Les stratégies à faible volatilité se sont toujours bien mieux comportées que l’ensemble du marché boursier durant les périodes baissières.1 Pendant le repli causé par la pandémie, au premier trimestre de 2020, la plupart des stratégies à faible volatilité ont effectivement surclassé les indices du marché élargi, mais par une marge beaucoup plus mince que dans le passé. Nombre d’entre elles ont en fait été devancées par le marché en général.
Dans le présent article, nous nous penchons sur les raisons derrière ces résultats décevants. Nous examinons également certaines différences entre les stratégies à faible volatilité et l’incidence qu’elles ont pu avoir sur leur rendement relatif (pour le meilleur ou pour le pire) au cours de cette période.
Introduction
Les stratégies d’actions à faible volatilité ont la cote depuis quelques années chez les investisseurs institutionnels de partout dans le monde. Bien sûr, elles ne sont pas toutes construites de la même manière et ne sont pas toujours adoptées pour la même raison. Le trait que la plupart d’entre elles ont en commun, c’est qu’elles investissent habituellement dans des actions « défensives » de sociétés stables et bien établies aux bénéfices et aux flux de trésorerie plus fiables que d’autres. Ce genre de stratégie procure généralement une très bonne protection contre les baisses par rapport aux indices du marché élargi.2
Pendant le repli causé par la pandémie, au premier trimestre de 2020, la plupart des stratégies à faible volatilité ont effectivement surclassé les indices du marché, mais par une marge beaucoup plus mince que dans le passé. Nombre d’entre elles ont en fait été devancées par le marché en général (voir la figure 1).
Figure 1 : Protection inférieure contre les baisses et dispersion importante des rendements parmi les gestionnaires d’actions à faible volatilité, premier trimestre de 2020
Protection inférieure contre les baisses et dispersion importante des rendements parmi les gestionnaires d’actions à faible volatilité, premier trimestre de 2020<
Si les stratégies à faible volatilité ont dégagé des rendements décevants en 2020, c’est principalement à cause des résultats inhabituels enregistrés par certains secteurs pendant le repli provoqué par la COVID-19, d’autant plus que la concentration du marché s’est accrue. Ces deux dynamiques de marché ont sûrement influé sur le rendement de la plupart des stratégies à faible volatilité en 2020. Notons aussi que les résultats ont été très dispersés. Les différences entre les stratégies expliquent probablement la vaste dispersion des rendements observée au premier trimestre de 2020 et à plus long terme (voir les figures 1 et 2).
Figure 2 : Dispersion importante des rendements parmi les gestionnaires d’actions à faible volatilité, sur un horizon de cinq ans
Source : Univers Actions mondiales à faible volatilité de eVestment. Rapport risque-rendement sur cinq ans au 31 mars 2020, en dollars canadiens
Des répercussions économiques inhabituelles et des résultats sectoriels atypiques en 2020
Si les stratégies à faible volatilité n’ont pas offert le degré de protection contre les baisses auquel on s’attendait au premier trimestre, compte tenu des résultats antérieurs, c’est que la présente récession et le repli subséquent du marché ont une cause fort inhabituelle. En effet, au lieu de découler des excès du marché ou de l’économie, la situation a été causée par un choc exogène. La COVID-19 et les bouleversements qu’elle a provoqués dans les habitudes des consommateurs et des entreprises ont eu une incidence économique très différente de celle d’une récession causée par un ralentissement typique. Des exemples :
- Les dépenses liées à certaines technologies se sont considérablement accrues.
- Il y a eu une brusque mutation du magasinage dans les établissements traditionnels au magasinage en ligne.
- Les mesures de distanciation sociale ont eu des répercussions négatives sur le marché des immeubles de commerces de détail et de bureaux.
Tous ces facteurs ont eu des répercussions particulièrement importantes sur les secteurs de l’immobilier et de la technologie de l’information (voir la figure 3).
