“Bien qu’il y ait une foule de facteurs déterminants, l’éducation est l’un des principaux moteurs du développement à long terme d’un pays donné.”
Bien que les analyses de l’équipe Actions, Marchés émergents soient menées principalement au niveau des sociétés, il nous est utile de connaître les critères ESG à l’échelle nationale pour élaborer notre stratégie globale et adapter nos portefeuilles en fonction des secteurs de croissance structurelle à long terme, tout en évitant les risques. Nous nous concentrons ici sur l’éducation, un facteur socioéconomique important qui influe sur le développement économique à long terme d’un pays donné.
Sur les quelque 200 pays au monde, plus de 150 appartiennent à la catégorie des pays émergents, selon le Fonds monétaire international1. Les principaux critères qui servent à établir cette classification sont le niveau de revenu, le niveau de vie et le développement économique.
Les pays émergents possèdent une part dominante de la population mondiale et abondent en ressources naturelles. Or, jusqu’à maintenant, ces atouts ne se sont pas traduits par une croissance économique durable. Bien qu’il y ait une foule de facteurs déterminants, l’éducation est l’un des principaux moteurs du développement à long terme d’un pays donné. En effet, les données indiquent qu’il y a une forte corrélation entre le développement économique et le niveau d’éducation, en particulier les études supérieures (figure 1). Outre ses retombées économiques, l’éducation crée une société plus équitable et plus inclusive. Le gouvernement peut consacrer moins de dépenses aux programmes sociaux, et a donc plus d’argent à investir dans l’éducation.
Figure 1 : Forte corrélation entre éducation et développement économique
(PIB par habitant par rapport au taux de scolarisation, enseignement supérieur, par pays)
Source : Indicateurs du développement dans le monde, FMI, juin 2024.
Compte tenu de cette relation, il n’est pas surprenant que le niveau d’éducation ait tendance à être plus bas dans les pays émergents. Comme le montre la figure 2, les taux d’alphabétisation sont nettement moindres dans les pays à faible revenu que dans les pays à revenu plus élevé, et il y a eu peu d’amélioration au cours de la dernière décennie. Parmi les facteurs responsables de cette situation, citons le sous-investissement des gouvernements et les problèmes d’accessibilité.
Les dépenses publiques consacrées à l’éducation demeurent plus faibles dans de nombreux pays émergents par rapport aux pays développés. En revanche, elles sont plus élevées à certains endroits, notamment en Afrique du Sud et au Brésil, où le gouvernement a travaillé ces dernières années à améliorer la qualité et l’accessibilité de l’éducation, en particulier pour les couches les plus pauvres de la société (figure 3).
La présence des femmes sur les bancs d’école, un enjeu de longue date, s’est considérablement amélioré à l’échelle mondiale. La parité hommes-femmes a été atteinte en 2009 au niveau du primaire et du premier cycle de l’enseignement secondaire, et en 2013 pour le deuxième cycle de l’enseignement secondaire. Au niveau de l’enseignement supérieur, la parité a été atteinte en 1998 et, depuis 2004, le taux de scolarisation des femmes dépasse celui des hommes. En 2020, il y avait 113 femmes inscrites aux études supérieures pour 100 hommes dans le monde2. Mais sous ces tendances positives à l’échelle mondiale se cachent des disparités importantes d’un pays à l’autre.
“La présence des femmes sur les bancs d’école, un enjeu de longue date, s’est considérablement amélioré à l’échelle mondiale.”
Figure 2 : Le taux d’alphabétisation est inférieur dans les pays à faible revenu
(% de la population adulte alphabétisée)
Source : Indicateurs du développement dans le monde, juin 2024.
Nota : Taux d’alphabétisation, total pour les adultes (pourcentage des personnes de 15 ans et plus).
Figure 3 : Les dépenses publiques consacrées à l’éducation en % du PIB tendent à être moindres dans les pays émergents
Source : Indicateurs du développement dans le monde, juin 2024.
Nota : Données les plus récentes disponibles entre 2020 et 2023, selon le pays. Moyennes pour les pays indiqués.
Figure 4 : Taux d’achèvement du cycle primaire, hommes et femmes, pays à faible revenu
Source : Indicateurs du développement dans le monde, juin 2024.
On peut le voir dans les figures 4 et 5, qui comparent le taux d’achèvement du cycle primaire pour les hommes et les femmes dans les pays à faible revenu et les pays à revenu moyen. L’écart entre les sexes s’est résorbé dans les pays à revenu moyen, mais pas dans les pays à faible revenu, même s’il a considérablement diminué dans la dernière vingtaine d’années.
Comme les femmes représentent environ la moitié de la population mondiale, nous nous attendons à ce que leur présence grandissante sur les bancs d’école soit un important facteur de croissance structurelle pour les pays émergents au cours des prochaines années, ce qui fera grossir la population active et se traduira par une croissance économique supérieure.
