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Par  Eric Lascelles 9 août 2022

Contenu de cet article :

Webémission mensuelle sur l’économie

Notre webémission d’août sur l’économie est à présent disponible sous le titre « Une récession s’annonce, mais l’inflation est-elle en voie de plafonner ? »

La vague de COVID-19 décline

La dernière vague de COVID-19 reste présente dans la plupart des pays. Les pays européens, parmi lesquels le Royaume-Uni et l’Allemagne connaissent actuellement un déclin des infections. Cependant, le nombre de décès – qui apparaît avec un décalage dans le temps – ne s’est pas encore replié de façon significative (voir les deux graphiques ci-après).

Les cas de COVID-19 commencent à reculer au Royaume-Uni, mais pas les décès

Les cas de COVID-19 commencent à reculer au Royaume-Uni, mais pas les décès

Au 5 août 2022. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : Our World in Data, Macrobond, RBC GMA

Les cas de COVID-19 reculent également en Allemagne, mais pas les décès

Les cas de COVID-19 reculent également en Allemagne, mais pas les décès

Au 7 août 2022. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : Our World in Data, Macrobond, RBC GMA

En Amérique du Nord, la vague d’infections aux États-Unis et au Canada semble refluer, mais pas encore de façon significative. Dans la plupart des pays, la vague de BA.5 s’avère moins nocive que les deux vagues précédentes, notamment grâce à l’immunité acquise jusque là.

En revanche, le Japon est lourdement frappé par la dernière vague de COVID-19 (voir le graphique suivant). Il semble que ce pays souffre plus que les autres, paradoxalement, en raison de son succès remarquable pour contrer les vagues d’infections précédentes. Bon nombre de Japonais n’ont pas créé d’anticorps, ce qui fait du pays une cible idéale pour le virus.

Les cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 restent élevés au Japon

Les cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 restent élevés au Japon

Au 7 août 2022. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : Our World in Data, Macrobond, RBC GMA

La question est de savoir si la Chine pourrait connaître une situation comparable. En Chine, la station balnéaire de Sanya, dans l’île méridionale de Hainan, a été placée sous confinement à la suite de l’apparition de plusieurs centaines de cas. Plus de 80 000 touristes se sont ainsi retrouvés bloqués dans l’île.

Les prix du blé redescendent

En temps normal, l’Ukraine est le troisième exportateur mondial de blé. Bien que les exportations ukrainiennes aient à présent un peu de marge de manœuvre pour se redresser, après un fragile accord conclu avec la Russie pour autoriser les expéditions depuis les ports ukrainiens, les difficultés subsistent, étant donné que la région est devenue un champ de bataille.

Il est donc quelque peu surprenant que les prix du blé se soient repliés à leurs niveaux d’avant l’invasion (voir le graphique suivant).

Recul des prix au début de la récolte de blé

Recul des prix au début de la récolte de blé

Au 28 juillet 2022. La zone ombrée représente une récession aux États-Unis. Sources : S&P, Macrobond, RBC GMA

Qu’est-ce qui a motivé ce brusque repli des prix ? Plusieurs choses :

  • Bien que l’Ukraine soit un exportateur de blé majeur, son importance sur les marchés mondiaux est surestimée. Dans des circonstances normales, l’Ukraine exporte 24 millions de tonnes métriques de blé par an. Ce chiffre semble élevé sur une base absolue, mais il ne représente que 3 % du marché mondial du blé. Même si les exportations ukrainiennes de blé tombaient à zéro, 97 % de la production mondiale demeurerait intacte.
  • A priori, les exportations ukrainiennes de blé ne tomberont pas à zéro. Au contraire, les prévisions font état de 15 millions de tonnes métriques d’exportations ukrainiennes de blé pour cette année. Cela laisse un déficit d’à peine 1 % de la production mondiale.
  • Les autres pays ne sont pas restés inactifs. La production et les exportations de blé de la Russie, de la Chine, des États-Unis et de l’Australie s’annoncent plus élevées que la normale cette année, ce qui comble une grande partie, voire la totalité du déficit restant. En revanche, la mousson a été défavorable en Inde, ce qui pourrait priver le pays d’une partie de sa production normale.
  • La demande de blé devrait être inférieure à la moyenne cette année, car les agriculteurs passent du blé au maïs, plus économique, pour alimenter leur bétail.

