Des évaluations fondées sur une situation idéale ?
Les actifs à risque ont connu une ascension spectaculaire qui a récemment propulsé l’indice S&P 500 à un nouveau sommet. De nombreux facteurs macroéconomiques justifient cette envolée. Il s’agit notamment de la possibilité que la Réserve fédérale (Fed) abaisse ses taux, de la tendance baissière de l’inflation et du scénario d’un atterrissage en douceur qui semble de plus en plus plausible.
Cela dit, ces résultats correspondent à une situation presque parfaite. À notre avis, un atterrissage brutal de l’économie a les mêmes chances de se produire (d’ailleurs, nous attribuons une probabilité de 60 % à un atterrissage brutal, contre 40 % pour l’atterrissage en douceur). Nous convenons aussi que l’inflation peut encore reculer. Mais elle pourrait aussi ne plus baisser, étant donné, en particulier, les nouvelles difficultés des chaînes d’approvisionnement ou si aucune récession ne survenait. Et s’il n’y a pas récession, la Fed ne pourra peut-être pas décréter les baisses de taux d’intérêt que le marché attend avec tant d’enthousiasme.
Par conséquent, l’optimisme des marchés est peut-être justifié, mais s’ils ont tort, les risques sont nettement négatifs.
Deux facteurs favorables à la consommation
Jusqu’à présent, la consommation est allée bon train aux États-Unis. Lorsqu’on en évalue les perspectives, on note que deux autres facteurs sont devenus plus favorables aux dépenses de consommation au cours des derniers mois : d’une part, le coût de l’essence a considérablement baissé et, d’autre part, le taux hypothécaire à 30 ans a diminué (voir le graphique suivant).
Le taux hypothécaire et le prix de l’essence ont nettement diminué aux États-Unis
Nota : Taux hypothécaire pour la semaine se terminant le 18 janvier 2024 ; prix de l’essence pour la semaine se terminant le 15 janvier 2024. Sources : Freddie Mac, Energy Information Administration (EIA), Macrobond, RBC GMA
Ces deux facteurs n’ont pas tout à fait les mêmes répercussions. Presque tous les ménages profitent immédiatement du déclin du prix de l’essence, tandis que seules les familles qui achètent une nouvelle propriété tirent parti de la baisse du taux hypothécaire (même chacun de ces ménages en tire un avantage énorme).
Par ailleurs, le prix du gaz suivait une trajectoire baissière depuis près de deux ans, alors que le taux hypothécaire ne fait que redescendre après une augmentation substantielle.
Malgré ces différences, les deux facteurs soutiennent la consommation à un moment où d’autres éléments favorables aux dépenses commencent à disparaître. Ainsi, l’épargne accumulée durant la pandémie s’amenuise ; les remboursements des prêts étudiants ont repris en octobre 2023 ; et on s’attend à des mesures de soutien budgétaire plus modestes en 2024. Les effets de la hausse des taux commencent également à se faire sentir, comme on l’explique dans la section suivante. Bien entendu, l’emploi constitue la variable la plus importante pour les dépenses de consommation ; il reste robuste pour le moment, bien qu’on note des signes d’affaiblissement lorsqu’on y regarde de plus près.
Les répercussions négatives de la hausse des taux d’intérêt commencent à se faire sentir
Malgré les récents changements qui pourraient appuyer progressivement la consommation, il reste que les taux d’intérêt ont fortement augmenté au cours des deux dernières années et que les répercussions négatives de cette hausse commencent à se manifester, comme le montrent les prêts à la consommation en souffrance (voir le graphique suivant). Le taux de défaillance global sur les prêts à la consommation aux États-Unis est maintenant en hausse, même s’il est encore bas par rapport aux moyennes d’avant la pandémie.
Prêts à la consommation en souffrance aux États-Unis
Nota : Au T3 de 2023. Sources : Réserve fédérale de New York, Macrobond, RBC GMA.
Dans les détails, les défaillances sur cartes de crédit grimpent à toute vitesse et se situent maintenant au niveau le plus haut depuis la crise financière mondiale. Il n’est pas surprenant que ce soit dans ce segment que la situation se détériore le plus rapidement, puisque les taux des cartes de crédit reflètent de près les taux d’intérêt en vigueur. Les prêts-autos en souffrance se multiplient également et n’ont pas été aussi nombreux depuis plus de dix ans. Pareillement, le taux de défaillance des prêts hypothécaires monte, tout en demeurant inférieur aux moyennes d’avant la pandémie.
