Dans la mise à jour d’avril 2023 destinée aux investisseurs en actions, nous faisons le point sur la dynamique concurrentielle dans le secteur bancaire américain, présentons les perspectives économiques et parlons de l’importance de garder un esprit ouvert.
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Transcription
Bonjour, je m’appelle Jeremy Richardson et je fais partie de l’équipe Actions mondiales RBC. Je vous présente aujourd’hui une nouvelle mise à jour. Mars a été un mois fort intéressant. Nous espérions un scénario économique sans atterrissage, ou du moins, avec un atterrissage en douceur, mais une crise inattendue a éclaté dans le secteur bancaire américain. Je vous épargne les détails sur l’identité de la banque qui a connu des difficultés ; je suis certain que tout le monde a eu l’occasion de suivre l’actualité dans les journaux. Qu’est-ce que tout cela signifie ? Je voudrais vous faire part de trois observations.
La première étant que cette situation a, je crois, provoqué un changement dans le secteur. Il arrive que l’on assiste à des changements de ce type. La plupart du temps, les secteurs mettent du temps à changer, mais il arrive parfois que les changements soient beaucoup plus marqués, à l’image de ce qui s’est passé dans le secteur de l’énergie au début de l’année 2022. Cette fois-ci, il s’agit d’une division qui s’est créée dans le secteur entre les petites banques régionales et les grandes banques d’importance systémique. Avant les événements de ce mois-ci, les petites banques pouvaient bénéficier d’un avantage concurrentiel du fait qu’elles étaient plus proches de leurs clients, ce qui leur permettait d’offrir un meilleur service à leur clientèle, des produits et des services plus adaptés et, grâce à leur présence dans la collectivité, d’évaluer le risque local de manière plus précise. Or, ces avantages sont maintenant éclipsés par un désavantage concurrentiel : les déposants ont désormais un réel intérêt économique à se tourner vers une institution plus importante, qui dispose d’une assurance implicite, étant considérée comme trop grande pour faire faillite. Voilà le type de message qui ressort des faillites bancaires survenues en mars, et je pense que cette situation se traduira par une baisse de rentabilité pour certaines de ces petites banques régionales. Et ce, pour deux raisons. Premièrement, ces banques devront offrir davantage aux déposants pour attirer des dépôts, ce qui leur coûtera plus cher. Deuxièmement, la réglementation devra fort probablement être renforcée, en particulier en ce qui concerne la gestion de la liquidité, ce qui occasionnera également des coûts. Ainsi, nous observons actuellement un changement dans la dynamique concurrentielle du secteur bancaire américain. Il s’agit là d’un fait notable.
La deuxième observation est que cette situation a potentiellement modifié les perspectives économiques, car, comme je l’ai dit, nous espérions tous un atterrissage en douceur voire un scénario sans atterrissage, mais il est maintenant possible que nous nous retrouvions avec un resserrement du crédit. Si les banques constatent dans leurs activités de prêt que le coût de leur capacité à attirer des déposants augmente, cela signifie que leur rentabilité diminue. De plus, elles auront probablement besoin de plus de capitaux pour se conformer à la nouvelle réglementation. Par conséquent, les agents des prêts redoubleront de prudence pour ne pas commettre d’erreurs. Ils ne voudront pas subir de pertes de crédit qui pourraient entamer ces capitaux ; les prêts bancaires seront donc plus difficiles à obtenir. À court terme, cette situation aura probablement plus de répercussions sur Main Street que sur Wall Street, puisque ce sont les petites et moyennes entreprises, qui sont souvent les clientes des banques régionales, qui risquent d’être les premières touchées. Bien entendu, les petites et moyennes entreprises emploient énormément de gens, et représentent environ 70 % des emplois aux États-Unis. Il faut donc s’attendre à ce que les retombées se répandent de façon assez générale dans l’économie réelle.
