Les données économiques ont bien résisté, les risques de récession ont diminué et l’inflation a suffisamment descendu pour permettre aux banques centrales d’envisager une baisse des taux directeurs à un moment donné cette année. Dans ce contexte, les obligations d’État sont attrayantes et, bien que les actions aient bondi suivant l’enthousiasme des investisseurs qui semblent miser sur l’amélioration des probabilités d’un atterrissage en douceur de l’économie, les valorisations élevées des actions des sociétés américaines à grande capitalisation pourraient limiter le potentiel de hausse.
Actualisation de nos perspectives économiques
Divers facteurs nous ont incités à hausser à 60 % la probabilité d’un atterrissage en douceur de l’économie américaine, que nous évaluions à 40 % au dernier trimestre, et nous anticipons maintenant une croissance modeste lors du premier semestre de 2024 plutôt qu’une récession. Nous avons également relevé nos prévisions de croissance du PIB réel des États-Unis pour 2024, de 0,3 % à 2,4 %, et nous prévoyons une croissance modérée en 2025 qui pourrait être encore plus forte si les baisses de taux des banques centrales se concrétisent. Nos prévisions de croissance pour 2024 sont maintenant à peu près conformes aux prévisions générales pour la plupart des pays, et même légèrement supérieures pour ce qui est des États-Unis et du Canada. En ce qui concerne les marchés émergents, nos prévisions de croissance ont également été légèrement revues à la hausse pour refléter l’effet positif de la vigueur économique accrue des pays développés. Bien que le scénario d’atterrissage en douceur soit maintenant le plus probable, nous reconnaissons qu’une récession demeure possible, étant donné que les taux plus élevés constituent un frein économique qui touche principalement les régions à l’extérieur des États-Unis, et que plusieurs signes de récession importants demeurent en place.
L’amélioration de l’inflation pourrait ralentir
L’inflation a chuté de façon significative par rapport à son pic de 2022, lorsque le choc des marchandises s’est estompé, que les problèmes des chaînes logistiques ont été résolus, et que les mesures de relance exceptionnelles des banques centrales ont été abandonnées. Bien que le taux, qui se situe actuellement entre 2,75 % et 3,50 %, ait progressé de façon considérable jusqu’à présent, il sera plus ardu d’atteindre l’objectif de 2,00 % ciblé par la plupart des grandes banques centrales. Par ailleurs, les prix à la consommation pourraient être soutenus par les déficits budgétaires élevés et la résilience générale de l’économie. Étant donné que notre hypothèse de base ne tient plus compte d’une récession, nous avons revu les prévisions d’inflation à la hausse par rapport au trimestre précédent, et elles ne sont plus nettement inférieures aux prévisions générales. Nous croyons toujours que l’inflation est plus susceptible de chuter que d’augmenter au cours de la prochaine année, car les pressions salariales s’atténuent progressivement, la hausse des prix des biens ralentit et l’inflation des services, qui est encore trop élevée, diminue. Les coûts du logement, qui sont aujourd’hui le plus important catalyseur de l’inflation, pourraient également être amenés à baisser, et la gamme de produits et de services plombée par l’inflation élevée se rétrécit.
Le dollar américain reste confronté à des défis à long terme
Nous restons pessimistes à l’égard du dollar américain, car nos perspectives se fondent sur des vents contraires à long terme. Une combinaison de facteurs dominants devrait entraîner un recul du dollar au cours des prochaines années : la surévaluation de la monnaie, un renversement des entrées de capitaux et l’érosion de la crédibilité budgétaire des États-Unis. Nous prévoyons que les premiers bénéficiaires de cette faiblesse du dollar seront l’euro et le dollar canadien, tandis que le yen et la livre sterling seront probablement à la traîne. Les monnaies des marchés émergents pourraient d’abord être freinées par les baisses des taux des banques centrales, mais elles finiront par bénéficier de la faiblesse généralisée du billet vert.
Les banques centrales laissent présager des baisses de taux
Les hausses énergiques des banques centrales ont pris fin l’an dernier, et un nombre limité mais croissant de ces institutions, toutes dans les marchés émergents, ont commencé à assouplir les conditions monétaires. Aussi, les principales banques centrales des pays développés sont maintenant en mesure d’emboîter pour plusieurs raisons. L’inflation a chuté fortement et la plupart des grandes économies ont connu un ralentissement de la croissance trop prononcé au cours de la dernière année. De fait, nous prévoyons cinq baisses de 25 points de base des taux directeurs aux États-Unis, mais nous reconnaissons que le calendrier et le rythme de l’ajustement de la politique monétaire dépendront de la trajectoire de l’économie et de l’inflation.
