Dagmara Fijalkowski, cheffe, Titres mondiaux à revenu fixe et devises, parle de ses prévisions pour les taux obligataires et les taux d’intérêt. De plus, Dan Mitchell, premier gestionnaire de portefeuille, explique comment le dollar américain pourrait bénéficier de la récente résilience économique du pays.
Durée : 5 minutes, 40 secondes
Transcription
Dagmara Fijalkowski - Quelles sont vos perspectives concernant les taux obligataires et les taux d’intérêt ?
Depuis que la Fed a commencé à relever ses taux, nous avons connu une volatilité beaucoup plus importante que celle à laquelle se sont habitués les investisseurs, surtout pendant la période de la COVID. Le rendement médiocre des obligations cette année contraste avec les excellents résultats de la fin de 2023. Nous notons que depuis octobre dernier, les rendements obligataires sont d’environ 8 %. La hausse des taux obligataires permet bien sûr aux investisseurs en obligations d’escompter des rendements plus élevés.
Comme le taux de l’obligation américaine à dix ans est proche de 4,5 %, les investisseurs peuvent s’attendre à un rendement total similaire à l’échéance de cette obligation. Bien entendu, peu d’investisseurs détiennent une seule obligation d’État de référence. Un portefeuille d’obligations universelles diversifiées devrait produire des rendements plus élevés tout simplement grâce aux coupons. Alors que l’attention reste focalisée sur la Fed, nous enregistrons cette vidéo avant l’annonce qu’elle fera en juin.
En fait, les cycles de réduction des taux ont déjà commencé en Europe, au Canada et dans de nombreux pays émergents. Qu’en est-il de la Fed ? Le marché n’anticipe une pleine réduction de la Fed que vers la fin de l’année. Plus important encore, les marchés laissent entendre que la Fed n’abaissera pas le taux des fonds fédéraux en dessous de 3,6 % au cours de la prochaine décennie ! Cela signifierait qu’il n’y a pas de risque de récession pendant toute cette période. Cette éventualité semble peu probable.
Les marchés entrevoient donc plutôt une politique rigide en ce qui concerne le début et le rythme du cycle de réduction. La poursuite d’une croissance solide et d’une inflation constamment supérieure à l’objectif de 2 % est nécessaire pour justifier cette évaluation. Nous nous rangeons plutôt dans l’autre camp, estimant qu’au cours de la décennie, l’économie américaine connaîtra au moins une récession et que la banque centrale devra abaisser ses taux en deçà de 3,6 %. Une explication plausible des hypothèses de taux directeurs élevés est l’élargissement de la définition des taux restrictifs depuis la pandémie.
Peut-être en raison des lourds déficits publics, qui devraient se poursuivre pendant des années. Mais l’augmentation de la dette et des coûts d’intérêt peut ralentir la croissance économique au lieu de l’accélérer. Nous ne sommes pas aussi convaincus que de nombreux acteurs du marché de la hausse du taux neutre des fonds fédéraux. Nous sommes convaincus que les marchés devraient prendre en considération des primes de terme plus élevées pour les titres de créance à long terme, ce qui entraînera une normalisation de la courbe de rendement.
Les taux à dix ans, qui sont aujourd’hui inférieurs de 40 à 50 points de base aux taux à deux ans, dépasseront à une certaine période les taux à deux ans d’au moins 100 points de base. L’engagement de la Fed dans un cycle d’assouplissement sera le moteur le plus probable de cette accentuation. Dans ce cas, les obligations permettront de réaliser des gains en capital s’ajoutant à des rendements en revenu respectables.
Dan Mitchell - Le dollar américain profitera-t-il de la récente résilience économique du pays ?
L’un des grands thèmes de l’année sur les marchés a été la résilience de l’économie américaine, dans le contexte des taux d’intérêt plus élevés liés à l’effort de la Fed pour juguler l’inflation au cours des deux dernières années.
Les médias ont popularisé l’expression « exceptionnalisme américain » pour décrire non seulement cette résilience économique, mais aussi la mesure dans laquelle l’économie américaine surpasse ses homologues mondiaux, notamment l’Europe et la Chine. Ce qui est intéressant, c’est qu’au milieu de toutes ces discussions sur l’exceptionnalisme américain, les rendements du dollar américain sont loin d’être exceptionnels. Jusqu’à présent, la monnaie n’a progressé que de 3 % par rapport à son plus bas niveau de l’année, et elle est coincée dans cette fourchette étroite dans laquelle elle est confinée depuis 18 mois.
À notre avis, cela montre que les marchés des changes subissent les pressions contradictoires des facteurs à court terme et à long terme. D’une part, nous avons des taux d’intérêt plus élevés et l’impact des mesures de relance budgétaire qui soutiennent la monnaie. Mais d’autre part, nous avons ces facteurs négatifs à long terme qui limitent les gains de change.
Ce sont des facteurs comme la surévaluation de la monnaie et les préoccupations quant à la trajectoire budgétaire du pays à long terme, ainsi que les inquiétudes qui entourent certaines des politiques suggérées par les deux candidats à la présidence en anticipation des élections de novembre 2024. Plus récemment, nous avons constaté un léger ralentissement de l’activité économique américaine au deuxième trimestre. En même temps, les données économiques commencent à s’améliorer dans le reste du monde.
Donc le thème de l’exceptionnalisme américain est passé à l’arrière-plan, ce qui laisse ces facteurs à long terme peser sur le dollar américain. Nous devrons sans doute attendre un peu plus longtemps avant de voir se matérialiser la faiblesse du dollar américain, car les taux d’intérêt sont ce qui influe le plus sur les marchés des changes et la Fed n’a pas encore lancé son processus de réduction des taux.
Toutefois, nous restons pessimistes à l’égard du dollar américain sur un horizon d’un an, et nos prévisions pour les autres monnaies laissent entrevoir des rendements de l’ordre de 5 % à 9 % à mesure que le dollar américain commencera à fléchir.