Les actions des marchés émergents ont commencé à surclasser les marchés développés, renversant ainsi la tendance des dernières années, grâce au rebond des actions chinoises au début de 2024. Depuis le 22 janvier, où le marché boursier chinois est tombé à son point le plus bas depuis plusieurs années, l’indice MSCI Emerging Markets a produit près de 10 % en dollar américain, comparativement à un gain de 9 % pour l’indice MSCI World.
Il est probable que l’écart entre marchés émergents et marchés développés continue à diminuer au cours des prochains mois, à mesure que s’amélioreront les économies et les bénéfices des marchés émergents, d’autant plus que les écarts de valorisation sont actuellement énormes. À la fin de 2023, le rendement des capitaux propres (RCP) des marchés développés représentés par l’indice MSCI World s’élevait à 16,0 %, soit le plus haut niveau jamais enregistré, tandis que le RCP des marchés émergents était de 11,3 %. L’écart important est en partie attribuable à la faible représentation de la technologie dans les marchés émergents et à la relative lenteur de la reprise économique dans ces pays à la suite de la pandémie, étant donné que les mesures de relance mises en place par les gouvernements des marchés émergents ont été plus limitées. Nous attendons un rebond des RCP cette année dans les marchés émergents, tandis que ceux des marchés développés ne devraient pas beaucoup varier.
D’autre part, les ratios cours/valeur comptable indiquent des valorisations bon marché, et les marchés émergents se négocient avec l’escompte le plus important jamais enregistré – 50 % – par rapport aux marchés développés. La moyenne des escomptes des 25 dernières années est de 30 %. L’Inde a été le marché émergent le plus cher à la fin de 2023. Dans ce pays, les valorisations mesurées selon le ratio cours/valeur comptable ont atteint leur plus haut niveau depuis 2007 – juste avant la crise financière. L’indice boursier de l’Inde a progressé de 9,5 % de plus depuis le début de 2024, ce qui a soulevé des questions au sujet du rendement à court terme. Il semble qu’il y ait une certaine surévaluation dans les secteurs des petites et des moyennes capitalisations du marché. Dans ce contexte, en février, l’autorité réglementaire des bourses de l’Inde a demandé aux fonds communs de placement nationaux de définir des moyens de renforcer la protection des investisseurs.
Le premier ministre indien, Narendra Modi, qui est favorable aux marchés, a récemment perdu sa majorité parlementaire à l’issue d’élections reflétant ce que certains analystes politiques ont décrit comme un mécontentement parmi les pauvres à cause des pertes d’emploi et de l’inflation. Nous pensons que son parti, le BJP, devrait être en mesure de poursuivre ses objectifs politiques, mais qu’il aura plus de mal à promulguer des projets de loi visant à alléger les impôts sur les cessions immobilières et à encourager l’agriculture à grande échelle.
Marchés émergents – Pondérations sectorielles recommandées
Nota : Au 31 mai 2024. Source : RBC GMA
Indice MSCI Emerging Markets : niveau d’équilibre Valorisations et bénéfices normalisés
Nota : Les estimations de la juste valeur sont présentées à titre indicatif seulement. Des corrections sont toujours possibles et les valorisations ne limiteront pas le risque de dommages résultant de chocs systémiques. Il est impossible d’investir directement dans un indice non géré. Source : RBC GMA
Il ne fait aucun doute que l’Inde a connu un développement impressionnant sous l’égide de M. Modi, lequel, depuis sa victoire en 2014, s’est attaché à améliorer les infrastructures désastreuses et à rendre beaucoup plus facile de faire des affaires. Cela dit, il est tout aussi évident que l’Inde sera confrontée à de nombreux défis dans les années à venir. L’éducation demeure une préoccupation, la moitié de la population quittant l’école à l’âge de 10 ans, tandis que les femmes représentent moins de 30 % de la main-d’œuvre – l’un des taux les plus bas au monde. Le pays aura besoin de créer des emplois plus rapidement s’il veut absorber la population en augmentation et pousser la croissance économique vers des niveaux supérieurs à ceux de la dernière décennie. Dans ce contexte, les investisseurs devront se concentrer sur les secteurs du marché où les valorisations ne sont pas exagérées.
L’économie de la Chine, contrairement à celle de l’Inde, connaît un affaiblissement depuis 2020, c’est-à-dire depuis qu’elle privilégie la qualité de son expansion économique en mettant en avant la productivité et la demande intérieure plutôt que simplement le taux de croissance. Bien que ce changement soit nécessaire pour que la croissance s’accompagne d’une augmentation durable des revenus, les politiques se sont jusque-là avérées inefficaces pour restaurer la confiance des investisseurs. La forte répression réglementaire engagée depuis deux ans à l’égard de nombreux secteurs de l’économie a surpris bon nombre d’investisseurs, et il y a maintenant des craintes que les niveaux d’endettement élevés et le déclin démographique conduisent à une déflation. Par conséquent, les valorisations des actions chinoises à la fin de janvier de cette année ont chuté à leur plus bas niveau depuis la crise financière de 2008-2009.
Depuis le début de l’année, la chute des valorisations boursières chinoises a principalement touché les sociétés à croissance rapide liées à la technologie et les sociétés privées, tandis que les entreprises d’État et les secteurs plus cycliques s’en sont mieux sortis. Nous avons alors vu les investisseurs étrangers vendre des actions de qualité élevée, détenues par de nombreux porteurs, tandis que le redressement de la consommation se faisait attendre. Cependant, depuis le début de 2024, les préoccupations au sujet des grands défis de la Chine sont passées au second plan pour les investisseurs qui souhaitent participer à un marché peut-être sous-évalué à long terme.
C’est ainsi que l’indice MSCI China a surclassé l’indice des marchés émergents de 9,6 points de pourcentage et l’indice MSCI India de 9 points de pourcentage depuis le 22 janvier de cette année, alors que le gouvernement renforçait son soutien à l’économie et au secteur de l’immobilier. La reprise pourrait bien se poursuivre si la banque centrale de la Chine assouplit sa politique à un moment où les taux d’intérêt corrigés de l’inflation sont relativement élevés. L’un des points positifs est que le taux de l’épargne est en baisse, dans un contexte de modeste reprise de la consommation et de la confiance des consommateurs.
Au-delà de la Chine et de l’Inde, les investisseurs peuvent s’attendre à ce que la course aux élections américaines de novembre provoque une volatilité des marchés financiers. Un risque notable est la mise en place de droits de douane et d’autres restrictions commerciales à l’encontre de secteurs où la Chine a développé ses exportations, que ce soit Biden ou Trump qui remporte les élections. La trajectoire à long terme reste une question polarisée, dans un monde où les blocs commerciaux sont de plus en plus dictés par les intérêts géopolitiques.
En conclusion, il est important de se rappeler que ce sont les pays des marchés émergents qui dominent la croissance du PIB mondial. Alors que le taux de croissance chinois est en déclin, les investisseurs estiment que le pays restera le principal contributeur à la croissance du PIB mondial dans les années à venir, étant donné qu’il représente 30 % de la croissance économique des marchés émergents. L’économie de l’Inde croît maintenant plus rapidement que celle de la Chine, mais l’économie de la Chine est environ 4,5 fois plus importante.