Les droits de douane réciproques introduits par le président américain Donald Trump le 2 avril 2025, qu’il a appelé le « jour de la libération », ont fortement plombé les actions mondiales ; l’indice de référence des actions des marchés émergents a chuté de 10 %, enregistrant ainsi son pire repli d’un jour depuis au moins cinq ans. L’ampleur, la portée et la méthodologie des droits de douane ont déconcerté les investisseurs et forcé les entreprises à reporter leurs décisions d’investissement. Les reculs importants du dollar américain, des actions américaines et des titres du Trésor américain ont incité M. Trump à renoncer à bon nombre des droits de douane les plus élevés, du moins temporairement, ce qui a permis aux actions des marchés émergents de largement récupérer les pertes subies au début d’avril.
L’orientation du dollar américain a tendance à revêtir une grande importance pour les marchés émergents, et le billet vert est surévalué depuis un certain temps. Les investisseurs délaissent désormais les États-Unis, estimant que le pays perd de son attrait en tant que valeur refuge et reconnaissant a posteriori que l’approche de Donald Trump est susceptible d’affaiblir le dollar américain.
Les marchés émergents ont surpassé les États-Unis depuis le début de l’année et il est concevable, à notre avis, que cette tendance se poursuive. La part des États-Unis en pourcentage de la capitalisation boursière mondiale demeure près de son sommet de 70 % atteint en décembre 2024 (en hausse par rapport à 40 % il y a 12 ans), ce qui porte à croire que les valorisations sont élevées alors que la croissance économique ralentit.
Après 13 ans de rendement supérieur du marché boursier américain, et compte tenu du ralentissement actuel de la croissance économique aux États-Unis, les actions des marchés émergents semblent attrayantes. La dépréciation du dollar américain est manifestement une bonne chose pour les actions des marchés émergents, et comme les valorisations dans ces marchés sont encore inférieures de moitié à celles des États-Unis, il existe un fort potentiel de rendements supérieurs soutenus.
La plupart des pays émergents, à l’exception du Mexique, sont relativement peu vulnérables aux droits de douane américains. En ce qui concerne la Chine, les exportations vers les États-Unis ne représentent que 2,5 % du PIB. Toutefois, il semblerait que le Mexique ait tiré son épingle du jeu en matière de droits de douane et profité des contrôles plus stricts imposés à l’Asie.
Marchés émergents – Pondérations sectorielles recommandées
Nota : Au 31 mai 2025. Source : RBC GMA
Fourchette d’équilibre, indice MSCI Emerging Markets
Valorisations et bénéfices normalisés
Nota : Les estimations de la juste valeur sont présentées à titre indicatif seulement. Des corrections sont toujours possibles et les valorisations ne limiteront pas le risque de dommages résultant de chocs systémiques. Il est impossible d’investir directement dans un indice non géré. Source : RBC GMA
Plus récemment, M. Trump semble avoir commencé à réorienter la guerre commerciale, qui était auparavant marquée par l’imposition systématique de droits de douane partout, pour viser principalement à isoler la Chine. Il semble peu probable que d’autres pays participent à la formation d’une coalition anti-Chine, mais les États-Unis pourraient très bien réussir à limiter les exportations indirectes de la Chine vers leur marché. Un accord commercial entre la Chine et les États-Unis n’est pas du tout certain, mais il serait avantageux, selon nous, pour les deux pays. À l’heure actuelle, la plupart des économistes semblent considérer que les effets négatifs à court terme de la guerre commerciale sino-américaine sont plus grands pour les États-Unis, car il est difficile de trouver de nouveaux fournisseurs pour une partie des exportations chinoises. La Chine a su bien composer avec cette guerre commerciale depuis son déclenchement. L’excédent commercial du pays a plus que doublé au cours des cinq dernières années, la Chine ayant diversifié ses exportations parmi les marchés émergents et accru ses exportations de produits de grande valeur. En outre, la Chine devrait aussi mettre beaucoup plus l’accent sur la demande intérieure.
DeepSeek, société chinoise d’intelligence artificielle (IA), a mis en lumière les avancées technologiques du pays, malgré les mesures prises par les États-Unis il y a cinq ans pour freiner le développement technologique de la Chine. La Chine, qui met à profit son grand nombre de diplômés en ingénierie et en mathématiques, est désormais un chef de file dans un large éventail de segments technologiques de pointe, comme les véhicules électriques, les batteries, les drones, les systèmes ferroviaires à grande vitesse et les communications 5G.
L’Inde, une autre grande puissance des marchés émergents, a tiré parti de réformes économiques et de dépenses d’investissement soutenues, qui augmentent alors que les dépenses publiques en infrastructures ralentissent. En outre, les valorisations ont diminué après avoir atteint des niveaux élevés. Étant donné que l’économie indienne a tendance à être axée sur le marché intérieur, celui-ci commence à redevenir attrayant. À la fin du mois de mars, le marché boursier indien était nettement à la traîne de celui de la Chine, mais ses valorisations demeuraient plus élevées.
Les perspectives s’améliorent pour l’Amérique latine, alors que la région sort d’un cycle de gouvernements de gauche, souvent remplacés par des gouvernements centristes ou de droite. De plus, l’Amérique latine est bien placée sur le plan du commerce, puisque la politique douanière des États-Unis semble favoriser les Amériques. Les marchés latino-américains restent très concurrentiels dans le secteur manufacturier, profitent grandement de la faiblesse du dollar américain et affichent des valorisations intéressantes.
Sur le plan sectoriel, la technologie de l’information a bénéficié d’importantes dépenses en immobilisations axées sur l’IA. Des questions demeurent quant à savoir si les sociétés liées à l’IA obtiendront un rendement sur leur capital. Il pourrait être logique de délaisser les sociétés qui fournissent le secteur de l’IA au profit de bénéficiaires plus directs dans les domaines des services, des logiciels et d’Internet.
Nous avons toujours privilégié les secteurs des marchés émergents qui tirent parti de la consommation intérieure et du recours croissant aux services financiers dans ces pays. Les secteurs axés sur le marché intérieur seront à l’abri des droits de douane et sont susceptibles de recevoir un soutien politique. Historiquement, le secteur de la finance surpasse celui de la technologie de l’information lorsque le dollar américain se replie, et les marchés émergents affichent généralement de meilleurs rendements dans un contexte d’endettement croissant. Une dépréciation du dollar américain facilite une baisse des taux d’intérêt dans les marchés émergents, puisque les banques centrales de ces pays ont alors moins besoin de soutenir leur monnaie. Enfin, les secteurs de la finance et de la consommation de base des marchés émergents semblent sous-évalués par rapport à leurs valorisations médianes, ce qui conforte notre préférence générale en faveur du marché intérieur.
Un éventuel marché baissier aux États-Unis entraînerait vraisemblablement un repli des marchés émergents. Cependant, l’anticipation des marchés est, au mieux, difficile. Nous pouvons affirmer que les valorisations des marchés émergents sont intéressantes et qu’un affaiblissement du dollar américain leur serait probablement favorable. Par le passé, les actions des marchés émergents ont généré des rendements de 7 % à 13 % lorsque les valorisations se situaient aux niveaux actuels.