Le dollar américain a cédé une grande partie de ce qu’il avait gagné au cours du premier semestre de l’année et se situe désormais 8 % en dessous de son plus haut niveau de 2022. Nous nous attendons à ce que le billet vert continue de chuter au cours des prochains mois. D’ailleurs, les récents développements indiquent que la baisse plus importante que nous prévoyons pourrait finalement se produire. À notre avis, la devise la plus performante des marchés développés par rapport au dollar au cours de la prochaine année sera l’euro, qui rapportera des rendements dépassant 10 %. Nous pensons que d’autres devises bénéficieront également de la faiblesse généralisée du dollar américain.
Globalement, le dollar est resté dans une fourchette de 5 % depuis le début de 2023, mais il est encore cher par rapport aux cycles à plus long terme (figure 1). Il semble cependant qu’une baisse plus notable soit probable tandis que l’écart de taux de croissance économique entre les pays s’élargit en raison des politiques divergentes de la part des banques centrales ainsi que de l’incertitude entourant les élections. Nous croyons que la valeur du dollar américain pourrait encore diminuer considérablement par rapport aux niveaux actuels et que la dépréciation atteindra plus de 20 % d’ici les prochaines années, en deçà de sa juste valeur selon la parité des pouvoirs d’achat (figure 2).
Figure 1 : Cycles à long terme du dollar américain pondéré en fonction des échanges
Nota : Au 23 août 2024. Sources : Bloomberg, Réserve fédérale américaine, RBC GMA
Figure 2 : USD – Évaluation selon la PPA
Nota : Au 23 août 2024. Sources : Réserve fédérale américaine, Bloomberg, RBC GMA
Si le dollar a peu fluctué cette année, c’est parce que les facteurs à court et à long terme se sont contrebalancés. D’une part, le contexte à long terme fait que le dollar devrait s’affaiblir : il est surévalué, les États-Unis ont des déficits budgétaires et courants importants, et les gestionnaires de réserves mondiales continuent de diversifier leurs avoirs à l’aide de l’or et d’autres devises (figure 3). Le dollar n’a pas encore connu de forte dépréciation en raison des facteurs à court terme qui l’ont maintenu à un niveau élevé, notamment la croissance économique relativement robuste aux États-Unis et les rendements en revenu supérieurs des obligations du Trésor américain par rapport aux obligations d’État d’autres régions.
Figure 3 : Les gestionnaires de réserves continuent de diversifier leurs avoirs par rapport au dollar
Nota : Au 31 mars 2024. Sources : Base de données COFER du FMI, RBC GMA
Attirés par ces taux de rendement plus élevés, les investisseurs ont injecté énormément de capitaux aux États-Unis – plus que les ventes continues des gestionnaires de réserves. Vu l’ampleur de cet afflux de capitaux, soit près de 1 000 milliards de dollars américains dans les quatre derniers trimestres (figure 4), il est surprenant que le billet vert n’ait pas réussi à se raffermir. Sa valorisation vraiment trop élevée l’empêche de progresser, selon nous.
Figure 4 : Flux nets de portefeuille vers les États-Unis
Nota : Au 31 mars 2024. Sources : Bureau of Economic Analysis, RBC GMA
D’autre part, les facteurs à court terme qui ont soutenu le dollar américain commencent à s’estomper. L’économie américaine ne dépasse plus le reste du monde, maintenant que les dépenses budgétaires ont diminué, et les recherches de Citibank laissent entendre qu’elle ralentit de façon plus marquée que les autres grandes économies (figure 5). Le ralentissement généralisé des marchés de l’emploi a particulièrement capté l’attention. Le nombre de nouveaux employés a baissé, les demandes de prestations d’assurance-emploi ont augmenté, et les salaires ont diminué. Les mesures du marché de l’emploi sont importantes parce qu’elles représentent la moitié des éléments pris en compte par la Réserve fédérale américaine (Fed) au moment de déterminer les taux d’intérêt (l’autre moitié étant l’inflation). Ainsi, comme l’inflation a diminué et que les données sur l’emploi se sont affaiblies, la Fed devrait commencer à réduire les taux d’intérêt lors de sa réunion de septembre. Ce ne sont pas seulement les baisses de taux qui inquiètent les cambistes ; c’est aussi la possibilité que le rendement de la monnaie soit compromis au cours des prochaines années parce que la Fed pourrait réduire les taux de manière plus marquée que ses pairs (figure 6).