Cela dit, l’Ukraine est également un grand producteur d’autres cultures, et les problèmes d’accès à la potasse du Bélarus assombrissent les perspectives pour les rendements agricoles mondiaux. Par ailleurs, plusieurs pays de l’Afrique, du Moyen-Orient et de l’Asie centrale sont extrêmement dépendants de l’approvisionnement en blé ukrainien. Enfin, si les prix du blé semblent redescendre aux niveaux d’avant la guerre, ils demeurent tout de même élevés par rapport à la norme de la dernière décennie.

Pour placer les choses dans leur contexte, l’ONU estime que la guerre en Ukraine alourdira le nombre de personnes souffrant de la famine de 13 millions en 2022 et de 17 millions en 2023. L’incidence de la guerre sur la famine est donc de l’ordre de 1,7 %. Le bilan humain sera terrible.

Au chapitre de l’inflation, nous pensons que le déclin des prix alimentaires observé ces derniers mois pourrait s’inscrire dans une tendance durable. C’est un point positif en ce qui concerne les tensions inflationnistes.

Les tensions géopolitiques s’intensifient

Nous traversons un moment de fortes tensions géopolitiques. La Russie est au centre des préoccupations, en même temps que les récents heurts entre Israéliens et Palestiniens (à présent résolus par un cessez-le-feu). La prise de contrôle de l’Afghanistan par les talibans, la capacité de l’Iran de fabriquer une arme nucléaire, et maintenant la colère de la Chine à la suite du voyage officiel de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants américaine, à Taïwan le 2 août constituent d’autres nouvelles récentes. Sur le plan économique, la démondialisation suit son cours, en grande partie à cause de ces frictions.

Bien que la Russie soit généralement sous le feu des projecteurs et ait lourdement pesé sur les conditions économiques en 2022, la relation entre les États-Unis et la Chine reste sans doute la question la plus importante à long terme d’un point de vue géopolitique et économique.

À la suite de la visite américaine à Taïwan, territoire revendiqué par la Chine, la Chine a exigé des excuses et suspendu la communication et la coopération avec les États-Unis sur des questions telles que les changements climatiques, les activités militaires et la criminalité internationale. En outre, la Chine a envoyé ses forces militaires aériennes survoler le territoire taïwanais, tirer des missiles sur le pays et effectuer des exercices militaires aux environs de l’île. Le transport aérien et maritime s’en est trouvé perturbé.

Le président chinois Xi a déclaré publiquement que la « réunification [de la Chine et de Taïwan] doit être réalisée. »

Bien que le président Biden ait remplacé le président Trump, les tarifs douaniers et les restrictions économiques sont restés en place, et M. Biden laisse entendre que les tarifs douaniers ne seront pas abandonnés dans le futur. En effet, le risque était que les États-Unis augmentent les tarifs douaniers, au lieu de les supprimer, avant même ce dernier imbroglio. Ce risque s’est accru à la suite de la visite officielle des États-Unis.

Mais il demeure improbable que la Chine envahisse Taïwan à court terme, ou que la Chine et les États-Unis en viennent à ouvrir le feu. La raison principale est qu’un tel conflit serait désastreux pour toutes les parties, d’un point de vue militaire aussi bien qu’économique.

Un conflit entre les deux plus grandes puissances militaires de la planète serait très lourd de conséquences des deux côtés et pourrait se traduire par de lourdes pertes dans les armées respectives des pays, la population civile taïwanaise, et peut-être aussi les populations civiles de la Chine et des États-Unis.

