La tendance à la baisse du dollar américain demeure inchangée et nous prévoyons toujours que sa valeur sera très faible au cours des prochaines années. Le déclin cyclique à long terme inscrit dans nos perspectives s’est toutefois heurté à certains obstacles à court terme, ce qui a ralenti sa progression par rapport à nos prévisions. Bien que la valeur du dollar se situe à peu près à 7 % en dessous de son pic de septembre 2022, elle est demeurée identique depuis le début de 2023. En 2023, sa chute a été interrompue par l’augmentation des taux d’intérêt américains et le fait que la croissance économique a été décevante à l’étranger. Dans l’ensemble, les devises des marchés émergents se sont néanmoins comportées de façon impressionnante. Certaines d’entre elles ont même réussi à réaliser des rendements de plus de 10 % cette année, et l’euro, le dollar canadien et la livre sterling ont aussi surpassé le dollar américain. Nous demeurons optimistes à l’égard de la plupart des devises des marchés émergents et développés au cours des 12 prochains mois, car nous prévoyons un déclin global du dollar américain.
Jusqu’à présent, le billet vert n’a pas été touché par l’importante faiblesse observée à la fin de l’année dernière. Sa rapide chute de 10 % entre octobre 2022 et janvier 2023 a donné un aperçu des conséquences des baisses cycliques antérieures (figure 1), mais elle a pris fin au début de l’année (figure 2). Cet été, sa vigueur a amené certains investisseurs à se demander si la tendance à la baisse allait durer. Nous demeurons toutefois convaincus qu’à long terme, le dollar américain suit une trajectoire baissière et nous prévoyons que sa valeur sera faible pendant plusieurs années (figure 3), ce qui aura une grande influence sur les marchés obligataires et boursiers, ainsi que sur ceux des marchandises et des devises.
Figure 1 : Évolution du marché baissier du dollar américain
Nota : Au 28 août 2023. Utilisation de l’indice USTWAFE. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 2 : Le dollar américain évolue dans une fourchette étroite depuis le début de l’année
Nota : Au 29 août 2023. Utilisation de l’indice BBDXY. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 3 : Dollar américain pondéré en fonction des échanges commerciaux
Nota : Au 25 août 2023. Sources : Bloomberg, Réserve fédérale américaine, RBC GMA
Certains facteurs fondamentaux continuent d’expliquer la dépréciation du dollar américain. La plupart des modèles d’évaluation indiquent que la valeur de cette monnaie est élevée depuis plusieurs années, et, selon le modèle de parité des pouvoirs d’achat que nous suivons, elle est supérieure de plus de 20 % à sa juste valeur estimative (figure 4). De même, peu de gens contesteraient le lien entre la détérioration des déficits budgétaires et commerciaux des États-Unis et l’évolution de la valeur du dollar américain (figure 5) ou les conséquences négatives que les faillites bancaires aux États-Unis, les menaces de paralysie du gouvernement et les baisses de sa cote de crédit ont eues sur celle-ci. Comme nous l’avons vu dans des numéros précédents de Regard sur les placements mondiaux, le thème de la « dédollarisation », un abandon lent et progressif de l’utilisation, à l’échelle mondiale, du dollar américain pour le commerce et les placements a gagné du terrain. Au cours de la prochaine décennie, ce thème minera le soutien au dollar, surtout si les États-Unis continuent de l’utiliser comme une arme en restreignant l’accès de leurs ennemis aux systèmes de paiement et en bloquant leurs réserves de change. Selon une étude1 publiée en janvier par le FMI, des dizaines de pays d’Europe, du Moyen-Orient et d’Asie ont eu recours à la détention de plus grandes quantités d’or en tant qu’actif de réserve.