Figure 5 : Selon les données, l’économie américaine décélère plus rapidement que les autres grandes économies
Nota : Au 31 août 2024. Sources : Citi, RBC GMA
Figure 6 : La Réserve fédérale devrait réduire ses taux davantage que ses pairs
Nota : Au 26 août 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Le dollar américain a également perdu de son attrait à cause de la hausse de la volatilité sur les marchés des changes. Pendant des années, les investisseurs ont profité des écarts importants entre les taux d’intérêt de différentes régions pour emprunter dans la monnaie d’un pays où les taux sont plus faibles et investir dans la monnaie d’un pays aux taux plus élevés. L’exemple le plus fréquent de cette stratégie est le taux directeur relativement élevé de 5,5 % de la Fed et l’équivalent de la Banque du Japon, proche de 0,0 %. Ces « opérations de portage », comme on les appelle, permettent aux investisseurs de tirer parti du calme sur les marchés, car ils peuvent encaisser le différentiel de taux d’intérêt tout en pouvant supporter les fluctuations du taux de change dollar-yen.
Le déclin constant du yen japonais ces dernières années a offert aux cambistes une aubaine inattendue qui a accru le rendement global de ces opérations et la popularité de cette stratégie. Toutefois, le gain de 12 % inscrit par le yen entre le début de juillet et le début d’août – sa plus forte remontée depuis la crise financière mondiale de 2008 –, a brusquement mis fin à la lancée de la stratégie et a exercé une pression sur d’autres marchés. Les actions japonaises, par exemple, ont chuté de 20 % en trois jours, et les obligations à rendement élevé ont perdu du terrain. Refroidis par la volatilité et l’ascension rapide du yen, les cambistes seront probablement plus réticents à parier contre la devise, et ils ne le feront assurément pas avec autant de désinvolture qu’en 2022. Voilà qui élimine un important vent favorable pour le dollar.
Enfin, le dernier facteur à court terme qui aide le dollar américain, d’après les banques d’investissement mondiales, n’a pas du tout eu l’effet escompté. Au début de l’année, on croyait généralement que la valeur du dollar augmenterait si Trump était élu président, surtout en raison de sa proposition d’imposer des droits de douane sur les marchandises.
Les droits de douane de 10 % que les républicains aimeraient imposer sur les marchandises produites à l’étranger (60 % pour les marchandises chinoises) freineraient assurément les monnaies d’autres pays, en particulier ceux qui font beaucoup de commerce avec les États-Unis. Bien qu’une victoire de Trump pourrait effectivement aider le dollar, notons que, jusqu’à présent, les mouvements du billet vert n’ont pas suivi les probabilités que l’ancien président retourne à la Maison-Blanche (figure 7). Comme d’autres investisseurs, nous avons été surpris que le dollar n’ait pas profité de la piètre performance de Biden lors du premier débat présidentiel du 27 juin, même si les chances de Trump de remporter l’élection ont atteint près de 70 % après le débat. Le billet vert a plutôt perdu du terrain graduellement, car il semble qu’il soit plus influencé par les actualités économiques que politiques.
Figure 7 : Le dollar américain et les probabilités de victoire de Donald Trump
Nota : Au 30 août 2024. Sources : PredictIt, Bloomberg, RBC GMA
L’incidence de la politique commerciale sur le dollar pourrait être atténuée par d’autres éléments de la plateforme de Trump. Les investisseurs s’inquiètent à juste titre de l’affirmation de l’ancien président selon laquelle il devrait avoir le dernier mot sur les modifications des taux d’intérêt. C’est là une menace directe à l’indépendance de la Fed, qu’on a créée précisément pour prévenir une ingérence politique. Le colistier de Trump, J.D. Vance, a aussi lancé l’idée d’intervenir sur les marchés des changes pour affaiblir le dollar et améliorer la compétitivité des exportations américaines. Nous ne nous attendons pas à ce que de telles interférences se concrétisent, mais le fait même que ce genre d’idée soit soulevé dans le cadre d’une campagne politique est inquiétant. Enfin, notons que les déficits budgétaires et la trajectoire générale des niveaux d’endettement aux États-Unis semblent insoutenables, peu importe le candidat qui remportera l’élection. D’après les projections de UBS, les soldes primaires (les déficits engendrés par les dépenses, avant même que les intérêts sur la dette soient pris en compte) devraient toujours s’élever à plus de 5 % du PIB, même si les dépenses supplémentaires étaient limitées par un Congrès divisé (figure 8). Bien que les dépenses excessives aient entraîné une couverture médiatique défavorable et pesé sur les devises, notamment celles de la Colombie et du Brésil, elles n’ont pas encore fait grand tort au billet vert. Sa résilience s’explique par sa position dominante en tant que monnaie de réserve mondiale. Mais il y a évidemment une limite aux excès tolérés par les créanciers.
