En janvier, nous avons donné notre avis sur l’année à venir. Le deuxième trimestre ayant déjà commencé, le moment semble opportun pour faire le point. Nous avons demandé à Kilian Niemarkt, gestionnaire de portefeuille client, comment son équipe parvient à mettre l’accent sur la création de valeur à long terme en dépit de l’incertitude macroéconomique.
Les marchés sont marqués par des événements bouleversants depuis le début de l’année. En tant qu’investisseur en actions, que faites-vous pour rester optimiste ?
La catégorie d’actifs recèle encore un potentiel de hausse attrayant. Il est vrai que les taux d’intérêt sont plus élevés qu’au cours de la décennie précédente. Toutefois, en ce qui concerne la valeur des actions, les investisseurs doivent tenir compte de deux aspects : ce qu’ils paient et ce qu’ils obtiennent.
Ce que vous payez est fortement influencé par le taux d’actualisation d’une entreprise. Celui-ci va évidemment de pair avec la hausse des taux et détermine le taux terminal que nous utilisons dans nos modèles pour évaluer la valeur d’une action. Les investisseurs en actions ont été pénalisés, mais nous croyons que les taux d’intérêt plafonneront bientôt et que la situation pourrait évoluer dans le bon sens.
La récente tourmente dans le secteur bancaire américain a poussé le régulateur à durcir la réglementation. Il est difficile de faire une évaluation des conséquences, qui sont incertaines. Toutefois, le président de la Fed, Jerome Powell, a reconnu que l’incidence pourrait équivaloir à une hausse des taux d’intérêt de 25 ou de 50 points de base. Il est donc facile d’en déduire qu’il faut prévoir un taux final plus bas pour les fonds fédéraux. Dans ce contexte, le relèvement de 25 points de base par la Fed a été jugé accommodant, et le cycle de hausse des taux pourrait être proche de son sommet, puisque les taux d’intérêt pourraient éventuellement commencer à baisser.
En termes de ce que vous obtenez, les résultats dépendent des bénéfices des entreprises individuelles et des excellentes sociétés qui tirent parti des occasions dans un monde de changements. Ces sociétés, par exemple, profitent de leur pouvoir de tarification par rapport à leurs pairs pour protéger leurs marges.
En résumé, nous pensons qu’il existe un important potentiel de croissance. La valeur est relative, et l’incidence négative peut se transformer en incidence positive.
Vous investissez dans d’excellentes sociétés à des valorisations attrayantes. Comment trouvez-vous ces entreprises qui réalisent de bons résultats même en période difficile ?
Nous disposons d’un processus éprouvé que nous appliquons depuis plus de 16 ans. Il est axé sur les quatre forces de la dynamique concurrentielle. Nous recherchons 1) un modèle d’entreprise gagnant, 2) les occasions de gagner des parts de marché, 3) un marché final en croissance, et 4) une équipe de gestion solide et des antécédents d’exécution. Nous voulons des sociétés qui répondent à ces quatre critères.
Afin de trouver ces sociétés, nous devons regarder au-delà des états financiers. Pour repérer une entreprise gagnante, nous examinons les éléments intangibles, les facteurs qui ne sont pas évidents dans les états des résultats, les bilans ou les états des flux de trésorerie. Les éléments varient d’un secteur à l’autre. Par exemple, dans le secteur des soins de santé, l’accent est mis sur les capacités de recherche et de développement, ainsi que sur la possibilité d’attirer et de recruter les meilleurs scientifiques, à savoir le capital humain. Pour dénicher d’excellentes sociétés, il faut dépasser l’analyse financière traditionnelle.
De même, nous cherchons à éviter les entreprises qui se focalisent uniquement sur leurs états financiers. La conjoncture se caractérise par un excès d’emprunt, à savoir : 1) l’emprunt auprès des clients par une politique de retour faible, un service clientèle inefficace ou la réduction des budgets de recherche et de développement et le report des investissements, 2) l’emprunt auprès des fournisseurs et le non-respect des délais de paiement, et 3) l’emprunt auprès des salariés par une rémunération inéquitable ou des conditions de travail peu sûres.
De tels emprunts peuvent améliorer l’état du capital financier à court terme, mais ils ne permettent pas nécessairement de faire prospérer l’entreprise. Le fait d’hypothéquer l’avenir peut créer un passif éventuel qui, une fois concrétisé, a des conséquences défavorables sur les actionnaires. C’est pourquoi nous nous intéressons aux grandes entreprises qui sont une source d’actif éventuel et qui investissent dans l’avenir.
Quel rôle les dividendes jouent-ils actuellement pour les investisseurs en actions ?
Tout d’abord, il y a un coût d’opportunité lorsque l’on déploie du capital. Les dividendes, dans une certaine mesure, constituent une portion rémunérant les investisseurs pour la renonciation à leur capital.
Deuxièmement, les dividendes sont un moyen de raccourcir la duration de placement. Les intérêts élevés défavorisent la valorisation relative à long terme par rapport à celle à court terme. Par conséquent, le rendement du capital investi pour les actionnaires permet aux équipes de gestion de raccourcir la durée des actions, conformément aux attentes des investisseurs.
Deux autres arguments justifient le recours aux dividendes : ils peuvent renforcer la discipline en matière d’affectation du capital pour l’équipe de direction de l’entreprise et accroître l’attrait de l’entreprise aux yeux des investisseurs en quête de revenu.
Dans le contexte actuel, où voyez-vous des occasions pour les sociétés ?
Nous recherchons des sociétés bénéficiant d’un avantage concurrentiel important. Quelles que soient les perspectives économiques, il est difficile d’imaginer que des entreprises solides dotées d’avantages concurrentiels ne puissent pas survivre à long terme. Nous avons constaté par le passé que, en période de récession, les grandes sociétés peuvent en ressortir plus fortes. Elles sont en mesure d’augmenter leur part de marché par rapport aux entreprises mal gérées.
Selon nous, le marché se focalise trop sur la hausse des taux d’intérêt et les risques qui en découlent, ce qui offre des occasions aux sélectionneurs de titres axés sur la recherche fondamentale ascendante, comme nous.
Pour préciser davantage, quels sont les domaines prioritaires de vos placements ?
Il est clair que les tensions inflationnistes pèsent sur le revenu disponible et le pouvoir d’achat discrétionnaire des ménages. Ceux qui se situent dans les deux quartiles inférieurs de la distribution des revenus sont particulièrement touchés, car l’alimentation, l’énergie et le logement représentent une ponction disproportionnée sur leurs revenus. La tension inflationniste dans ces trois domaines est particulièrement forte.
Nous nous concentrons sur les entreprises stables dont la clientèle est fidèle et les marques sont solides. Elles pourront se servir de leurs actifs éventuels pour démontrer leur pouvoir de tarification et protéger leurs marges, tout en accroissant leur chiffre d’affaires.
En outre, nous mettons l’accent sur les modèles d’entreprise nationaux disposant de chaînes logistiques simples. Ces entreprises ont fait preuve d’une grande résistance et ont pu gagner des parts de marché par rapport à leurs homologues qui, au cours des dernières années, ont pâti des perturbations des chaînes logistiques mondiales et des pénuries de main-d’œuvre.
Dans la vidéo ci-dessous, Jeremy Richardson, premier gestionnaire de portefeuille de notre équipe Actions mondiales, explique ce que les récents événements survenus dans le secteur bancaire américain signifient pour les investisseurs et pourquoi il croit lui aussi à la nécessité de garder l’esprit ouvert.