Figure 4 : Dollar américain – Modèle de la PPA
Nota : Utilisation du nouvel indice USD de la Fed à compter du 31 déc. 2019 (indice USTWAFE). Au 23 août 2023. Sources : Réserve fédérale américaine, Bloomberg, RBC GMA
Figure 5 : Dollar américain et double déficit des États-Unis
Nota : Au 31 mars 2023. Sources : Bloomberg, RBC GMA
La résilience du dollar américain s’explique en grande partie par des facteurs à court terme. La persistance de la Réserve fédérale américaine (Fed) dans son orientation ferme a contribué à la force du billet vert, car la hausse des taux aux États-Unis continue d’attirer des capitaux loin des régions à faible rendement comme le Japon. Pour l’instant, la Fed s’est montrée ferme en affirmant que sa politique monétaire demeurera stricte aussi longtemps que nécessaire pour maîtriser les tensions inflationnistes. Le moment exact où les décideurs américains pourront crier victoire à cet égard ne fait pas l’unanimité. Globalement, l’inflation est passée d’un sommet d’environ 9 % à environ 3 % (figure 6), ce qui donne à penser que le travail est presque terminé, bien que la mesure de l’évolution des prix privilégiée par la Fed (l’indice implicite de prix des dépenses personnelles de consommation) n’ait pas encore suffisamment diminué. Comme le taux des fonds fédéraux est passé à 5,50 %, le taux directeur corrigé de l’inflation de la Fed est de nouveau positif, et donc plus restrictif pour la croissance économique.
Figure 6 : Baisse des trois mesures de l’inflation
Nota : Au 28 août 2023. Sources : Bureau of Labor Statistics, Bureau of Economic Analysis, RBC GMA
Tant que ce resserrement du taux directeur ne causera pas de récession aux États-Unis, le billet vert devrait se déprécier parallèlement à la diminution de l’inflation, car celle-ci soulage la pression sur la Fed pour qu’elle relève encore les taux d’intérêt et pourrait même l’inciter à les baisser. On peut dire que l’incidence positive de la hausse des taux obligataires sur le dollar américain a été importante et que la Fed a terminé ses hausses de taux, ou presque.
L’autre facteur important qui soutient le billet vert, ce sont les nouvelles économiques relativement mauvaises par rapport à certaines autres régions. L’Europe et la Chine se démarquent non seulement parce que ce sont les deux économies les plus importantes après les États-Unis, mais aussi parce que leurs données économiques ont été extrêmement décevantes (figure 7). Sans la perspective de rendements supérieurs attirant des capitaux étrangers, il est peu probable que l’euro et le renminbi puissent réaliser des gains substantiels. Cela dit, ces deux monnaies sont perçues de façon extrêmement négative, ce qui nous dit que leur valeur tient peut-être déjà compte du pire.
Figure 7 : Surprises liées aux données économiques par région
Nota : Au 28 août 2023. Sources : Citi, RBC GMA
Un nouveau cycle ?
Une étude sur la relation entre les marchés financiers et le dollar américain suggère également que le billet vert pourrait entamer une période de faiblesse. Le cadre à quatre quadrants conçu par Adam Cole et Elsa Lignos, de RBC Marchés des Capitaux et illustré à la figure 8, affiche les rendements des devises dans différents contextes obligataires et boursiers au cours des quatre dernières décennies. Comme on peut s’y attendre, la corrélation entre la hausse du billet vert et les baisses des actions et des obligations (quadrant inférieur gauche) est plus étroite, car le dollar profite de la hausse des taux obligataires lorsque les obligations s’affaiblissent et de la demande pour les valeurs refuges lorsque ce sont les actions qui fléchissent. Cela a été le contexte du marché pendant la majeure partie de 2022, et rétrospectivement, le dollar aurait été une bonne couverture pour les investisseurs confrontés au très difficile contexte de placement de l’époque. Il est toutefois assez rare que les obligations et les actions chutent à l’unisson, et cela se produit généralement lors de périodes où les hausses de taux d’intérêt de la Fed menacent d’interrompre une tendance haussière des marchés boursiers. Comme le cycle de hausse des taux de la Fed tire à sa fin, nous ne nous attendons pas à ce que cet environnement difficile perdure et nous avons remarqué que le lien entre les obligations et les actions (quadrant inférieur droit) s’est affaibli au cours des derniers mois (figure 9). S’il est possible d’éviter un atterrissage économique brutal, nous pensons que la pression sur les obligations et les actions pourrait diminuer lorsque la Fed mettra fin à la hausse des taux, un contexte dans lequel le dollar devrait subir une importante liquidation par rapport à ses pairs.
