre 3 est pour le moment volontaire. On peut voir à droite deux exemples de données à l’échelle d’une société.

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Exemple : comparaison de l’intensité carbonique d’un fournisseur d’énergie et d’une banque

Commençons par le fournisseur d’énergie, et prenons pour ce faire l’exemple de BP. BP publie ses émissions des périmètres 1 et 2, comme illustré ci-dessous.

Émissions de BP, en millions de tonnes d’éq. CO2

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Source : bp.com

Le graphique ci-dessus montre ses émissions des périmètres 1 et 2 et exclut donc les émissions liées à l’utilisation finale de ses produits. BP estime à 307 millions de tonnes d’éq. CO2 ses émissions du périmètre 3. L’autre mesure intéressante est l’intensité carbonique, que la société estime à 251 tonnes d’éq. CO2 par M$ US de ventes. Ces chiffres ont été estimés et publiés par BP, ce qui limite le risque d’observer des variations importantes entre différents fournisseurs de données.

Comparons BP à une banque, et prenons le cas de Barclays. Les chiffres des périmètres 1 et 2 sont très inférieurs pour les banques, comme le montre le diagramme ci-dessous. Barclays affiche actuellement des émissions annuelles de 0,02 million de tonnes d’éq. CO2, ainsi qu’une intensité carbonique de 4,7 tonnes d’éq. CO2 par M$ US de ventes.

Émissions de Barclays, en millions de tonnes d’éq. CO2

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Source : Barclays.com

On observera la différence d’échelle entre les deux graphiques. Les émissions du périmètre 3 sont toutefois souvent importantes pour les banques, car leurs prêts engendrent des émissions. Barclays estime à 286 millions de tonnes de CO2 les émissions qu’elle finance – ce qui est infiniment supérieur aux émissions attribuables au fonctionnement de la banque comme tel !

Nota : l’exemple ci-dessus est présenté dans un but purement indicatif et ne constitue en rien une offre ou une recommandation d’achat ou de vente de titres ou de produits de placement.

Émissions et évaluations selon les critères ESG

L’environnement n’est qu’un des critères ESG, et les émissions ne sont elles-mêmes qu’un aspect à prendre en compte par l’investisseur pour évaluer les résultats environnementaux globaux d’un émetteur d’obligations. La question qui en découle naturellement est de déterminer l’incidence des émissions dans le volet « E » du sigle ESG, ainsi que le poids de ce volet dans la note ESG globale.

Il est facile de répondre que la pondération globale accordée aux émissions dans une note ESG varie probablement, notamment selon le secteur d’activité.

La plateforme des placements à revenu fixe BlueBay informe ses clients des caractéristiques ESG de leurs placements sous deux angles : un angle exclusif et un angle externe. Elle fait appel à une série de fournisseurs externes de données ESG. On peut voir ci-dessous l’importance qu’accorde aux émissions un important fournisseur de données dans ses calculs ESG globaux. Ici encore, nous comparons un fournisseur d’énergie à une banque, même si les pondérations retenues pour rétablir la note sont différentes d’une entreprise à l’autre. Par exemple, la pondération des sociétés du secteur de l’énergie varie selon leurs activités particulières.

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On accordera intuitivement à l’environnement (E) une pondération plus forte pour le fournisseur d’énergie que pour la banque. Dans le cas de l’entreprise énergétique, les émissions de carbone comptent pour 14 % de la note ESG totale, alors que les émissions de produits toxiques comptent pour 13 % supplémentaires.

Soulignons que, même si elle traduit l’évolution du niveau d’émissions au fil du temps et permet de comparer les émissions d’une entreprise à celles des autres entreprises de son secteur, la note ESG ne tient pas compte du niveau absolu des émissions. Une société du secteur de l’énergie peut-elle afficher une note « E » supérieure à celle d’une société d’un autre secteur ? Oui.

Les émissions de la banque ne contribuent quant à elles pas directement à la note ESG globale, aussi l’incidence sur l’environnement des pratiques en matière de prêts est-elle pondérée à 13 %.

Portefeuilles d’obligations d’État

Le calcul des « émissions financées » a toujours été problématique dans le cas des obligations d’État, car les États se financent eux-mêmes au moyen d’emprunts, de reçus fiscaux et d’autres mesures. Différentes méthodes permettent d’y parvenir. L’organisme PCAF6 a publié un rapport proposant une approche qui pourrait être appelée à se généraliser.