Figure 3 : Résultats atypiques de certains secteurs pendant le repli provoqué par la COVID-19
Sources : RBC GMA.
Si la récession avait été plus typique, les revenus de l’immobilier seraient demeurés à peu près stables grâce aux baux de longue durée signés avec les locataires, tandis que les revenus de la technologie de l’information auraient chuté en raison des compressions des dépenses en capital cycliques.
Or, c’est le contraire qui s’est produit pendant le repli causé par la COVID-19. Les mesures de confinement et de distanciation sociale ont poussé certains propriétaires à offrir des reports de paiement du loyer, et les perspectives à long terme de certains types d’immeubles, comme les bureaux et les commerces de détail, ont été remises en question. À l’opposé, le secteur qui a le plus profité du contexte de 2020 est celui de la technologie de l’information : ses revenus ont fait un bond de géant.
Bref, les secteurs habituellement privilégiés par les fonds à faible volatilité en raison de leurs caractéristiques défensives ne se sont pas comportés comme prévu au début de l’année.
La figure 4 illustre cette situation en chiffres : on y voit les corrélations prévues avant la pandémie entre l’ensemble du marché et certains secteurs en particulier3 , ainsi que les corrélations réelles mesurées pendant la période de repli, soit du 20 février au 23 mars 2020.
Figure 4 : Corrélations sectorielles inattendues pendant le repli provoqué par la COVID-19
Source : Corrélations prévues fournies par RBC GMA ; corrélations réelles fournies par MSCI. La période de liquidation va du 20 février 2020 au 23 mars 2020. L’indicateur indirect pour l’ensemble du marché est l’indice MSCI Monde
On compare ici le rendement relatif de l’ensemble du marché et de chaque secteur. Lorsque la corrélation prévue est négative, c’est que le secteur a tendance à devancer le marché lors d’un repli. Les stratégies à faible volatilité sont généralement axées sur ces secteurs. En réalité, les corrélations entre le marché et chaque secteur ont été tout autres pendant la période de repli. Elles ont dévié des normes historiques tant sur le plan de l’ampleur que de la direction, dans de nombreux cas. Par exemple, la corrélation entre le marché et les secteurs du matériel de technologie, des logiciels et des services connexes, et des soins de santé a été moindre que prévu (et même négative) lors du repli ; autrement dit, ces trois secteurs se sont comportés de manière plus défensive que ce à quoi on aurait pu s’attendre compte tenu des résultats antérieurs. C’est pourquoi ils ont tous surclassé le marché durant cette période, comme on peut le voir dans la dernière colonne. À l’opposé, les secteurs habituellement plus défensifs, comme les assurances et les fiducies de revenu, ont affiché une corrélation supérieure avec le marché par rapport à la normale, et ont été dépassés par le marché dans son ensemble au cours de cette période.
La forte concentration des indices est venue compliquer les choses
La nature atypique des résultats enregistrés par certains secteurs a été amplifiée par la concentration des indices, qui va croissant depuis quelques années, et qui est venue creuser l’écart entre les rendements de 2020 et les rendements historiques. Les actions de grandes sociétés de technologie (les bénéficiaires inattendus du repli qui se sont comportés particulièrement bien tout au long de 2020), avaient un poids très important dans les indices à la fin de l’année, et ce, dans plusieurs univers de placement. Ce fut notamment le cas des principaux indices mondiaux et canadiens, mais surtout des indices américains. Comme le montre la figure 5, la pondération des cinq principales sociétés du S&P 500 a atteint un sommet record de 24 % en septembre 2020 en raison de la concentration des titres dominants.
Figure 5 : Concentration accrue du marché d’après la pondération des cinq principales sociétés du S&P 500
Sources : RBC GMA, Bloomberg. Les données sont en date du 1er jour de chaque mois, de février 1990 à décembre 2020. Le pourcentage représente la pondération cumulative des cinq principales sociétés de l’indice S&P 500 selon la capitalisation boursière.