Figure 8 : Rendement des devises selon les différents régimes d’obligations et d’actions
Données hebdomadaires de 1980 à 2023
Nota : Au 25 août 2023. Les barres indiquent la moyenne des données hebdomadaires de 1980 à 2003, à l’exclusion des relevés se situant dans une fourchette de 0,5 écart type. Sources : RBC Marchés des Capitaux, RBC GMA
Figure 9 : Rendements sur des périodes mobiles d’un mois (obligations, actions, $)
Nota : Au 25 août 2023. Source : RBC GMA
Marchés émergents
Au cours de la dernière année, bon nombre des devises les plus performantes du monde ont été celles de marchés émergents offrant des taux d’intérêt encore plus élevés que le dollar américain. En réaction à la hausse de l’inflation, les banques centrales d’un certain nombre de marchés émergents, dont la Hongrie, le Mexique et le Brésil, ont haussé leurs taux de façon plus agressive que la Fed l’an dernier et cette politique a empêché ces pays de connaître de soudaines sorties de capitaux lorsque les taux ont augmenté aux États-Unis. En fait, l’augmentation des taux obligataires, qui ont dépassé 10 % dans certains pays, a fait en sorte que les devises de certains marchés émergents ont eu d’importants rendements totaux (figure 10), composés à la fois de rendements sains et de gains en matière de taux de change. Le succès de ces stratégies de recherche de rendement a été alimenté par la faible volatilité du marché, la solidité des marchés boursiers et un large écart entre les taux des devises à rendement élevé et ceux des devises à faible rendement. Les devises des marchés émergents pourraient continuer de surpasser les autres en raison du fléchissement du dollar, mais nous sommes de plus en plus prudents à mesure que les valorisations convergent et que les banques centrales de certains marchés émergents, notamment le Brésil et le Chili, commencent à réduire les taux. La faiblesse du dollar américain est un facteur favorable pour les devises des marchés émergents, mais nous serons probablement plus sélectifs dans le choix de celles dont nous ferons l’acquisition. Nous nous tournons vers les monnaies des pays ayant un meilleur profil en matière de croissance et de budget, tout en évitant ceux dont les banques centrales réduisent les taux d’intérêt avant que l’inflation ne se soit atténuée.
Figure 10 : Forte corrélation entre les taux et le rendement des devises
Nota : Données au 28 août 2023. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Le renminbi chinois
Le renminbi chinois, qui a été l’une des devises les moins performantes cette année, s’est classé au troisième rang parmi celles des 25 principaux marchés émergents, juste avant le rouble russe et la livre turque (figure 11). À la fin de l’année dernière, la croissance économique n’a pas repris après l’assouplissement des restrictions relatives à la COVID-19 et ces résultats décevants ont eu une incidence sur le rendement de la monnaie. En outre, les taux d’intérêt chinois étant parmi les plus bas de tous les marchés émergents et les taux directeurs du pays ayant été réduits deux fois cet été, les investisseurs qui cherchent des devises offrant des rendements plus élevés ont boudé le renminbi. La faiblesse du renminbi et la mauvaise santé générale de l’économie chinoise ont pesé sur l’appétit des investisseurs pour toutes les devises des marchés émergents, mais on peut espérer que les difficultés de cette devise s’atténueront au fur et à mesure que la banque centrale chinoise commencera à lutter contre son déclin. Pour les décideurs chinois, axés sur la stabilité et le contrôle, la chute de près de 10 % du yuan depuis janvier menace d’attiser la spéculation sur de nouvelles baisses, une dynamique qui pourrait éroder la confiance à l’égard de la devise et perturber les efforts visant à encourager les investissements. Alors que la valeur du renminbi approche de creux qu’elle n’a pas atteints depuis la crise financière mondiale (figure 12), la Banque populaire de Chine a utilisé bon nombre des outils dont elle dispose pour la soutenir.
