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Par  Eric Lascelles 29 décembre 2022

Contenu de cet article :

Rétrospective de l’année 2022 et aperçu de 2023

Le dernier #MacroMémo de l’année est l’occasion de revenir rapidement sur l’année 2022 et de donner un aperçu de 2023.

L’année qui se termine a été extraordinaire à bien des égards. L’économie s’est caractérisée par une forte demande excédentaire pendant la majeure partie de l’année, dans la foulée de la reprise la plus rapide de l’histoire qui s’est produite au cours des deux dernières années. L’inflation a atteint des sommets inégalés en une génération, en partie à cause des conditions économiques et en partie à cause des distorsions persistantes attribuables à la pandémie. Les banques centrales ont contré la menace inflationniste en effectuant le resserrement monétaire le plus énergique depuis des décennies. Les marchés ont presque tous réagi par un profond mécontentement. L’économie chinoise a vacillé face à des obstacles à la fois cycliques et structurels, le plus important étant sans aucun doute la politique de tolérance zéro du pays à l’égard de la COVID-19.

Au moment où cette année cède la place à la suivante, plusieurs de ces dynamiques sont en train de changer.

  • La croissance économique a ralenti.
  • L’inflation commence enfin à se tempérer.
  • Les banques centrales lèvent le pied sur les hausses de taux.
  • La Chine a brusquement mis fin à sa politique zéro-COVID pour redynamiser l’économie, mais peut-être au prix de la santé publique.

À l’approche de 2023, nous restons d’avis que la hausse des coûts d’emprunt combinée à celle des prix ainsi qu’à divers autres vents contraires freinera davantage la croissance économique, au point de provoquer une récession modérée. Comme la Chine semble reprendre de la vigueur, que l’inflation régresse et que l’économie américaine fait preuve d’une étonnante résilience, le scénario de récession nous semble un peu moins certain. Cela dit, une récession demeure beaucoup plus probable que l’absence de récession et nos prévisions sont légèrement inférieures aux prévisions générales.

Par contre, l’inflation devrait continuer à reculer et pourrait revenir à la normale plus rapidement que ce que le marché anticipe. Par conséquent, le cycle de resserrement des banques centrales tire à sa fin. L’économie pourrait commencer à se redresser vers la fin de 2023 ou au début de 2024, amorçant une période d’expansion de plusieurs années.

Vague de pandémie

En ce qui concerne la pandémie, la situation n’a pas changé. La propagation de la famille de variants BQ se poursuit (voir le graphique suivant) et le nombre de cas dans le monde commence à augmenter (voir le deuxième graphique suivant). Toutefois, cette vague sera probablement moins intense que les précédentes (sauf en Chine) et les gouvernements seront sans doute peu enclins à imposer de stricts confinements.

Les variants BQ.1 et BQ.1.1 sont maintenant les plus répandus

Les variants BQ.1 et BQ.1.1 sont maintenant les plus répandus

Au 17 décembre 2022. Les sous-lignées BA.4 et BA.5 sont regroupées sous l’appellation BA.4 et BA.5, respectivement. Sources : Centers for Disease Control and Prevention, RBC GMA

Le nombre de cas de COVID-19 et de décès causés par la COVID-19 dans le monde commence à remonter

Le nombre de cas de COVID-19 et de décès causés par la COVID-19 dans le monde commence à remonter

Au 15 décembre 2022. Sources : Our World in Data, Macrobond, RBC GMA.

Étant donné que le dépistage n’est plus aussi systématique qu’au début de la pandémie, le taux d’infection paraît bas aux États-Unis. En réalité, il est probablement un peu plus élevé et en hausse, comme le laisse entendre le taux de positivité élevé des tests de dépistage (voir le graphique suivant).

Le nombre de cas de COVID-19 et le taux de positivité grimpent aux États-Unis

Le nombre de cas de COVID-19 et le taux de positivité grimpent aux États-Unis

Au 15 décembre 2022. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et du taux de positivité. Sources : CDC, Our World in Data, Macrobond, RBC GMA

Au Royaume-Uni, les infections à la COVID-19 augmentent également. Toutefois, la grippe se répand encore plus rapidement, au point que plus de gens sont admis dans les hôpitaux pour traiter la grippe que pour traiter la COVID-19.

Volte-face de la Chine à propos de la pandémie

La Chine continue de faire figure d’exception en ce qui concerne la pandémie. Jusqu’à récemment, elle a maintenu une politique stricte de tolérance zéro qui a entravé l’économie et s’est révélée inefficace face aux souches toujours plus virulentes de COVID-19.

Le pays a imposé des confinements quand le nombre de cas a bondi, mais récemment, des manifestations d’une ampleur inégalée en plus de trente ans ont éclaté.

Étonnamment, le gouvernement a réagi de façon constructive à la contestation. Dans un premier temps, il a fait l’expérience d’assouplir les restrictions localement. Maintenant, il étend ces allègements au niveau national. On pensait généralement que la Chine attendrait le printemps pour effectuer de tels changements.

Les quatre piliers de la politique de lutte contre la pandémie mise en place par le gouvernement ont tous été démantelés :

  1. Le dépistage de masse à l’aide de tests PCR est terminé. De plus, il n’est plus obligatoire de présenter une preuve de résultat négatif pour accéder à la plupart des lieux publics.
  2. Le recours à des sites de quarantaine centralisés a grandement diminué au profit de la quarantaine à domicile. Certaines exigences relatives à l’isolement sont aussi assouplies.
  3. La fameuse appli de traçage électronique de la Chine a été abandonnée, réduisant considérablement le risque qu’une personne doive se mettre en quarantaine simplement parce qu’elle a croisé quelqu’un qui a ensuite obtenu un résultat positif au test de dépistage.
  4. Les gouvernements locaux ont reçu l’ordre de faire preuve de plus de discernement à propos de l’ampleur des confinements qu’ils imposent. Auparavant, un résultat positif au test de dépistage suffisait pour que toute une partie d’une ville ou du moins un quartier soit confiné. Désormais, les mesures de confinement doivent se limiter à un appartement ou au pire, à l’étage d’un bâtiment. L’arrêt du travail, de la production et des activités n’est plus permis en dehors des zones à haut risque.

Parallèlement, le gouvernement chinois mène une campagne de vaccination, en ciblant les personnes âgées. Celles-ci n’ont pas reçu toutes les doses et elles sont les plus vulnérables à la COVID-19. Le rythme de la vaccination au pays est passé de 195 000 doses administrées par jour à plus d’un million par jour en l’espace de seulement deux semaines. C’est encore nettement inférieur aux 10 à 15 millions de doses de vaccin administrées par jour au début de 2022 ; il est donc possible que le rythme s’accélère. Malheureusement, la Chine ne dispose toujours pas de vaccin bivalent ; l’efficacité de la campagne sera donc limitée.

Et ensuite ?

Les marchés financiers sont satisfaits, puisque l’économie chinoise sera moins entravée par les restrictions.

Bien entendu, les choses ne sont pas si simples. À court terme, certains facteurs sont favorables et d’autres sont défavorables. D’un côté, l’allègement des restrictions imposées aux entreprises, aux travailleurs et aux consommateurs est positif. De l’autre, le retrait des mesures de contrôle entraîne une hausse temporaire du nombre de cas. Par conséquent, certaines personnes feront preuve de plus de prudence et d’autres s’absenteront de leur travail en raison de la maladie.

Pour l’instant, on ne sait pas quelle force l’emportera. Les mesures de l’activité en temps réel sont encourageantes. Les embouteillages augmentent (voir le graphique suivant) tout comme les trajets en métro (voir le deuxième graphique suivant). Ces données indiquent que les gens se déplacent davantage. Cependant, les observations ponctuelles tempèrent l’enthousiasme. On dit que les rues sont vides, car les gens veulent éviter de tomber malades maintenant que les restrictions se relâchent, et une mesure de confiance des entreprises s’est effondrée.

Les embouteillages augmentent en Chine

Les embouteillages augmentent en Chine

Au 7 décembre 2022. Indice de congestion selon la moyenne mobile sur sept jours de la moyenne pondérée des pics de congestion quotidiens et du nombre d’immatriculations de véhicules dans les 15 villes qui affichent le plus grand nombre d’immatriculations en Chine. Sources : Baidu, BloombergNEF, RBC GMA

La fréquentation du métro remonte aussi dans les grandes villes chinoises

La fréquentation du métro remonte aussi dans les grandes villes chinoises

Nota : Au 13 décembre 2022. L’indice est la somme pondérée sur périodes mobiles de sept jours des trajets en métro à Beijing, Chengdu, Chongqing, Guangzhou, Nanjing, Shanghai, Suzhou, Wuhan, Xi’an et Zhengzhou. Sources : Sociétés de métro chinoises, Macrobond, RBC GMA

À moyen terme, il ne fait nul doute qu’il y aura une reprise : la poussée pandémique finira par s’estomper et l’économie chinoise pourra alors fonctionner plus librement. Il faut garder à l’esprit qu’on s’y attendait déjà. Seulement, cela se produit plusieurs mois plus tôt que prévu, ce qui a pour effet de devancer le rebond chinois. Les décideurs chinois semblent être en train d’élaborer un plan pour encourager la consommation.

Cela dit, et au risque de s’éloigner du sujet, nous ne devons pas oublier que la Chine a d’autres défis économiques à relever.

  • La situation démographique est mauvaise.
  • Il est peu probable que le secteur de l’immobilier redevienne une locomotive économique alors même que le gouvernement cherche à le stabiliser.
  • Les entrepreneurs restent affaiblis tandis que la balance du pouvoir penche en faveur de l’État.

Une question critique demeure en suspens : compte tenu de la levée subite de nombreuses restrictions, la Chine connaîtra-t-elle une vague massive de COVID-19 ? C’est d’autant plus préoccupant que le pays était déjà aux prises avec la vague d’infections la plus importante depuis le début de 2020. Selon des estimations crédibles, la COVID-19 pourrait causer des centaines de milliers, voire jusqu’à deux millions, de décès en Chine au cours des prochains mois.

Curieusement, le nombre d’infections quotidiennes signalées en Chine a chuté de 41 000 à seulement 15 000 dans les dernières semaines. Et le pays n’a fait état que de deux décès pendant cette période. C’est exactement le contraire de ce à quoi on s’attendrait. Ou bien un miracle s’est produit, ou bien la diminution marquée du dépistage s’est traduite par la détection de beaucoup moins de cas. Cette seconde hypothèse est nettement plus probable. D’ailleurs, la commission nationale de la santé de la Chine a déclaré le 14 décembre qu’elle n’essaierait plus de calculer le nombre d’infections.

Officieusement, il semblerait que les cas sont en forte hausse. La preuve la plus évidente vient de Beijing. Comme l’a rapporté le Financial Times, un avocat de Beijing a affirmé que la plupart de ses collègues avaient la COVID-19 et un agent de sécurité d’une boutique Apple a soutenu que les heures d’ouverture étaient limitées en raison de la propagation du virus parmi le personnel. Les maisons funéraires et les hôpitaux de la ville rapportent actuellement beaucoup plus de décès qu’à la normale. Les magasins chinois sont à court de médicaments antipyrétique, et l’administration municipale de Beijing a indiqué que récemment, en un jour, 16 fois plus de personnes que d’habitude avaient reçu un traitement contre la fièvre dans la ville.

En bref, la Chine rouvre pour satisfaire la demande populaire et les besoins de l’économie, mais il y aura un prix à payer en matière de santé publique.

Dans la mesure où la Chine s’est inclinée devant les exigences de sa population, on peut se demander jusqu’à quel point le gouvernement chinois pourrait être prêt à tourner une nouvelle page et devenir plus réceptif à l’opinion publique à d’autres égards. Ce n’était pas l’impression donnée lors du congrès national qui s’est tenu à l’automne, mais tellement de choses ont changé depuis.

Pleins feux sur l’économie

Nous avons connu en 2022 une période inhabituelle au cours de laquelle les bonnes nouvelles économiques étaient interprétées négativement par le marché boursier en raison de la supposition voulant que l’inflation élevée persiste et que les banques centrales continuent à hausser les taux. Les choses se sont stabilisées en ce sens que les données favorables sont bien accueillies par le marché, et inversement pour les données désavantageuses.

D’autres facteurs entrent toutefois en ligne de compte. Plus particulièrement, la vigueur du marché du travail vient bousculer l’idée selon laquelle l’inflation peut poursuivre sa baisse. La sensibilité relative aux risques d’inflation par rapport aux risques de croissance continuera probablement de fluctuer. Néanmoins, il semble raisonnable de penser que le marché boursier a cessé de s’inquiéter exclusivement de l’inflation et recommencé à s’intéresser à la croissance. Il y a de fortes chances que les questions relatives à la croissance – et, à notre avis, une récession imminente – préoccuperont le marché boursier plus que d’autres enjeux.

Réflexions sur le risque de récession

Notre évaluation de la probabilité d’une récession aux États-Unis en 2023 a légèrement diminué, passant de 80 % à 70 %. Cette réduction s’explique par la réouverture de la Chine, la résilience de l’économie américaine jusqu’à présent et la baisse prometteuse de l’inflation.

Cela dit, une récession demeure beaucoup plus probable qu’improbable. Les douze signaux simples de récession que nous suivons (voir le tableau suivant) constituent un moyen utile de mesurer ce phénomène. À l’heure actuelle, sept d’entre eux donnent un « oui » retentissant à une récession imminente aux États-Unis, deux disent que c’est probable et deux autres, que c’est possible. Un seul indicateur donne un « non ».

Une récession demeure plus probable qu’improbable

Une récession demeure plus probable qu’improbable

Données au 15 novembre 2022. Analyse de l’état de l’économie aux États-Unis. Source : RBC GMA

Ce dernier, qui s’allume lorsque le taux de chômage augmente au-dessus d’un certain point, mérite une attention particulière. Il s’agit d’un signal déterminant : chaque fois que la moyenne sur trois mois du taux de chômage augmente d’au moins 0,5 point de pourcentage, une récession se produit peu de temps après (voir le graphique suivant). Cela ne laisse pas grand marge d’erreur. Selon toute vraisemblance, une fois que le marché du travail commence à s’affaiblir au-delà d’un niveau relativement minime, il y a un effet boule de neige et un préjudice important pourrait être inévitable.

Une hausse du chômage pourrait signaler une récession

Une hausse du chômage pourrait signaler une récession

En date de novembre 2022. Moyenne mobile sur trois mois du taux de chômage. Sources : Bureau of Labor Statistics (BLS), National Bureau of Economic Research (NBER), Macrobond et RBC GMA

Il y a une autre observation intéressante à faire à propos de la situation actuelle. En ce moment, le taux de chômage aux États-Unis fait essentiellement du surplace. Cela fait dix mois qu’il ne varie pas plus que de 0,3 point de pourcentage. C’est inhabituel. Comme le montre le graphique ci-dessus, normalement, le taux de chômage monte ou baisse, mais il stagne rarement. Si l’on observe attentivement, on remarque que les périodes de stabilité surviennent généralement dans un creux, juste avant que la courbe reparte à la hausse. C’est pourquoi, dans notre tableau des signaux de récession, pour l’augmentation du taux de chômage, nous avons laissé entendre que l’indicateur n’avait pas encore été déclenché, mais qu’il pouvait être en train de tourner.

Flux de données

L’indicateur en temps réel de la Réserve fédérale d’Atlanta pour le produit intérieur brut (PIB) des États-Unis au quatrième trimestre est en baisse. La prévision de croissance annualisée estimée à plus de 4 % en novembre est maintenant de 2,8 %. Ce pourcentage reste tout à fait respectable et n’a rien à voir avec une récession. Toutefois, l’élan a récemment été négatif, ce qui annonce peut-être une nouvelle décélération de l’économie en 2023.

L’un des principaux facteurs de la récente morosité de l’économie américaine est l’indice des ventes au détail de novembre, qui s’est établi à -0,6 %. Ce résultat inférieur aux prévisions générales reflète une faiblesse généralisée. Étrangement, c’est aussi en novembre que les ventes du Vendredi fou ont eu lieu, et les rapports pour cette journée avaient fait état d’une vigueur inattendue.

Une partie de cette disparité peut s’expliquer par la faiblesse particulièrement marquée des achats de biens liés au logement (meubles, appareils électroménagers, matériaux de construction, etc.). Ces produits représentent une faible partie des ventes de l’Action de grâce, qui sont surtout axées sur l’électronique. Il serait toutefois inapproprié de suggérer que les dépenses de consommation sont en train de se renverser, car un gain démesuré avait été enregistré le mois précédent, laissant la tendance générale dans une forme raisonnable.

En Europe, l’histoire principale est celle d’une économie qui est sur le point de connaître une légère récession. En Allemagne, l’indice hebdomadaire de l’activité économique de la Bundesbank demeure plutôt négatif (voir le graphique suivant). L’indice composé des directeurs d’achats de la zone euro de S&P Global a un peu augmenté, pour s’établir à 48,8, mais il continue d’afficher une légère contraction.

L’indice hebdomadaire de l’activité économique Deutsche Bundesbank reste en territoire négatif

L’indice hebdomadaire de l’activité économique Deutsche Bundesbank reste en territoire négatif

Données pour la semaine se terminant le 11 décembre 2022. L’indice hebdomadaire de l’activité estime le taux de croissance de l’activité économique corrigé de la tendance, en comparant la moyenne des 13 dernières semaines avec la moyenne des 13 semaines précédentes. Sources : Banque centrale d’Allemagne (Deutsche Bundesbank), Macrobond, RBC GMA.

Licenciements d’employés technos

Une question intéressante, qui reste sans réponse, est la façon d’interpréter les importants licenciements en cours d’employés technos. Doivent-ils être interprétés comme étant un problème propre à ce secteur (mauvais paris entre une entreprise en ligne ou un magasin traditionnel pour répondre à la demande postpandémique, durcissement des règles en matière de protection des renseignements personnels), peut-être exacerbé par le caractère inconstant du financement de capital-risque en raison du resserrement des conditions de crédit à l’échelle mondiale ? Ou devraient-ils plutôt être vus comme le canari dans la mine pour l’économie dans son ensemble ?

Ce qui est clair, c’est que les licenciements d’employés technos sont considérables et persistants. Selon le site Layoffs.fyi, 979 sociétés technologiques ont procédé au licenciement de travailleurs en 2022. Plus de 151 600 travailleurs se sont retrouvés au chômage. Cette tendance est en fait empreinte d’un certain flou : après des licenciements plutôt importants durant l’été, suivis d’une pause en septembre et octobre, leur nombre a grimpé en flèche en novembre. Les chiffres de décembre sont sensiblement plus modérés que ceux de novembre, mais le mois n’est pas encore fini et on peut supposer que les entreprises répugnent à mettre à pied des employés pendant les Fêtes.

Ce n’est pas uniquement que les consommateurs ont déjà mis à niveau leurs ordinateurs durant la pandémie, pour ensuite faire une pause. Après tout, de nos jours la plupart des entreprises technologiques sont moins des entreprises vendant des technologies que des entreprises mettant à profit des technologies pour promouvoir leurs intérêts dans un vaste éventail de secteurs. Si l’on analyse ces licenciements par secteur, on constate que les pertes d’emplois touchent un nombre plutôt élevé de secteurs. Les plus importants licenciements d’employés technos ont été effectués dans les secteurs des ventes au détail et de la consommation, suivis des transports, de la finance, des soins de santé, de l’alimentation et de l’immobilier. Par conséquent, il semble que les licenciements d’employés technos fournissent des indices sur la santé de l’économie dans son ensemble et laissent entrevoir des signes de faiblesse.

En ce moment, les licenciements dans l’ensemble de l’économie – et plus particulièrement dans le secteur technologique, bien entendu – s’accélèrent rapidement (voir le graphique suivant), même si les données mensuelles sur l’emploi jusqu’en novembre continuent de faire valoir que le nombre des embauches est supérieur à celui des licenciements.

