Le resserrement rapide et synchronisé des conditions monétaires mondiales depuis le début de 2022 a pris fin et les banques centrales envisagent activement de réduire les taux d’intérêt à un moment donné cette année si l’inflation continue de chuter. Dans ce contexte, le risque d’un grave repli économique diminue et la confiance des consommateurs et des entreprises est restaurée.
Bien que plusieurs pays autres que les États-Unis soient techniquement en récession, l’ampleur de la contraction de ces économies a été relativement faible jusqu’à présent, et les indicateurs avancés de croissance économique ont rebondi dans la plupart des grandes régions au cours des derniers trimestres (figure 1). Contrairement au reste du monde, l’économie américaine a fait preuve d’une résilience impressionnante face à la hausse des taux d’intérêt, soutenue par des hypothèques à taux fixe de 30 ans historiquement bas et par d’énormes sociétés riches en liquidités. Le marché du travail aux États-Unis demeure solide, les conditions de crédit se sont améliorées et l’activité immobilière a repris depuis le milieu de 2023. Tout compte fait, nous croyons que les chances d’un atterrissage en douceur de l’économie ont augmenté. Soulignons que même si une récession mondiale se matérialisait, nous pensons qu’elle serait modérée et de courte durée.
Figure 1 : Indices mondiaux des directeurs d’achats
Nota : Données au 29 février 2024. Sources : Macrobond, RBC GMA
Divers risques pourraient encore assombrir les perspectives. Parmi les principaux figurent l’intensification des tensions géopolitiques, notamment en ce qui concerne les conflits militaires au Moyen-Orient, le ralentissement de la croissance en Chine, les effets à retardement de la hausse des taux d’intérêt et les défis connexes sur le marché immobilier commercial américain, ainsi que l’élection présidentielle de novembre aux États-Unis. Ces éléments sont autant de sources potentielles de volatilité pour l’économie et les marchés au cours de l’année à venir.
L’inflation conserve une trajectoire favorable
En ce qui concerne l’inflation, nous restons optimistes quant à la possibilité que les pressions sur les prix à la consommation continuent de chuter. Aux États-Unis, l’inflation mesurée par l’IPC est passée d’un sommet de 9,1 % en 2022 à 3,1 % jusqu’à présent, et les indicateurs avancés de l’inflation continuent de laisser entrevoir une trajectoire à la baisse. La Réserve fédérale américaine (Fed) poursuit le resserrement quantitatif en allégeant son bilan et en réduisant la masse monétaire. Les prix des voitures d’occasion sont maintenant en baisse et la croissance des loyers résidentiels a ralenti pour s’établir en deçà de 5 %, étant même négative dans certaines régions. En outre, les prix des marchandises, y compris de l’énergie, ont fait du surplace ou légèrement reculé au cours des derniers trimestres. Nous reconnaissons que des progrès importants ont déjà été réalisés et que l’écart qui reste par rapport à la cible de 2,0 % de la Fed sera plus difficile à combler. Par conséquent, nous prévoyons que l’inflation dans les pays développés continuera de ralentir graduellement pour se rapprocher de l’objectif de 2 % visé par la plupart des banques centrales en 2024 et en 2025 (figure 2).
Figure 2 : Hausse des prix à la consommation aux États-Unis IPC (variation annuelle en %)
Nota : Données sur l’IPC au 31 janvier 2024. Prévisions de RBC GMA au 29 février 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Les banques centrales laissent présager des baisses de taux
Si l’inflation continue de chuter comme prévu, la politique monétaire rigoureuse actuellement utilisée par de nombreuses banques centrales pourrait ne plus être nécessaire et des baisses de taux d’intérêt deviendront de plus en plus probables au cours de l’année à venir. D’après notre modèle, le point neutre du taux des fonds fédéraux américains est plus près de 2,50 %, ce qui indique que le taux de financement à un jour actuel de 5,25 % est très restrictif et ne pourra probablement pas être maintenu. À ce stade, les questions clés concernent le moment auquel la politique monétaire pourrait être assouplie et la vitesse à laquelle les taux d’intérêt pourraient diminuer une fois que les banques centrales entreprendront des baisses. Nous prévoyons trois baisses de 25 points de base par la Fed au cours des 12 prochains mois, dont la première d’ici la fin du printemps ou le début de l’été. Ce point de vue est à peu près conforme aux prix des contrats à terme, qui augurent de trois à quatre baisses d’ici janvier 2025. Cela dit, les attentes peuvent être volatiles, et nous reconnaissons que la trajectoire des taux dépendra en grande partie des nouvelles données sur l’économie et l’inflation (figure 3).
Figure 3 : Taux implicite des fonds fédéraux Contrats à terme sur 12 mois
Sources : Bloomberg, Réserve fédérale américaine, RBC GMA
Les obligations d’État présentent un potentiel de rendement intéressant et un risque d’évaluation minime
Les détenteurs d’obligations ont profité d’une forte reprise depuis octobre 2023, les investisseurs étant de plus en plus convaincus que les taux d’intérêt avaient atteint leur sommet et que l’inflation diminuerait. Le taux des obligations américaines à dix ans a atteint un sommet cyclique de 5,02 % à l’automne, puis a plongé à 3,79 % à la fin de décembre avant de remonter au-dessus de 4 % en 2024. Nos modèles indiquent toujours que les taux obligataires sont bien au-dessus de leurs niveaux d’équilibre dans la plupart des régions et que, si l’inflation continue de baisser comme prévu, ils pourraient poursuivre leur recul au cours des prochaines années. À l’heure actuelle, comme les taux des obligations d’État demeurent parmi les plus élevés que nous ayons vus depuis près de deux décennies, nous croyons que le risque d’évaluation des titres à revenu fixe est minime et que le potentiel de rendement total est attrayant (figure 4).
