L’incertitude à l’égard des droits de douane américains persiste, mais le pire scénario a largement été écarté, en raison des progrès accomplis dans les négociations d’accords commerciaux. Selon notre scénario de base, la croissance économique devrait ralentir, sans pour autant s’arrêter, et toute hausse de l’inflation devrait se révéler temporaire. Dans ce contexte, les actions pourraient bien se comporter si la politique, les bénéfices et la confiance des investisseurs s’allient. Pour leur part, les obligations offrent un potentiel de rendement raisonnable tout en ne présentant qu’un risque de valorisation modéré.
Ralentissement prévu de la croissance économique cette année en raison des droits de douane
Les effets des vagues successives de politiques publiques peu orthodoxes aux États-Unis se répercutent sur l’économie mondiale et les marchés financiers, et malgré l’apparition de certains garde-fous politiques, une incertitude considérable persiste. À notre avis, les droits de douane devraient freiner considérablement la croissance économique au cours du second semestre de 2025, mais probablement pas au point de provoquer une récession mondiale. Les baisses de taux d’intérêt prévues aux États-Unis devraient stimuler la croissance économique, mais la réduction de l’immigration et la retenue des fonds alloués aux universités et à d’autres instituts de recherche pourraient avoir un effet négatif. En 2025, la croissance du PIB devrait rester modeste et inférieure à 2 % dans l’ensemble des pays développés. La plupart des marchés émergents devraient aussi connaître un léger ralentissement imputable aux droits de douane en 2025. La situation devrait s’améliorer dans une certaine mesure l’an prochain, étant donné que le pire des ajustements des droits de douane sera passé et que les taux d’intérêt aux États-Unis représenteront un facteur positif.
L’inflation s’est considérablement améliorée, mais le contrecoup des droits de douane nous attend
L’inflation n’est pas encore tout à fait revenue à la normale après le choc inflationniste qui a suivi la pandémie de 2021-2023, mais un nouveau problème lié à l’inflation se profile déjà sous la forme de droits de douane. Ces derniers sont des taxes imposées aux importateurs, qui à leur tour répercutent une partie de la hausse de leurs coûts aux consommateurs en augmentant leurs prix. En raison de l’incidence des droits de douane, nous prévoyons une hausse substantielle des prix aux États-Unis, ainsi qu’un taux d’inflation annuel de 3,0 % en 2025 et en 2026, ainsi qu’un sommet de 3,5 % à la fin de l’automne. L’inflation a été maîtrisée depuis la mise en œuvre des droits de douane, l’accumulation des stocks en ayant retardé l’incidence. Toutefois, les pressions sur les prix devraient s’accentuer, surtout aux États-Unis, étant donné que d’autres pays n’ont pas imposé des droits de douane aussi élevés sur les importations américaines.
Début d’une glissade pluriannuelle du dollar américain
Le dollar américain est l’une des monnaies les moins performantes depuis l’investiture de Donald Trump à la fin de janvier. Le second mandat du président pourrait bien marquer le début d’une glissade pluriannuelle du dollar et un revirement important pour les marchés des changes, qui aura une incidence sur l’ensemble du secteur des placements.
Le recul de 10 % du dollar américain cette année est particulièrement remarquable, étant donné que le billet vert s’apprécie habituellement en période de fortes tensions sur les marchés financiers. Mais, cette fois, le dollar n’a offert aucune protection, ce qui témoigne peut-être des doutes des investisseurs quant à l’exceptionnalisme américain et à la question de savoir si le dollar américain représente vraiment une valeur refuge. De plus, la faiblesse du dollar américain a accentué la contre-performance des actifs américains par rapport aux actifs mondiaux. Signalons que le délestage du billet vert a débuté alors que celui-ci était extrêmement surévalué, et que le déclin pourrait encore se prolonger pendant un bon moment si l’ampleur des fluctuations de la monnaie devait être comparable à celle des cycles passés.
