Les consommateurs et les investisseurs sont sur la touche, car l’inflation extrêmement élevée entraîne une hausse rapide du coût de la vie et un resserrement monétaire engagé par les banques centrales. Les hausses de prix ont été plus importantes et ont duré plus longtemps que ce que la plupart des experts avaient prévu, en partie en raison des défis de la chaîne d’approvisionnement, de l’évolution rapide des demandes des consommateurs, de la guerre en Ukraine et des vents favorables persistants issus des mesures massives de relance monétaire et budgétaire déployées pendant la pandémie. Les banques centrales se trouvent maintenant dans une situation précaire où elles doivent resserrer leurs politiques monétaires de manière agressive pour contenir une situation problématique d’inflation élevée, alors que l’économie a déjà commencé à ralentir. La combinaison de hausses de taux agressives, d’un choc des prix des matières premières et d’une inflation élevée suggère que le risque de récession est plus élevé que d’habitude. Les estimations consensuelles pour la croissance continuent d’être revues à la baisse et celles pour l’inflation révisées à la hausse (figures 1 et 2). Nos propres prévisions sont plus pessimistes que la moyenne en ce qui concerne la croissance et supérieures à la moyenne pour l’inflation. Nous pensons toutefois que toute récession qui se produirait ne serait pas aussi grave ou dommageable que celles qui suivent la crise financière mondiale et la pandémie de COVID-19.
Figure 1 : PIB réel moyen pondéré selon les prévisions générales
Estimations de croissance des principaux pays développés
Nota : En date de juin 2022. Source : Consensus Economics
Figure 2 : IPC moyen pondéré selon les prévisions générales
Estimations d’inflation pour les principaux pays de l’OCDE
Nota : En date de juin 2022. Source : Consensus Economics
Les consommateurs et les entreprises manquent de confiance, mais les dépenses résistent jusqu’à présent
L’économie étant confrontée à divers vents contraires et à des perspectives très incertaines, les consommateurs et les entreprises se sentent assez pessimistes quant à leur avenir. L’University of Michigan Consumer Sentiment Index a atteint son niveau le plus bas depuis près d’un demi-siècle et se situe à des niveaux qui ont été associés par le passé à des récessions (figure 3). Il est intéressant toutefois de noter que les dépenses de consommation demeurent relativement robustes et continuent d’augmenter rapidement (figure 4). En ce qui concerne le milieu des affaires, la confiance des petites entreprises a également diminué, mais nous n’avons pas non plus constaté de baisse des ventes réelles (figure 5). Il serait inhabituel que ces mesures de confiance fondées sur des sondages soient à des niveaux aussi négatifs sans que les données sur les ventes réelles ne suivent leur cours. Nous croyons donc que les sondages laissent entrevoir un ralentissement économique à venir.
Figure 3 : Indice de confiance des consommateurs de l’Université du Michigan
Nota : Au 10 juin 2022. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 4 : Ventes au détail des États-Unis
Variation annuelle en % des ventes au détail et de services de restauration redressées
Nota : En date de mai 2022. Sources : Census Bureau des É.-U., RBC GMA
Figure 5 : Sondage auprès des petites entreprises américaines
Indice d’optimisme
Nota : Au 22 juin 2022. Sources : NFIB, BCA Research, Bloomberg, RBC GMA
Le marché du logement commence à souffrir de la hausse des taux d’intérêt
Le marché immobilier est un segment de l’économie qui est très sensible aux taux d’intérêt et il a commencé à montrer des signes de ralentissement à mesure que les coûts d’emprunt ont commencé à augmenter rapidement. Les prix des maisons ont grimpé en flèche pendant la pandémie, alors que les gens cherchaient de plus grands espaces pour travailler à la maison et apportaient d’autres changements à leurs conditions de travail et de vie. Les prix des maisons élevés ont été soutenus par des taux d’intérêt historiquement bas, mais le paysage des taux a évolué rapidement cette année. Aux États-Unis, les taux hypothécaires fixes à 30 ans ont bondi à 6 % en juin, comparés à 3 % au début de l’année, et l’accessibilité à la propriété n’a jamais été aussi mauvaise depuis 30 ans (figure 6). Bien que les prix de l’immobilier ne semblent pas avoir encore beaucoup baissé, les ventes de maisons et la construction ont commencé à diminuer au cours des derniers mois (figures 7 et 8).