La troisième observation, cependant, est qu’il faut garder l’esprit ouvert par rapport à cette situation. Et si je dis cela, c’est parce qu’il est très tentant de penser que nous sommes en train de revivre l’année 2008. Il suffit de lire les grands titres des journaux : « les banques sont en difficulté ». On peut alors facilement tirer cette conclusion. Toutefois, le problème dont il est question aujourd’hui est fondamentalement très différent. Bien sûr, en 2008, les pertes de crédit étaient au cœur du problème : des décisions de crédit avaient mal tourné et avaient miné la rentabilité et les capitaux des banques. La situation semble toutefois différente cette fois-ci, car il ne s’agit pas de mauvaises décisions de crédit, mais plutôt de décisions de placement, et en particulier, de la manière dont de nombreuses banques ont investi les dépôts de leurs clients dans des portefeuilles de titres à revenu fixe de l’autre côté de leurs bilans. Et c’est la hausse des taux d’intérêt qui a réduit la valeur de ces portefeuilles de titres à revenu fixe, créant des pertes latentes. C’est ce qui a déclenché la plupart des inquiétudes des investisseurs dans ce secteur particulier. Bien entendu, si le resserrement du crédit entraîne un ralentissement de la croissance économique, voire une récession, nous devrions nous attendre à une baisse des taux d’intérêt.
En fait, le marché obligataire prévoit un repli des taux d’intérêt à partir de l’été. Dans cette éventualité, nous disposons en réalité d’un puissant mécanisme de retour à la moyenne dans la mesure où, lorsque les taux d’intérêt chuteront, la valeur de ces portefeuilles de titres à revenu fixe augmentera à nouveau. La situation est donc très différente de celle de la crise du crédit de 2008, où la baisse des taux d’intérêt n’avait eu aucun effet réparateur sur les bilans et sur les pertes de crédit. Il avait alors fallu injecter de nouveaux capitaux, ce qui est différent de ce que nous observons aujourd’hui. Ainsi, il ne faut pas établir un parallèle entre 2008 et 2023.
Une autre question, qui apporte un certain réconfort, est celle des flux de dépôts eux-mêmes. Une fois que vous avez transféré votre argent, vous ne revenez pas sur votre décision – vous ne pouvez pas nécessairement le déplacer deux fois. Il y a donc eu pour ainsi dire une vague de flux de dépôts dans le secteur bancaire. Certains signes précurseurs laissent entrevoir un ralentissement des transferts, ce qui apporte également un certain réconfort. Ce réconfort ne saurait mieux tomber, car les banques seront parmi les premières sociétés à dévoiler leurs résultats en avril, à l’aube de la période de publication des résultats du premier trimestre. Je pense que de nombreux investisseurs surveilleront de très près ces flux de dépôts pour se faire une idée de l’ampleur de la crise bancaire qui frappe l’économie américaine. De manière générale, il sera intéressant pour les investisseurs de voir comment les entreprises ont tenu le coup au cours des trois derniers mois environ. Selon nous, la conjoncture ne s’est pas sensiblement améliorée et, comme nous l’avons dit au dernier trimestre, les incitatifs sont insuffisants pour justifier des prévisions favorables de la part des équipes de direction pour l’instant.
Cependant, je reste d’avis que les perspectives à moyen terme s’améliorent et que nous sommes en train de passer, non sans heurts ni de façon linéaire, d’une période d’assouplissement quantitatif et de conditions monétaires souples à une situation que nous pourrions qualifier de plus « normale ». La question de savoir à quoi devrait ressembler cette normalité fait l’objet de nombreux débats, mais pour les investisseurs, cette normalité devrait en fait éliminer quelques-unes des principales incertitudes auxquelles nous avons dû faire face au cours des 18 derniers mois. Nous avons déjà mentionné les deux facteurs que les investisseurs doivent prendre en compte lorsqu’ils évaluent une société : les bénéfices au numérateur de l’équation de valorisation et le taux d’actualisation au dénominateur. Bien entendu, le dénominateur a fait l’objet d’une attention accrue en raison de l’inflation et des perspectives des taux d’intérêt. Si les prévisions du marché obligataire se réalisent et que les taux d’intérêt commencent à chuter, alors l’incidence négative sur les valorisations devrait s’atténuer, voire se transformer en incidence positive au second semestre, ce qui devrait permettre de ramener les bénéfices et les données fondamentales des sociétés au premier plan. Et si vous êtes un investisseur à long terme comme nous, vous comprendrez que ce sont les données fondamentales à long terme de ces sociétés qui, en fin de compte, stimulent la création de valeur pour les actionnaires et ajoutent de la valeur aux portefeuilles au fil du temps. Et ce sont là nos priorités. J’espère que vous avez aimé ma présentation. J’ai hâte de vous retrouver bientôt.