Figure 4 : Taux des obligations du Trésor américain à 10 ans Fourchette d’équilibre
Nota : Au 29 février 2024. Source : RBC GMA
Les actions poursuivent leur progression grâce à l’optimisme entourant un atterrissage en douceur
Au début de 2024, les marchés boursiers mondiaux ont continué sur leur lancée de la fin de l’année dernière. Bien que les gains en 2023 aient été fortement concentrés dans les actions de sociétés technologiques américaines à mégacapitalisation, la reprise a été plus généralisée jusqu’à maintenant cette année. De nouveaux records ont été établis par l’indice S&P 500, l’indice Dow Jones des valeurs industrielles, l’indice européen Stoxx 600 et même l’indice Nikkei du Japon, qui a surpassé son précédent sommet atteint il y a 35 ans. Actuellement, notre indicateur composite des marchés boursiers mondiaux indique que les valorisations sont globalement raisonnables, mais il existe d’importantes variations d’une région à l’autre. Les actions américaines à grande capitalisation et les actions japonaises se négocient au-dessus de leur juste valeur modélisée, tandis que les actions européennes, canadiennes et des marchés émergents se négocient à des prix intéressants par rapport à leurs niveaux passés (figure 5).
Figure 5 : Indice composite des marchés boursiers mondiaux Indices des marchés boursiers par rapport au point d’équilibre
Nota : Au 29 février 2024. Source : RBC GMA
Une nouvelle accélération des bénéfices est généralement attendue
L’enthousiasme récent envers les actions sera fondé si les bénéfices s’avèrent à la hauteur des prévisions généralement optimistes. Le bénéfice par action du S&P 500 devrait grimper de 9 % pour s’établir à 243 $ d’ici la fin de 2024 et augmenter ensuite de 13 % pour atteindre 276 $ d’ici la fin de 2025 (figure 6). Selon notre analyse, ces chiffres sont réalisables si les États-Unis évitent une récession et que les sociétés arrivent à faire croître leurs marges bénéficiaires. Toutefois, si l’économie se heurte à des difficultés ou si les sociétés subissent des coûts plus élevés que prévu, ces prévisions risquent d’être revues à la baisse. La réalisation de ces prévisions de bénéfices optimistes n’est pas impossible, mais compte tenu des valorisations élevées, la persistance d’une forte croissance des bénéfices devient de plus en plus nécessaire pour soutenir la hausse des marchés.
Figure 6 : Indice S&P 500 Bénéfice par action des sociétés au cours des 12 derniers mois
Nota : Les estimations sont fondées sur les prévisions générales ascendantes des analystes sectoriels. Nota : Au 1er mars 2024. Sources : Thomson Reuters, RBC GMA
Maintien d’une composition de l’actif prudente, avec une légère surpondération des titres à revenu fixe
Compte tenu du rapport risques-occasions à court et à long terme, nous continuons de recommander une composition de l’actif près de la neutralité. Les perspectives macroéconomiques demeurent très incertaines et, bien que les probabilités d’un atterrissage en douceur aient augmenté, le risque de ralentissement économique reste plus élevé que d’habitude. Pendant de nombreuses années, et surtout après la pandémie, alors que les taux d’intérêt se situaient à des creux historiques, nous avons largement sous-pondéré les titres à revenu fixe dans nos portefeuilles équilibrés, puisque les obligations présentaient un faible potentiel de rendement, un avantage minime en matière de diversification et un risque d’évaluation important. Au cours des deux dernières années, nous avons régulièrement accru la part des titres à revenu fixe en raison de l’augmentation des taux d’intérêt, affichant une légère surpondération des titres à revenu fixe pour la première fois en deux décennies à l’automne 2023. À ce stade, nous croyons qu’il est fort probable que les taux d’intérêt aient culminé et que l’inflation poursuivra sa trajectoire descendante. Il nous semble donc toujours approprié de maintenir une pondération en titres à revenu fixe plus importante que celle que nous avions au cours de la dernière décennie, surtout au vu des avantages accrus que les obligations assorties de taux supérieurs procurent en matière de diversification des portefeuilles. En ce qui concerne les actions, nous continuons de penser qu’elles surpasseront les obligations à long terme. Toutefois, nous reconnaissons que la hausse des actions à court terme est limitée par les valorisations actuelles dans certains marchés et, par conséquent, qu’il n’est plus aussi avantageux qu’aux étapes antérieures du cycle de détenir des actions plutôt que des titres à revenu fixe, et que les investisseurs ne sont peut-être pas suffisamment rémunérés pour pallier le risque de repli de l’économie. Nos recommandations actuelles de répartition de l’actif d’un portefeuille équilibré mondial sont donc les suivantes : 60,0 % en actions (pondération stratégique « neutre » de 60 %), 38,5 % en obligations (pondération stratégique « neutre » de 38 %) et 1,5 % en liquidités (figure 7). La répartition de l’actif des fonds ou des portefeuilles de clients peut différer en fonction de la politique de placement de ces fonds.
Figure 7 : Composition d’actifs recommandée Comité des stratégies de placement RBC GMA
Nota : Au 29 février 2024. Source : RBC GMA