Il est aujourd’hui courant de suivre une approche fondée sur le risque, où, de la même façon que pour les obligations de sociétés, nous normalisons les résultats des pays en rapportant les émissions à certaines grandeurs de référence, généralement le PIB ajusté selon la parité des pouvoirs d’achat ou la population. Le terme intensité reste de mise, et nous parlons ici d’« intensité carbonique de l'État ». Les mesures suivantes sont couramment employées :

  • Intensité des émissions par rapport au PIB (tonnes d’éq. CO2 par M$ US de PIB)
  • Intensité des émissions par rapport à la population (tonnes d’éq. CO2 par habitant)

Combinaison des obligations de sociétés et d’État

Il est impossible de comparer l’intensité carbonique d’une société et celle d’un pays, car les méthodes de mesure diffèrent (p. ex., selon les ventes pour les sociétés, selon le PIB ou la population pour les États). Supposons qu’un investisseur veuille améliorer le bilan carbone global d’un portefeuille composé d’obligations de sociétés et d’État. Si les méthodes de mesure sont différentes, sur quel cadre s’appuyer pour prendre des décisions?

Il n’y a pas de réponse simple. Il est souvent difficile pour un investisseur de déterminer si vendre une obligation de société pour acheter une obligation d’État, ou inversement, améliore vraiment son bilan carbone dans la réalité. La plupart des portefeuilles obligataires sont toutefois associés à des indices obligataires de référence utiles pour effectuer des évaluations comparatives, même si cela a ses limites. Les investisseurs évaluent généralement les obligations de sociétés de leur portefeuille par rapport à la composante d’obligations de sociétés de l’indice de référence, et procèdent de la même façon pour leurs obligations d’État. Cette démarche est largement ignorée lorsque la répartition des actifs du portefeuille diffère fortement de celle de l’indice de référence.

En fin de compte, le recours à des méthodes différentes de mesure de l’intensité carbonique pour les obligations de sociétés et d’État crée de la complexité.

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Transition énergétique et marchés obligataires

La transition des énergies carbonées aux énergies renouvelables telles les énergies éolienne, solaire et nucléaire sera longue et nécessitera des investissements phénoménaux. Pour les investisseurs en obligations, il s’agit là d’une occasion en or, car cette transition sera en grande partie financée par l’intermédiaire des marchés des titres de créances, émis tant par les États que par les sociétés. Bloomberg estime que la transition mondiale pourrait nécessiter pas moins de 173 000 milliards de dollars américains d’investissements en approvisionnements et infrastructures énergétiques d’ici 30 ans6. À titre comparatif, cela représente quelque six fois la dette nationale actuelle des États-Unis.

Le volume de matières premières et d’activité industrielle nécessaires pour réorienter notre dépendance envers le carbone est considérable. Un moyen courant de prendre la mesure des quantités que cela implique consiste à considérer la matière première nécessaire à la production d’un gigawatt d’électricité – ce qui suffit à alimenter environ 700 000 foyers (à titre de référence, la capacité de production d’électricité actuelle du Royaume-Uni est de 76 gigawatts).

L’illustration ci-dessous montre les principales matières premières nécessaires à la production de chaque gigawatt-heure de différentes énergies renouvelables7. D’énormes quantités d’aluminium, de cuivre, d’acier et de lithium seront indispensables, et l’extraction de ces matériaux, de même que les processus de fabrication, entraîneront une hausse des émissions mêmes que nous cherchons à réduire.

On pourrait soutenir qu’il s’agit d’émissions « souhaitables », car elles contribuent à résoudre le problème des changements climatiques. Certains investisseurs cherchent cependant à décarboner leur portefeuille et à réduire leurs positions dans ces secteurs, malgré l’importance d’une transition vers des énergies peu carbonées. Ainsi, l’organisme National Employment Savings Trust (Nest) du gouvernement britannique a pour politique de ne pas investir dans les infrastructures nucléaires, alors même que l’énergie nucléaire joue un rôle central dans la transition énergétique au Royaume-Uni.