Les dommages économiques seraient vraiment gigantesques. Imaginez des sanctions exhaustives à l’égard de la Chine : les répercussions seraient autrement plus lourdes que dans le cas des sanctions contre la Russie, étant donné que l’importance de la Chine au sein de l’économie mondiale est bien plus grande. La production manufacturière de l’empire du Milieu s’effondrerait ; la demande occidentale s’écroulerait aussi, car de nombreux produits ne seraient plus disponibles. Par ailleurs, Taïwan joue un rôle déterminant dans la production de produits électroniques et de puces de haute technologie dans le monde, ce qui signifie que tout conflit limiterait considérablement la disponibilité de technologies cruciales et peut-être aussi l’innovation.

En outre, le moment est sans doute peu propice pour une invasion chinoise de Taïwan. La réponse agressive des pays occidentaux aux attaques récentes de la Russie, au moyen de sanctions, pourrait faire hésiter la Chine (en revanche, certains avancent que le fait que l’OTAN n’ait pas envoyé de troupes en Ukraine intensifie l’incertitude quant à savoir si les États-Unis entreraient en guerre pour le compte de Taïwan). L’attitude des Taïwanais à l’endroit de la Chine est aussi très hostile, et un sondage récent a révélé que moins de 10 % de la population de l’île souhaite une éventuelle union politique avec la Chine. L’intégration d’une population est beaucoup plus ardue si celle-ci s’y oppose. Tant en Chine qu’aux États-Unis, d’importantes élections auront lieu cet automne. Il est donc dans l’intérêt des deux pays de montrer les dents, sans vraiment déclencher de guerre.

La Chine commence déjà à désamorcer la situation. Le trafic aérien et maritime revient à la normale. Les risques demeurent élevés, mais le statu quo l’emportera probablement.

 L’inflation s’apaise en juillet

Aux États-Unis, l’indice des prix à la consommation (IPC) de juillet sera publié le 10 août. Il semble toujours que la croissance des chiffres mensuels et annuels ralentira quelque peu. Les prévisions générales tablent désormais sur une croissance mensuelle d’à peine 0,2 % en juillet, qui ferait passer la hausse annuelle de 9,1 % à 8,7 %. Cette croissance mensuelle serait plus de six fois inférieure à la hausse de 1,3 % enregistrée le mois précédent. La principale raison en est évidemment que les prix des produits de base ont baissé, entre juin et juillet. Par conséquent, on ne s’attend pas à ce que la croissance de l’IPC de base ralentisse autant.

Les perspectives de l’indice des prix à la production (IPP) sont semblables : on attend une hausse mensuelle d’à peine 0,2 %, après un bond de 1,1 % le mois précédent.

En théorie, il est logique que l’inflation atteigne un sommet, puisque les quatre principaux facteurs d’inflation font marche arrière :

  • Les mesures de relance monétaire sont moins favorables.
  • La politique budgétaire représente désormais un frein.
  • Les problèmes des chaînes d’approvisionnement sont en voie d’être résolus.
  • Les prix des produits de base diminuent.

Par conséquent, les attentes d’inflation ont considérablement reculé, un autre élément qui donne à penser que l’inflation sera moins élevée dans l’avenir.

Bien entendu, le taux d’inflation actuellement très élevé a le vent dans les voiles et touche de nombreux secteurs, de sorte qu’il est probablement optimiste de croire en un retour rapide à la normale de l’inflation. Nos prévisions tablent sur une décélération graduelle de l’inflation pendant le reste de l’année 2022 (et font abstraction de la très faible hausse enregistrée en juillet, attribuable à la forte baisse des prix des produits de base), ce qui laisse tout de même entrevoir un taux d’inflation avoisinant les 7,5 % sur 12 mois en décembre.

L’élément clé à surveiller sera l’ampleur du ralentissement des composantes de l’IPC autres que celles des produits de base, en juillet. En l’absence d’une décélération, le problème fondamental reste entier.

Retour sur les années 1970

Nous avons récemment examiné la situation au cours des années 1970 pour mieux comprendre le contexte dans lequel l’inflation a atteint son sommet lors des trois principaux cycles d’inflation de cette période. Dans deux des trois cas que nous avons examinés, l’inflation a mis deux ou trois années à atteindre son sommet après le déclenchement du resserrement monétaire (voir le graphique suivant). Dans le troisième cas, l’inflation a atteint son sommet au moment où la première hausse de taux a été décrétée. Nous espérons que la situation actuelle sera similaire au troisième cas, mais il reste évidemment possible qu’il faille encore quelques années pour maîtriser l’inflation.

L’inflation avant et après la première hausse de taux de la Fed (en 1972, 1977 et 1980)

L’inflation avant et après la première hausse de taux de la Fed (en 1972, 1977 et 1980)

Au 2 août 2022. L’axe des X représente les mois précédant et suivant la première hausse de taux de la Fed. Le jour 0 représente la première hausse de taux de la Fed. Sources : Bureau of Labour Statistics (BLS), Macrobond et RBC GMA.

Si on l’examine plutôt en fonction du début d’une récession, l’inflation a commencé à fléchir dès le début de la récession lors de deux des trois cycles historiques des années 1970 ; dans le troisième cas, l’inflation a mis une année de plus à atteindre son sommet (voir le graphique suivant). Dans la mesure où une récession semble probable à la fin de cette année ou au début de 2023, cela donne à penser que l’inflation pourrait atteindre son sommet au cours des six prochains mois, ce qui semble une perspective raisonnable.

Inflation avant et après le début des récessions (1969, 1973, 1981)

Inflation avant et après le début des récessions (1969, 1973, 1981)

Au 2 août 2022. L’axe des X représente les mois précédant et suivant le début des récessions. Le jour 0 représente le premier mois des récessions. Sources : BLS, National Bureau of Economic Research (NBER), Macrobond, RBC GMA

La « fin de cycle » est proche

Aux États-Unis, le cycle économique vient de faire un grand bond en avant. Il y a trois mois, notre analyse dressait un diagnostic de « milieu du cycle » pour l’économie américaine, mais les choses progressaient rapidement et l’on observait déjà d’importants indicateurs de « stade avancé ».

Ce trimestre-ci, nous constatons que le cycle économique est passé outre le « stade avancé » pour s’établir fermement en « fin de cycle » – une étape qui ne dure habituellement que pendant un ou deux trimestres avant que ne frappe la récession (voir le graphique suivant).

Passage en « fin du cycle » selon la feuille de pointage du cycle de l’économie américaine

Passage en « fin du cycle » selon la feuille de pointage du cycle de l’économie américaine

Au 5 août 2022. Calcul effectué à l’aide de la technique de la feuille de pointage par RBC GMA. Source : RBC GMA

Les facteurs qui indiquent une « fin de cycle » ou un stade ultérieur (voir le tableau suivant) comprennent les stocks (voir le graphique subséquent), les prix, la confiance, le comportement du marché boursier, les investissements des entreprises et l’élan plus large de l’économie. Il convient également de noter que la croissance des salaires est en train de se résorber – un indicateur classique « fin de cycle » (voir le troisième graphique).

Feuille de pointage du cycle de l’économie américaine

Feuille de pointage du cycle de l’économie américaine

Au 5 août 2022. L’ombrage indique la pondération attribuée à chacun des stades d’un cycle économique. Source : RBC GMA

Hausse du ratio stocks-ventes aux États-Unis alors que les stocks s’accumulent et que les ventes diminuent

Hausse du ratio stocks-ventes aux États-Unis alors que les stocks s’accumulent et que les ventes diminuent

En mai 2022. Ratio stocks-ventes réel de l’ensemble des secteurs manufacturiers et commerciaux. La zone ombrée représente une récession. Sources : Bureau of Economic Analysis (BEA), Haver Analytics, RBC GMA

Ralentissement de la croissance des salaires des travailleurs peu qualifiés aux États-Unis

Ralentissement de la croissance des salaires des travailleurs peu qualifiés aux États-Unis

Restaurants à service restreint en juin 2022, total des entreprises non agricoles du secteur privé en juillet 2022. Sources : BLS, Macrobond, RBC GMA

Les nouvelles données penchent fortement en faveur de l’imminence d’une récession. Nous estimons à 80 % la probabilité qu’une récession survienne aux États-Unis au cours de la prochaine année. Pour la zone euro et le Royaume-Uni, ce pourcentage est encore plus élevé.

 Disparités économiques

L’humeur liée aux articles de presse s’assombrit de nouveau et se situe à son niveau le plus bas depuis le début de la pandémie (voir le graphique suivant).

Chute de l’indice de confiance selon les nouvelles quotidiennes

Chute de l’indice de confiance selon les nouvelles quotidiennes

Au 31 juillet 2022. Sources : Federal Reserve Bank de San Francisco, Macrobond, RBC GMA

Baisse du PIB

Le PIB des États-Unis a diminué au premier et au deuxième trimestres de 2022. Bien que cela ne corresponde pas techniquement à la définition d’une récession, il s’agit d’une règle générale populaire. Dans le cas présent, malgré la mise en évidence de l’affaiblissement de l’économie, nous croyons que nous sommes encore loin d’une véritable récession. D’abord, la situation trouve son origine dans la faiblesse des stocks et la vigueur des importations plutôt que dans la fragilité de la consommation ou des investissements. Ensuite, jusqu’à maintenant, on a évité les pertes d’emplois massives. Enfin, il n’y a pas encore de dommages dans un nombre important de secteurs de l’économie. Qui plus est, le PIB des États-Unis au troisième trimestre affiche actuellement un taux annualisé de +1,4 %.

En termes clairs, nous prévoyons toujours une récession plus tard, mais nous ne pensons pas qu’elle ait débuté au premier semestre de 2022.

Emploi

En ce qui concerne l’emploi, 528 000 postes ont été créés aux États-Unis en juillet, un bond inattendu. Cependant, selon l’enquête auprès des ménages, il n’y en aurait eu que 179 000, après la perte de 315 000 emplois le mois précédent. Il est peut-être plus utile d’examiner le marché du travail dans son ensemble. Globalement, tout va toujours bien, mais certaines variables clés commencent à s’affaiblir. Les demandes de prestations d’assurance-emploi sont en hausse, tout comme les mises à pied (voir le graphique suivant). Par ailleurs, les intentions d’embauche des entreprises ont légèrement diminué. Les offres d’emploi et le taux de démission sont encore assez élevés, mais ils plafonnent (voir le graphique subséquent).

Les suppressions d’emplois annoncées aux États-Unis ont commencé à augmenter

Les suppressions d’emplois annoncées aux États-Unis ont commencé à augmenter

En juin 2022. Sources : Challenger, Gray & Christmas, Inc., Macrobond, RBC GMA

Aux États-Unis, les offres d’emploi et les démissions redescendent par rapport à leurs sommets sans précédent

Aux États-Unis, les offres d’emploi et les démissions redescendent par rapport à leurs sommets sans précédent

En juin 2022. Estimations pour toutes les entreprises non agricoles du secteur privé. La zone ombrée représente une récession. Sources : BLS, Macrobond, RBC GMA

Soit dit en passant, à cet égard, on avance souvent qu’en cas de récession, les entreprises annulent leurs projets d’embauche avant de licencier qui que ce soit, d’où l’évitement des pertes d’emploi. Et avec plus de dix millions d’offres d’emploi, il est peu probable que les entreprises réduisent leur effectif idéal au-delà de ce nombre. Nous sommes d’avis que pour cette raison, le marché du travail sera sans doute relativement plus résilient qu’à l’habitude face à une récession.

Toutefois, comme on a pu le constater en 2008-2009 et en 2020, un niveau initial élevé d’offres d’emploi n’exclut pas des pertes d’emploi importantes en période de récession. Bon nombre de ces offres sont ou étaient fondées sur l’hypothèse d’une croissance plus enthousiaste des revenus des entreprises qui se révèle ensuite inexacte. Les écarts sectoriels signifient que certains secteurs chercheront en vain à attirer des travailleurs, tandis que d’autres procéderont à des mises à pied. Le resserrement des conditions financières pourrait faire en sorte que certaines sociétés n’auront pas les fonds nécessaires pour prendre de l’expansion, en dépit de leurs débouchés sur le marché. En bref, d’importantes pertes d’emplois réelles se produisent tout de même en période de récession.