Figure 8 : Déficits prévus sous différents régimes gouvernementaux
Nota : Au 25 juillet 2024. Sources : CBO, UBS, RBC GMA
Le dollar canadien
Le dollar canadien a progressé durant le récent décrochage généralisé du billet vert. Il s’est toutefois fait devancer par le yen, l’euro et la livre sterling en raison du ralentissement de la croissance aux États-Unis, des baisses de taux de la Banque du Canada (BdC) et de l’endettement élevé des ménages.
Tout cela a tempéré notre optimisme envers le huard au cours des derniers trimestres. Certes, les liens commerciaux étroits entre le Canada et les États-Unis ont permis à l’économie canadienne de profiter de la forte croissance enregistrée au sud de la frontière, mais d’autres facteurs ont soulevé l’inquiétude.
Citons notamment les divergences considérables en matière de politique monétaire. En effet, la BdC a commencé à réduire ses taux d’intérêt avant la Fed cette année (figure 9). La BdC a été l’une des premières banques centrales des pays du G10 à réduire les taux d’intérêt, et les trois baisses qu’elle a effectuées cet été ont pesé sur les rendements en dollars canadiens, si bien que les actifs du Canada ont été moins attrayants que ceux des États-Unis. Nous croyons que la BdC et la Fed réduiront les taux à peu près au même rythme au cours de la prochaine année. Nous nous attendons donc à ce que l’écart de rendement demeure un obstacle pour le huard.
Figure 9 : La Banque du Canada a assoupli sa politique avant la Fed
Nota : Au 6 septembre 2024. Sources : Banque du Canada, Réserve fédérale, RBC GMA
Un autre obstacle pour le dollar canadien est que les actions canadiennes ne suscitent pas beaucoup d’intérêt à l’étranger. Les investisseurs se retirent des actions canadiennes plus vite qu’ils n’y investissent, et ce rythme s’accélère depuis plusieurs trimestres. En outre, comme les achats d’obligations canadiennes par les investisseurs étrangers sont généralement couverts, ce sont les flux des actions qui influencent habituellement les taux de change (figure 10). Que les investisseurs vendent leurs actifs canadiens est probablement attribuable à bon nombre des facteurs que nous avons abordés dans les éditions précédentes de Regard sur les placements mondiaux. Citons notamment la productivité relativement faible du Canada et, par association, le fait que les entreprises canadiennes préfèrent accroître leur production à l’étranger plutôt que d’augmenter leur capacité de production nationale. L’endettement élevé des ménages figurait aussi sur cette liste. Nous pensons qu’il s’agit du facteur principalement responsable des paris grandissants contre le huard (figure 11). Nous avons ajouté deux autres éléments à la liste, ce trimestre-ci : le récent ralentissement des données économiques aux États-Unis et l’incertitude politique potentielle, compte tenu de la baisse du soutien au Parti libéral actuellement au pouvoir.
Figure 10 : Les sorties de capitaux se poursuivent sur le marché boursier canadien
Nota : Au 30 juin 2024. Sources : Statistique Canada, RBC GMA
Figure 11 : Les investisseurs ont pris d’importantes positions vendeur sur le huard
Nota : Au 30 août 2024. Sources : CFTC, Macrobond, RBC GMA
Nous veillons à ne pas trop nous concentrer sur les aspects négatifs, car le huard reçoit l’appui d’autres secteurs. Premièrement, il est extrêmement sous-évalué et, comme d’autres monnaies, il profitera de la faiblesse prévue du dollar américain. Deuxièmement, le Canada est en meilleure santé macroéconomique que bon nombre de ses pairs, car ses déficits budgétaires sont inférieurs à ceux de plusieurs autres grands pays développés. De plus, son système bancaire est solide et, selon nous, devrait pouvoir résister aux turbulences si les taux d’intérêt élevés entraînaient une hausse des défauts de paiement chez les ménages.