Il s’agit notamment de ce qui suit :
- offrir une orientation par l’intermédiaire d’un taux de référence quotidien plus fort que le taux de change en vigueur ;
- créer des taux d’intérêt à court terme plus élevés pour dissuader l’adoption de positions courtes en renminbi ;
- contraindre les banques et les exportateurs d’État à convertir leurs avoirs en liquidités étrangères et réduire les obligations de réserve sur les transactions de change afin de libérer plus d’actifs aux fins de rapatriement.
La banque dispose de bien des outils supplémentaires plus puissants qu’elle n’a pas encore utilisés, notamment les achats directs de renminbi. Nous sommes d’avis que le cycle actuel de dépréciation du renminbi est presque terminé et que le niveau du taux de change tient compte des mauvaises nouvelles économiques. Nous ne nous attendons pas à ce que le renminbi rebondisse brusquement, mais l’absence de nouvelles faiblesses éliminerait une importante influence négative sur les devises des marchés émergents et serait donc, dans l’ensemble, négative pour le dollar américain.
Figure 11 : Le renminbi en queue de peloton parmi les devises des marchés émergents de l’année en cours
Nota : Au 28 août 2023. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 12 : Le renminbi se rapproche des niveaux observés pendant la crise financière mondiale
Nota : Au 25 août 2023. Sources : Bloomberg, RBC GMA
L’euro
La valeur de l’euro s’est renforcée au début de l’été, dépassant 1,12 $ US à la mi-juillet, contre 1,065 $ US début juin. Bien que la reprise soit également due à la liquidation généralisée du dollar américain à l’époque, elle est en partie attribuable aux efforts déterminés de la Banque centrale européenne (BCE) pour combattre l’inflation. Depuis, la confiance à l’égard de la monnaie unique s’est détériorée en raison de trois facteurs : i) le fait que les données économiques aient été décevantes pour l’Europe, ii) la faiblesse de l’économie chinoise, qui investit moins dans les exportations européennes et iii) la diminution des probabilités de récession aux États-Unis et un renversement des attentes à l’égard d’une réduction des taux par la Réserve fédérale l’an prochain. Le pessimisme concernant la possibilité de croissance économique à l’extérieur des États-Unis est déjà répandu, ce qui pourrait s’améliorer. En effet, les économies de l’Europe et de la Chine ont déjà commencé à montrer des signes d’amélioration inattendus.
Les prochains mois nous donneront un aperçu important de l’orientation de la politique monétaire dans toutes les grandes régions. Pour l’instant, nous pouvons être relativement certains que la Fed a suffisamment augmenté les taux d’intérêt, ce qui réduit le soutien que la hausse des taux apporte au dollar. De nombreux investisseurs pensent que la BCE a presque terminé son cycle de hausse des taux, car ils ont l’impression que le ralentissement de la croissance européenne fera diminuer l’inflation sans qu’il soit nécessaire d’augmenter les taux de nouveau. Toutefois, contrairement à la Fed, la BCE n’est pas chargée de cibler la croissance et l’emploi lorsqu’elle établit les taux directeurs. Les hausses que la BCE a effectuées suffiront-elles à faire baisser l’inflation de base, qui s’obstine à demeurer élevée en Europe ? Les récents efforts de la Chine pour stimuler la croissance pourraient-ils profiter à l’euro ? La présidente de la BCE, Mme Lagarde, n’a pas donné son point de vue sur ces questions lors de la conférence des banquiers centraux de Jackson Hole, au Wyoming, à laquelle elle a récemment participé, mais ses commentaires se sont avérés plutôt fermes, signe que la BCE ne crie pas encore victoire dans sa lutte contre la hausse des prix. La fermeté de la banque centrale ne suffira toutefois pas à faire rebondir l’euro. Nous nous attendons à ce que l’économie européenne repose sur de meilleures bases dans un an et à ce que la faiblesse globale du dollar américain aide l’euro à reprendre de la vigueur. Nous prévoyons que la valeur de la monnaie unique atteindra 1,21 $ US d’ici 12 mois.