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Compensation des émissions

Planter un arbre ne compense la combustion d’un combustible fossile aujourd’hui que si on adopte une optique de plusieurs dizaines d’années, car cet arbre ne commencera pas à stocker une quantité significative de carbone avant une dizaine d’années. Le principe fonctionne, mais les échelles temporelles sont fondamentalement décalées. La nécessité de trouver des solutions plus immédiates a poussé le secteur de la compensation carbone à proposer de nombreuses options, comme l’implantation de sources d’énergies renouvelables dans les pays émergents ou les pilules d’ail destinées à réduire les émissions de méthane des bovins. De façon très générale, la réglementation est encore peu abondante en matière de compensation des émissions, même si l’on peut s’attendre à ce que la question suscite une attention croissante et s’il conviendra de mettre l’accent sur les effets réels, plutôt que sur la comptabilité de la compensation.

Les sociétés semblent de plus en plus compenser par divers moyens au moins une partie de leurs émissions, généralement de façon volontaire, ce qui est assurément une bonne chose, mais ne saurait remplacer les stratégies de réduction des émissions. Avec le temps, l’attention croissante portée au type et à la qualité des modes de compensation permettra peut-être d’en améliorer l’efficacité (p. ex., le décalage temporel).

Évolution des niveaux moyens de CO2 dans le monde

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Source : National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) des États-Unis, Avril 2023

Carboneutralité

La Terre compte 8 milliards d’individus pour une superficie totale de 510 millions de kilomètres carrés, soit 16 personnes au kilomètre carré. Cette superficie comprend les océans, ce qui porte la densité à 53 personnes au kilomètre carré si on ne tient compte que des terres émergées. Il est important d’avoir ces chiffres en tête lorsque l’on évoque la carboneutralité, qui désigne l’idée de réduire les émissions pour stabiliser la concentration de CO2 indiquée dans le diagramme ci-dessus.

La carboneutralité, concept aussi appelé « zéro émissions nettes », désigne l’objectif visant à atteindre un « équilibre entre la quantité de gaz à effet de serre produite et la quantité retirée de l’atmosphère ». On compte pour ce faire réduire autant que possible les émissions et, d’une manière ou d’une autre, compenser les émissions résiduelles en retirant des gaz à effet de serre, essentiellement du CO2, de l’atmosphère.

Le Royaume-Uni vise la carboneutralité d’ici 2050, ce qui peut sembler lointain, mais qui, pour atteindre cet objectif dans 27 ans, nécessitera des bouleversements dans de nombreux secteurs d'activité et domaines de la vie. À l’heure actuelle, le pays émet annuellement 350 millions de tonnes of CO2 (sans l’agriculture). Il est impératif de réduire fortement les émissions si l’on souhaite avoir une chance réaliste d’atteindre la carboneutralité.

Le plus difficile : extraire le CO2 de l’atmosphère

Comme nous l’avons évoqué, l’arbre est un moyen miraculeux d’inverser les changements climatiques : il absorbe du CO2, rejette de l’oxygène pur et emmagasine le carbone pour longtemps. C’est exactement ce dont nous avons besoin. La plantation d’arbres est appelée à devenir une composante essentielle de l’effort mondial de stockage du carbone, même si les arbres sont loin de suffire pour nous permettre d’atteindre la carboneutralité d’ici au milieu du siècle.

Le concept de capture et stockage du carbone (CSC) devrait devenir de plus en plus familier à nos oreilles. Comme le nom le suggère, le CO2 est capturé par un procédé donné et stocké en dehors de l’atmosphère, souvent sous terre.

La quantité de CO2 capturée et stockée est négligeable à l’heure actuelle par rapport aux émissions mondiales de CO2, mais on assiste à l’essor rapide d’une industrie de la capture et du stockage de carbone qui met à l’essai différentes technologies à cet effet. Une difficulté fondamentale tient au fait que le CO2 n’est présent qu’à hauteur de 0,04 % dans l’air et qu’il faut en conséquence traiter d’énormes quantités d’air pour l’isoler, ce qui est très énergivore. Le développement efficace de cette activité est une frontière que l’on repousse sans cesse. Le gouvernement britannique a ainsi annoncé des projets visant à utiliser la mer du Nord pour capturer et stocker le carbone.

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En quoi la carboneutralité est-elle importante pour les détenteurs d’obligations ?

La vitesse à laquelle les pays ou les entreprises cherchent à atteindre la carboneutralité donne une idée de l’activité économique nécessaire pour atteindre les cibles en matière de climat. Le financement de ces initiatives pourrait s’effectuer en grande partie par l’intermédiaire des marchés obligataires ; les pays n’auront pas d’autre solution que les marchés des titres de créances, puisqu’ils n’émettent pas d’actions. De nouveaux secteurs de marché pourraient apparaître, notamment dans le domaine de la capture du carbone.