Dans l’ensemble, nous sommes toujours optimistes à l’égard du dollar canadien et nous nous attendons à ce qu’il s’apprécie à 1,30 $ CA par dollar américain, ce qui l’amènerait tout juste en dessous de la fourchette de 1,32 $ à 1,40 $ CA dans laquelle il est resté bloqué pendant près de deux ans (figure 12). Le dollar canadien devrait toutefois tirer de l’arrière par rapport à l’euro et au yen japonais, puisque ces autres devises sont plus sensibles aux fluctuations du billet vert et que leurs économies et leurs politiques sont moins liées au ralentissement de la croissance aux États-Unis.
Figure 12 : Le huard évolue dans une fourchette étroite
Nota : Au 30 août 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA
L’euro
Tout comme le huard, l’euro a été remarquablement stable dans les deux dernières années, se négociant principalement dans une fourchette étroite de 1,05 $ à 1,10 $ US (figure 13). Cette résilience est remarquable étant donné la faiblesse de l’activité économique en Europe et l’incertitude entourant le candidat qui remporterait les élections anticipées en France, l’été dernier.
Si l’euro n’est pas tombé sous 1,05 $ US comme l’avaient prévu de nombreux analystes, c’est en partie grâce à sa sous-évaluation, et aussi au fait que les investisseurs étaient déjà très pessimistes à son égard. Leur opinion a cependant commencé à changer. Comme il était bon marché, l’euro a soutenu la balance commerciale de la région (figure 14). L’amélioration des perspectives économiques en Europe et la chute du dollar américain ont par ailleurs stimulé un redressement de la confiance. Le regain de l’appétit des investisseurs pour les actions européennes a également aidé l’euro à atteindre les sommets de l’été dernier, soit près de 1,13 $ US.
Figure 13 : Fourchette EUR-USD
Nota : Au 30 août 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 14 : Excédent de la balance commerciale de la zone euro
Nota : Au 30 juin 2024. Sources : Eurostat, Bloomberg, RBC GMA
La politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), par rapport à celle de la Fed, sera un élément déterminant de la vigueur future de l’euro. D’une part, on prévoit que la BCE réduira les taux relativement moins vite, ce qui devrait profiter à la monnaie unique. Toutefois, il est également vrai que l’économie de la zone euro a une capacité maximale moindre, donc qu’il n’est pas nécessaire d’avoir les mêmes taux d’intérêt que dans les régions où la croissance économique est structurellement plus élevée. Dans l’ensemble, les arguments se compensent les uns les autres, si bien que nous prévoyons qu’en raison de son statut de monnaie la plus susceptible de détrôner le dollar, l’euro sera le plus grand bénéficiaire du déclin généralisé du billet vert. Nous prévoyons que la valeur de la monnaie unique atteindra 1,21 $ US d’ici 12 mois.
La livre sterling
La livre sterling a été la plus performante des dix principales devises au cours des six derniers mois. Plusieurs facteurs y ont contribué.
Les indicateurs économiques favorables (comme la vigueur des indices des directeurs d’achats, qui mesurent la confiance des entreprises) sont en hausse depuis la fin de l’été dernier. Nous nous attendions à ce que les données économiques du Royaume-Uni s’affaiblissent en raison de la diminution des échanges commerciaux et des dépenses de consommation (en partie à cause du renouvellement de prêts hypothécaires à des taux plus élevés). Or, la vigueur des investissements des entreprises a stimulé la croissance du PIB.
Des quatre principales économies développées, c’est le Royaume-Uni qui affiche le taux d’inflation sous-jacent le plus élevé (figure 15). Comme la progression des prix prend plus de temps à ralentir, la Banque d’Angleterre est forcée de maintenir des taux plus élevés, ce qui soutient la devise en attirant les investisseurs avec des rendements en revenu plus attrayants.