Les annonces de suppressions d’emplois aux États-Unis ont augmenté

Les annonces de suppressions d’emplois aux États-Unis ont augmenté

En date de novembre 2022. Sources : Challenger, Gray & Christmas, Inc., Macrobond, RBC GMA.

Encore de bonnes nouvelles sur l’inflation

Dans l’ensemble, les nouvelles sur l’inflation ont été bonnes pour un deuxième mois d’affilée – un revirement bienvenu après plus de 18 mois de données supérieures aux prévisions sur l’inflation. Par conséquent, les données sur l’inflation mondiale dépassent sensiblement moins les prévisions (voir le graphique suivant). Nos prévisions d’inflation en 2023 sont déjà inférieures aux prévisions générales.

Les données sur l’inflation mondiale restent supérieures aux prévisions, mais l’écart se réduit

Les données sur l’inflation mondiale restent supérieures aux prévisions, mais l’écart se réduit

En date de novembre 2022. Sources : Citigroup, Bloomberg, RBC GMA

L’indice des prix à la consommation (IPC) des États-Unis en novembre a été bien accueilli tant par les marchés boursiers qu’obligataires ; en effet, non seulement l’inflation était-elle en deçà des attentes, mais elle était contenue en termes absolus. L’inflation globale n’a augmenté que de 0,1 % par rapport au mois précédent, et l’inflation de base, de 0,2 %. L’inflation annuelle a maintenant fléchi à 7,1 % sur 12 mois, alors qu’elle s’établissait à 7,7 % le mois précédent et qu’elle avait atteint un sommet de 9,1 % en juillet (voir le graphique suivant). Il s’agissait du troisième recul mensuel de l’inflation au cours des cinq derniers mois, et de la première fois que deux baisses mensuelles consécutives étaient observées.

Inflation aux É.-U. imputable aux ventes de logements, d’aliments, d’énergie et de véhicules neufs

Inflation aux É.-U. imputable aux ventes de logements, d’aliments, d’énergie et de véhicules neufs

En date de novembre 2022. Sources : BLS, Macrobond, RBC GMA

La baisse des prix de l’énergie a contribué à ce recul, de même que le revirement en cours des coûts des véhicules d’occasion, des billets d’avion et des soins de santé. Les coûts du logement représentent de loin l’élément qui a le plus fait grimper l’inflation au cours du dernier mois (voir le graphique suivant). Cependant, comme nous l’avons expliqué dans nos rapports précédents, il s’agit d’un indicateur reconnu pour son effet retardé.

Nous pouvons affirmer en toute confiance que les coûts du logement devraient commencer à faire marche arrière d’ici au milieu de 2023, à mesure que la baisse des loyers et des prix des logements se répercutera sur l’indice des prix à la consommation.

Logement : plus forte contribution au dernier taux d’inflation mensuel aux É.-U.

Logement : plus forte contribution au dernier taux d’inflation mensuel aux É.-U.

En date de novembre 2022. Sources : BLS, Macrobond, RBC GMA

La Réserve fédérale américaine hésite à se réjouir du début de recul de l’inflation, et ce, pour deux raisons.

  1. L’inflation annuelle n’a parcouru que le quart du chemin à parcourir pour revenir à un taux normal.
  2. De nombreuses mesures de l’étendue de l’inflation et de l’inflation de base restent beaucoup trop élevées.

Au moins, les deux commencent à coopérer. L’étendue de l’inflation a de toute évidence commencé à diminuer au cours des deux derniers mois (voir le graphique suivant), et la plupart des mesures de l’inflation de base reculent désormais (voir le deuxième graphique suivant).

Aux États-Unis, l’inflation reste généralisée

Aux États-Unis, l’inflation reste généralisée

En date de novembre 2022. Part des composantes de l’indice des prix à la consommation (IPC) dont la variation en pourcentage d’une année sur l’autre correspond aux fourchettes indiquées. Sources : Haver Analytics, RBC GMA.

Aux États-Unis, les paramètres de l’inflation de base s’améliorent

Aux États-Unis, les paramètres de l’inflation de base s’améliorent

Coefficient de déflation des dépenses personnelles de consommation (DPC) en date d’octobre 2022. Données de l’IPC en date de novembre 2022. Sources : Macrobond, RBC GMA

En ce qui concerne d’autres statistiques de prix pour le mois de novembre, les prix à l’importation ont chuté de 0,6 % d’un mois à l’autre. L’indice des prix à la production a enregistré une augmentation assez faible de 0,3 % d’un mois à l’autre. Cela laisse présager que l’évolution des prix à la consommation sera contenue au cours des prochains mois.

On peut s’inquiéter à juste titre que l’inflation américaine s’améliore à un rythme plus lent au cours des prochains mois, car le dollar américain a perdu une partie de sa vigueur passée. C’est possible, mais l’effet ressenti restera probablement assez limité. L’affaiblissement du dollar américain devrait également aider d’autres pays à atteindre leurs propres objectifs en matière d’inflation.

Comme nous l’avions anticipé, l’inflation a commencé à ralentir en novembre au Royaume-Uni et dans la zone euro. L’IPC britannique a chuté de 11,1 % à 10,7 % sur douze mois – un résultat inférieur aux attentes générales. L’Europe et le Royaume-Uni font face à de plus grosses difficultés à cause des prix élevés du gaz naturel, mais ceux-ci ont à présent compensé en partie leurs gains antérieurs. Toutefois, les implications pour les prix à la consommation restent compliquées, puisque les consommateurs ont été mis à l’abri de la hausse initiale en grande partie et que cette protection commence à être supprimée progressivement).

Recoupement des données de l’inflation en temps réel

Nous bénéficions à présent de deux sources de données sur l’inflation en temps réel. Chaque fournisseur parcourt l’Internet, en extrayant des données sur les prix auprès de vendeurs en ligne et d’autres fournisseurs de données en ligne. Il s’agit d’une démarche imparfaite : tout n’est pas vendu ou quantifié sur l’Internet, et les prix en ligne peuvent s’écarter de ceux constatés dans les magasins traditionnels.

Cela dit, les données en temps réel contiennent plus de signaux que de parasites. Grâce aux deux paramètres, la baisse des données sur l’IPC de l’été dernier a pu être anticipée plusieurs semaines, voire plusieurs mois à l’avance. Les deux paramètres ont chuté régulièrement depuis, ce qui suggère que l’inflation pourra continuer de reculer dans le prochain rapport sur l’IPC. Les deux paramètres présentent l’inconvénient qu’ils tendent à sous-estimer le niveau absolu de l’inflation au cours de l’année passée, l’un estimant à présent un taux d’inflation d’environ 6 % sur douze mois, tandis que l’autre pointe vers un taux inférieur à 5 %.