Le Canada a rapporté des pertes d’emploi pour un deuxième mois consécutif, avec une baisse de 30 000 postes en juillet. Bien que nous nous attendions à ce que le Canada connaisse une récession un peu plus intense que les États-Unis, compte tenu de l’endettement accru des ménages canadiens (nous y reviendrons), on ne peut pas vraiment dire que la croissance du PIB a été pire au Canada jusqu’à maintenant. Malgré la tendance à la baisse de l’emploi, le PIB du Canada a été supérieur à celui des États-Unis au cours du premier semestre de l’année.

Les bénéfices des sociétés sont généralement résilients

Dans l’ensemble, les bénéfices des sociétés ont bien résisté au dernier trimestre. La plupart des sociétés ouvertes américaines ont maintenant publié leurs résultats, et la croissance des ventes de même que celle des bénéfices ont dépassé les attentes dans une proportion de 3 à 4 %.

Cela dit, au risque d’être pointilleux, nous constatons quelques poches de faiblesse. La société Walmart, par exemple, a émis sa deuxième alerte sur résultats en moins d’un trimestre, faisant remarquer que les dépenses de consommation étaient affectées par les prix élevés du carburant et des aliments. Les stocks de l’entreprise étaient supérieurs à ce qu’elle voudrait et qu’elle s’attendait à une baisse de 13 à 14 % de ses revenus au prochain trimestre.

Le secteur technologique représente un cas plus extrême. De nombreuses grandes entreprises technologiques procèdent déjà à des licenciements, en prévoient ou du moins revoient leurs programmes d’embauche à la baisse. Il en va de même pour leurs projets d’investissement. Il reste à voir si le reste de l’économie emboîtera ou non le pas à ce secteur : non seulement celui-ci est plus volatil que les secteurs traditionnels, mais il subit déjà un recul de nature sectorielle, entamé en automne dernier, bien avant le début de l’affaiblissement du reste de l’économie.

Télétravail

L’une des conséquences durables de la pandémie réside dans les taux de télétravail toujours beaucoup plus élevés qu’avant la pandémie. En effet, selon les estimations les plus souvent citées qui proviennent de Kastle Systems, les taux d’occupation des immeubles de bureaux se situent seulement à 40 % des taux normaux alors que la reprise continue depuis deux ans (voir le graphique suivant). Par ailleurs, ces taux semblent stagner, signe d’une résistance à d’autres hausses.

Stagnation des taux d’occupation des immeubles de bureaux dans les grandes villes des États-Unis

Stagnation des taux d’occupation des immeubles de bureaux dans les grandes villes des États-Unis

Données pour la semaine terminée le 27 juillet 2022. Le « baromètre » indique le taux d’occupation hebdomadaire des immeubles de bureaux en fonction du balayage des cartes de contrôle d’accès. Sources : Kastle Systems, Bloomberg, RBC GMA

Tout porte néanmoins à croire que ces taux sous-estiment considérablement la véritable occupation des immeubles de bureaux, et surestiment implicitement l’ampleur du télétravail :

  1. À titre de simple clarification, cette étude porte sur les employés de bureau, et non sur l’ensemble des employés. Environ la moitié des employés ne travaillent pas dans des bureaux, et la quasi-totalité de ces autres employés doivent se rendre sur leur lieu de travail pour effectuer leur travail, qu’il s’agisse d’une usine, d’un restaurant, d’un magasin, d’un établissement scolaire ou d’un hôpital. Au vu donc des données de Kastle Systems, on pourrait croire qu’environ 70 % de tous les employés se trouvent sur leur lieu de travail pendant une journée normale.
  2. Les données de Kastle Systems ne portent que sur les dix plus grosses villes. Les employés des métropoles semblent avoir été plus réticents à retourner travailler au bureau, en partie parce que leurs temps de déplacement sont beaucoup plus pénibles.
  3. Les systèmes de contrôle d’accès surveillés par l’entreprise sont probablement concentrés dans les bureaux de catégorie 1, qui sont avant tout utilisés par de plus grosses entreprises qui ont été nombreuses à freiner le retour de leurs employés au bureau de crainte d’aggraver leur précieux capital humain.
  4. Dans la mesure où les données enregistrent simplement le nombre de fois que les employés passent leur badge pour entrer au bureau, si ceux-ci se montrent plus prudents, et p. ex. réduisent leur nombre de passages dans l’ascenseur pour le dîner, le café et leurs emplettes, le nombre d’employés estimés sera réduit.