Figure 15 : L’inflation est plus tenace au Royaume-Uni
Nota : Au 31 juillet 2024. Sources : Banque du Canada, Eurostat, Office for National Statistics du Royaume-Uni, BLS, RBC GMA
Le déficit de la balance de base du Royaume-Uni (soit la combinaison du solde courant et des investissements directs à l’étranger [IDE]) s’est nettement amélioré au cours de la dernière année (figure 16). La baisse considérable des sorties d’IDE indique que les entreprises britanniques ralentissent les investissements ailleurs dans le monde. Par ailleurs, les investisseurs considèrent généralement que l’élection récente du Parti travailliste est positive, et la volonté du parti de resserrer les liens économiques avec la zone euro améliorerait probablement encore plus la balance nette des actifs et passifs étrangers du Royaume-Uni.
En revanche, notons que les facteurs à long terme sont moins favorables à la livre qu’à de nombreuses autres devises des marchés développés. La livre sterling n’est pas aussi sous-évaluée que l’euro, la monnaie du principal partenaire commercial du Royaume-Uni, par exemple. Par ailleurs, sur la feuille de pointage sur la situation budgétaire de RBC GMA, le Royaume-Uni est l’un des trois « pires » pays, derrière les États-Unis et l’Italie (figure 17). Nous prévoyons que la livre sterling remontera à 1,35 $ US, mais qu’elle s’appréciera moins que les devises des autres principaux marchés développés.
Figure 16 : Amélioration de la balance de base du Royaume-Uni
Nota : Au 31 janvier 2024. Sources : Office for National Statistics du Royaume Uni, RBC GMA
Figure 17 : Santé budgétaire
Nota: Données de 2023 (prévisions du FMI pour 2029 utilisées comme indicateur de la « normale »). Sources : FMI, Macrobond, RBC GMA
Le yen
Le yen a gagné 7,6 % au cours du trimestre terminé le 31 août 2024, ce qui en fait la devise des marchés développés la plus performante de la période (figure 18). Cette appréciation est principalement attribuable à la chute des opérations de portage, alors que les taux d’intérêt ont baissé aux États-Unis et que la Banque du Japon a été la seule grande banque centrale à relever son taux directeur.
Figure 18 : Le yen a surclassé ses pairs du G10
Nota : Rendement depuis le 31 mai 2024. Au 30 août 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA
En outre, le ministère des Finances a procédé à des achats officiels pour tenter d’enrayer la dégringolade de la monnaie, qui avait atteint 60 % sur trois ans. Pour produire un maximum d’effet, le ministère a vendu les réserves de change lors de jours fériés, alors que les marchés étaient peu actifs, de manière à prendre les investisseurs par surprise. La vigueur persistante du yen depuis ce temps donne à penser que les mesures des décideurs politiques, à commencer par cette intervention, ont suffi à renverser la tendance. Les investisseurs sont maintenant réticents à prendre des positions vendeur sur le yen, d’une part parce qu’ils craignent une autre intervention sur les marchés des changes, et de l’autre, parce que les taux obligataires du Japon sont en hausse par rapport aux autres pays. Vu l’amélioration des perspectives économiques et la croissance des salaires qui n’a pas été aussi rapide depuis de nombreuses années (figure 19), nous croyons que d’autres hausses de taux favorables au yen sont probables au cours de la prochaine année.
Figure 19 : La croissance des salaires augmente au Japon
Nota : Au 30 juin 2024. Sources : Ministère japonais de la Santé, du Travail et des Affaires sociales, RBC GMA
D’autres facteurs à long terme laissent entrevoir des gains additionnels pour le yen. Malgré sa récente remontée, le yen est la devise la moins chère au monde selon plusieurs modèles d’évaluation. De plus, il profite d’excédents de compte courant continus que l’on doit aux revenus tirés des investissements étrangers (figure 20). Notons que les investisseurs japonais détiennent une quantité importante d’actifs à l’étranger, y compris aux États-Unis, et que ces actifs perdraient de la valeur si le billet vert s’affaiblissait. Nous ne serions pas surpris de voir les investisseurs japonais rapatrier leurs avoirs étrangers ou couvrir le risque de change pour protéger leurs investissements contre une autre appréciation du yen. Ces types d’opérations, effectuées au moyen de contrats à terme, ont tendance à stimuler la demande pour le yen.
Compte tenu de ces récents événements, nous prévoyons que le yen continuera à progresser et atteindra 130 par dollar américain au cours des 12 prochains mois.
Figure 20 : Le yen profite de l’excédent persistant au compte courant
Nota : Au 31 mars 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA