Le 9e webinaire annuel sur les perspectives des marchés émergents organisé par RBC Gestion mondiale d’actifs s’est tenu le 22 janvier. Il était animé par Jason Pasquinelli, entouré des conférencières Polina Kurdyavko et Laurence Bensafi. Au cours de cette séance inspirante, plusieurs sujets intéressants pour les investisseurs en titres des marchés émergents (ME) ont été abordés, aussi bien du côté des actions que du côté des titres de créance. Les conférencières ont présenté leur point de vue sur les facteurs qui stimulent la croissance des économies émergentes ainsi que de possibles occasions de placement pour 2025.
Parmi les sujets traités figuraient les possibles répercussions des politiques du gouvernement Trump sur les marchés émergents, les risques et les défis géopolitiques actuels, le ralentissement de la croissance et l’avenir incertain des échanges commerciaux en Chine, et les perspectives pour les monnaies et les marchandises pour l’année à venir. Ce webinaire constitue un précieux guide pour les investisseurs en titres des marchés émergents et une feuille de route pour surmonter les incertitudes de 2025.
Principaux points :
En 2025, les bouleversements géopolitiques et l’incertitude entourant les politiques de M. Trump pourraient poser des difficultés pour certains émetteurs des marchés émergents et créer des occasions pour d’autres. Cette catégorie d’actifs devrait toutefois continuer de bénéficier d’un soutien structurel.
De nombreux pays émergents ont connu une transformation majeure au cours des dernières années. La réduction de leurs déficits et l’amélioration de leurs comptes courants les rendant plus résilients face à des conditions difficiles – une tendance qui devrait à notre avis se poursuivre en 2025.
L’incertitude entourant les politiques commerciales des États-Unis aura des répercussions sur certaines régions et dans certains secteurs : certains émetteurs de ME devraient profiter d’une réorientation des échanges, d’une demande accrue pour certaines marchandises ou certains produits, et de leviers stratégiques qui leur permettront d’être en meilleure posture face aux États-Unis.
La Chine a annoncé des mesures pour relancer sa croissance, mais peu ont été mises en œuvre, ce qui a avivé les craintes des investisseurs, en particulier à l’égard des relations entre la Chine et les États-Unis.
Durée : 43 minutes, 27 seconds (en anglais seulement)
Transcription
Jason Pasquinelli
Bonjour à tous et bienvenue ! Je suis Jason Pasquinelli, premier directeur général et chef, Solution clientèle aux États-Unis.
Je vous remercie d’être avec nous aujourd’hui, à l’occasion de notre neuvième webinaire sur les perspectives des marchés émergents. Cette année, nous l’avons intitulé « Changements mondiaux, occasions locales ».
Avant de commencer, réglons quelques questions d’ordre administratif. En complément de la discussion d’aujourd’hui, nous avons inclus plusieurs articles sur les marchés émergents produits par nos équipes des actions et des titres de créance. Vous pouvez y accéder en cliquant sur les liens figurant au bas de votre écran.
Si vous avez des questions, n’hésitez pas à les soumettre au cours de notre discussion. Selon l’appareil que vous utilisez, vous verrez apparaître la fonction « Q&A » sur votre écran.
Plusieurs questions ont été soumises lors de l’inscription et nous ferons de notre mieux pour en traiter d’autres durant la discussion. Enfin, à la fin de ce webinaire, nous vous inviterons à nous faire part de vos commentaires en répondant au sondage qui se trouve à côté de la section dédiée aux questions. Je vous remercie à l’avance de votre participation.
Cette parenthèse administrative terminée, je peux maintenant vous présenter nos deux expertes. J’ai une fois de plus le plaisir d’accueillir Laurence Bensafi, cheffe déléguée, Actions, Marchés émergents, et gestionnaire de portefeuille, et Polina Kurdyavko, cheffe, Titres de créance de marchés émergents, BlueBay et première gestionnaire de portefeuille. Je vous remercie de nous consacrer du temps aujourd’hui et j’ai hâte d’entendre vos commentaires aussi bien sur les actions que sur les titres de créance.
L’année 2024 a été marquée par le changement dans les marchés émergents (ME) ; ils ont connu un nombre record d’élections, une réorientation des politiques économiques et monétaires, et des tensions géopolitiques croissantes. Avant de regarder ce que l’année à venir nous réserve, faisons le point sur la situation actuelle. Les marchés s’adaptent à la deuxième investiture du président Trump et s’attendent à ce que les politiques de son administration entraînent une hausse de l’inflation et des taux d’intérêt.
Polina, commençons par vous. Quelles sont les répercussions pour les émetteurs des marchés émergents ? Doit-on s’attendre à un creusement des écarts de taux et à une hausse des taux de défaillance ?
Polina Kurdyavko
Merci pour cette question, Jason. Je suis absolument ravie d’être ici. En ce qui concerne les facteurs qui influencent les écarts de taux dans les marchés émergents, le plus important d’entre eux est les prévisions de défaillance. Il faudrait donc commencer par se demander quels sont les taux de défaillance attendus sur les douze prochains mois pour les titres de créance d’État et de sociétés de marchés émergents libellés en monnaie forte.
Or, pour l’année à venir, les taux de défaillance prévus sont les plus bas que nous ayons vus au cours des cinq à sept dernières années. Le taux de défaillance des titres de créance d’État était élevé au cours des quatre à cinq dernières années. Pour cette année, nous prévoyons des taux de défaillance nuls dans le segment des titres de créance d’État à rendement élevé des marchés émergents. Du côté des titres de créance de sociétés, nous nous attendons à des taux de défaillance nettement inférieurs à la moyenne historique. Ainsi, nous prévoyons que les taux de défaillance des titres de créance de sociétés de ME à rendement élevé seront de l’ordre de 1 % à 2 %, soit bien en deçà de la moyenne historique de 3,5 %.
De plus, ce taux est inférieur au taux de défaillance attendu pour les titres européens et américains à rendement élevé. Aussi, s’il s’agit bien d’un facteur déterminant, nous nous attendons à un léger resserrement des écarts de taux au cours de cette année, en raison des données fondamentales solides. Enfin, j’ajouterais qu’en ce qui concerne les titres de créances d’État, les perspectives des 12 prochains mois semblent plus prometteuses pour les titres d’État à rendement élevé que pour les titres d’État de catégorie investissement.
Nous prévoyons également que les besoins de refinancement seront relativement modestes. Au vu des données fondamentales, nous pensons donc que les écarts devraient se resserrer plutôt que se creuser. Quant à l’effet Trump, il se manifestera par une volatilité des écarts, au lieu d’agir sur leur direction.
Jason Pasquinelli
Laurence, pourriez-vous nous faire part de vos réflexions en ce qui concerne les actions ?
Laurence Bensafi
Oui, bien sûr. Merci, Jason. Merci de m’avoir invitée. Avant de nous pencher sur 2025, je voudrais rappeler que l’année 2024 a été plutôt favorable aux actions des marchés émergents, qui ont dégagé un rendement d’environ 7,5 % en dollars américains et de 13,5 % en monnaie locale pour l’année.
Les principaux marchés émergents ont enregistré de solides résultats, à commencer par Taïwan, qui a gagné 35 % en dollars américains, surclassant les actions américaines, et la Chine, qui a avancé de 20 %. Étant donné les conditions très difficiles, c’est extraordinaire, n’est-ce pas ? En effet, le dollar était fort, il y avait de nombreux vents contraires et la Chine était en plein marasme.
Et bien sûr, M. Trump a été réélu. Plusieurs raisons expliquent ces bons rendements. D’abord, les positions et les valorisations étaient faibles en début d’année, ce qui a beaucoup contribué au rendement. Toutefois, un autre élément s’est révélé plus déterminant. Selon moi, il est très important de comprendre que les marchés boursiers émergents ont bien changé l’année dernière, en fait, ils sont en pleine transformation depuis quelques années. Tout d’abord, si l’on regarde la répartition sectorielle, les deux plus grands secteurs sont de loin la technologie et la finance. Ils représentent à eux deux plus de 50 % de l’indice. Ce sont évidemment des secteurs beaucoup moins cycliques que l’énergie et les matières. Ils dégagent également des rendements plus élevés. La composition de l’index est donc très différente de ce qu’elle était auparavant. Sur le plan géographique, beaucoup de pays émergents ont tiré des leçons du passé. Ils sont plus solides, notamment sur le plan des déficits, du budget ou du compte courant. En outre, même si certains petits pays sont encore relativement fragiles, l’Asie représente désormais plus de 80 % de l’indice. Les quatre grands pays qui composent l’essentiel de l’indice sont l’Inde, la Chine, Taïwan et la Corée. Par conséquent, la catégorie d’actifs est beaucoup moins vulnérable aux facteurs externes. C’était vrai en 2024 et nous pensons que cela le restera en 2025.
Jason Pasquinelli
Polina, je m’adresse de nouveau à vous. Les politiques commerciales semblent prioritaires dans le programme de M. Trump. Avez-vous une idée des pays ou des secteurs qui seront favorisés ou défavorisés par les politiques commerciales attendues du nouveau gouvernement américain ?
Polina Kurdyavko
Il s’agit d’une question très importante. Nous surveillons tous les gros titres au cas où M. Trump annoncerait une augmentation des tarifs douaniers. D’un point de vue descendant, j’imagine que la plupart des investisseurs s’attendent à ce que les pays d’Asie soient davantage touchés que ceux plus tournés vers leur marché intérieur, comme le Brésil, par exemple.
Cela dit, ces pays sont relativement peu présents dans l’univers des titres de créance d’État libellés en monnaie forte, car ils empruntent principalement en monnaie locale. Ils sont plus sensibles aux facteurs du marché local que les émetteurs de titres de créance libellés en monnaie forte.
L’autre point que je voudrais mentionner à propos des émetteurs est que certains secteurs seront avantagés et d’autres seront perdants. N’oublions pas les secteurs les plus importants dans les marchés émergents. Par exemple, la majorité des émetteurs sont des sociétés et des pays axés sur les marchandises. Un secteur comme l’automobile est généralement considéré comme potentiellement vulnérable aux politiques de M. Trump. Or, aucun émetteur de ce secteur ne figure dans les indices.
Ironiquement, ce sont les sociétés américaines et européennes implantées dans les marchés émergents qui seront les plus touchées par ces politiques, et non les sociétés qui sont tournées vers le marché intérieur ou établies dans un marché émergent. Aussi, je le répète, nous prévoyons que les tarifs douaniers auront très peu d’incidence sur les titres de créance libellés en monnaie forte. En ce qui concerne les titres de créance en monnaie locale, nous pensons que la région la plus vulnérable sera l’Asie.
Jason Pasquinelli
Laurence, vos perspectives sont-elles les mêmes pour les actions ?
Laurence Bensafi
La situation est assez différente. Évidemment, du côté des actions, nous n’investissons pas dans les mêmes pays et les secteurs sont aussi très différents, comme l’a mentionné Polina. Cette question est également très importante pour les actions, si l’on écoute tout ce qui se dit au sujet des actions de ME. Néanmoins, je dirais que notre approche est légèrement différente.
Nous croyons que les tarifs douaniers constituent un outil de négociation pour M. Trump, simplement parce que cela a été le cas dans le passé. J’ai une impression de déjà-vu, pas vous ? C’est exactement ce qui s’est passé entre 2018 et 2020, lorsque M. Trump s’est attaqué principalement au Mexique et à la Chine. C’est pourquoi nous pensons que ces deux pays seront à nouveau pris pour cibles.
Une fois de plus, ce sera l’occasion pour M. Trump de conclure des accords avec ces pays, car ceux-ci ont des choses à lui offrir. S’agissant du Mexique, le président a clairement fait savoir qu’il souhaitait renforcer la sécurité à la frontière et le Mexique peut y contribuer.
S’agissant de la Chine, il veut rééquilibrer la balance commerciale. Il y a quelques années, la Chine s’était engagée à acheter davantage de produits américains. Elle n’a pas vraiment tenu sa promesse à l’époque. Cette fois-ci, avec le retour de M. Trump, elle comprend peut-être que la situation est différente de ce qu’elle était avant la pandémie. Je pense donc qu’on pourrait voir des négociations favorables aux deux parties.
Autre changement, la Chine a compris que le déficit commercial que les États-Unis ont avec elle demeure considérable, même s’il l’est moins qu’avant relativement à d’autres pays. Elle peut construire des usines aux États-Unis et y créer des emplois, ce qui est évidemment l’une des priorités du président Trump. Nous aimerions que les négociations débutent le plus tôt possible, car elles pourraient mettre fin au climat d’incertitude actuel. Il y a quelques jours à peine, les gens ont été soulagés de voir que les discussions ne débuteraient pas immédiatement. Je pense au contraire que les négociations devraient démarrer le plus tôt possible afin de pouvoir rapidement passer à autre chose.
Nous restons donc plutôt optimistes à l’égard de ces deux pays et nous pensons que les analystes s’attendent généralement à ce que les tarifs douaniers soient plus élevés qu’on l’aurait cru. À notre avis, certains pays pourraient être davantage pénalisés, parce que leur pouvoir de négociation avec les États-Unis est moins grand. C’est notamment le cas du Vietnam et de la Corée dans une certaine mesure. Leur déficit est astronomique, tandis que les États-Unis présentent un déficit commercial important avec eux.
Seule l’Inde pourrait tirer son épingle du jeu. Pour elle, les échanges avec les États-Unis passent au second plan, car son économie repose davantage sur la consommation intérieure. Dans le contexte actuel, l’Inde pourrait donc être l’un des pays les moins touchés. C’est très important, car une fois que les négociations seront achevées et que les tarifs douaniers s’avéreront moins élevés que prévu, les répercussions sur les anticipations inflationnistes seront positives. L’inflation pourrait alors amorcer un repli. Ce serait défavorable pour le dollar américain, mais positif pour la catégorie d’actifs. Il faut donc que les négociations démarrent rapidement pour les pays émergents.
Jason Pasquinelli
Laurence, vous avez mentionné plusieurs fois le mot « incertitude ». Selon moi, l’incertitude entoure non seulement les politiques commerciales, mais également la situation géopolitique qui nous attend en 2025. Pensons aux tensions persistantes en Europe de l’Est, au Moyen-Orient et en Asie de l’Est, ainsi qu’à la politique étrangère du nouveau gouvernement américain. Tous ces facteurs pourraient entraîner une forte volatilité si les conflits militaires devenaient axés sur le commerce, entraîner une volatilité accrue en raison de l’évolution des conflits militaires entourant les échanges commerciaux, en particulier avec la Chine.
Pourriez-vous nous donner votre avis sur les principaux risques géopolitiques pour les investisseurs ?
Laurence Bensafi
Oui. D’ailleurs, vous l’avez mentionné au tout début. L’année 2024 a été marquée par la forte volatilité des marchés émergents. Un grand nombre de pays ont tenu des élections déterminantes, avec des résultats parfois inattendus qui ont engendré une forte volatilité. Au moins cette année, il y a peu d’élections prévues. En réalité, nous sommes plutôt optimistes pour ce qui est des risques géopolitiques dans les marchés émergents. Les principaux facteurs de rendement devraient être une hausse de la croissance du PIB et de la croissance du BPA. Cela dit, je pense que la Chine et sa situation intérieure posent un risque géopolitique majeur. En fait, nous croyons qu’au cours de l’année, il deviendra évident que le facteur le plus important pour le rendement des actions chinoises et des actions de ME en général n’est pas les tarifs douaniers, mais l’état de la situation intérieure en Chine.
Il est clair que la Chine demeure confrontée à de nombreux défis. Des discussions ont eu lieu, mais nous n’en savons pas plus. Une grande incertitude plane sur l’avenir de la Chine et les mesures de relance qui seront annoncées. Le gouvernement s’attaquera aux problèmes. C’est l’un des plus grands risques géopolitiques que nous entrevoyons pour cette année.
Jason Pasquinelli
Polina, qu’en est-il du point de vue des titres de créance ?
Polina Kurdyavko
Pour revenir sur les événements de l’an dernier, comme Laurence l’a souligné, le pourcentage d’élections dans les marchés émergents a été le plus élevé de ces dix dernières années, mais nous avons également assisté à une importante escalade des tensions géopolitiques. Pourtant, les titres de créance de ME libellés en monnaie forte ont dégagé l’an dernier un rendement supérieur à celui des titres de créance des marchés développés, toutes catégories confondues. Parmi les titres mondiaux à revenu fixe, les obligations de sociétés à rendement élevé sont celles qui ont affiché les meilleurs rendements, surpassant les obligations américaines et européennes à rendement élevé. Les titres de créance d’État de ME et les obligations de sociétés de catégorie investissement de ME ont dégagé des rendements supérieurs à ceux des obligations européennes et américaines de catégorie investissement.