Les obligations se rapprochent de leurs niveaux les plus attrayants depuis près de deux décennies
Les obligations ont chuté de leur niveau surévalué, un sommet qui n’avait pas été atteint depuis 150 ans, et elles sont maintenant proches de leurs niveaux les plus intéressants en 20 ans. Le marché baissier des titres à revenu fixe de 2020-2023 a rapidement fait grimper les taux au-dessus de 5 % pour la première fois depuis 2007, effaçant dans la foulée la surévaluation accumulée depuis les années 1980 et accentuée par la pandémie. Bien que le taux des obligations américaines à 10 ans ait diminué pour s’établir à 4,25 % depuis son sommet d’octobre 2023, il demeure près de l’extrémité supérieure de la fourchette historique si l’on ne tient pas compte des années 1970 et 1980, période où l’inflation était extrême. Nos modèles confirment que les obligations d’État sont attrayantes, avec des taux bien supérieurs à leurs niveaux d’équilibre dans les principaux marchés, à l’exclusion du Japon, où les taux d’intérêt font encore les frais des mesures des banques centrales visant à réprimer les taux. En tenant compte de l’ensemble, nos modèles indiquent des taux obligataires appropriés plus bas si l’inflation continue de chuter comme nous le prévoyons. Outre les données fondamentales positives, diverses mesures techniques optimistes laissent entrevoir de solides perspectives pour les obligations. Selon nos prévisions, le taux des obligations du Trésor américain à dix ans passera à 4 % d’ici un an, ce qui se traduirait par des rendements de 5 % à 10 % au cours de l’année à venir et, surtout, par un faible risque d’évaluation.
Les actions poursuivent leur course aux records et les valorisations sont de plus en plus élevées
Les actions mondiales ont profité d’une forte reprise au dernier trimestre, de nombreux grands marchés ayant atteint des sommets records. Toutefois, la plupart des gains récents ont été réalisés par une poignée de sociétés de technologie à mégacapitalisation. Aux États-Unis, les « sept magnifiques » ont grimpé de 82 % l’an dernier et ont progressé d’un 10 % supplémentaire cette année. En revanche, l’indice S&P 500 équipondéré, qui neutralise l’incidence de ces sept actions, n’a progressé que de 11,6 % en 2023 et de 3 % cette année, ce qui est plus conforme aux rendements des autres régions du monde. Compte tenu des rendements plus modérés, les titres dans la plupart des grands marchés boursiers en dehors des États-Unis se négocient à des niveaux attrayants par rapport à notre juste valeur modélisée. En ce qui concerne les États-Unis, de nombreux investisseurs s’inquiètent du fait que les « sept magnifiques » évoluent dans une bulle, compte tenu des gains exceptionnels des sociétés constituant ce groupe. Nous constatons que ces actions tirent profit des tendances en intelligence artificielle et qu’elles ne sont pas nécessairement surévaluées, tant que leurs bénéfices peuvent continuer de croître à un rythme rapide. Ainsi, nos analyses indiquent que les « sept magnifiques » devraient voir leurs bénéfices totaux augmenter de 23 % chaque année pendant les 15 prochaines années pour justifier leur surévaluation actuelle par rapport au reste du marché. Les valorisations élevées des actions américaines à grande capitalisation en général signifient que pour obtenir des rendements décents sur le S&P 500, il faudra désormais que la croissance des bénéfices et la confiance accrue des investisseurs se maintiennent.
Composition de l’actif : maintien d’une composition de l’actif près de la neutralité, avec une préférence pour les titres à revenu fixe
Pour équilibrer les risques et les rendements, nous maintenons la composition de l’actif près de la position neutre, en privilégiant les titres à revenu fixe. Notre scénario de base prévoit que l’économie américaine continuera de croître à un rythme modéré et que l’inflation diminuera à un rythme permettant aux banques centrales de réduire leurs taux d’intérêt à un moment donné cette année. La chute des taux d’intérêt devrait être favorable aux actifs à revenu fixe et, surtout, lorsque les taux de rendement sont plus élevés, les obligations détenues dans un portefeuille équilibré procurent une meilleure protection contre la volatilité des marchés boursiers. Pour ces raisons, nous avons accru la part des titres à revenu fixe au cours des derniers trimestres sous l’effet de la hausse des taux obligataires, mettant ainsi fin à la sous-pondération que nous avions adoptée, et sommes revenus à une légère surpondération à l’automne 2023, lorsque le taux des obligations américaines à 10 ans s’est approché de 5 %. Même si nous restons optimistes à l’égard des actions à long terme, nous reconnaissons qu’à court terme, l’optimisme est extrême et les valorisations sont élevées, de sorte que les investisseurs ne sont pas rémunérés suffisamment pour compenser les risques de résultats défavorables. Nous maintenons donc notre pondération neutre en actions. Pour un portefeuille mondial équilibré, nous recommandons actuellement la répartition de l’actif suivante : 60 % en actions (position neutre stratégique : 60 %), 38,5 % en titres à revenu fixe (position neutre stratégique : 38 %) et le reste en liquidités.
Figure 7 : Composition d’actifs recommandée Comité des stratégies de placement RBC GMA
Nota : Au 29 février 2024. Source : RBC GMA