Il ne semble pas exagéré de suggérer que le taux d’occupation des immeubles de bureau pourrait donc être bien plus élevé que les estimations de Kastle Systems, et par extension que le télétravail est beaucoup moins important.

À ce stade, le Bureau of Labor Statistics estime qu’au mois de juillet, seuls 7,1 % des personnes employées ont recouru au télétravail à un moment au cours des quatre semaines précédentes à cause de la pandémie. Dans la mesure où ces personnes auraient pu avoir réparti leurs temps entre le bureau et leur domicile, la part des télétravailleurs au cours d’une journée normale serait fortement exagérée. L’on pourrait toutefois imaginer que de nombreuses personnes recourant au télétravail pour des motifs qui ne sont plus strictement liés à la pandémie – mais profitent au contraire de la souplesse accrue – ne sont pas reprises dans ces chiffres. À titre d’exemple, au Canada, 24,2 % des employés au mois de juillet ont travaillé pour la plupart depuis leur domicile – ce qui est un taux beaucoup plus élevé.

En conclusion, même si les employés qui recourent au télétravail sont bien plus nombreux qu’avant la pandémie, ils ne forment qu’une minorité distincte lorsque les données sont analysées correctement.

 Amélioration du budget des États-Unis

Contrairement à ce qui était prévu il y a à peine quelques semaines, les sénateurs américains Joe Manchin et Kyrsten Sinema ont récemment donné leur appui au projet de loi de réconciliation proposé par les démocrates du Sénat. Il sera donc acheminé à la Chambre des représentants, où il devrait obtenir suffisamment de voix pour aller de l’avant. La Maison-Blanche devrait par la suite approuver le projet de loi, intitulé « Inflation Reduction Act ».

Pour les investisseurs, le projet de loi prévoit un taux d’imposition sur les rachats d’actions de 1 %. Et comprend également :

  • La mise en œuvre un taux d’imposition minimum de 15 % pour les grandes sociétés américaines rentables.
  • Une enveloppe de plus de 300 milliards de dollars américains en crédits d’énergie propre (grande victoire en faveur de l’environnement pour le président Joe Biden).
  • La permission à Medicare de négocier les prix des médicaments sur ordonnance.
  • Le prolongement les subventions du programme Obamacare.
  • fournir des fonds supplémentaires à l’IRS.

L’examen final du projet de loi n’est pas encore terminé. Toutefois, celui-ci devrait permettre de recueillir plusieurs centaines de milliards de dollars de revenus de plus que ce qu’il déploie. Ainsi, il est restrictif sur le plan budgétaire et représente un autre argument en faveur du ralentissement de l’économie. Le projet de loi ne révèle pas grand-chose sur son intitulé, l’inflation, si ce n’est qu’un projet de loi restrictif sur le plan budgétaire devrait, à la limite, réduire l’inflation.

 La politique monétaire continue de se resserrer

Sans surprise, la politique monétaire se resserre de plus en plus. Au cours des dernières semaines, la Réserve fédérale américaine a décrété une seconde hausse de 75 points de base. Les marchés prévoient une nouvelle hausse de la même ampleur en septembre, dans la foulée des bons chiffres du dernier rapport sur l’emploi.

Au Royaume-Uni, la Banque d’Angleterre a augmenté les taux de 50 points de base. La banque centrale s’est montrée inhabituellement franche en prévoyant explicitement non pas une simple récession, mais une récession assez importante impliquant une baisse de la production de 2,1 points de pourcentage du sommet au creux. De plus, la Banque d’Angleterre entrevoit désormais un énorme pic d’inflation de 13 %.