Compte tenu des bons rendements obtenus par les ME jusqu’ici, on pourrait croire que le risque géopolitique commencera à peser sur les écarts. Or, nous pourrions tout aussi bien voir arriver des solutions géopolitiques majeures ou assister à une résolution des conflits dans le courant de l’année.
Vous savez, on a souvent dit que l’élection de M. Trump est de bon augure pour la signature d’un éventuel accord de paix entre la Russie et l’Ukraine. Nous savons désormais que c’est prévu dans son programme. Reste à voir si cet accord pourra être mis en place.
Nous savons également qu’Israël et le Hamas ont signé un accord de cessez-le-feu, ce qui a généré des retombées favorables pour les titres à revenu fixe des marchés émergents. D’ailleurs, l’obligation du Liban est le titre de créance d’État qui a dégagé le meilleur rendement en cumul annuel dans cette catégorie d’actif. Elle a gagné 35 % en réaction aux promesses de réformes. L’Ukraine lui emboîte le pas, avec un gain également supérieur à 10 %, grâce à la perspective d’un accord de paix.
N’oublions pas que ces risques géopolitiques ou leur résolution peuvent avoir une incidence positive sur le rendement des titres à revenu fixe des marchés émergents. Cette année, les vrais grands risques pour le rendement de la catégorie d’actif demeurent, à mon avis, les taux d’intérêt américains, leur volatilité et leurs éventuelles hausses.
En effet, nous pensons que les conditions resteront propices tant que le cycle de baisse des taux dure, l’important n’étant pas le nombre de baisses, mais que la tendance se poursuive, car elle soutiendra nos catégories d’actifs.
En revanche, si la tendance s’inverse, que l’inflation devient incontrôlable et que la Réserve fédérale américaine (Fed) est contrainte de relever les taux cette année, alors, malgré les solutions aux tensions géopolitiques, les catégories d’actifs à risque seront fragilisées et les titres de ME ne feront pas exception.
Jason Pasquinelli
Intéressant. Je pense que la Chine focalise l’attention. Laurence, puisque vous l’avez mentionnée environ six ou sept fois tout à l’heure, c’est à vous que je vais poser cette question en premier. Le gouvernement réussira-t-il à remettre la croissance sur les rails et quelles seront les conséquences pour les autres pays émergents ?
Laurence Bensafi
Avant de répondre à cette question, je voudrais préciser que la part de la Chine dans les actions des marchés émergents n’est plus aussi importante qu’avant. C’est plutôt une bonne chose, car il n’y a pas que la Chine. Néanmoins, elle reste un moteur essentiel, comme vous l’avez dit, pour beaucoup de pays.
Voyez-vous, le marché chinois est à la fois très intéressant et très complexe. D’un côté, les valorisations sont très attrayantes. Les actions chinoises se négocient selon des valorisations particulièrement basses. Beaucoup d’investisseurs ont renoncé à cette catégorie d’actif.
Pourtant, les valorisations sont intéressantes, qu’il s’agisse de sociétés de qualité inférieure ou de qualité supérieure. Les occasions sont donc nombreuses.
Ensuite, lorsque l’on écoute les annonces faites par le gouvernement au cours des derniers mois, il a dit tout ce qu’il fallait dire. Il a dit que le pays devait réduire sa dépendance au marché de l’immobilier et aux investissements dans les infrastructures pour relancer sa croissance.
Il a dit que la consommation serait le principal moteur de la croissance dans les années à venir et que les entreprises du secteur privé jouent un rôle déterminant dans l’innovation et la création d’emplois. C’est ce que nous voulions entendre. Le problème, c’est que pour le moment, peu de mesures concrètes ont été mises en place après ces discussions.
Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, la Chine a attendu le résultat des élections, puis l’investiture, et ensuite elle a attendu d’avoir une meilleure idée des intentions de M. Trump. Elle ne veut pas être la première à dégainer. Elle veut garder des munitions pour la suite des choses, au cas où des tarifs douaniers seraient imposés.
Ensuite, la marge de manœuvre de la Chine est limitée, puisque son bilan est déjà bien alourdi.
En outre, nous avons vu que la consommation demeure soumise à de fortes pressions. Les piquets de grève annoncés par le gouvernement commencent en janvier. Cela n’aidera pas vraiment à faire avancer les choses. Les gens craignent de perdre leur emploi.
Nous avons entendu que certains enseignants ne sont pas payés. Beaucoup de fonctionnaires ne sont pas payés. Le gouvernement doit agir. Quand on regarde du côté des entreprises du secteur privé, celles-ci souffrent de la concurrence des entreprises d’État qui continuent d’être largement subventionnées par le gouvernement, ce qui pose des problèmes de rentabilité. Si une entreprise exerce des activités dans un domaine où elle ne peut pas réaliser de profit, il lui est très difficile de décider d’investir. À mon avis, cette année, la Chine atteindra probablement l’objectif de croissance du PIB de 5 % que le gouvernement s’est fixé, comme l’an dernier, principalement grâce à ses exportations massives et, pour le moment, très concurrentielles. Il est évident que les exportations chinoises ont un effet déflationniste à travers le monde. Mais la situation ne peut pas durer indéfiniment.
Nous verrons bien. Nous restons confiants. Vous savez, à la fin de 2023, nous étions plutôt optimistes à l’égard des actions chinoises. Nous avons obtenu des rendements satisfaisants parce que les valorisations étaient très faibles, que certaines mesures ont été prises et que les bonnes choses ont été dites. Je pense que la tendance se maintiendra cette année et que la Chine pourrait finalement s’en sortir assez bien.
Jason Pasquinelli
Polina, avez-vous des commentaires à ajouter sur la Chine pour ce qui est des titres de créance ?
Polina Kurdyavko
Eh bien, pour commencer, j’aimerais rappeler que les titres de créance chinois ont beaucoup moins d’importance que les actions chinoises, étant donné que l’indice est composé de titres libellés en monnaie forte.
La Chine représente moins de 5 % du total de l’indice. De plus, la plupart des titres de sociétés comprises dans l’indice ont une cote de catégorie investissement. Autrement dit, les coûts d’opportunité liés au fait d’investir ou non en Chine sont relativement faibles. C’est pourquoi nous sous-pondérons la Chine pour le moment.
Toutefois, pour faire écho au commentaire de Laurence, l’important est d’intervenir au bon moment. À notre avis, la Chine dispose de nombreux moyens pour stimuler son économie. Mais pourquoi prendrait-elle des mesures de relance budgétaire avant d’en savoir plus sur les conditions et les politiques externes ? Nous pensons donc qu’elle agit de façon stratégique en attendant d’avoir une meilleure idée des politiques de M. Trump pour annoncer des mesures de relance.
Il est également très intéressant de noter que tout le monde parle des mesures que M.Trump s’apprête à prendre à l’encontre de la Chine et d’autres pays. Personne ne s’intéresse aux contre-mesures que ces pays prendront. Notre économiste était justement en Chine ces dernières semaines pour mener un contrôle diligent sur le terrain. Nous avons trouvé très intéressant qu’il y ait eu un important rapprochement ou, si vous préférez, une nette amélioration des relations entre la Chine et des pays voisins comme le Japon ou la Corée du Sud. Nous pensons que d’autres pays, à l’instar de la Chine, s’inquiètent aussi des répercussions des politiques américaines.
Dans ce contexte, il est stratégiquement important d’améliorer ses relations avec les contreparties comme la Chine. Par conséquent, nous pensons que le marché anticipe les possibles retombées que ces nouvelles coopérations pourraient générer. Et ces coopérations ne se limitent pas aux pays émergents. Je pense qu’elle est assez large et englobe même l’Europe.
Jason Pasquinelli
Merci, Polina. Avant de poursuivre, on m’a demandé de vous rappeler que vous pouvez soumettre vos questions à l’aide de la fonction « Q&A » sur votre écran. Merci à tous ceux qui l’ont déjà fait.
Pour revenir aux questions, parlons maintenant des monnaies des ME. Elles ont été sous-évaluées au cours des dernières années, le dollar américain continuant d’attirer les capitaux. Polina, vous pourriez commencer. Quelles sont vos perspectives pour le dollar américain par rapport aux devises des ME ? Les marchés locaux peuvent-ils offrir de la valeur ou sera-t-il pratiquement impossible d’y investir si le dollar américain s’apprécie ?
Polina Kurdyavko
C’est une question très importante pour ceux qui investissent dans les ME, Jason. Pour nous, il y a deux facteurs à prendre en compte.
Le premier est l’orientation des marchés. Le deuxième est le rythme auquel les monnaies progressent dans cette direction.
L’année dernière, les titres de marchés émergents en monnaie locale ont été devancés par les indices de titres libellés en monnaie forte. En fait, les titres de sociétés en monnaie locale ont enregistré des rendements globaux légèrement positifs, d’à peine 2 %, grâce aux écarts de rendement. Quant aux titres de créance d’État en monnaie locale, ils ont dégagé des rendements très légèrement négatifs, soit environ -2 %.
Ces résultats ne sont guère surprenants, puisqu’un climat d’inquiétude a régné tout au long de 2024.
Bien que l’année commence à peine et que les politiques de M. Trump n’ont pas encore été dévoilées, les titres des ME libellés en monnaie locale enregistrent des rendements supérieurs à ceux des titres libellés en monnaie forte. Cela s’explique en grande partie par les données techniques du marché, car les investisseurs ont longtemps boudé les titres de créance en monnaie locale.
Les données techniques sont favorables, mais pour ce qui est des données fondamentales, nous devons faire la distinction entre les perspectives des taux et celles des monnaies.
En ce qui concerne les taux, nous pensons qu’il existe de solides arguments en faveur d’une position acheteur sur les taux de l’Europe centrale et de l’Europe de l’Est : comme la croissance sera sans doute décevante, les gouverneurs des banques centrales seront bien plus enclins à adopter une politique accommodante afin de stimuler la croissance. Ce sont des positions acheteur de base.
En Amérique latine, l’écart de rendement est assez important en raison des taux directeurs supérieurs à 10 % dans certains pays comme le Mexique et le Brésil. Toutefois, nous pensons que les gouverneurs des banques centrales hésiteront à décréter des baisses de taux importantes avant d’avoir une meilleure idée des politiques de M. Trump. Par conséquent, nous maintenons une pondération plus neutre dans ce segment de marché
et dans les monnaies en général. Nous prévoyons que les rendements seront plus nuancés. Quelles seront les monnaies qui s’en sortiront le mieux dans ce contexte ? Ce sera peut-être celles qui sont moins vulnérables aux politiques de M. Trump, comme la livre turque ou la monnaie de certains marchés frontières comme l’Égypte.