La majorité des stratégies à faible volatilité ne choisissent pas de pondérer ces titres pleinement, compte tenu de leur volatilité et de leur bêta habituellement élevés. En outre, le profil de rentabilité de certaines de ces sociétés (mais pas toutes) ne correspond pas au profil typique des titres détenus dans le cadre d’une telle stratégie. Certains titres peuvent être intéressants d’après la méthode employée, mais la plupart des stratégies à faible volatilité n’investissent pas au-delà d’une taille maximale, par souci de diversification et pour éviter de détenir la même pondération que l’indice.
Quant à la taille des placements, les stratégies à faible volatilité ressemblent généralement plus aux stratégies à pondération égale qu’aux stratégies pondérées par capitalisation, en raison surtout de leurs objectifs de rendement absolu plutôt que de rendement relatif, et de leurs portefeuilles qui se veulent plus diversifiés. Comme seule une poignée de titres ont dominé le marché en 2020, les indices à pondération égale ont accusé un recul considérable par rapport aux indices pondérés par capitalisation. Ainsi, c’est un petit sous-groupe de grandes sociétés qui a produit le plus gros des rendements cette année-là. Il était donc probable que les stratégies à faible volatilité dont le processus de placement favorise l’envergure soient devancées par le marché durant la période de repli initial et les trimestres suivants.
Figure 6 : Concentration des titres dominants : l’indice pondéré par capitalisation a surclassé l’indice à pondération égale en 2020
Sources : RBC GMA, S&P.
Les stratégies à faible volatilité ne sont pas toutes conçues de la même manière
Les stratégies ont peut-être l’air similaire, mais leurs processus de placement et de constitution de portefeuille peuvent varier grandement. Et comme le montre la dispersion des rendements à la figure 2, ces variations peuvent se solder par des résultats bien différents. C’est pourquoi les investisseurs doivent évaluer l’équipe, la philosophie et les processus de placement comme ils le feraient pour toute autre stratégie active.
Vous trouverez dans le tableau ci-dessous les principales différences entre les stratégies à faible volatilité et leur incidence possible sur les rendements de 2020. Évidemment, chaque approche a ses avantages et ses inconvénients ; il n’est donc pas toujours évident de trouver l’approche optimale.
Sources : RBC GMA, MSCI
Les caractéristiques énumérées ci-dessus ne sont pas les seules différences entre les stratégies à faible volatilité. Il peut y en avoir d’autres, tout aussi importantes, quoique leur incidence sur les rendements de 2020 est moins évidente. Citons notamment la façon dont est constitué le portefeuille (optimisation ou approche fondée sur des règles), l’univers de placement, et le type de gestion (passive ou active). En fin de compte, ce que les investisseurs doivent retenir est qu’il est important de comprendre les objectifs d’une stratégie donnée et la manière dont celle-ci est construite.
Conclusion
La majorité des stratégies à faible volatilité ont su protéger le capital par rapport aux indices du marché élargi au premier trimestre de 2020, lors du repli du marché causé par la pandémie. Les rendements ont toutefois été décevants dans l’ensemble de la catégorie d’actif par rapport aux normes et compte tenu des attentes des investisseurs.
La situation qui s’est produite en 2020 est principalement attribuable à un choc exogène unique qui a eu des répercussions inattendues sur les consommateurs et les entreprises, comparativement à un ralentissement économique typique. La forte concentration des titres dominants sur le marché est venue compliquer les choses. Toute bonne stratégie de placement doit pouvoir s’adapter aux conditions du marché, qui sont toujours changeantes. À notre avis, cependant, les stratégies d’actions à faible volatilité sont encore pertinentes. En effet, nous pensons qu’elles conviennent toujours aux investisseurs qui veulent investir dans les actions tout en réduisant et en diversifiant les risques liés à cette catégorie d’actif.