Le yen
La dernière intervention des autorités japonaises pour soutenir le yen remonte à octobre 2022, et une nouvelle intervention semble de plus en plus probable. Les banques centrales des pays du G20 ont, de façon générale, cautionné la pratique qui consiste à atténuer la volatilité excessive des monnaies, mais se sont montrées réticentes en ce qui concerne le fait de cibler des niveaux précis de taux de change susceptibles de conférer des avantages commerciaux injustes. L’an dernier, à la suite de la baisse du yen de près de 40 %, les autorités japonaises sont intervenues en vendant des dollars américains (figure 13), et comme la valeur de la monnaie japonaise s’affaiblit pour revenir au même niveau qu’au moment de cette intervention (140-150 par dollar américain), le marché s’inquiète de plus en plus de la dépréciation du yen. L’impact d’une intervention serait toutefois probablement éphémère, car le gouvernement ne bénéficiera probablement pas du soutien coordonné d’autres pays et que de telles mesures entreraient en conflit avec les taux d’intérêt relativement bas du Japon, dont l’influence sur les taux de change est plus forte. Pour que le yen rebondisse vraiment, il faudrait que la faiblesse du dollar américain soit plus persistante ou que la Banque du Japon (BdJ) change de politique monétaire.
Il est possible que ce changement de politique ait lieu bientôt. La banque a permis aux taux des obligations d’État japonaises à 10 ans de dépasser la fourchette de +/-50 points de base établie par sa politique de contrôle de la courbe des taux. Celle-ci, initialement établie à +/- 10 points de base autour de 0 %, a été élargie quelques fois depuis son entrée en vigueur en septembre 2016 (figure 14). Comme l’inflation de base a atteint 4,3 %, un sommet en 40 ans, la pression à l’égard de la banque centrale pour qu’elle élargisse encore la fourchette ou même qu’elle abandonne cette politique est de plus en plus pressante. La banque a gagné un peu de temps en annonçant un examen officiel de sa politique monétaire l’an prochain, mais nous nous attendons à ce qu’elle prenne des mesures dans notre horizon prévisionnel de 12 mois. Nos prévisions de 120 yens par dollar américain reposent sur certaines attentes voulant que la Banque du Japon permette aux taux d’intérêt de fluctuer plus librement.
Figure 13 : Historique des interventions de la Banque du Japon
Nota : Au 31 juillet 2023. Sources : Ministère des Finances du Japon, RBC GMA
Figure 14 : Taux des obligations japonaises à 10 ans et fourchettes de contrôle de la courbe des taux
Nota : Au 29 août 2023. Sources : Banque du Japon, RBC GMA
La livre sterling
La livre sterling qui s’est, cette année, avérée la devise la plus performante des pays du G10, a été étonnamment résistante pendant que la persistance de l’inflation élevée incitait la Banque d’Angleterre (BdA) à poursuivre ses hausses de taux d’intérêt (figure 15). L’augmentation des taux directeurs a contribué à soutenir la livre malgré les préoccupations entourant la faiblesse des dépenses de consommation, les déficits commerciaux et le fait que les sociétés britanniques investissent davantage à l’étranger, alors que les sociétés étrangères investissent de moins en moins au Royaume-Uni. La Banque d’Angleterre devrait maintenant relever les taux d’intérêt à près de 6 %, soit deux points de pourcentage complets de plus que ce que le marché prévoyait en mars. Cela semble exagéré : à notre avis, les investisseurs sont trop optimistes quant à la capacité de la livre à conserver ses gains. Il est possible que la livre sterling continue de se redresser face à la faiblesse du dollar américain, mais nous prévoyons que cette année, sa valeur diminuera par rapport à celle des autres grandes devises. Selon nous, la devise ne s’appréciera que modestement pour s’établir à une valeur de 1,33 $ US.