L’un des aspects qui présentent à la fois des défis et des occasions en éducation est la technologie. Si on l’utilise efficacement, la technologie a le pouvoir d’élargir l’accès à l’éducation et d’améliorer les façons d’enseigner.
Figure 5 : Taux d’achèvement du cycle primaire, hommes et femmes, pays à revenu moyen
Source : Indicateurs du développement dans le monde, juin 2024.
Selon l’UNESCO, 85 % des pays se sont déjà dotés de politiques ou de lois pour améliorer la connectivité des écoles ou des apprenants, tandis que 88 % ont l’intention d’établir des normes de compétence numérique. Toutefois, l’accès à la technologie dans le cadre de l’éducation varie beaucoup d’un pays à l’autre et selon le niveau de revenu, ce qui risque d’accroître les inégalités encore davantage (figure 6).
Inde : Équilibrer les réformes économiques et sociales
L’Inde a fait des progrès importants en matière de développement économique au cours de la dernière décennie, sous la direction du premier ministre Narendra Modi. L’an dernier, elle a dépassé le Royaume-Uni pour devenir la cinquième économie mondiale, et elle est en voie de dépasser le Japon et l’Allemagne pour se hisser au troisième rang d’ici 20273. Jusqu’à présent, le gouvernement indien a concentré ses réformes et ses investissements sur les infrastructures et la numérisation, notamment, afin d’éliminer les entraves de longue date et de rendre le pays plus attrayant aux yeux des entreprises et des investisseurs étrangers directs.
Figure 6 : L’accès à la technologie dans le cadre de l’éducation varie fortement d’un pays à l’autre
Source : Résultats de l’étude du PISA 2022, Learning during – and from – disruption (Apprentissage en période de crise et résilience).
Nota : Les données indiquent le ratio des ordinateurs disponibles à des fins éducatives pour les élèves de 15 ans, par rapport au nombre total d’élèves de 15 ans dans l’année scolaire de référence. Moyennes pour les pays indiqués.
Pour la prochaine étape du développement de l’Inde, le gouvernement devra s’attaquer à des défis socioéconomiques de taille, notamment le taux de chômage élevé chez les jeunes, les inégalités et l’éducation. Comme le montrent les figures 7 et 8, la participation des femmes au marché du travail est très faible en Inde par rapport aux autres pays émergents. On observe des tendances similaires au chapitre du niveau de revenu et au sein des groupes minoritaires.
En 2020, le gouvernement a publié une politique nationale de l’éducation dont le principal objectif est de faire passer le taux de scolarisation brut à 100 % du niveau préscolaire au niveau secondaire d’ici 2030, et de 26 % à 50 % pour l’enseignement supérieur d’ici 20354. Il tente également d’améliorer la participation des femmes et des castes, car leur taux de scolarisation est démesurément faible. Par exemple, de 2014-2015 à 2021-2022, le taux de scolarisation des filles a augmenté de 31 %, et celui des filles appartenant à des castes répertoriées a crû de 50 %5.
Cependant, il reste encore beaucoup de chemin à faire. Est-ce que les problèmes socioéconomiques pourraient se retrouver encore plus au cœur des préoccupations, alors que Modi entame son troisième mandat dans un contexte de gouvernement de coalition et d’opposition renforcée ?
Arabie saoudite : Accroître la participation des femmes au marché du travail grâce à l’autonomisation sociale
L’Arabie Saoudite est un pays qui partait de loin et qui a fait des pas de géant. Dans le cadre du plan de croissance Vision 2030 du prince héritier, le royaume a entrepris une série de réformes sociales et économiques en vue d’accroître sa population en âge de travailler, ce qu’il compte faire principalement en autonomisant les femmes et en attirant les expatriés.
Figure 7 : Taux de participation des femmes et des hommes au marché du travail en Inde
Pourcentage de la population ayant 15 ans ou plus
Source : Banque mondiale, 2022. Selon les estimations modélisées de l’Organisation internationale du travail.
Les femmes ont obtenu plus de libertés sociales, notamment l’octroi du droit de conduire, l’assouplissement du code vestimentaire, et l’abolition de certaines règles de tutelle masculine.
Par conséquent, leur participation au marché du travail saoudien a augmenté dans les dernières années, passant de 19 % en 2016 à environ 35 % en 2022 (figure 8). Cette avancée devrait profiter à l’économie en faisant croître le PIB de 39 milliards de dollars américains (3,5 %) d’ici 20326.
“Les femmes ont obtenu plus de libertés sociales, notamment l’octroi du droit de conduire, l’assouplissement du code vestimentaire, et l’abolition de certaines règles de tutelle masculine.”
Figure 8 : Participation des femmes au marché du travail, par pays – L’Inde et l’Arabie saoudite tirent de l’arrière
Source : Organisation internationale du travail. Données les plus récentes disponibles entre 2020 et 2023, selon le pays.