Les améliorations des chaînes logistiques se poursuivent

Les perturbations des chaînes logistiques continuent de s’estomper, comme le montre la baisse marquée continue des frais d’expédition. Ces coûts sont maintenant presque revenus à un niveau normal (voir le graphique suivant).

Les frais d’expédition continuent de baisser

Les frais d’expédition continuent de baisser

En date de la semaine se terminant le 8 décembre 2022. Sources : Drewry Supply Chain Advisors, RBC GMA.

Les ports au sud de la Californie de Los Angeles et de Long Beach ont déclaré que les importations ont diminué d’un quart par rapport aux niveaux de l’année dernière. Ceci reflète vraisemblablement l’affaiblissement de la demande en partie, mais également un transfert des importations de la côte ouest à la côte est des États-Unis. En fait, le port de New York et de New Jersey vient d’arguer qu’il avait pris la place du port à conteneurs le plus achalandé de l’Amérique à Los Angeles pour la première fois en plus de 20 ans. Cette transition pourrait vraisemblablement faire marche arrière partiellement maintenant que les ports de la côte ouest sont débloqués. Mais une partie de la transition reflète aussi une transition progressive de la production de la Chine vers d’autres pays asiatiques. Ces autres pays sont apparemment plus enclins à faire transiter les marchandises d’origine américaine par le canal de Suez et vers la côte est.

Déflation des coûts du logement

Les coûts du logement poursuivent leur ascension dans l’IPC des États-Unis. De fait, en novembre, la composante de l’habitation a augmenté plus rapidement que le taux d’inflation général (signe que les prix étaient en baisse pour les autres composantes).

Cependant, ces chiffres résultent uniquement d’un décalage lié à la méthode de calcul. Les prix des maisons sont actuellement stables ou en baisse, de même que les loyers (voir le graphique suivant). Si cette tendance était aussitôt reflétée dans l’IPC, l’inflation de base serait déjà revenue à près de 2 %. M. Powell, le président de la Fed, a récemment déclaré que la banque centrale avait pris note des évolutions à venir. La chute des loyers sur le marché « augure d’un net ralentissement de la composante des loyers dans l’IPC ».

En effet, l’IPC intègre les coûts du logement plus tardivement, au moment où les personnes constatent ces changements dans les faits. Autrement dit, lorsqu’elles achètent une nouvelle maison ou renouvellent leur contrat de location. Le ralentissement des coûts du logement ne transparaîtra dans l’IPC qu’à partir du milieu de 2023.

La hausse des loyers s’apaise aux États-Unis

La hausse des loyers s’apaise aux États-Unis

En date de novembre 2022. Sources : Zillow Macrobond, RBC GMA

Les prix se retournent dans l’automobile

Les prix des voitures d’occasion se sont envolés au cours de la pandémie. Cette tendance est en train de se renverser (voir le graphique suivant). Les choix demeurent limités sur le marché de l’automobile, et nous ne pouvons pas espérer un retour à la normale de sitôt. Cependant, certains facteurs indiquent que les prix des voitures ne peuvent pas reculer jusqu’à leur niveau passé, notamment en raison des coûts d’emprunt plus élevés. En ce qui concerne les voitures d’occasion, un retour à la normale impliquerait un déclin supplémentaire de 40 %.

Les prix de gros des voitures d’occasion sont redescendus de leur sommet, mais restent élevés

Les prix de gros des voitures d’occasion sont redescendus de leur sommet, mais restent élevés

Indice IPC des véhicules d’occasion en novembre 2022, indice de la valeur des véhicules d’occasion de Manheim en décembre 2022. La zone ombrée représente une récession. Sources : BLS, Manheim, Consulting, Macrobond, RBC GMA

Préoccupations entourant la spirale prix-salaires

Les marchés du travail demeurent robustes, et les salaires poursuivent leur ascension. Néanmoins, à présent que la plupart des pressions inflationnistes s’estompent, nous constatons une crainte que l’essor des salaires donne lieu à une spirale prix-salaires qui empêcherait l’inflation de revenir à sa cible. Ce risque nous paraît surestimé. La croissance des salaires pourrait quelque peu ralentir le processus de normalisation, mais sans pour autant le bloquer. Voici pourquoi :

  1. Si une récession survient en 2023, ce qui est probable, la vigueur du marché du travail et la croissance des salaires ne feront pas long feu.
  2. Bien que la croissance des salaires oscille entre 5 et 6 % par an sur une base nominale, la croissance des salaires corrigée de l’inflation demeure profondément négative (voir le graphique suivant). Les salaires auraient bien du mal à faire monter les prix, puisque leur croissance est largement inférieure à celle de l’inflation.

La croissance réelle des salaires aux États-Unis s’est effondrée

La croissance réelle des salaires aux États-Unis s’est effondrée

En date de novembre 2022. Rémunération horaire moyenne des travailleurs de la production et des employés exécutants. Sources : BLS, Macrobond, RBC GMA

  1. Ces dernières décennies, le rapport entre l’inflation et les salaires ne s’est pas montré favorable à une spirale prix-salaires. Les prix ont stimulé les salaires, mais les salaires n’ont pas semblé faire monter les prix. Un rapport de la Réserve fédérale de New York a révélé en 2020 que les sociétés manufacturières américaines n’avaient pas pour habitude d’augmenter leurs prix en réaction aux hausses de salaire. L’une des raisons est que nous sommes dans une économie mondialisée où les travailleurs et les sociétés sont en compétition avec la main-d’œuvre et les entreprises d’autres territoires. De plus, la forte concentration au sein des secteurs signifie que les sociétés ont un plus grand contrôle sur leurs coûts.
  2. Par conséquent, le pouvoir récemment acquis par les travailleurs n’a pas autant d’incidence que certains le craignent. D’une part, cette tension cyclique sur le marché du travail ne durera pas éternellement. D’autre part, une partie de la tendance répond à des changements structurels, mais dans une mesure limitée pour le moment. Par exemple, si la syndicalisation a cessé de perdre du terrain au Canada et aux États-Unis, ce qui représente un évènement notoire en soi, cette tendance n’a pas pour autant une incidence significative. Le taux de syndicalisation s’est à peine haussé de 0,1 point de pourcentage au Canada (à 27,7 %) entre 2019 et 2022. Aux États-Unis, ce taux est demeuré stable à 10,3 % pour la même période. En outre, la plupart des augmentations de salaire restent à la traîne par rapport au taux d’inflation annuel.

Une nouvelle cible d’inflation, plus élevée ?

Il y a eu beaucoup de bavardages autour de la question de savoir si les banques centrales allaient relever officiellement les cibles d’inflation. L’idée est qu’elles pourraient passer de leur cible d’inflation normale de 2 % à un taux compris entre 3 % et 4 %. Nous avons des doutes.

