Les actions des marchés émergents ont pâti de la faible performance de la Chine, qui représente environ le tiers de l’indice de référence et qui a produit le rendement le plus faible de ces marchés au cours des 12 derniers mois. Le déclin des actions chinoises observé depuis le début de 2021 est principalement attribuable à l’incertitude entourant la réglementation des technologies et aux effets d’une politique monétaire relativement serrée. Les actions liées à Internet ont eu un effet particulièrement prononcé, leur poids dans l’indice chinois ayant atteint un pic de presque 50 % il y a un an.
Les mesures réglementaires visant les sociétés de technologie comprennent l’interdiction d’une concurrence déloyale, la restriction de l’utilisation des renseignements personnels et la prohibition des faux avis et des incitatifs en espèces pour attirer des évaluations positives. Ces mesures ont amené de nombreux investisseurs à se demander si les autorités chinoises permettront au capitalisme de prospérer. À notre avis, il est possible de dissiper ces craintes en tenant compte du rôle crucial que joue le secteur privé, qui représente au moins 80 % des nouveaux emplois et qui est nécessaire pour aider à faire évoluer l’économie dans des domaines comme les semi-conducteurs, l’automatisation et les énergies renouvelables.
Il est difficile de prédire la durée de la menace réglementaire. Toutefois, les récentes critiques officielles à l’endroit des sociétés Internet ont été moins virulentes, et les autorités de la Chine continentale ont annoncé à plusieurs reprises qu’elles souhaitaient encourager les placements étrangers dans les actions chinoises, qui demeurent largement accessibles par le biais du marché
de Hong Kong.
Cela dit, nous croyons que les priorités du gouvernement chinois ont changé ces dernières années, l’accent étant mis désormais sur une amélioration de l’égalité et de la stabilité sociale plutôt que sur la croissance économique. À l’avenir, il sera important selon nous d’être prudent dans les secteurs vulnérables à l’ingérence de l’État et de miser sur les secteurs que le gouvernement est susceptible d’appuyer, comme l’énergie renouvelable, les véhicules électriques et la technologie qui réduit la dépendance du pays envers les étrangers. Les entreprises véritablement innovantes et en mesure de rivaliser sur la scène mondiale devraient bien faire. Ce contexte devrait en fin de compte favoriser les entreprises de grande qualité qui disposent d’une équipe
de direction solide et de nets avantages concurrentiels.
L’autre enjeu clé qui a miné les actions chinoises est l’orientation relativement restrictive des politiques monétaire et budgétaire par rapport à ce qu’on a vu dans
les pays développés depuis le début de la pandémie il y a près de deux ans. Les taux de croissance de la masse monétaire et des prêts bancaires en Chine ont chuté à des creux pluriannuels, entraînant dans leur sillage la croissance du PIB.
Ce fléchissement est attribuable en partie aux efforts récents visant à réduire la dette des sociétés immobilières par l’application de directives beaucoup plus strictes en matière d’endettement ainsi qu’à des mesures pour freiner la hausse des prix immobiliers. Ces règles ont engendré les tensions financières très médiatisées auxquelles fait face Evergrande, le promoteur le plus endetté de la Chine, dont la dette dépasse 300 milliards de dollars américains. La situation d’Evergrande a fait craindre que la Chine connaisse un « scénario Lehman » conduisant à un effondrement des marchés des titres de créance. Toutefois, contrairement à la situation de la société américaine Lehman Brothers en 2008, la crise de la dette actuelle en Chine a été déclenchée par les autorités, et tout porte à croire que celles-ci pourront composer avec les répercussions au moyen d’une liquidation gérée.
Compte tenu de la faiblesse relative de l’économie, certaines mesures d’assouplissement monétaire semblent probables, même si la politique devrait rester plutôt prudente pour éviter un nouvel accroissement de la dette. La volonté politique grandissante de moderniser l’économie et d’assurer l’indépendance technologique devrait également soutenir une accélération des investissements et des dépenses d’infrastructure.
Les difficultés de la Chine surviennent dans un contexte de légère embellie de l’économie mondiale. Grâce à la remise en marche des économies, les actions de valeur et les actions cycliques ont nettement dominé après plusieurs années de contre-performance, soutenues par la demande accumulée des consommateurs ainsi que par la hausse de l’inflation attribuable en partie à la souplesse des politiques monétaire et budgétaire aux États-Unis. Une vigueur persistante des prix de l’énergie pourrait intensifier le risque d’inflation et se traduire par des taux obligataires trop élevés et une piètre performance des actions à forte valorisation. Les actions des marchés émergents bénéficieraient le plus d’un maintien d’une croissance économique solide, les actions de valeur et les actions cycliques menant le bal. Si, par contre, nous entrons dans un contexte de stagflation, les actions défensives présentant des valorisations raisonnables domineront. La trajectoire de la pandémie et l’apparition de nouveaux variants de la COVID-19 auront, bien sûr, une incidence sur la reprise cyclique en cours. Il existe encore une grande incertitude quant à la mesure dans laquelle les vaccins existants peuvent contenir les nouveaux variants, comme le variant Omicron récemment découvert.
Des écarts de valorisation importants persistent entre les secteurs dans l’ensemble des marchés émergents. Les secteurs qui ont bénéficié de la pandémie, comme les soins de santé, la consommation discrétionnaire, les services de communications et la technologie de l’information, semblent encore très chers par rapport aux données historiques. Par contre, les valorisations de la finance et de l’énergie sont relativement faibles, même après avoir progressé l’an dernier. En ce qui concerne la répartition sectorielle, nous privilégions les secteurs de la consommation axés sur des rendements élevés et favorisés par des facteurs comme la hausse des revenus, le dynamisme en matière de réformes, la situation démographique attrayante, la montée de l’urbanisation et les tendances encourageantes de l’emploi. Parmi les secteurs cycliques, nous préférons la finance en raison des valorisations, de l’amélioration de la qualité des actifs, et du potentiel de croissance de la clientèle et d’expansion des services. Au cours des derniers mois, nous avons réduit la pondération des segments coûteux du marché liés à Internet. En plus des préoccupations à l’égard des valorisations, de plus en plus de signes nous laissent croire que les sociétés liées à Internet devront faire face à des obstacles sur le plan de la concurrence, de la réglementation et de la hausse des impôts.
MSCI Marchés émergents : niveau d’équilibre
Valorisations et bénéfices normalisés
Nota : Les estimations de la juste valeur sont présentées à titre indicatif seulement. Des corrections sont toujours possibles et les valorisations ne limiteront pas le risque de dommages résultant de chocs systémiques. Il est impossible d’investir directement dans un indice non géré. Source : RBC GMA
L’écart de rendement entre les pays émergents peut en grande partie s’expliquer par la composition sectorielle des indices individuels. Ainsi, le Chili, la Turquie et d’autres pays dont les sociétés sont généralement cycliques et tributaires du secteur de la finance semblent relativement bon marché. Taïwan, où le secteur de la technologie est important, semble cher, mais nous sommes optimistes quant aux perspectives de l’Inde. Non seulement l’économie de l’Inde connaît une expansion rapide, mais le pays offre un bon choix de sociétés de grande qualité. Nous reconnaissons toutefois qu’en raison de la vigueur récente du marché boursier indien, ce dernier commence à sembler coûteux. Les marchés boursiers latino-américains ont déçu les investisseurs au cours de la dernière année, mais les valorisations attrayantes, la reprise économique et les améliorations des politiques favorisent une éclaircie des perspectives. Cela dit, l’instabilité politique demeure un risque plus important en Amérique latine que sur nombre de nos marchés.
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