La croissance mondiale est actuellement compromise par divers obstacles, dont la hausse des taux d’intérêt, l’inflation élevée et les difficultés économiques en Chine.
Le ralentissement de la croissance se poursuit, une récession est possible
Il y a un an, l’impressionnante reprise qui a suivi la récession provoquée par la pandémie a plongé l’économie en situation d’excès de demande. Entretemps, le contexte a évolué et les turbulences se sont intensifiées en raison du resserrement de la politique monétaire et de la réduction des mesures de relance budgétaire. Nous nous attendons toujours à un ralentissement de la croissance en 2023. La probabilité de récession est forte pour bien des pays développés. Bien qu’il soit rare d’assister à une contraction parmi les marchés émergents, nous nous attendons à un ralentissement sur la plupart d’entre eux en 2023. Globalement, la plupart de nos prévisions de croissance sont inférieures aux prévisions générales. Nous prévoyons une hausse de 2,1 % du PIB mondial en 2023, soit moins d’un tiers de celle de 2021 et environ la moitié du pourcentage prévu pour 2022. Cela dit, les indicateurs économiques font preuve d’une plus grande résilience depuis quelques mois, ce qui signifie que la probabilité et l’ampleur d’une récession pourraient être plus faibles que prévu. Une récession, si elle se concrétise, atteindra selon nous des proportions moyennes dans la plupart des régions. Nous prévoyons que la production reculera de 1,75 % du sommet au creux, pendant trois trimestres au plus, et se soldera par une reprise modérée qui devrait avoir lieu vers la fin de 2023.
L’inflation commence à se calmer, tout en délaissant ses niveaux extrêmes
Les quatre principaux facteurs qui ont poussé l’inflation à des sommets qui n’avaient plus été observés depuis des dizaines d’années sont tous en train de s’inverser. Les perturbations dans les chaînes logistiques se sont estompées, les prix des marchandises ont diminué, les mesures de relance monétaire ont laissé place au resserrement et les mesures de relance budgétaire ont été réduites. Par conséquent, nous prévoyons que l’inflation continuera de s’atténuer et qu’elle sera inférieure aux prédictions générales pour 2023. Nous reconnaissons toutefois que d’autres facteurs peuvent freiner son ralentissement. La situation sur les marchés du travail demeure particulièrement tendue, l’ampleur du choc inflationniste pouvant accentuer la rigidité des prix élevés, et retarder fortement les changements au niveau de la composante logement de l’IPC. Le ralentissement de l’inflation dans la zone euro et au Royaume-Uni pourrait s’avérer encore plus fastidieux, compte tenu des difficultés inhérentes à la région, principalement l’affaiblissement des devises et les pénuries d’énergie.
Le dollar américain a peut-être atteint son pic
Le marché haussier du dollar américain qui dure depuis 12 ans s’est poursuivi jusqu’en octobre, étant donné l’attrait des taux plus élevés des obligations américaines, et les difficultés économiques à l’étranger qui ont continué d’éclipser les problèmes qui attendent le billet vert à long terme. Toutefois, l’envolée du dollar florissant s’est brusquement arrêtée au début de novembre, et les investisseurs se demandent donc si la période de domination du billet vert touche enfin à sa fin. Vu le niveau exagéré des valorisations, il est évident que le marché haussier de la devise est mûr et qu’un tournant majeur est imminent. Ces pics sont difficiles à prévoir, mais nous sommes de plus en plus convaincus qu’un fléchissement du billet vert est imminent et qu’il marquera le début d’un déclin de plusieurs années.
Les banques centrales se trouvent dans la dernière ligne droite de leur resserrement
Dans le monde entier, de très nombreux tours de vis ont été donnés pour juguler l’inflation extrêmement élevée. En Amérique du Nord, les taux directeurs sont déjà supérieurs d’environ quatre points de pourcentage moins d’un an après les premières augmentations. Mais le cycle de relèvement des taux commence à ralentir en dehors de l’Amérique du Nord et de l’Europe avec les premières atténuations de l’inflation. Certains pays émergents ont mis fin à leurs augmentations de taux et le rythme du resserrement s’est généralement ralenti ailleurs. Aux États-Unis, le taux des fonds fédéraux américains devrait atteindre un sommet de près de 5 %, alors qu’il était d’environ 0 % au début de l’année, et être deux fois celui du taux directeur neutre – c’est-à-dire le taux qui ne stimule ni ne restreint la croissance. Mais le gros du travail a été fait et il est possible que les taux directeurs dans les marchés développés commencent à baisser au cours du second semestre de 2023 si l’inflation se montre docile et que la croissance ralentit.