Il est vrai qu’une cible d’inflation plus élevée présenterait quelques avantages, en théorie :

  • Les banques centrales auraient la tâche plus aisée ces prochains mois si elles n’étaient qu’à 3 points de pourcentage de leur cible, au lieu de 5 points de pourcentage en ce moment.
  • De plus, une cible d’inflation plus élevée réduirait le risque que les banques centrales se retrouvent coincées dans la déflation ou butent contre la limite de zéro en cas de désastre.
  • En raison de la démondialisation, combinée au pouvoir grandissant des travailleurs et aux changements climatiques, il sera de plus en plus difficile de faire baisser l’inflation à 2,0 %. Les tendances se trouvent à l’opposé de ce qu’elles étaient depuis une trentaine d’années. Pour parvenir à cette cible, les taux d’intérêt devraient être un peu plus élevés, ce qui se traduirait par un petit sacrifice économique.

Selon nous, il est tout à fait possible que l’inflation reste au-delà de la cible normale de 2 % à long terme, notamment pour les raisons invoquées au dernier point ci-dessus. Nous estimons cependant que le taux d’inflation ne dépassera que légèrement la norme, et qu’il se situera dans une fourchette de 2,25 % à 2,5 % – et non de 3 % à 4 %. Par ailleurs, cela ne sera sans doute pas attribuable à une cible officielle plus élevée. Peut-être que dans plusieurs décennies, lorsque nous repenserons à cette période, nous réaliserons que l’inflation a passé seulement un peu plus de temps au-dessus de 2 % qu’au-dessous. Nous y verrons un « glissement » au cours d’une décennie frappée par une crise financière mondiale et une pandémie, en dépit d’une cible d’inflation de 2 % maintenue pendant la crise.

Une cible d’inflation beaucoup plus élevée serait certainement une erreur, pour plusieurs raisons :

  • Le moment serait mal venu pour opérer un virage brutal en direction d’une cible d’inflation plus élevée, malgré les bonnes intentions. Alors que les banques centrales ont bien du mal à redorer leur image, si tout d’un coup elles renonçaient à ramener l’inflation à 2 % elles perdraient encore plus de crédibilité.
  • Chaque fois que le système monétaire est sous pression, nous entendons cet appel à ajuster la cible d’inflation. La même chose s’est produite pendant la crise financière mondiale de 2008-2009, et elle revient aujourd’hui en période d’inflation galopante. Pour déterminer si de tels changements sont judicieux, il faudrait d’abord que les tensions s’apaisent, que nous tirions les leçons de la crise, et que les esprits s’éclaircissent.
  • Au moment de la crise financière mondiale, le principal argument en faveur d’une cible d’inflation plus élevée était que cela offrirait une protection supplémentaire contre la menace de déflation, tout en donnant aux banques centrales plus de marge de manœuvre pour réduire leur taux directeur avant de buter contra la limite de zéro. Ces arguments semblent beaucoup moins convaincants aujourd’hui, étant donné qu’une déflation soutenue est peu probable et que la limite de zéro est non seulement très éloignée, mais aussi peu susceptible d’être franchie de nouveau, après les erreurs politiques commises ces derniers temps.
  • Au Canada, le gouvernement a soigneusement évalué les avantages et les inconvénients d’une hausse de la cible d’inflation, mais il a finalement renoncé à cette idée, car les inconvénients étaient au moins aussi nombreux que les avantages.
  • Les banques centrales des marchés émergents ont fait beaucoup d’efforts durant les dernières décennies pour réduire les taux d’inflation. Elles ont clairement compris les avantages d’une cible d’inflation plus basse.
  • D’un point de vue économique, un taux d’inflation plus élevé crée de nouvelles distorsions, notamment des coûts en chaussures et des coûts d’étiquetage plus importants. Les gens ont tendance à oublier l’inflation lorsqu’elle se situe autour de 2 %, mais plus elle s’éloigne de cette cible, plus ils ont de difficulté à le faire. Quant aux anticipations inflationnistes, elles pourraient peu à peu être moins bien ancrées et les travailleurs pourraient alors vouloir obtenir une indexation de leurs salaires sur l’inflation. Or, il s’agit d’un lien problématique.
  • Du point de vue des placements, le taux d’imposition effectif sur les gains en capital augmenterait sensiblement. L’impôt sur les gains en capital est prélevé sur le revenu nominal et non le revenu réel. Si la cible d’inflation passait de 2 % à 4 %, le rendement réel après impôt baisserait de 0,5 point de pourcentage, ce qui représente une somme importante lorsque les investisseurs n’obtiennent que des rendements réels après impôt d’un ou de deux points de pourcentage.
  • Un changement de cible d’inflation engendrerait également des conséquences importantes et chaotiques. Les taux d’emprunt devraient augmenter de deux points de pourcentage, avantageant ainsi ceux qui ont souscrit des emprunts à taux fixe, mais pénalisant ceux qui ont accordé ces emprunts. Les effets sur les banques, les assureurs, les caisses de retraite et le marché hypothécaire seraient tous considérables et potentiellement néfastes. Les valorisations boursières seraient revues pour prendre en compte la modification des taux d’actualisation. Une grande confusion régnerait au sujet des plans d’affaires et des ententes salariales déjà en place.

Pour conclure, il serait inconsidéré et très étonnant de la part des banques centrales qu’elles relèvent leurs cibles d’inflation de sitôt, même si certains arguments semblent séduisants.

Décisions des banques centrales

Les banques centrales ont longuement réfléchi avant de prendre leurs dernières décisions sur les taux de l’année avant le congé des Fêtes. La semaine dernière, au moins dix banques centrales ont rendu leur verdict. Parmi celles-ci, nous en avons sélectionné quatre. Il se trouve qu’elles ont toutes retenu une hausse de taux de 50 points de base. Toutefois, elles ont été prises dans des circonstances différentes.

Réserve fédérale américaine

La Réserve fédérale américaine a relevé le taux des fonds fédéraux de 50 points de base, passant d’une fourchette de 3,75 % – 4,00 % à 4,25 % – 4,50 % le 14 décembre. La Fed a réitéré son message sur la probabilité qu’il soit nécessaire de continuer à relever les taux. Néanmoins, son président, Jerome Powell, a indiqué lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion que la Fed pourrait ralentir le pas, se dirigeant ainsi prudemment vers le taux maximum désirable. En effet, cette décision marque un ralentissement dans la politique de la Fed, qui a abaissé le rythme de resserrement en comparaison avec ses précédentes hausses de taux spectaculaires de 75 points de base.