Les banques centrales adoptent une approche mesurée
Les banques centrales font preuve d’une grande prudence, et ce, pour deux raisons. La première est que l’évolution des droits de douane n’est pas claire. Les banques centrales sont donc contraintes de reporter les rajustements de leur politique monétaire en attendant de constater la nature des politiques mises en œuvre par la Maison-Blanche. Le deuxième défi pour les banques centrales est que les droits de douane envoient des signaux contradictoires. En effet, ils font simultanément augmenter les prix (ce qui plaide pour un relèvement des taux d’intérêt) et diminuer la production économique (ce qui appelle à une diminution des taux). Dans les faits, ce sont les dommages économiques qui ont habituellement préséance ; en effet, les dommages au chapitre de la production sont durables, alors que l’écart d’inflation est de courte durée. Par conséquent, on peut s’attendre à des baisses (prudentes) des taux d’intérêt.
Nous croyons que les conditions économiques permettront aux États-Unis de reprendre l’abaissement des taux d’intérêt plus tard cette année, et prévoyons trois baisses de 25 points de base chacune du taux des fonds fédéraux au cours de la prochaine année. D’autres banques centrales sont confrontées à un conflit moins marqué, car les principaux dommages causés à leur économie sont attribuables au ralentissement de la croissance plutôt qu’à une inflation élevée. Elles sont donc bien placées pour poursuivre l’abaissement des taux d’intérêt, pour porter ces derniers à des niveaux suffisamment bas pour stimuler l’économie.
Les obligations d’État offrent un potentiel de rendement raisonnable et un risque de valorisation modeste
Le taux des obligations américaines à 30 ans a grimpé à plus de 5 % en mai 2025, son plus haut niveau depuis la fin de 2023, en raison de préoccupations budgétaires. Les taux des obligations à plus court terme n’ont pas autant augmenté. Par conséquent, l’écart entre les obligations du Trésor américain à 2 ans et à 30 ans n’a jamais été aussi large depuis le début de 2022. L’inflation étant relativement stable, l’augmentation des taux obligataires a été principalement attribuable à la hausse des taux d’intérêt réels. La hausse des taux réels témoigne d’une amélioration de la conjoncture économique, mais elle intègre aussi une hausse de la prime de risque en raison des inquiétudes grandissantes au sujet de l’endettement aux États-Unis. Cependant, la hausse des taux réels sera probablement limitée dans une perspective à long terme en raison de facteurs structurels tels que le vieillissement de la population et la diminution du potentiel de croissance, alors que les économies en développement plient sous le poids d’un endettement beaucoup plus élevé. Par conséquent, à 4,40 %, le taux des obligations américaines à 10 ans est attrayant, car il se situe légèrement au-dessus de la limite supérieure du point d’équilibre estimé par notre modèle. Nous prévoyons que le taux des obligations américaines à 10 ans fléchira légèrement pour s’établir à 4,25 % au cours de la prochaine année, procurant des rendements oscillant autour de 5 % en contrepartie d’un risque de valorisation modeste.
Les actions mondiales ont récupéré leurs pertes précédentes et les marchés autres qu’américains mènent désormais le bal
Les actions ont enregistré de lourdes pertes, avant d’afficher une remontée impressionnante en raison des changements majeurs apportés au discours sur la politique commerciale des États-Unis. Les droits de douane ont déclenché un délestage intense, faisant passer à des niveaux extrêmes de nombreux indicateurs techniques et de confiance que nous suivons et permettant aux actions internationales de prendre la tête du marché au détriment des actions américaines. Compte tenu de l’annonce de reports pour l’imposition des droits de douane et des progrès accomplis dans les négociations d’accords commerciaux, la plupart des marchés ont récupéré la totalité de leurs pertes et certains marchés, en particulier les marchés internationaux, ont atteint des sommets. À ce stade, nos modèles indiquent que les actions mondiales sont correctement évaluées et offrent un potentiel de rendement intéressant, surtout sur les marchés autres qu’américains. En ce qui concerne les sociétés de l’indice S&P 500, l’incertitude entourant la politique commerciale américaine a plombé les prévisions de bénéfices. Les analystes s’attendent maintenant à une croissance globale des bénéfices de 8,5 % en 2025 et de 13,5 % en 2026, comparativement à 14 % et à 15 %, respectivement, plus tôt cette année. Selon un scénario optimiste, l’indice S&P 500 pourrait générer un rendement global annualisé de 9 % du 31 mai 2025 au 31 décembre 2026. Ce résultat nécessiterait vraisemblablement que beaucoup de choses se déroulent bien, notamment de nouveaux progrès sur le plan des échanges commerciaux, l’assouplissement de la politique monétaire de la Fed, l’optimisme des consommateurs et une solide croissance des bénéfices.