Si l’on se fie à l’histoire, ces taux de défaillance continueront d’augmenter pendant plusieurs trimestres même après que le taux des fonds fédéraux commencera à diminuer.
Enquêtes contre données objectives
On constate à nouveau un écart entre les enquêtes économiques et les données officielles aux États-Unis. Les résultats des enquêtes dressent toujours un portrait globalement pessimiste. Ainsi, l’indice ISM du secteur manufacturier signale une contraction depuis 15 mois ; l’indice ISM des services se situe à la limite entre expansion et contraction à seulement 50,6 ; l’indice de la National Association of Homebuilders est également en territoire de contraction en affichant un niveau de tout juste 44 ; enfin, l’indice d’optimisme des petites entreprises de la NFIB se situe sous la normale.
À l’inverse, les récentes données objectives – c’est-à-dire les indicateurs qui évaluent des actions quantifiables comme les dépenses ou les embauches, plutôt que des sentiments – ont relativement bien résisté. Au troisième trimestre, le PIB a progressé à un taux annualisé de 4,9 %, un pourcentage stupéfiant. Le dernier rapport sur les ventes au détail fait état d’une augmentation appréciable de 0,6 % d’un mois sur l’autre. Et selon le plus récent rapport hebdomadaire, les demandes initiales de prestations d’assurance-emploi ont atteint un creux, avec seulement 187 000 nouveaux chômeurs américains pour la semaine du 13 janvier. Malgré le pessimisme des constructeurs d’habitations, les prix des maisons aux États-Unis sont repartis à la hausse (voir le graphique suivant).
Aux États-Unis, les prix des maisons poursuivent leur ascension
Nota : Indice des prix des propriétés S&P/Case-Shiller en date d’octobre 2023 ; indice de la valeur des propriétés Zillow en date de décembre 2023. Sources : S&P Global, Zillow, Macrobond, RBC GMA.
En fin de compte, les données objectives l’emportent sur les données d’enquête, car elles représentent ce qui se passe réellement et non pas ce à quoi l’on s’attend. Le problème, c’est que les données d’enquête sont généralement publiées en premier et qu’elles font figure, en théorie, d’indicateurs avancés des données objectives. Elles ne peuvent donc pas être ignorées. Nous croyons toujours que le risque de récession est élevé, et cela, notamment en raison de la faiblesse des données d’enquête. Toujours est-il que plus longtemps les données objectives et les données d’enquête restent déconnectées, moins ce point de vue devient crédible.
Risques géopolitiques
On observe un nombre inhabituellement élevé d’enjeux et de risques géopolitiques dans le monde actuellement (voir le graphique suivant). Il est loin d’être certain que ces diverses situations se détérioreront, mais il y a de fortes chances que ce soit le cas pour plusieurs d’entre elles, entraînant des conséquences potentiellement importantes.
Les risques géopolitiques abondent
Source : RBC GMA, au 16 janvier 2024.
La guerre en Ukraine se poursuit. Or, le soutien que lui apportent les États-Unis faiblit à cause de querelles budgétaires. De plus, si Donald Trump accède à la présidence, le financement américain devrait baisser encore davantage. Cela fait déjà un moment que l’Ukraine a cessé de réaliser régulièrement des gains territoriaux au détriment de la Russie et a même perdu du terrain ces derniers mois. De toute évidence, la Russie est susceptible de continuer à progresser, à mesure que l’Occident se tourne vers d’autres questions. Sur le plan économique, en plus de l’incidence sur les prix du pétrole, il faut tenir compte de la possibilité que la Russie cherche à absorber d’autres territoires ailleurs.
Les frictions entre la Chine et les États-Unis sont toujours présentes en dépit d’un sommet constructif à la fin de l’année dernière. Le président Biden n’est pas disposé à assouplir les restrictions imposées à la Chine. M. Trump, advenant son élection, le serait encore moins, car son administration mettrait probablement en place des tarifs et des restrictions supplémentaires. Par conséquent, la tendance à la délocalisation dans un pays allié et (dans une moindre mesure) celle au rapatriement se poursuivent. Lors des récentes élections à Taïwan, le gouvernement pro-occidental sortant est resté au pouvoir, ce qui ne fait pas l’affaire de la Chine. Si M. Trump réintègre la Maison-Blanche, il en résultera sans doute une diminution du soutien américain à l’indépendance taïwanaise.
Ce ne sont pas les points chauds qui manquent au Moyen-Orient : conflit entre Israël et le Hamas ; escarmouches entre Israël et le Hezbollah du Liban ; récente frappe aérienne d’Israël en Syrie ; récentes attaques de l’Iran en Syrie, en Irak et au Pakistan (ciblant des bases américaines et du groupe État islamique, de prétendues installations israéliennes et des rebelles étrangers) ; riposte du Pakistan sous forme de missiles dirigés contre des rebelles en Iran ; et tirs de roquettes par des rebelles yéménites houthis pour décourager le trafic maritime en mer Rouge. En réponse à ce dernier développement, les États-Unis et le Royaume-Uni ont déployé des navires dans la région et ne se contentent plus d’intercepter les roquettes, mais ciblent leur point d’origine au Yémen.
Tous ces événements ne sont pas liés, mais la fébrilité globale au Moyen-Orient s’est certainement accentuée. Du point de vue économique, le danger réside surtout dans la possibilité que ces événements continuent de prendre de l’ampleur et influent de manière importante et durable sur l’approvisionnement mondial en pétrole et sur la capacité des navires à transiter par le canal de Suez. Ces deux facteurs pousseraient l’inflation à la hausse et nuiraient à la croissance économique. Déjà, le prix de l’expédition d’un conteneur a plus que doublé, même s’il reste bien en deçà des sommets atteints en 2021 et en 2022 (voir le graphique suivant). Si la situation persiste, l’inflation en Europe pourrait bien bondir d’un demi-point de pourcentage dans les mois qui viennent.
Les coûts du transport augmentent sous l’effet des tensions en mer Rouge
Nota : Données pour la semaine se terminant le 11 janvier 2024. Sources : Drewry Shipping Consultants Ltd., Macrobond, RBC GMA.
Malgré toutes ces mauvaises nouvelles, il ne faut pas oublier que des avancées significatives avaient été observées au Moyen-Orient avant les événements de ces derniers mois. Israël avait normalisé ses relations avec l’Égypte et les Émirats arabes unis. Le pays était également sur le point de normaliser ses relations avec l’Arabie saoudite, l’une des puissances régionales. Au printemps dernier, l’Arabie saoudite et l’Iran, des ennemis de longue date, ont convenu de normaliser leurs relations (sous l’impulsion de la Chine, un fait intéressant à noter). À ce moment-là, ces pays semblaient avoir adhéré à l’idée qu’une paix dans la région pouvait représenter une aubaine, sur le plan économique, mais également bénéficier à tous. La question qui reste sans réponse est de déterminer quelle part de ces avancées a été définitivement perdue, et quelle part de cette perte n’est que temporaire.
En outre, l’élection présidentielle américaine se profile, nous y reviendrons sous peu, et s’inscrit dans une année record en matière d’élections dans le monde.
La paralysie à nouveau évitée
Comme nous l’anticipions, les États-Unis ont encore réussi à éviter une nouvelle paralysie du gouvernement le 20 janvier, pour la troisième fois en seulement quatre mois. Il est drôle de souligner que c’est notamment l’arrivée d’une tempête de neige menaçant de bloquer Washington, D.C. qui a incité les politiciens à sortir de cette dernière impasse, ces derniers souhaitant pouvoir fuir la ville avant la fin de la semaine. Les votes au Sénat et à la Chambre des représentants reflètent l’opposition entre les deux partis, même si la dissidence de quelques républicains ne peut être ignorée. Le Président Biden a ensuite signé le projet de loi visant à prolonger le financement du gouvernement.
Malheureusement, le financement du gouvernement national ne sera assuré que jusqu’au 1er mars (8 mars pour certains organes du gouvernement), ce qui signifie que les politiciens devront à nouveau débattre de ce sujet dans un peu plus d’un mois. Quatre mois se sont déjà écoulés depuis le début de l’exercice financier et le budget 2023–2024 n’a toujours pas été adopté.
La bonne nouvelle, c’est que les politiciens montrent leur vrai visage et le spectre d’une fermeture prochaine semble s’éloigner en 2024 étant donné qu’elle a pu être évitée les trois fois précédentes. La paralysie semble d’autant plus improbable que les deux chambres ont cette fois-ci massivement approuvé le prolongement du financement du gouvernement (77 % des voix ont été obtenus à la Chambre des représentants et 81 % au Sénat), et que le risque de manœuvres politiques diminue à mesure que les élections de novembre approchent.
La course à l’investiture républicaine est lancée
La première primaire républicaine aux États-Unis a eu lieu le 15 janvier et a offert à l’ancien président Donald Trump une victoire bien plus écrasante que prévu, avec plus de 50 % des voix. Ron DeSantis, qui est arrivé en deuxième place, s’est depuis retiré de la course avec d’autres concurrents, laissant Nikki Haley se battre seule contre Donald Trump à la très prochaine (au moment d’écrire ces lignes) primaire du New Hampshire. Donald Trump est largement en tête dans cet État, mais l’écart s’est réduit au cours des dernières semaines : son avance (encore confortable) n’est plus que de 14,2 points de pourcentage selon fivethirtyeight.com. Si Nikki Haley perd dans le New Hampshire, l’investiture de Donald Trump ne devrait plus faire aucun doute. Ce résultat a toujours été l’issue la plus probable. En théorie, des problèmes juridiques pourraient encore remettre en question son couronnement. Dans ce scénario qui semble peu probable, les dirigeants du Parti républicain seraient en droit de choisir eux-mêmes un autre candidat, sans avoir à organiser des primaires dans chaque État.
Par rapport à ses précédentes campagnes, Donald Trump a opéré des changements positifs dans son équipe de campagne, ce qui devrait en principe augmenter ses chances de l’emporter aux élections générales.
Le président Joe Biden demeurant le candidat présumé du Parti démocrate, les futures élections devraient opposer Joe Biden à Donald Trump, comme en 2020. À l’heure actuelle, Donald Trump se trouve légèrement en tête dans plusieurs marchés de paris et sondages (voir le graphique suivant). Ce résultat semble assez surprenant, étant donné que Joe Biden a battu Donald Trump en 2020 et que les candidats au pouvoir disposent habituellement d’un avantage. Toutefois, Donald Trump n’est pas un candidat ordinaire. Bien sûr, les choses pourraient encore évoluer de façon significative au cours des prochains mois. Alors qu’un atterrissage brutal de l’économie nuirait en théorie à Joe Biden, un atterrissage en douceur devrait lui être favorable. En outre, l’immigration et la prévention de la criminalité sont également devenues des enjeux importants dans ces élections.
Élection présidentielle de 2024 aux États-Unis : Biden contre Trump
Nota : Données de RealClearPolitics au 19 janvier 2024. Données de PredictIt et d’Oddschecker au 22 janvier 2024. Les moyennes des sondages de RealClearPolitics ne portent que sur l’opposition Biden-Trump. D’autres reconnaissent la possibilité que d’autres candidats se présentent à l’élection. La probabilité de gagner est calculée selon les données des marchés de prédiction. La probabilité de gagner selon OddsChecker est calculée selon la médiane des cotes quotidiennes des paris. Sources : OddsChecker, PredictIt, RealClearPolitics, Macrobond, RBC GMA.
Programmes électoraux aux États-Unis
Étant donné que les candidats sont en train de définir leurs programmes politiques, nous devrons attendre quelque temps pour en savoir plus. Cela dit, n’oublions pas que bon nombre de promesses de campagne ne se concrétisent pas, soit parce qu’elles ne sont qu’un appât pour les électeurs, soit parce que le Congrès ne soutient pas les politiques de la présidence, soit parce que les circonstances ou les priorités politiques changent avec le temps.
Néanmoins, nous pouvons dire quelques mots sur les programmes attendus de la part de Biden et de Trump (voir le tableau suivant).
Aperçu des programmes électoraux aux États-Unis
Nota : Au 22 janvier 2024. Source : RBC GMA.
Du fait que Biden est actuellement en fonction, un deuxième mandat consécutif entraînerait moins de changements. Du point de vue de l’économie nationale, il propose des taux d’imposition plus élevés pour les sociétés et les particuliers, des lois antitrust plus sévères et une réglementation renforcée dans divers domaines.
Trump, en revanche, parle d’abaisser le taux d’imposition des sociétés, d’assouplir la réglementation bancaire et de réduire les dépenses publiques. Les marchés préféreront sans doute le programme de Trump à court terme, étant donné que les sociétés bénéficieraient directement d’un certain nombre de ses propositions, malgré les complications que nous verrons ci-après.
La question est de savoir si l’économie s’en trouverait plus avancée à moyen terme, car la position plus dure de Trump à l’égard de la Chine et son intention d’élargir les droits de douane pourraient saper la croissance américaine (tout en créant des occasions pour certaines sociétés américaines).