Figure 6 : Indice d’accessibilité à la propriété
Revenu familial médian par rapport au revenu admissible à l’emprunt hypothécaire
Nota : Au 23 juin 2022. Sources : National Association of Realtors, RBC GMA
Figure 7 : Logement aux États-Unis : nouvelles unités de logements privés mises en chantier
Total des mises en chantier, maisons de ferme comprises (moyennes désaisonnalisées)
Nota : En date de mai 2022. Source : Bloomberg
Figure 8 : Logement aux États-Unis – reventes de maisons
Total des reventes de maisons
Nota : En date de mai 2022. Source : National Association of Realtors
L’inflation demeure problématique, mais pourrait atteindre un sommet
Certains signes indiquent que l’inflation extrêmement élevée d’aujourd’hui atteint un sommet. Alors que l’indice des prix à la consommation (IPC) américain progresse plus rapidement que jamais en près de quatre décennies, stimulé par les prix des denrées alimentaires et de l’énergie, l’IPC de référence, qui les exclut, diminue graduellement depuis son sommet de mars (figure 9). La mesure de l’inflation globale selon l’IPC pourrait également être proche de son sommet, étant donné que divers prix des produits de base ont connu une baisse importante par rapport à leurs sommets (figure 10). Le pétrole a chuté de 15 % après avoir atteint son sommet, le cuivre a chuté de 24 % et le bois d’œuvre a perdu 60 %. De plus, les attentes inflationnistes ont également chuté de leurs sommets, ce qui indique que les investisseurs pensent que le pire de la flambée de l’inflation a peut-être déjà eu lieu (figure 11). Même si l’inflation pourrait rester élevée au cours des prochains mois, tous les signes laissent croire que nous pourrions commencer à observer un soulagement important plus tard cette année et en 2023.
Figure 9 : IPC et IPC de base (hors alimentation et énergie) des États-Unis
Nota : Au 10 juin 2022. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 10 : Indice des marchandises Bloomberg
Nota : Au 23 juin 2022. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 11 : Point d’équilibre du taux d’inflation selon les obligations du Trésor américain
Nota : En date du 23 juin 2022. Sources : Bloomberg, RBC GMA
La Réserve fédérale procède à une hausse substantielle des taux et s’engage à lutter contre l’inflation
Même si l’inflation atteint un sommet à son niveau actuel, l’écart important entre la situation actuelle de l’inflation et celle que veut la Réserve fédérale est inacceptable. Cette divergence entraîne des hausses de taux d’intérêt à court terme anormalement importantes, comme l’augmentation de 75 points de base de la Réserve fédérale américaine, qui a atteint 1,75 % le 15 juin, lorsque le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a réitéré son engagement à ramener l’inflation à 2 %. M. Powell a mentionné que l’estimation de la Réserve fédérale d’un taux directeur neutre est de 2,5 %, ce qui signifie que, techniquement, la Réserve fédérale continue d’adopter une politique monétaire stimulante puisque le taux des fonds fédéraux demeure inférieur à ce niveau. La question pour les investisseurs est de savoir jusqu’à quel point la Réserve fédérale doit-elle pousser l’inflation à la baisse ? La figure 12 indique la trajectoire prévue des taux d’intérêt en fonction des prix des contrats à terme. Les diverses lignes du graphique montrent que cette trajectoire a été considérablement redressée cette année. À l’heure actuelle, le marché fixe un taux d’environ 3,6 % pour les fonds fédéraux d’ici le milieu de 2023 et prévoit déjà des baisses de taux peu de temps après que le sommet du taux des fonds fédéraux a été atteint. À notre avis, la hausse agressive des taux signalée par les marchés, si elle se concrétise, pourrait entraîner des problèmes de liquidité et mettre en péril le bien-être financier des entreprises et des particuliers très endettés. Il est fort probable que le resserrement monétaire finisse par contrebalancer les attentes élevées actuelles.