Le rythme du resserrement monétaire dans les pays développés devrait commencer à ralentir à l’automne, les banques centrales s’approchant de leurs niveaux de politique souhaités, l’économie s’affaiblissant et l’inflation continuant, espérons-le, à diminuer après juillet.

 Les Canadiens font face à une sensibilité aux taux

Nous nous attendons depuis longtemps à ce que l’économie canadienne s’en tire un peu moins bien au cours d’une récession imminente. Une telle situation s’expliquerait entièrement par la plus grande sensibilité des ménages canadiens aux taux d’intérêt.

Quand les taux d’intérêt augmentent, les emprunteurs en souffrent. Les ménages canadiens ont emprunté beaucoup plus que leurs homologues américains (voir le graphique suivant). En outre, l’accessibilité à la propriété immobilière est moins bonne au Canada, ce qui laisse entrevoir une plus grande possibilité de baisse des prix des logements et donc un effet de richesse négatif. En outre, les hypothèques du Canada ont tendance à avoir une durée de cinq ans contre 30 ans aux États-Unis, ce qui signifie que plus de Canadiens seront touchés par la hausse des taux et plus rapidement.

L’endettement des ménages demeure faible, mais il augmente aux États-Unis et s’approche d’un sommet historique au Canada

L’endettement des ménages demeure faible, mais il augmente aux États-Unis et s’approche d’un sommet historique au Canada

Au premier trimestre de 2022. Sources : Haver Analytics, RBC GMA

La récession de 1981-1982 nous donne un petit aperçu historique : celle-ci a été causée dans une plus grande mesure que toute autre par un resserrement monétaire musclé. Lorsque les taux d’intérêt ont fortement augmenté, quelle économie a le plus souffert ? L’économie canadienne, qui a reculé deux fois plus que celle des États-Unis.

Il faut admettre que la comparaison est très imparfaite. Par example :

  • Le Canada n’a pas connu de récession deux ans plus tôt, contrairement aux États-Unis.
  • L’économie canadienne a connu un redressement plus vif que celui des États-Unis après la récession.
  • Les hypothèques de cinq ans commençaient seulement à devenir populaires au Canada à l’époque.
  • L’endettement des ménages n’était pas alors beaucoup plus intense au Canada qu’aux États-Unis, comme il l’est actuellement.

Néanmoins, lorsque l’on combine la théorie et les données historiques, il semble raisonnable d’anticiper que le Canada pourrait être plus vulnérable à la hausse des taux.

Il est intéressant de noter que lorsqu’on fait des calculs très approximatifs sur la fraction des familles canadiennes qui seront exposées à la hausse des taux hypothécaires au cours de la première année (sans tenir compte de l’existence d’autres formes de dette), la réponse n’est pas un pourcentage si élevé. Compte tenu de la fraction des familles canadiennes ayant une hypothèque (environ 32 %), de la fraction des prêts hypothécaires qui seront renouvelés au cours de l’année à venir (environ 20 % des 32 %), de la fraction des familles qui ont récemment contracté un prêt hypothécaire à taux variable et qui pourraient devoir augmenter leurs versements hypothécaires à mesure que les taux d’intérêt augmentent (peut-être 1,5 %, mais certains estiment que ce chiffre est beaucoup plus bas) et de la fraction des familles qui seront exposées à la hausse des taux en raison de l’achat d’un logement au cours de la prochaine année (environ 5 %), seulement 13 % des familles canadiennes devront payer davantage pour leurs hypothèques au cours de la première année du processus de resserrement. (Souvenez-vous que cette analyse ne tient pas compte des subtiles différences de définition entre les familles et les ménages.)

Par conséquent, le Canada peut être plus vulnérable que les États-Unis à la hausse des taux, mais la grande majorité des Canadiens n’en souffriront pas directement (via le canal hypothécaire, en tout cas) la première année.

– Avec la contribution de Vivien Lee, d’Andrew Maleki et d’Aaron Ma

Vous aimeriez connaître d’autres points de vue d’Eric Lascelles et d’autres dirigeants avisés de RBC GMA ? Vous pouvez lire leurs réflexions dès maintenant.

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