La conjoncture économique sous-jacente demeure bonne par rapport aux normes historiques, et la croissance des bénéfices des sociétés a été exceptionnelle. Toutefois, le contexte évolue et l’enthousiasme à l’égard de la reprise s’est émoussé. Les marchés financiers ont été perturbés par le ralentissement de la croissance, le nouveau variant Omicron et la diminution des mesures de relance monétaire.
L’économie confrontée à divers obstacles
Le nouveau variant du coronavirus, l’inflation excessive, les problèmes de chaînes logistiques et le ralentissement du marché immobilier chinois sont parmi les principaux obstacles que l’économie mondiale doit surmonter. Les décideurs politiques reconnaissent que la reprise est bien avancée, ce qui est favorable à un abandon graduel des mesures d’assouplissement monétaire et à une diminution des mesures de soutien budgétaire. Il est normal que la croissance s’essouffle au fur et à mesure que la reprise progresse et que les économies s’approchent de leur potentiel. Les choses vont toujours bon train et, selon nous, la croissance devrait se poursuivre en 2022, mais à un rythme inférieur à celui de 2021. Elle resterait soutenue par deux principaux facteurs. Tout d’abord, les consommateurs ont accumulé énormément d’épargne tout en ayant peu d’obligations financières. Ils seront donc en mesure de dépenser davantage. Parallèlement, les entreprises ont dit avoir l’intention de reconstituer leurs stocks et d’augmenter leurs dépenses en immobilisations. Après avoir fait le bilan des facteurs positifs et négatifs, nous nous attendons à une croissance de 3,5 % en 2022 pour la plupart des pays développés. Ce taux de croissance, qui est presque deux fois plus élevé que la moyenne d’avant la pandémie, est conforme à une reprise économique soutenue. D’un autre côté, nous prévoyons un PIB inférieur aux prévisions générales, car nous nous attendons à ce que l’expansion ralentisse, à un degré qui pourrait décevoir les investisseurs.
Le coronavirus regagne du terrain
La pandémie est devenue plus difficile à gérer dans les derniers mois, le nombre d’infections ayant grimpé dans l’ensemble des pays développés. Le temps plus froid, la réouverture des écoles et l’assouplissement des restrictions sociales ont facilité la propagation du virus. Les choses se sont particulièrement détériorées en Europe, mais les cas ont également augmenté en Amérique du Nord. Le variant Delta est en grande partie responsable de la vague actuelle ; or, il semble que le variant Omicron soit plus contagieux que tous les précédents (quoique peut-être moins virulent) et qu’il résiste davantage aux vaccins et cause plus de réinfections. Les fabricants de vaccins pourront adapter leurs formules pour lutter contre ce nouveau variant, mais il faudra peut-être attendre plusieurs trimestres avant que la production ne s’accélère et que la distribution atteigne une échelle suffisante pour protéger une bonne part de la population. D’après notre scénario de base, nous vivrons une vague d’infections modérée qui retranchera jusqu’à un point de pourcentage de la production mondiale d’ici quelques trimestres. Ce serait donc une incidence supérieure à celle du variant Delta, mais tout de même comparable à la vague de la fin 2020, et beaucoup moins dommageable que la première vague.
L’inflation toujours aussi élevée
La hausse de l’inflation a continué de s’accélérer au cours du dernier trimestre, si bien qu’on observe actuellement des niveaux exceptionnels qu’on n’avait pas vus depuis des dizaines d’années. La demande a rebondi plus rapidement que l’offre, ce qui a fait augmenter les prix des marchandises et créé une pénurie de main-d’œuvre et de biens divers. L’inflation continue de dépasser les attentes, et les mesures en temps réel demeurent élevées. Même si les problèmes de chaînes logistiques finissent par s’estomper que les prix du pétrole redescendent, d’autres pressions inflationnistes pourraient persister, voire s’intensifier. Par ailleurs, les banques centrales ont imprimé d’importantes quantités d’argent et acceptent généralement la hausse de l’inflation. Pour toutes ces raisons, nos prévisions demeurent supérieures aux prévisions générales pour l’an prochain. À plus long terme, cependant, nous sommes toujours d’avis qu’une forte inflation est un phénomène cyclique plutôt que structurel. Lorsque les distorsions provoquées par la pandémie se résorberont, l’inflation devrait revenir à la normale. Il est même concevable que l’inflation à long terme soit en dessous de la normale, si l’effet déflationniste de la situation démographique l’emporte sur les forces inflationnistes structurelles liées aux changements climatiques et au pouvoir de négociation croissant des travailleurs en matière de salaires.