Figure 12 : Taux implicite des fonds fédéraux
Contrats à terme sur 12 mois
Nota : Au 23 juin 2022. Sources : Bloomberg, Réserve fédérale américaine, RBC GMA
Le recul historique des obligations marque une pause
Les obligations ont prolongé leur recul à mesure que l’inflation persiste et que la Réserve fédérale accélère le rythme des hausses de taux. L’ICE BofA U.S. Broad Market Index a diminué jusqu’à 13 % cette année, alors que le taux des obligations américaines à 10 ans a atteint un sommet de 3,47 % le 14 juin (figure 13). Plus récemment, alors que les investisseurs commençaient à évaluer les risques de récession, les obligations d’État refuges se sont redressées et le taux des obligations américaines à 10 ans s’est rapproché de 3,0 %. Cette reprise des obligations concorde avec notre opinion selon laquelle les taux obligataires ont atteint un niveau auquel les obligations offrent plus de protection contre un ralentissement de l’économie. Nos modèles indiquent que le risque d’évaluation sur le marché des obligations souveraines a été atténué par la flambée des taux obligataires depuis le début de l’année (figure 14). Les taux obligataires pourraient à nouveau augmenter si la Réserve fédérale ne parvient pas à maîtriser l’inflation et est contrainte de poursuivre une augmentation agressive. Cependant, notre hypothèse de base est que l’inflation finira par se calmer et que d’autres hausses soutenues du rendement en revenu seront probablement limitées.
Figure 13 : Indice ICE BofA U.S. Broad Market
Indice de rendement global
Nota : Au 22 juin 2022. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 14 : Taux des obligations du Trésor américain à 10 ans
Fourchette d’équilibre
Nota : Au 23 juin 2022. Source : RBC GMA
Les écarts de crédit s’élargissent, mais demeurent bien en deçà des niveaux de la récession
Le recul des obligations de société constitue également une préoccupation à la suite d’un ralentissement économique qui empêcherait les entreprises de rembourser leurs dettes. Les écarts de crédit des obligations à rendement élevé et des titres de catégorie investissement américains se sont élargis pour atteindre leur plus haut niveau en deux ans (figure 15). Il est toutefois à noter que, malgré la récente augmentation, les écarts demeurent bien en deçà des niveaux qui correspondent aux récessions. En période de récession, on pourrait s’attendre à ce que les écarts de taux de titres de catégorie investissement s’élèvent à 250 points de base et que les écarts de taux de titres à rendement élevé atteignent 900 points de base, mais ces écarts se situent actuellement à seulement 149 points de base et à 543 points de base, respectivement. Soit le marché obligataire nous indique que le risque de récession est relativement faible, soit que, s’il se matérialise, les prix des obligations de sociétés pourraient encore baisser. Cela dit, la pandémie a effacé bon nombre des dettes de débiteurs en difficulté qui existaient avant la COVID-19, et il n’y a pas eu suffisamment de temps pour que les dépassements se multiplient sur les marchés du crédit. Un autre aspect positif est le fait que les bilans sont relativement bons et qu’il est donc possible que les obligations de société soient plus résistantes à un ralentissement.
Figure 15 : Écarts de taux des obligations de sociétés américaines
Écart avec le taux des obligations du Trésor américain à 10 ans
Nota : Au 23 juin 2022. Sources : Barclays Capital, Bloomberg et RBC GMA
Les actions continuent de baisser, le risque d’évaluation est grandement réduit
Les actions ont subi un autre recul, car les banques centrales se sont montrées plus fermes et les perspectives économiques sont devenues de plus en plus incertaines. La plupart des grands marchés ont chuté à de nouveaux creux pour l’année et l’indice S&P 500 a officiellement chuté dans un marché baissier de plus de 20 % par rapport à son sommet (figure 16). Depuis le début de 2021, l’indice composé S&P/TSX est le seul grand marché que nous suivons et qui est encore en hausse. Le S&P 500 est stable sur cette période, tandis que l’indice MSCI EAEO, l’indice MSCI Marchés émergents et l’indice composite NASDAQ sont tous en baisse de plus de 10 %. Le risque d’évaluation a été considérablement réduit en raison de la forte liquidation. Notre indice composé des valorisations boursières mondiales a maintenant atteint une juste valeur après avoir dépassé de 37 % la juste valeur en décembre 2021 (figure 17). Les actions ne sont pas nécessairement bon marché dans leur ensemble, mais il existe de grandes différences entre les régions. L’indice S&P 500 demeure à l’extrémité la plus chère du spectre (figure 18), tandis que les autres marchés boursiers se situent à leurs justes valeurs ou en dessous de celles-ci.