L’immigration est un thème phare de cette campagne. Bien que les deux candidats envisagent de renforcer le contrôle de l’immigration illégale, Trump est généralement le plus opposé à l’immigration. Dans la mesure où cette politique limite la croissance démographique, elle pourrait nuire à la croissance du PIB. D’un autre côté, de telles mesures pourraient faire grimper les salaires des Américains les moins qualifiés, et s’accompagner d’une série d’impacts de nature non économique.
Trump propose d’abroger la loi Inflation Reduction Act promulguée par Biden. En plus de son incidence négative sur l’environnement, cette mesure ferait disparaître une grande partie des mesures de relance budgétaire connexes à la loi en question (ce qui serait positif pour la stabilité budgétaire, mais négatif pour la croissance économique) et pourrait s’avérer dommageable pour les industries vertes naissantes aux États-Unis.
Les déficits resteront probablement d’actualité et pour longtemps. Aucun des candidats ne semble gêné par leur montant. L’austérité budgétaire n’est donc pas au programme, à moins qu’elle devienne nécessaire pour soutenir le marché obligataire.
Les différences sur les questions géopolitiques ont été discutées plus haut. En résumé, le soutien de Trump à l’Ukraine et à Taïwan pourrait être moins important.
Tout comme le premier mandat présidentiel de Trump, un second mandat contiendrait probablement un élément d’imprévisibilité. C’est un point négatif pour les investisseurs et les acteurs économiques qui recherchent la stabilité, indépendamment de ce qui est annoncé.
Une administration Trump pourrait avoir des répercussions négatives dans le reste du monde. En effet, l’accroissement des droits de douane, la réduction des échanges internationaux et une politique commerciale plus conflictuelle pourraient quelque peu freiner la croissance à l’extérieur des États-Unis.
Nous réitérons toutefois que les présidents ne peuvent généralement pas faire comme bon leur semble, et sont souvent freinés dans leur élan par le Congrès. Le contrôle du Sénat passera probablement des mains des démocrates à celles des républicains, ouvrant la voie à un grand balayage républicain s’ils conservent la Chambre des représentants.
Cependant, il y a une chance raisonnable que la Chambre bascule dans la direction opposée, laissant le Congrès divisé, bien qu’avec la configuration opposée à celle d’aujourd’hui. Cela limiterait les changements de politique majeurs de l’un ou l’autre des candidats à la présidence.
Il est certes bien plus concevable qu’un grand balayage républicain plutôt que démocrate se produise, il faut donc envisager un scénario dans lequel le président Trump serait soutenu par un Congrès entièrement républicain. Cependant, son champ d’action serait tout de même limité, car il y a inévitablement des factions ayant des priorités différentes au sein de la Chambre des représentants et du Sénat républicains. Et n’oubliez pas qu’une mesure législative décisive exige habituellement plus que le strict minimum de 50 % des votes exprimés plus un au Sénat.
Tensions financières sur le marché canadien du logement
Au Canada, le prix des maisons a considérablement chuté au cours des deux dernières années, alors que les taux hypothécaires ont grimpé en flèche. Nous prévoyons une hausse des tensions au cours des prochaines années, car l’accessibilité atroce à la propriété et une éventuelle récession surpasseront l’accroissement rapide de la population.
Malgré la faiblesse du marché du logement, il n’a connu que peu de difficultés financières manifestes au Canada. Cela signifie surtout que le taux de défaillance hypothécaire demeure assez faible (voir le graphique suivant). Oui, il a connu une légère augmentation, mais la part actuelle de 0,15 % des prêts hypothécaires en souffrance est à peine supérieure au creux sans précédent de 0,14 % établi en 2022.
Le stress financier des Canadiens a commencé à augmenter
Nota : Au troisième trimestre de 2023. Part du nombre de comptes en souffrance depuis au moins 90 jours au cours des trois mois précédents. Sources : Equifax, SCHL, RBC GMA
Étonnamment, un taux de défaillance « normal » il y a cinq ans était presque deux fois plus élevé que celui d’aujourd’hui, à 0,28 %. Jusqu’à la fin des années 1990, un taux de défaillance « normal » avoisinait davantage 0,40 % à 0,50 %. Le taux de défaillance d’aujourd’hui pourrait doubler ou tripler sans être inhabituel ou problématique pour les institutions financières canadiennes (d’autant plus que les banques ont accumulé des réserves pour pertes supplémentaires au cours des dernières années, sans oublier la tendance à des niveaux de capital plus élevés dans l’ensemble).