Couverture des données sur le carbone

La couverture des données sur les émissions de GES s’est grandement améliorée sur les marchés obligataires ces dernières années, même si certains secteurs du marché ne sont pas couverts. C’est notamment le cas pour les créances titrisées (titres adossés à des créances mobilières, titres garantis par des prêts, etc.). Ces titres représentent des « portefeuilles » comptant de nombreux instruments sous-jacents ; par exemple, un titre garanti par des prêts pourrait être adossé à 100 prêts sous-jacents, et il serait dès lors difficile de calculer les émissions résultantes.

En conséquence, on ignore généralement les créances titrisées dans le calcul des émissions d’un portefeuille. On écarte aussi les liquidités, les dérivés et les produits de change.

On trouve une couverture des émissions dans la plupart des autres domaines du marché ; on peut aussi utiliser des données indirectes raisonnables.

Dialogue – l’union fait la force

En tant que détenteurs d’obligations actifs, nous échangeons (dialoguons) régulièrement avec les équipes de direction des émetteurs obligataires. Une part croissante de ce dialogue porte sur la réduction des émissions, et les échanges individuels portent leurs fruits.

De plus, des gestionnaires de placements s’unissent au sein d’organisations comme Climate Action 100+ ou l’Emerging Markets Investors Alliance pour influencer collectivement les émetteurs. Un programme commun porté par des représentants désignés réduit le fardeau du dialogue pour les sociétés, en remplaçant les nombreuses réunions avec les différents gestionnaires, tandis qu’un regroupement de détenteurs d’obligations peut s’avérer influent. (Il n’existe encore aucun nom pour désigner collectivement un groupe de gestionnaires de placements obligataires, mais toute proposition est bienvenue.)

Écoblanchiment

Il est absolument exact que cette question intéresse beaucoup de gens, à commencer par les organismes de réglementation. Les émissions d’obligations visant à financer la transition énergétique représenteront une part importante de l’ensemble des émissions au cours de la prochaine décennie. Il sera essentiel de garantir la fiabilité des « références écologiques » des émetteurs d’obligations.

Intensité carbonique et sociétés du secteur de l’énergie

L’intensité carbonique pourrait ne pas toujours donner une bonne indication des améliorations ou, autrement, des émissions des sociétés du secteur de l’énergie. Ainsi, pour la mesure la plus courante, soit les émissions par M$ US de ventes, l’intensité carbonique diminuerait de moitié si les cours du pétrole doublaient – en ignorant tous les autres facteurs.

Les investisseurs peuvent avoir l’impression que les émissions de la société se sont nettement améliorées, alors que tout ce qui a changé est en fait le cours du pétrole. Étant donné la volatilité des prix de l’énergie, qui est de loin supérieure à celle de tous les autres secteurs, il est important de ne pas oublier cet aspect.

Double comptabilisation des émissions

Les émissions d’un pays comprennent celles de toutes les sociétés qu’il compte, et les émissions du périmètre 3 d’une société comprennent celles de l’ensemble des sociétés de sa chaîne d’approvisionnement. Les données sur les émissions posent de façon inhérente la question de la double comptabilisation, notamment pour les données du périmètre 3 d’une société, étant donné les chevauchements dans les chaînes d’approvisionnement. Les données sur les émissions du périmètre 1 isolent vraiment la société, même si le périmètre 2 lui impute des émissions produites par une autre société. Cela ne s’oppose pas à la qualité de l’analyse des données sur les émissions, même s’il y a lieu d’être attentif aux données.

Rapports aux investisseurs

Les données sur les émissions à l’échelle d’un portefeuille peuvent être complexes, et il peut dès lors être difficile de les présenter de façon claire pour les investisseurs sous-jacents. Nous avons à cœur de permettre à nos investisseurs de prendre de bonnes décisions à partir de l’analyse du bilan carbone de leurs portefeuilles. Comme nombre de gestionnaires d’actifs, nous améliorons et raffinons constamment nos méthodes.

À l’heure où de plus en plus de pays et de sociétés s’entendent sur des dates pour atteindre la carboneutralité et des plans provisoires de réduction des émissions, on observe une tendance à rendre compte des cibles liées au climat des émetteurs plutôt que de leur respect des objectifs climatiques. Cette tendance offre un regard prospectif précieux.

Finalement

Je vous quitte en vous offrant mon calcul rapide illustrant la minceur de la couche atmosphérique : si vous pouviez quitter la surface de la Terre et marcher verticalement à une allure moyenne, vous en traverseriez la moitié en 45 minutes. Surprenant, n’est-ce pas ?

La hausse des émissions de carbone est le principal facteur de changement climatique. Nous croyons donc qu’il est important de mesurer et de surveiller ces émissions au sein de nos portefeuilles pour gérer les risques liés au climat.

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L’intensité carbonique est souvent évaluée séparément pour les obligations de sociétés et les obligations d’État, car les méthodes de mesure diffèrent. Deux options sont possibles pour les portefeuilles d’obligations de sociétés : l’approche fondée sur le risque permet de mesurer l’efficacité carbone. La mesure des émissions financées permet d’évaluer les émissions en chiffres absolus, p. ex., les émissions pour 100 M$ US investis. En ce qui concerne les obligations d’État, on cherche à obtenir l’efficacité carbone en fonction du risque, généralement par des mesures par rapport au PIB ou par habitant.

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Déclarations

Le présent document est une communication marketing et peut être produit et publié comme suit : dans l’Espace économique européen (EEE), par BlueBay Funds Management Company S.A. (BBFM S.A.), qui est régie par la Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF). En Allemagne, en Italie, en Espagne et aux Pays-Bas, BBFM S.A. exerce ses activités aux termes d’un document relatif à l’établissement d’une succursale en vertu de la Directive 2009/65/CE concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières et de la Directive 2011/61/UE sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs. Le présent document est publié au Royaume-Uni par RBC Global Asset Management (UK) Limited (RBC GAM UK), qui est autorisée et régie par la Financial Conduct Authority (FCA) du Royaume-Uni, inscrite aux États-Unis auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC) et membre de la National Futures Association (NFA) autorisé par la Commodities Futures Trading Commission (CFTC) des États-Unis ; en Suisse par BlueBay Asset Management AG, dont le représentant et agent payeur est BNP Paribas Securities Services, Paris, succursale de Zurich, Selnaustrasse 16, 8002 Zurich (Suisse). Le lieu d’exécution des activités est le siège social du représentant. Les tribunaux du ressort du siège social du représentant suisse, ou du siège social ou du lieu de résidence de l’investisseur, sont compétents à l’égard des demandes concernant l’offre ou la commercialisation d’actions en Suisse. Le prospectus, les documents d’informations clés pour l’investisseur, les documents d’informations clés sur les produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance, le cas échéant, les statuts ainsi que tous les autres documents requis, comme les rapports annuels et semestriels, peuvent être obtenus sans frais auprès du représentant en Suisse ; au Japon par BlueBay Asset Management International Limited, qui est inscrite auprès du bureau local du ministère des Finances du Japon de la région de Kanto : en Asie par RBC Global Asset Management (Asia) Limited, qui est inscrite auprès de la Securities and Futures Commission (SFC) de Hong Kong : en Australie, RBC GAM UK est exemptée de l’obligation de s’inscrire à titre de cabinet de services financiers, conformément à la loi sur les sociétés se rapportant aux services financiers, puisqu’elle est régie par la FCA en vertu des lois du Royaume-Uni, lesquelles diffèrent des lois australiennes ; au Canada par RBC Gestion mondiale d’actifs Inc. (y compris par PH&N Institutionnel), qui est régie par chaque commission provinciale ou territoriale des valeurs mobilières auprès de qui elle est inscrite ; aux États-Unis par RBC Global Asset Management (U.S.) Inc. (« RBC GAM-US »), conseiller en placement inscrit auprès de la SEC. Les entités mentionnées ci-dessus sont collectivement appelées « RBC BlueBay » dans le présent document. Les inscriptions et les adhésions mentionnées ne doivent pas être interprétées comme une caution ou une approbation de RBC BlueBay par les autorités responsables de la délivrance des permis ou des inscriptions. Les produits, services ou placements mentionnés dans les présentes ne sont pas offerts dans tous les territoires, et certains le sont uniquement de manière limitée, selon les exigences réglementaires et légales locales.
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Publication : Juin 2023