Figure 16 : Principaux indices boursiers
Indices de l’appréciation cumulative des titres en USD
Nota : Au 22 juin 2022. Appréciation des titres en USD. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 17 : Indice composite des marchés boursiers mondiaux
Indices des marchés boursiers par rapport au point d’équilibre
Nota : Au 17 juin 2022. Moyenne pondérée en fonction du PIB des modèles de juste valeur de RBC GMA pour divers pays. Les estimations de la juste valeur sont présentées à titre indicatif seulement. Des corrections sont toujours possibles et les valorisations ne limiteront pas le risque de dommages résultant de chocs systémiques. Il est impossible d’investir directement dans un indice non géré. Source : RBC GMA
Figure 18 : Fourchette d’équilibre de l’indice S&P 500
Bénéfices et valorisations normalisés
Source : RBC GMA
Les prévisions optimistes en matière de bénéfices sont vulnérables aux baisses
Alors que les prévisions à l’égard de l’économie ont diminué, les analystes ont été réticents à modérer leurs prévisions en matière de bénéfices. Les perspectives en matière de bénéfices des sociétés demeurent solides, les analystes s’attendant à ce que les bénéfices du S&P 500 augmentent de 10,3 % en 2022 et de 9,7 % en 2023 (figure 19). Si ces prévisions se concrétisent, les résultats par action du S&P 500 atteindront 252 dollars américains d’ici la fin de l’année prochaine, ce qui apportera un solide soutien au marché boursier. Cela dit, les entreprises signalent des pressions croissantes sur les coûts et l’économie ralentit. Il serait inhabituel que les bénéfices soient à l’abri des abaissements dans ce contexte et nous savons que, historiquement, les bénéfices ont diminué en moyenne de 25 % au cours des récessions précédentes. Les marges bénéficiaires ayant atteint des sommets records, les bénéfices dépassant leur tendance à long terme et l’économie ralentissant, nous sommes d’avis que les bénéfices annoncés seront inférieurs aux prévisions générales actuelles.
Figure 19 : Indice S&P 500
Bénéfice par action des sociétés au cours des 12 derniers mois
Nota : Au 17 juin 2022. Les estimations sont fondées sur les prévisions générales ascendantes des analystes sectoriels. Sources : Thomson Reuters, RBC GMA
Le passage des styles de croissance à la valeur pourrait être en interrompu
Les titres de croissance ont affiché un rendement inférieur pendant la majeure partie de 2022, mais ils ont commencé à tenir bon plus récemment. La hausse des taux d’intérêt et l’inflation ont exercé des pressions à la baisse sur les valorisations, ce qui a nui aux titres de croissance chers, en particulier pendant la récession. Par conséquent, les titres de valeur ont surpassé les titres de croissance de plus de 25 % entre le début de 2022 et la fin de mai (figure 20). Depuis, les titres de croissance ont toutefois commencé à se redresser par rapport aux titres de valeur et ont même affiché un rendement légèrement supérieur. Plus récemment, cette légère surperformance des titres de croissance s’est accompagnée d’une légère baisse des prévisions d’inflation, d’une hausse des prévisions de récession et d’une baisse de 20 % des titres du secteur de l’énergie en seulement deux semaines. Les titres de croissance ont tendance à offrir des rendements supérieurs durant les périodes de ralentissement de l’économie, car ils ont démontré leur capacité à générer une croissance des bénéfices, indépendamment du contexte économique. Il n’est pas encore certain que cette transition vers les titres de croissance se poursuivra, car le marché semble peser la possibilité d’une hausse de l’inflation et des taux d’intérêt, ce qui favoriserait les titres de valeur, plutôt que la possibilité d’une récession, qui favoriserait les titres de croissance.
Figure 20 : Rendement des titres de croissance par rapport aux titres de valeur
Indice S&P 500 Value / Indice S&P 500 Growth
Nota : Au 23 juin 2022. Sources : Bloomberg, RBC GMA
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