Qu’est-ce qui explique la solidité remarquable des détenteurs canadiens de prêts hypothécaires ? Plusieurs choses à notre avis :
Le taux de chômage reste relativement faible. Les pertes d’emploi sont le facteur de stress le plus important pour les créanciers, et elles ont été peu nombreuses jusqu’à maintenant.
La grande majorité des propriétaires canadiens disposent d’une valeur nette immobilière considérable, non seulement en raison de leur mise de fonds initiale, mais aussi de l’appréciation stratosphérique des valorisations immobilières qui a suivi (même après le déclin des deux dernières années). Par conséquent, la majorité des détenteurs de prêts hypothécaires aux prises avec des problèmes de liquidités pourraient simplement vendre leur maison à profit, plutôt que de tomber en défaillance.
En gros, les seules personnes dont le logement affiche une valeur nette négative sont celles qui en ont effectué l’achat au cours des dernières années à l’aide d’une mise de fonds modeste. Au cours de cette période, la majorité a opté pour des emprunts hypothécaires à terme fixe assortis d’un taux d’intérêt fixe peu élevé pendant plusieurs années de plus. Cela signifie que, même si de nombreux ménages sont sans doute déçus par le rendement de leur actif, leur situation de flux de trésorerie ne s’est pas encore dégradée.
C’est surtout la sous-catégorie des personnes qui ont acheté un logement récemment, à l’aide d’une mise de fonds modeste, et à un taux variable qui devrait éprouver des difficultés financières. Mais plusieurs grandes institutions financières ont décidé de permettre aux personnes qui ont un emprunt hypothécaire à taux variable de continuer à effectuer des versements mensuels fixes même si ces versements sont pour l’instant inférieurs aux intérêts sur leur emprunt hypothécaire. Il ne s’agit pas d’une solution à long terme, mais elle accorde un délai supplémentaire pour mettre de l’ordre dans ses finances, et la diminution des taux d’intérêt pourrait finalement résoudre le problème indépendamment de toute mesure prise par l’emprunteur. N’oublions pas non plus que les personnes dont la mise de fonds était modeste ont dû passer un test de résistance au moment de l’achat pour vérifier si elles seraient en mesure de composer avec un taux hypothécaire supérieur de deux points de pourcentage à leur taux de départ.
La plupart de titulaires d’emprunts hypothécaires d’une durée de cinq ans qui les ont réinitialisés au cours des 18 derniers mois ont dû composer avec une hausse d’environ 1,0 % à 1,5 % des taux hypothécaires. Il s’agit d’une hausse considérable, mais pas catastrophique. Pour les personnes qui ont effectué une mise de fonds modeste, cette hausse est moins prononcée que celle envisagée lors du test de résistance cinq ans plus tôt. La plupart des parties dans cette situation sont parvenues à accroître considérablement la valeur nette de leur propriété au cours de ces cinq ans, en raison des versements périodiques de capital et de l’appréciation de la propriété, ce qui leur donne la possibilité de la vendre en réalisant un profit, au besoin.
Soulignons que les banques canadiennes ont fait preuve d’une grande souplesse à l’égard des emprunteurs en difficulté, en modifiant leurs prêts afin qu’ils soient en mesure de continuer d’effectuer leurs versements.
Tout cela aide à expliquer pourquoi le taux de défaillance hypothécaire n’a que légèrement augmenté. Évidemment, alors que bon nombre de ces conditions favorables devraient se poursuivre, nous prévoyons une hausse du taux de chômage et une baisse des prix des logements à l’avenir, deux facteurs défavorables qui entreront en ligne de compte. De plus, les personnes qui renouvellent leur prêt hypothécaire commencent à faire face à des augmentations de taux hypothécaire largement supérieures à 1,5 point de pourcentage, et cela ne devrait qu’empirer au cours des prochaines années. L’intersection du diagramme de Venn qui représente les personnes qui ont perdu leur emploi, celles dont la valeur nette de la propriété est négative et celles qui sont confrontées à une forte hausse des taux hypothécaires est le principal facteur d’insatisfaction à surveiller, et cette zone devrait s’élargir au fil du temps.
Mais le fait est que les difficultés financières causées par le recul du marché canadien du logement sont gérables et moins prononcées que ce que l’on aurait pu croire avant leur déclenchement. Les enjeux de marché du logement devraient être examinés sous un angle économique plutôt que sous l’angle d’une crise financière.
– Avec la contribution de Vivien Lee, de Vanita Maharj et d’Aaron Ma
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