Figure 15 : Inflation tenace au Royaume-Uni
Nota : Au 31 juillet 2023. Sources : Macrobond, RBC GMA
Le dollar canadien
Jusqu’à récemment, en raison du lien étroit du huard avec les prix pétroliers et l’économie américaine, la vente à découvert de dollars canadiens était une stratégie populaire de couverture contre les scénarios impliquant un ralentissement économique aux États-Unis. Conjuguée à l’amélioration des données économiques américaines, la réduction du nombre de ces positions vendeur a aidé le huard à reprendre de la vigueur lorsque sa valeur a atteint le bas de la fourchette de 1,32 $ à 1,40 $ par dollar américain où elle a évolué cette année, avant que ses gains généralisés par rapport au dollar américain n’entraînent une nouvelle remontée du taux de change (figure 16). Comme la valeur du dollar canadien approche de 1,32 $ par dollar américain, il pourrait, compte tenu de la persistance de la fourchette de négociation, avoir de la difficulté à soutenir le rythme des hausses que nous prévoyons pour l’euro et le yen. Sur une période de 12 mois, nous prévoyons toutefois que le huard se consolidera à 1,24 $ par dollar américain, car ce sont les devises cycliques qui profitent le plus de la faiblesse du billet vert.
Il y a de nombreuses autres raisons d’être positif par rapport au dollar canadien. À plus long terme, il s’agit d’une devise sous-évaluée. Le Canada est bien doté en ressources naturelles et le huard bénéficie du soutien que lui apportent la demande étrangère pour les obligations de sociétés canadiennes et une saine immigration. Le pays jouit également d’un contexte politique stable et d’un système bancaire vigoureux qui n’a pas connu le même type de fuite des dépôts qu’aux États-Unis. Les facteurs à court terme sont également favorables. Les fluctuations des marchés boursiers, les prix du cuivre et la faiblesse générale du dollar américain indiquent que le dollar canadien devrait prendre de la vigueur (figure 17).
Ces facteurs positifs à court et à long terme sont en partie contrecarrés par certaines préoccupations quant à l’incidence à moyen terme du resserrement des conditions financières sur les finances des ménages. La Banque du Canada (BdC) a interrompu son cycle de hausse des taux cette année, pour constater que les dépenses de consommation avaient été étonnamment fortes. Il est probable que le maintien de la demande des consommateurs et l’augmentation de l’inflation soient dus au rythme effréné de l’immigration et à la faiblesse du taux de chômage. En juillet, la BdC a noté qu’à part ceux des produits alimentaires et de l’énergie, les prix étaient plus élevés qu’elle ne le souhaitait. Par conséquent, même si la banque a interrompu ses hausses de taux au début de septembre, l’accent demeure sur un resserrement de la politique monétaire. D’autre part, la dernière version du modèle économique de la Banque (figure 18) indique que le dollar canadien a une incidence plus importante que prévu sur l’inflation de base. Compte tenu de l’importance de ce modèle sur les décisions prises par la BdC, il est possible que l’amélioration de la vigueur du dollar canadien soit considérée comme un outil complémentaire bienvenu pour contenir l’augmentation des prix à la consommation.
Figure 16 : Écart USD-CAD
Nota : Au 29 août 2023. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 17 : Les facteurs à court terme que l’écart entre le dollar américain et dollar canadien passera en dessous de 1,30 CAD
Nota : Au 28 août 2023. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Figure 18 : Sensibilité à l’inflation
Nota : Au 30 juin 2021. Sources : CIBC, Banque du Canada, RBC GMA
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