Dan Chornous, chef des placements, se penche sur les principaux facteurs qui influent sur ses perspectives de croissance mondiale, des titres à revenu fixe et des marchés boursiers en contexte inflationniste.
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Transcription
Quelles sont vos perspectives pour l’économie mondiale ?
Comme la plupart d’entre vous, je me réjouis du retour au bureau et du temps passé avec mes associés.
Certes, nous échappons enfin aux affres de la pandémie, mais la reprise économique comporte son lot de défis. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, les perturbations des chaînes logistiques, les évolutions des habitudes des consommateurs, les deux années de stimulation monétaire excessive et les taux d’intérêt ultra-bas ont contribué ensemble à porter l’inflation aux niveaux intenables que nous connaissons actuellement. Il y a environ un an et demi, un de mes associés m’a demandé quelle évolution j’aimerais être capable de prévoir. J’ai répondu : le niveau d’inflation. En effet, ce sera déterminant pour l’économie et les marchés.
Je ne me suis pas trompé. La Fed doit désormais prendre des mesures pour rapprocher l’inflation de ses niveaux cibles, soit environ 2 % dans des délais raisonnables. Nous avons donc connu une hausse des taux d’intérêt à court et à long terme. Cela entraîne un ralentissement de l’économie et le risque de récession n’avait probablement pas été aussi élevé depuis des années.
Rien n’est sûr, mais on observe déjà que la croissance est deçà des prévisions de 2022 et 2023.
Quel est votre point de vue à l’égard de l’inflation ?
L’inflation est trop forte. Elle dépasse les 8,5 % en Amérique du Nord. Les niveaux supérieurs et mesurés au Royaume-Uni et en Europe sont même parfois persistants. Ils doivent absolument être ramenés à 2 % (objectif précédent), voire un peu plus, à un rythme acceptable.
Il a fallu attendre 40 ans pour que les banques centrales jouissent de leur niveau de crédibilité actuel et elles ne comptent pas la remettre en jeu pour l’heure. Pour juguler l’inflation, il faut relever les taux d’intérêt. Nous avons été témoins d’une série de hausses de taux à marche forcée, généralement de l’ordre de 25 points de base. Elle s’échelonne sur plusieurs mois afin que les banques centrales puissent en évaluer les retombées.
En fait, on a gagné 50 à 75 points de base en un intervalle très court. Il est possible que l’inflation s’apprête à refluer, du moins en Amérique du Nord. Certains des facteurs qui exerçaient une pression sur les prix, notamment les prix de l’énergie, ont disparu sous l’effet d’une destruction de la demande. La consommation d’énergie a simplement été moindre que ce qu’elle aurait été dans le passé à des prix plus élevés. Ce n’est pas encore le cas en Europe et au Royaume-Uni, qui pourraient passer un hiver difficile.
Toutefois, les mesures politiques auront un effet, qui devient déjà apparent en Amérique du Nord. Si l’inflation continue d’augmenter, ou même reste à son niveau actuel, la hausse des taux d’intérêt, les mesures d’austérité budgétaire et les turbulences économiques sont quasiment assurées en 2022 et 2023.
Nous croyons que l’inflation atteindra 3,5 % d’ici l’automne 2023. Si ce n’est pas le cas, l’économie et les marchés seront confrontés à d’autres difficultés.
Que prévoyez-vous pour les marchés des titres à revenu fixe ?
Jusqu’à présent, les marchés des titres à revenu fixe ont connu une année 2022 très difficile. En fait, selon certains indicateurs, la situation n’avait pas été aussi mauvaise depuis des décennies, à cause, bien entendu, de l’inflation galopante et, surtout, du resserrement des conditions monétaires et de la hausse des taux d’intérêt.
Nous nous attendons à ce que les taux d’intérêt à court terme montent jusqu’à 3,5 % et plus si l’inflation ne réagit pas aux relèvements des taux d’intérêt et au durcissement des conditions monétaires. Selon nos prévisions, l’inflation a atteint un sommet à l’été 2022 et se rapprochera graduellement de 3,5 % d’ici l’automne ou la fin de 2023.
La Fed pourrait ainsi cesser d’augmenter les taux d’intérêt à 3,5 ou 3,75 %, et la pression sur le marché obligataire se relâcherait alors progressivement. Dans ce scénario, les rendements obligataires se situeront à peu près à leur niveau actuel, soit 3–3,25 % dans un an.
Le coupon constituera alors votre rendement total au cours de l’année à venir.
Quelles sont vos perspectives pour les marchés des actions ?
Le marché haussier a pris fin avec la hausse des taux décidée par la Fed et la poussée de l’inflation au début de l’année. Le marché boursier américain a reculé de plus de 23 % avant d’effacer la moitié de ses pertes grâce à la reprise estivale. Néanmoins, nous ne sommes pas sortis d’affaire. La quasi-totalité des pertes subies par les actions est liée à la baisse des valorisations. Les bénéfices n’ont pas été examinés attentivement.
En fait, les analystes semblent avoir un train de retard en ce qui concerne l’incidence du tassement de la croissance économique et des bénéfices des entreprises. Les ratios C/B se sont comprimés à mesure que les taux d’intérêt augmentaient. Si l’inflation ne diminue pas, les valorisations continueront de baisser. Toutefois, nous prévoyons un maintien de leurs niveaux actuels. Le problème se pose à mesure que l’on se rapproche de la récession. Selon les analystes, une croissance des bénéfices de 8 % en 2022 et en 2023 paraît exagérée. Avec des prévisions de bénéfices un peu plus modestes et une relative stabilité des valorisations, les marchés qui se situent au autour de 4 000, de 4 200 à 4 300,semblent présenter une valorisation raisonnable.
Toutefois, avec le ralentissement économique et les baisses inattendues des bénéfices, le marché boursier risque également de reculer. À l’échelle mondiale, la correction enregistrée jusqu’à présent a entraîné les actions vers des niveaux intéressants dans bien des cas.
L’Europe, le Royaume-Uni et les marchés émergents sont en fait très appréciés des investisseurs, car ils s’avèrent bien plus attrayants qu’il y a six mois. Les titres américains, qui se trouvent juste au-dessus de la juste valeur, ont laissé derrière eux une partie importante de leurs excès passés. Les actions disposent donc d’une marge suffisante pour se redresser, à mesure que l’horizon commence à s’éclaircir sur le plan économique.