Soutien des marchés obligataires
Les investisseurs sont enthousiastes à l’idée que l’inflation pourrait plafonner et que le rythme de resserrement ralentit. Les taux des obligations d’État à dix ans ont chuté de 50 à 130 points de base par rapport à leurs sommets de septembre et d’octobre. La reprise du marché obligataire a débuté lorsque les indicateurs techniques indiquaient que les obligations étaient survendues. D’ailleurs, nos propres modèles d’évaluation laissaient entendre que les taux avaient atteint des niveaux relativement attrayants. Même si les taux d’intérêt réels, c.-à-d. après correction faite de l’inflation, pourraient augmenter légèrement, nous continuons de nous attendre à ce qu’ils restent ancrés dans une fourchette de 0,5 % à 1,0 %. Les forces structurelles, comme le vieillissement de la population et la préférence accrue pour l’épargne plutôt que pour les dépenses, devraient limiter la hausse des taux d’intérêt réels. À court terme cependant, il est probable que les taux des obligations seront principalement tributaires de l’inflation. Si celle-ci diminue comme prévu, notre estimation modélisée du taux des obligations du Trésor américain à dix ans, aujourd’hui à 5,3 %, chutera à 4,5 % dans un an et à 3,4 % dans cinq ans.
Le risque lié aux valorisations boursières a diminué, mais les bénéfices demeurent vulnérables
Les marchés boursiers se sont stabilisés au cours du dernier trimestre. Toutefois, malgré leur récente remontée, ils accusent toujours de lourdes pertes cette année. La bonne nouvelle pour les investisseurs : les cours des actions sont maintenant beaucoup plus raisonnables qu’au début de l’année. À la fin de 2021, notre mesure composite mondiale des valorisations boursières culminait à environ 40 % au-dessus de la juste valeur, mais le récent marché baissier a ramené la mesure composite à un niveau légèrement inférieur à la juste valeur en septembre et octobre pour la première fois depuis mars 2020. Bien que le risque lié aux valorisations ait diminué et que le potentiel de rendement ait augmenté, le cours des actions pourrait chuter en cas de récession et de repli des bénéfices. Les analystes ont déjà commencé à réviser à la baisse leurs prévisions de bénéfices pour les sociétés de l’indice S&P 500 avant une éventuelle récession, mais les baisses ont été faibles jusqu’à présent. Nous croyons que ces estimations risquent de subir une nouvelle révision à la baisse, car les bénéfices sont encore supérieurs à leur tendance à long terme et les sociétés doivent composer avec une hausse des coûts et le ralentissement de l’activité économique. Dans ce contexte, l’absence de preuves d’un atterrissage en douceur de l’économie risque de limiter les gains des actions à court terme.
Composition de l’actif – maintien d’une surpondération en actions et d’une sous-pondération en obligations
Nous reconnaissons l’incertitude omniprésente et le large éventail d’issues possibles pour l’économie et les marchés financiers. Cela dit, le marché baissier des titres à revenu fixe et des actions en 2022 a nettement amélioré les perspectives de rendement dans toutes les catégories d’actifs. Nous constatons que les obligations, à leurs taux actuels plus élevés, permettent de faire mieux contrepoids dans un portefeuille équilibré en cas d’entrée en récession de l’économie. Nous croyons qu’une approche prudente en matière de prise de risques demeure appropriée dans cette conjoncture. Notre composition de l’actif est légèrement surpondérée en actions et légèrement sous-pondérée en titres à revenu fixe, car nous sommes d’avis que les actions offrent un potentiel de rendement supérieur à long terme. Toutefois, ces pondérations sont plus proches de notre position neutre stratégique qu’elles ne l’ont été à d’autres moments du cycle, ce qui nous permet de tirer parti de la volatilité et des occasions qui se présentent. Par exemple, lorsque les actions évoluaient vers leurs cours plancher au début du trimestre et que les indicateurs techniques laissaient entendre qu’elles étaient survendues, nous avons renforcé nos positions en actions de 50 points de base au détriment des titres à revenu fixe. Pour un portefeuille mondial équilibré, nous recommandons actuellement la répartition de l’actif suivante : 62 % en actions (position neutre stratégique : 60 %), 37 % en titres à revenu fixe (position neutre stratégique : 38 %) et le reste en liquidités.
Découvrez d’autres perspectives dans la nouvelle édition trimestrielle de Regard sur les placements mondiaux.