Toutefois, en ce qui concerne les monnaies à bêta élevé, même si la dévaluation de l’an dernier a été considérable, il nous paraît difficile de s’attendre à ce qu’elles dégagent de bons rendements tant que l’orientation des politiques de M. Trump ne sera pas connue.
Cela étant dit, j’aimerais souligner que M. Trump souhaite une remontée des monnaies des pays émergents, car un dollar plus faible servirait mieux ses politiques. Le marché anticipe peut-être déjà le fait qu’une politique de tarifs douaniers plus nuancée serait plus efficace pour parvenir précisément à ce résultat.
En effet, les monnaies se sont redressées après l’annonce de tarifs douaniers moins élevés que prévu. À notre avis, les craintes d’une dévaluation des monnaies de plus de 10 % ne se matérialiseront probablement pas. En fin de compte, les monnaies locales pourraient même surpasser les monnaies fortes d’ici la fin de l’année, mais il est encore trop tôt pour le dire.
Jason Pasquinelli
Polina, vous avez mentionné l’incertitude entourant certaines politiques de M. Trump. Une chose est sûre, il cherche à augmenter la production de pétrole.
Alors, poursuivons avec vous. Étant donné qu’on s’attend à ce que les États-Unis augmentent leur production de pétrole, quelles sont vos perspectives pour les marchandises des ME ?
Polina Kurdyavko
Oui, vous avez raison, Jason. C’est une politique de longue date de la part des États-Unis et nous pensons qu’elle maintiendra les prix du pétrole à un niveau relativement bas.
En outre, nous constatons un déséquilibre dans la dynamique de la demande au sein de la chaîne d’approvisionnement.
Par conséquent, nous ne pensons pas que l’Arabie Saoudite ou l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) seront prêts à renoncer aux réductions de la production ou à n’abaisser que très légèrement leur production, par crainte d’une chute des cours du pétrole.
Nous nous attendons à une divergence entre l’évolution des prix du pétrole et celle des prix des autres minerais, par exemple. D’après nous, les prix des minerais rares et du cuivre devraient demeurer élevés, tandis que les prix du pétrole pourraient suivre une tendance baissière.
Jason Pasquinelli
Laurence, que pensez-vous des marchandises en ce qui concerne les actions ?
Laurence Bensafi
C’est intéressant, car il y a quelques années seulement, on n’aurait parlé que de cela.
D’abord, en raison des liens directs, puisque l’énergie et les matières représentaient une part importante de l’indice. Puis en raison des liens indirects, car de nombreux grands pays émergents, comme la Chine et l’Inde, étaient touchés de plein fouet par les fluctuations des cours des marchandises et du pétrole en particulier. Comme je l’ai dit tout au début, les choses ont bien changé. L’énergie et les matières représentent maintenant moins de 10 % de l’indice. L’énergie représente à elle seule moins de 5 %, c’est donc un très petit secteur.
En ce qui concerne les liens indirects, comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, les pays ont fait des efforts pour réduire leur fardeau budgétaire et l’une des mesures phares a été de supprimer les subventions.
L’Inde est un bon exemple. En tant que pays importateur net, l’Inde était fortement pénalisée par la hausse des prix des marchandises, en particulier du pétrole, et devait verser d’énormes subventions. C’est pourquoi toute fluctuation des prix du pétrole avait une grande incidence sur les finances publiques. Ce n’est plus le cas depuis longtemps. Je dirais que ce n’est pas une coïncidence si la Chine et l’Inde sont à l’avant-garde de la révolution des énergies renouvelables. Les deux pays ont bâti des infrastructures titanesques, notamment dans le solaire. Et évidemment, la chaîne de fabrication se trouve en Chine. La voie à suivre était claire pour ces pays. En accroissant la part des énergies renouvelables, la dépendance au pétrole diminue. C’est l’objectif ultime de ces pays.
Lorsqu’on examen les pays qui ont des liens directs ou indirects avec les cours du pétrole, et les marchandises en général, les effets positifs et négatifs sont assez équilibrés et se neutralisent les uns les autres. Par conséquent, les prix des marchandises n’ont pas une grande incidence sur les actions des marchés émergents, en tant que catégorie d’actifs, dans un sens comme dans l’autre.
Et pour être honnête, c’est un secteur sur lequel nous nous attardons très peu. Comme je l’ai mentionné au début, les actions de ME sont essentiellement axées sur la technologie, la finance et la consommation intérieure. Ce sont les domaines qui dictent les marchés à l’heure actuelle. Bien entendu, certains pays plus petits sont plus sensibles aux marchandises, mais il s’agit d’une infime minorité.
Jason Pasquinelli
Merci, Laurence. Il serait sans doute pertinent de terminer notre discussion par une comparaison entre le rendement des titres de marchés émergents et celui des titres de marchés développés. Nous pourrions poursuivre avec vous, Laurence. Quelles sont les perspectives des actions de ME après des années de rendements inférieurs à ceux des actions de marchés développés ? Avez-vous des commentaires ? Pour 2025, où entrevoyez-vous des occasions intéressantes et où recommandez-vous la prudence aux investisseurs en actions ?
Laurence Bensafi
Effectivement. Même si les actions des marchés émergents ont affiché de bons rendements l’an dernier, elles ont été devancées par les actions des marchés développés. C’est le cas depuis plusieurs années.
Nous restons d’avis que les actions de ME ont beaucoup à offrir. Les pays émergents représentent 80 % de la population mondiale et de sa jeunesse. C’est dans ces pays que se concentre la population jeune. Dans ces marchés, qui génèrent 70 % de la croissance mondiale, les valorisations n’ont jamais été aussi faibles par rapport à celles des marchés développés. À notre avis, une remontée finira par se produire et les investisseurs s’intéresseront de nouveau à cette catégorie d’actif. Les marchés émergents regorgent d’exemples de réussite à long terme. L’Inde en fait évidemment partie, ainsi que le secteur de la technologie, que je mentionne souvent, en Corée et à Taïwan. Le titre dominant dans les actions des marchés émergents est une société technologique établie à Taïwan, qui représente 11 % de l’indice. Sa capitalisation boursière dépasse le billion de dollars. Il s’agit d’un secteur très attrayant.
Même si l’Asie représente 80 % des ME, comme je l’ai mentionné, l’Amérique latine est une région qui devient de plus en plus intéressante pour les actions. Tout le monde a les yeux rivés sur ce qui se passe en Argentine. C’est tout à fait exceptionnel. Nous verrons bien comment les choses évolueront.
En attendant, les pays voisins, qui ont souvent été en proie à des difficultés, ont suivi avec intérêt les progrès réalisés l’an dernier. Soulignons que l’une des très rares élections prévues dans les ME se tiendra au Chili à la fin de l’année. Il est très probable que le parti de droite favorable aux entreprises reviendra au pouvoir.
Une autre élection majeure est celle prévue au Brésil l’an prochain. Là encore, on pourrait voir le retour d’un gouvernement plus favorable aux entreprises. Les actions de l’Amérique latine se négocient aussi à des valorisations d’une faiblesse inégalée, en valeur absolue et pas seulement par rapport aux pays développés. C’est très intéressant.
À court terme, nous demeurons prudents à l’égard de l’Inde. Nous avions adopté la même position à la fin de 2023, lorsque nous avions prévu que la Chine dégagerait des rendements supérieurs à ceux de l’Inde, car l’écart de valorisation était devenu si important que nous pensions qu’il ne pourrait pas durer. De plus, une bulle s’était formée sur le marché indien, surtout dans les segments des sociétés à petite et à moyenne capitalisation.
Nous avons dû attendre septembre, mais notre prévision s’est concrétisée durant l’année. La Chine a dégagé de bons rendements. Mais l’Inde a quand même inscrit des gains. C’est pourquoi nous pensons toujours que les actions de l’Inde sont surévaluées. En fait, au cours des derniers mois, les titres indiens ont fait l’objet de ventes massives, pour plusieurs raisons, la principale étant que les gens avaient tablé sur un scénario très optimiste et que la croissance du PIB s’est avérée très décevante récemment. L’Inde reste une histoire de réussite et le gouvernement Modi a probablement permis de changer la donne au cours de ces dernières années. Toutefois, il y a encore beaucoup à faire dans ce pays. Construire des infrastructures est une bonne chose. Mais il faut ensuite attirer des investissements et créer des emplois.
Pour le moment, ces objectifs n’ont pas été atteints. On voit de grands espoirs, mais peu de résultats pour le moment. Le marché a été trop optimiste. C’est pourquoi nous restons prudents, même si nous estimons que l’Inde représente une excellente occasion à long terme et nous profiterons des ventes massives pour augmenter nos positions. C’est donc plutôt positif.
Jason Pasquinelli
Polina, même question pour vous. Si vous regardez dans votre boule de cristal pour 2025, où voyez-vous des occasions d’investir dans les titres de créance de ME et au contraire, où faudrait-il se montrer prudent ?
Polina Kurdyavko
Au cours des dernières années, les titres de créance d’État libellés en monnaie forte sont le segment qui a connu les plus grandes distorsions dans les écarts, en raison des taux de défaillance dans certains marchés frontières.
Les écarts ont permis d’obtenir d’excellents rendements l’an dernier, mais nous pensons qu’ils continueront à se resserrer, car ils demeurent supérieurs à leur moyenne historique. Et comme je l’ai mentionné, nous pensons que le segment des obligations à rendement élevé continuera de produire de bons résultats, un avis qui s’appuie sur une forte conviction selon laquelle les taux de défaillance seront bas.
Les tendances sont différentes du côté des titres de sociétés, en raison de la très faible volatilité de ce segment. En fait, j’aimerais rappeler que les titres de sociétés des marchés émergents sont ceux qui présentent le meilleur ratio Sharpe parmi les produits à revenu fixe de l’indice. Cela s’explique par leurs cotes élevées et leur volatilité relativement faible.
D’ailleurs, les nouvelles concernant les sociétés ont été ordinaires, alors que leurs titres de créance continuent d’enregistrer de bons résultats, en raison du contexte et des prix élevés des marchandises. À l’heure actuelle, le multiple de levier financier moyen des sociétés des ME comprises dans l’indice est tout juste supérieur à 1x.
On parle ici du ratio de la dette au BAIIA, et c’est très bas. Voilà le facteur qui dicte les rendements du côté des titres de créance de sociétés. En ce qui concerne les obligations d’État, nous nous attendons à ce que l’écart entre les obligations à rendement élevé et les obligations de catégorie investissement se resserre.
Dans le segment des titres de sociétés, nous privilégions les obligations et les prêts, en raison principalement de la faiblesse des taux de défaillance prévus. En outre, nous nous attendons à ce que ces catégories d’actifs soient relativement résilientes et la prime d’illiquidité des prêts de ME est intéressante.
Enfin, nous nous montrons plus opportunistes dans le segment des titres libellés en monnaie locale. Comme je l’ai mentionné, nous maintenons une pondération neutre ou une légère sous-pondération dans les monnaies des marchés émergents pour le moment. Nous attendons que les choses se précisent. Nous avons une position acheteur modeste sur les obligations de l’Europe centrale et de l’Europe de l’Est. Voilà comment nous abordons l’univers des titres de créance de ME.
Jason Pasquinelli
Merci, Polina. Il nous reste environ sept minutes. Nous pourrions clore cette discussion en répondant rapidement à quelques questions de notre auditoire.
Merci encore à tous ceux qui nous ont soumis des questions. Si nous n’avons pas le temps de répondre à votre question, nous ferons un suivi après cette séance.
De plus, je vous rappelle que vous êtes invités à répondre au sondage qui se trouve à côté de la section dédiée aux questions. Je vois que nous avons deux questions. Encore une fois, je vous remercie d’avance pour vos commentaires.
La première question, Polina, s’adresse certainement à vous. Dans quel segment des ME voyez-vous le plus d’occasions : les titres de créance privés ou les titres de créance publics ?
Polina Kurdyavko
Je dirais dans les titres de créance privés, car ils offrent des rendements en revenu nettement plus élevés du fait de leur illiquidité. En fait, je dirais que c’est vrai pour tous les titres de créance privés. D’ailleurs, lorsque je parle de titres de créance privés, je fais principalement allusion aux prêts.
Et la raison pour laquelle les prêts sont ajoutés aux titres de créance privés est simplement qu’il est préférable de les inclure dans instrument de placement, étant donné la très faible liquidité de ces prêts par rapport aux obligations de ME.
Parmi les occasions que nous avons saisies, les prêts nous procurent un rendement en revenu deux fois supérieur à celui des obligations émises sur les marchés publics par les mêmes émetteurs, et ce, grâce à la prime d’illiquidité. C’est un risque que je n’ai aucune hésitation à prendre. Nous restons donc plutôt optimistes à l’égard des titres de créance privés des marchés émergents, qui sont donc principalement des prêts.
En ce qui concerne les titres de créance publics, le taux de défaillance sera le principal moteur des rendements de ce segment, à mon avis. Par conséquent, si je devais faire un pari sur les marchés publics, je dirais que cette année, les titres de sociétés de ME surclasseront les titres de sociétés de marchés développés. Néanmoins, je pense que le resserrement des écarts observé l’an dernier dans les titres de créance mondiaux signifie que le rendement absolu des titres de créance privés sera nettement plus élevé que celui des titres de créance publics.
Jason Pasquinelli
Laurence, cette question est pour vous. Récemment, une société bien connue de l’indice a été ajoutée à la liste des entreprises ayant des liens avec l’armée chinoise qui sont visées par des restrictions. Comment gérez-vous les portefeuilles en tenant compte de ces listes qui changent sans arrêt, qu’elles soient dressées par un gouvernement ou par un client ?
Laurence Bensafi
Vous avez raison. C’était un changement important. Ces listes ne cessent de s’allonger. En ce qui nous concerne, ce sont surtout les listes de nos clients qui changent. Les clients sont de plus en plus nombreux à créer une liste de restrictions, par exemple, pour exclure un pays pour diverses raisons. Ils peuvent également exclure certains secteurs ou certains types de sociétés, comme les entreprises d’État.
Nous avons noté une forte hausse de ces exigences. L’autre type de restrictions vise, comme vous l’avez mentionné, les sociétés dans lesquelles certains pays nous interdisent d’investir. Ces listes sont généralement moins longues. En réalité, les sociétés dans lesquelles nous ne pouvons pas investir sont peu nombreuses et dans la majorité des cas, ce ne sont pas des sociétés dans lesquelles nous aurions choisi d’investir de toute façon. Il s’agit notamment de fabricants d’armes ou d’entreprises de ce genre. Par conséquent, les sociétés totalement hors de portée sont finalement assez rares. Pour en revenir aux restrictions imposées par les clients, nous personnalisons volontiers les portefeuilles de façon à les prendre en considération. Nous n’avons aucun problème à le faire. La plupart du temps, nous sommes plutôt d’accord avec ces restrictions. D’habitude, elles n’entraînent pas de modification majeure des portefeuilles. En général, elles ont une incidence relativement faible.
Jason Pasquinelli
Merci, Laurence. Polina, une dernière question pour vous. Et je vais être honnête, je l’ai mal lue la première fois. La vraie question est celle-ci : quelles sont les trois positions acheteur que vous privilégierez en 2025 dans les titres de créances libellés en monnaie locale ?
Au départ, j’avais lu : quelles sont vos trois chansons préférées de 2025 ? Vous pouvez répondre aux deux questions ou seulement à celle sur les titres de créance en monnaie locale.
Polina Kurdyavko
Parmi les titres de créance libellés en monnaie locale, si je fais une distinction entre les taux et les monnaies, les trois positions acheteur qui me semblent les plus prometteuses seraient une position acheteur sur les taux tchèques, une position acheteur sur la livre turque et une autre sur USD/BRL. Encore une fois, je pense simplement aux monnaies des marchés émergents qui ont le plus reculé. Et en ce qui concerne ma chanson préférée, il n’y en a qu’une qui me vient à l’esprit, c’est Austin. Je vous recommande donc d’écouter Dasha.
Jason Pasquinelli
Excellent. Merci, Polina. Voilà qui conclut notre webinaire. J’aimerais remercier Polina et Laurence de nous avoir fait part de leurs points de vue. J’espère que tout le monde a aimé la discussion d’aujourd’hui. Nous vous enverrons un courriel contenant l’enregistrement vidéo et les réponses aux questions que nous n’avons pas eu le temps d’examiner.
Merci encore à tous pour vos commentaires et vos questions. Je vous souhaite à tous une excellente année 2025. Merci à tous.