M. Powell a reconnu que l’inflation avait montré des signes encourageants de baisse, mais les prévisions d’inflation de la Fed ont tout de même été légèrement revues à la hausse pour 2023, en dépit de perspectives de croissance grandement diminuées, voire d’un risque de récession. Les projections de la banque centrale montrent désormais un taux directeur culminant à 5,1 % (nous prévoyons un taux similaire de 5,0 %). La Fed pense toutefois que le taux neutre des fonds fédéraux se situe autour de 2,5 %, soit moins que la moitié du sommet envisagé, ce qui indique de futures baisses de taux.

Banque du Canada

La Banque du Canada a également relevé son taux du financement à un jour de 50 points de base pour le porter à 4,25 %. Comme il s’agissait d’une rencontre d’importance secondaire pour la banque, il n’y a pas eu de mises à jour officielles des perspectives concernant l’économie ou l’inflation. Cependant, les déclarations prospectives de son Conseil de direction sont très importantes puisqu’un changement a été observé dans le discours du groupe entre octobre et décembre : la poursuite du relèvement du taux directeur n’est plus une décision nécessaire, mais une décision à évaluer. L’issue la plus probable est qu’une future hausse est à prévoir, mais ce nouveau discours est un autre signe indiquant que la politique monétaire du Canada se rapproche du sommet envisagé.

Ailleurs dans le monde

La Banque centrale européenne (BCE) a remonté son taux des dépôts de 50 points de base, le faisant passer de 1,5 % à 2,0 %. C’est le point le plus haut atteint depuis 2008. Le ton ferme de son discours souligne notamment que l’inflation reste bien trop élevée et que les taux d’intérêt doivent encore remonter de façon importante. De toute évidence, la BCE interviendra de nouveau.

Dans le même temps, la Banque d’Angleterre a également augmenté son taux directeur de 50 points de base pour le fixer à 3,5 %. En matière d’indications prospectives, la Banque d’Angleterre a adopté une position proche de celle de la Banque du Canada en déclarant que de nouvelles hausses pourraient être nécessaires. Deux camps continuent de s’opposer au Royaume-Uni. En décembre, deux membres ont préféré laisser le taux directeur à 3,00 % tandis qu’un autre souhaitait le relever de 75 points de base. Comme cela semble le cas pour plusieurs autres banques centrales, la Banque d’Angleterre devrait ralentir le pas et limiter ses prochaines décisions de relèvement à 25 points de base.

Une société en déclin ?

Le déclin de l’Occident est une idée communément admise, la société américaine étant sans doute l’exemple le plus criant. Étayant ce constat, la polarisation politique s’est accentuée, les indicateurs de confiance sont en régression et le capital social diminue à mesure que les liens sociaux s’affaiblissent parallèlement à la baisse de fréquentation des clubs, des groupes et des ordres religieux.

L’espérance de vie aux États-Unis a diminué récemment, en partie en raison des décès attribuables aux surdoses de drogues dont le nombre a bondi pendant la pandémie après une lente et longue progression (voir le graphique suivant). La hausse des décès par surdose aurait pour cause :

  • un sentiment de désespoir lié aux périodes de confinement pendant la pandémie ;
  • une croissance de la prospérité plus lente que la normale au cours des dernières décennies ;
  • une augmentation des cas de dépression ;
  • la prescription excessive de médicaments licites contre la douleur ;
  • la hausse de la consommation d’opioïdes ;
  • une nouvelle génération de drogues plus puissantes et mortelles comme le fentanyl ;
  • peut-être aussi la réduction de la sévérité des lois antidrogue durant les dernières années.

Forte hausse du nombre de décès par surdose aux États-Unis

Forte hausse du nombre de décès par surdose aux États-Unis

En 2021. Les données sur le nombre de décès reçus et enregistrés pendant la période de 12 mois se terminant en décembre 2021 sont considérées comme provisoires. Sources : National Institute on Drug Abuse, Centers for Disease Control and Prevention, RBC GMA

Ce n’est pas de bon augure, mais tout n’est pas aussi négatif qu’on pourrait l’imaginer. Par exemple, le nombre de sans-abri au niveau national n’a que légèrement augmenté au cours des dernières années et demeure nettement inférieur à ce qu’il était il y a 15 ans.

Le nombre de sans-abri aux États-Unis a légèrement augmenté, mais a diminué par rapport à il y a 15 ans

Le nombre de sans-abri aux États-Unis a légèrement augmenté, mais a diminué par rapport à il y a 15 ans

En 2020. Sources : U.S. Department of Housing and Urban Development, RBC GMA

Toutefois, cela ne reflète pas exactement la situation. L’itinérance a augmenté de façon importante dans les plus grandes villes des États-Unis (voir le graphique suivant). Le fait qu’on y trouve davantage de services de soutien expliquerait cette augmentation. À New York, le nombre de sans-abri a plus que triplé au cours des 40 dernières années et a crû de plus de 50 % rien que durant la dernière décennie.

Le nombre de sans-abri à New York a plus que triplé au cours des quatre dernières décennies

Le nombre de sans-abri à New York a plus que triplé au cours des quatre dernières décennies

En date de septembre 2022. Les données portent sur le nombre de personnes dans les refuges municipaux. Sources : Coalition for Homeless Advocacy Department, New York Department of Homeless Services, RBC GMA

À noter que même à New York, l’itinérance n’a pas augmenté pendant la pandémie. Ou, plus exactement, elle a d’abord chuté, car les restrictions ont entraîné une baisse du nombre d’espaces d’hébergement disponibles, et elle a retrouvé depuis son niveau d’avant la pandémie. Cependant, les données de New York doivent être considérées avec prudence, car elles ne tiennent compte que du nombre de personnes dans les refuges municipaux, mais pas de celles qui dorment à l’extérieur ou dans des abris de fortune.

Cela signifie qu’il y a peut-être eu une augmentation du nombre de sans-abri pendant la pandémie à New York. Toutefois, on pourrait tout aussi facilement supposer que la hausse des dernières décennies tient compte d’une fraction croissante de personnes qui obtiennent un hébergement sans qu’il y ait à côté une augmentation du nombre de sans-abri. Cette hypothèse serait conforme aux chiffres nationaux qui incluent tous les types d’itinérance.

Pourtant, le fait est qu’à l’échelle nationale l’itinérance n’a pas augmenté de façon importante, ce qui constitue une petite victoire.

En ce qui concerne la structure familiale, le nombre de ménages composés de deux parents a fortement diminué par rapport à celui des ménages monoparentaux au cours des années 1960, 1970 et 1980 (voir le graphique suivant), alors que le nombre de divorces augmentait (voir le graphique suivant).

Le nombre de ménages biparentaux a fléchi par rapport à celui des ménages monoparentaux

Le nombre de ménages biparentaux a fléchi par rapport à celui des ménages monoparentaux

En 2022. Sources : Census Bureau des É.-U., BLS, RBC GMA

Le taux de divorce a diminué aux États-Unis depuis 40 ans

Le taux de divorce a diminué aux États-Unis depuis 40 ans

En 2020. Sources : centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies, Our World in Data, RBC GMA

Les tendances se sont nettement améliorées depuis. Le taux de divorce a reculé pendant quatre décennies et se situait à moins de la moitié du sommet atteint à la fin des années 1970 au début de la pandémie. Il a chuté davantage pendant la pandémie et avoisine maintenant les creux des années 1950-1960.

Le ratio des ménages biparentaux par rapport aux ménages monoparentaux est quant à lui resté relativement stable au cours des trois dernières décennies. Il s’est même légèrement amélioré au cours de la dernière décennie.

Qu’en est-il de la criminalité et des incarcérations ? Contre toute attente, la corrélation entre les taux d’incarcération et de criminalité aux États-Unis est minime depuis un certain temps. Le taux d’incarcération a explosé du milieu des années 1980 jusqu’aux alentours de 2010 (progressant de plus de sept fois après rajustement en fonction de la population). Cette hausse n’est pas nécessairement attribuable à une augmentation de la criminalité (celle-ci a en fait régulièrement baissé depuis le début des années 1990), mais surtout à l’adoption de lois plus strictes et de leur application rigoureuse (voir les deux tableaux suivants).

Le taux d’incarcération aux États-Unis a fortement diminué pendant la pandémie

Le taux d’incarcération aux États-Unis a fortement diminué pendant la pandémie

En 2020. Sources : Prison Policy Initiative, Bureau of Justice Statistics, RBC GMA

Les taux de criminalité augmentent aux États-Unis

Les taux de criminalité augmentent aux États-Unis

En 2020. Sources : Federal Bureau of Investigation, RBC GMA

Le taux de criminalité permet d’évaluer les maux de la société beaucoup mieux que le taux d’incarcération. Le taux de criminalité a en fait beaucoup chuté du milieu des années 1980 jusqu’à tout récemment. Cette évolution est une preuve de réussite. La pandémie (et probablement le renforcement de la surveillance policière) a ensuite effacé une partie de ces progrès. Les crimes violents ont augmenté de 17 % en 2021 dans les villes américaines, tandis que les crimes contre les biens ont augmenté de 10 %.

Il s’agit là de fortes augmentations. Le taux des crimes violents n’a fait toutefois que retrouver son niveau de la fin des années 1990, et celui des crimes contre les biens, son niveau d’il y a moins de dix ans. À l’époque, ces niveaux n’étaient pas considérés comme particulièrement hauts.

Les résultats de cette enquête n’illustrent cependant pas vraiment l’état de la société. Par exemple, au chapitre des bonnes nouvelles, il y a lieu de souligner le niveau de scolarisation, qui continue de bondir aux États-Unis même si les frais de scolarité collégiale ne cessent d’augmenter. Le nombre de personnes invalides, qui a par ailleurs fortement augmenté au fil du temps, explique en partie la baisse structurelle du taux de participation de la population active.

La conclusion la plus logique est peut-être tout simplement conclure que la société décline à un degré moindre que ce que l’on pense généralement. Alors que la hausse de la polarisation, les décès par surdose et l’augmentation du nombre de personnes invalides représentent des tendances négatives, l’itinérance reste stable, le taux de divorce est en forte baisse, le taux de criminalité reste inférieur aux niveaux enregistrés au cours des décennies précédentes et les Américains continuent de s’instruire.

Immigration au Canada

Le Canada a la réputation d’être accueillant envers les immigrants. Près de 25 % de sa population est née à l’étranger, contre seulement 14 % aux États-Unis. Le pays vise à accélérer le mouvement en intégrant 500 000 nouveaux immigrants par an à compter de 2025, soit environ 40 % de plus que la moyenne d’avant la pandémie.

Le Canada a déjà été assez proche de ce chiffre en 2021 (+493 000), mais cela résulte en grande partie d’un plan sans aucun rapport destiné à compenser la faiblesse de l’immigration pendant la pandémie. À titre indicatif, 284 000 personnes ont immigré au pays en 2019, ce qui correspond à une année « normale ».

Toutefois, cette donnée ne tient pas compte de la circulation des gens (et des travailleurs) vers le Canada. Parmi les nouveaux arrivants, beaucoup viennent à titre provisoire, souvent en tant qu’étudiants internationaux ou dans le cadre d’un programme de travailleurs étrangers temporaires (voir le tableau ci-dessous). La plupart de ces travailleurs finissent par partir. Toutefois, les programmes se sont avérés si populaires qu’on observe, en réalité, une augmentation nette chaque année (sauf pendant deux des 24 dernières années), car de plus en plus de gens remplacent ceux qui ont quitté le Canada. Le nombre de résidents temporaires était déjà en hausse avant la pandémie, mais il a atteint un seuil inégalé en 2021, avec une augmentation phénoménale de 205 000 personnes.

L’immigration nette au Canada a bondi pendant la pandémie

L’immigration nette au Canada a bondi pendant la pandémie

En 2021. Sources : Statistique Canada, RBC GMA, Macrobond

Autrement dit, l’augmentation réelle de la population au Canada (après déduction d’une petite partie de l’émigration) a atteint le chiffre impressionnant de 658 000 personnes en 2021. Cela représente une hausse de 48 % de plus que toute autre année au cours des trois dernières décennies.

Si cette tendance se maintient, le Canada pourrait accueillir environ 700 000 nouveaux arrivants par an d’ici 2025. En pratique, on suppose que la circulation des résidents temporaires pourrait ralentir après 2021 pour compenser le déclin net enregistré en 2020. Par ailleurs, les entreprises du pays ont eu de la difficulté à attirer des Canadiens pour occuper des emplois peu qualifiés. Aussi, elles ont été satisfaites de pouvoir recruter pour ce type de postes des travailleurs étrangers temporaires, d’autant plus que ceux-ci ne peuvent pas changer facilement d’entreprise.

La hausse du nombre de travailleurs étrangers temporaires n’a rien de nouveau, mais elle doit être prise en compte dans toute analyse des tendances et du plan d’immigration du Canada, alors que ce n’est souvent pas le cas. Un accroissement plus rapide de la population a un effet positif sur l’augmentation du PIB. En même temps, les travailleurs étrangers temporaires, surtout ceux à faible revenu, peuvent tirer vers le bas les salaires des travailleurs canadiens peu qualifiés, ce qui constitue un effet secondaire indésirable.

Joyeuses Fêtes et bonne année !

– Avec la contribution de Vivien Lee, de Vanessa Adams et d’Aaron Ma

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Déclarations

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