Volatilité accrue sur les marchés des changes
La volatilité a regagné les marchés des changes en raison du nouveau variant de la COVID-19 et de la divergence des politiques monétaires des banques centrales. Le dollar américain a profité des attentes du marché selon lesquelles les taux d’intérêt augmenteront l’an prochain, mais il pourrait bientôt fléchir si l’inflation ralentit aux États-Unis, ce qui devrait éliminer une partie de la pression à la hausse sur les taux. Même si nous sommes moins optimistes à l’égard de l’euro et du yen japonais, qui rapportent peu, nos perspectives demeurent positives à l’égard des monnaies cycliques, comme le dollar canadien. Enfin, la résilience du renminbi chinois malgré les événements défavorables en Chine a contribué à stabiliser les marchés des changes, un thème qui mérite d’être surveillé l’an prochain.
Les taux des obligations d’État trop bas pour durer
Les taux des obligations d’État ont commencé l’année sur une trajectoire ascendante rapide grâce au redémarrage de l’économie, à la vaccination contre la COVID-19 et au raffermissement de l’inflation. Toutefois, ils ont reculé vers la fin de la période, le ralentissement de la croissance et les préoccupations grandissantes concernant le variant Omicron ayant renforcé l’attrait des valeurs refuges. Nos modèles continuent d’indiquer que les taux obligataires sont trop bas et que leur augmentation sera tributaire d’une normalisation éventuelle des taux d’intérêt réels à des niveaux égaux ou supérieurs à zéro. Les taux réels sont fortement négatifs à l’heure actuelle, ce qui signifie que les investisseurs en obligations d’État acceptent une perte de leur pouvoir d’achat après correction de l’inflation. Cette situation ne peut pas durer à notre avis, si bien que nous prévoyons une augmentation graduelle des taux obligataires au rythme d’un ajustement à la hausse des taux d’intérêt réels. Nous prévoyons que le taux des obligations américaines à 10 ans s’établira à 1,80 % au cours des 12 prochains mois.
Les actions étant près de leur pleine valeur, la croissance des bénéfices sera essentielle à la poursuite du marché haussier
Les actions mondiales ont poursuivi sur leur lancée de 2020 et enregistré d’autres gains solides en 2021. Notre indicateur composite des valorisations boursières mondiales se situe maintenant à 25 % au-dessus de la juste valeur. À ce niveau, les perspectives s’annoncent favorables pour l’économie et les bénéfices des sociétés, mais le risque est que les conditions se détériorent au point de mettre les actions dans une position vulnérable. Des valorisations très élevées comme celles qui ont cours sur le marché des titres de sociétés américaines à forte capitalisation traduisent un regain de volatilité, puisque tout doute soulevé à l’égard de la croissance des bénéfices est susceptible d’accroître l’instabilité du marché. Pour que les cours plus élevés se maintiennent, une progression continue des bénéfices de sociétés sera essentielle, et il faut admettre qu’ils ont été spectaculaires jusqu’ici. Les actions sont chères, mais si les taux d’intérêt restent bas, que l’inflation revient à la normale et que les bénéfices continuent de croître vigoureusement, elles pourraient inscrire des gains allant de 5 % à 10 % au cours des prochaines années.
Composition de l’actif : la part des actions réduite légèrement pour une deuxième fois
D’après notre scénario de base, l’économie continuera de croître rapidement, malgré un certain ralentissement, tandis que la reprise arrive à maturité et que la plupart des dommages causés par la pandémie sont réparés. Alors que l’économie avance vers le stade intermédiaire, les banques centrales commencent à réduire progressivement les mesures d’assouplissement monétaire, et même si les conditions justifient pleinement un resserrement, nous sommes conscients que le soutien des marchés financiers diminuera. Les rendements attendus des titres à revenu fixe sont très peu attrayants dans ce contexte, et toute hausse importante des taux obligataires entraînerait des rendements faibles ou négatifs pour les obligations d’État. Le potentiel de rendement des actions demeure supérieur à celui des titres à revenu fixe. Nous notons cependant que le cycle avance, que les valorisations sont élevées et que le marché est vulnérable à une correction advenant une augmentation des risques. Nous avons réduit notre pondération en actions de 50 points de base pendant l’été parce que la reprise est en train de parvenir à maturité. Depuis, le rétrécissement du marché, le ralentissement de la croissance, l’absence de titres dominants en dehors des actions de sociétés américaines à forte capitalisation, et la menace posée par le nouveau variant Omicron nous ont incités à réduire la pondération des actions de 50 points de base supplémentaires au cours du trimestre et à affecter le produit aux liquidités. Pour un portefeuille mondial équilibré, nous recommandons actuellement la répartition de l’actif suivante : 63,5 % en actions (position stratégique neutre : 60 %), 33,5 % en titres à revenu fixe (position stratégique neutre : 38 %) et le reste en liquidités.
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