Aperçu
Dans le bulletin de cette semaine, nous abordons plusieurs sujets importants :
- L’inflation continue de montrer des signes de plafonnement, mais il est peu probable qu’elle revienne à un niveau raisonnable compte tenu de son ampleur actuelle (mesurée de différentes façons) et des répercussions qu’elle pourrait toujours avoir.
- On continue d’observer des améliorations notables sur le front des chaînes logistiques. On parle de rabais à venir pour certains articles en trop et on rapporte que des fabricants commencent à demander aux détaillants de leur trouver plus de débouchés, ce qui montre que la tendance s’est inversée.
- Les chocs économiques continuent d’avoir des répercussions négatives, que ce soit par la chute des indices de confiance et des intentions d’achat, à laquelle s’ajoutent de nouveaux signes d’une baisse de l’activité.
- Nous sommes toujours d’avis qu’une récession est plus probable qu’improbable, une opinion confortée par l’évolution des courbes de rendement et qui commence à faire l’unanimité. Les discussions portent sur l’ampleur de la reprise au cas où une récession devrait se produire.
- Nous constatons que la chute des actions et des prix de l’immobilier pourrait retrancher plusieurs points de pourcentage à la croissance des dépenses de consommation du fait de l’effet de richesse.
Parmi les autres points que nous ne ferons qu’effleurer, mentionnons :
- Le nombre de cas de COVID-19 augmente dans un grand nombre de pays (voir le graphique suivant), ce qui indique que la dernière vague continue de monter. Heureusement, des pays comme l’Afrique du Sud et le Portugal se sont déjà largement remis du variant à l’origine de cette vague, ce qui donne à penser que les conséquences devraient être limitées par rapport aux épisodes précédents.
Un taux de transmission inférieur à 1 indique que la COVID-19 ralentit
Selon les données au 11 juillet 2022. Sources : Our World in Data, Macrobond, RBC GMA
- D’autres cas de COVID-19 ont été détectés à Shanghai, ce qui a suscité des inquiétudes quant à l’éventualité d’un nouveau confinement. À l’inverse, la Chine prévoit des mesures de relance du secteur des infrastructures et autorise l’émission de 223 milliards de dollars américains supplémentaires de titres de créance de gouvernements locaux pour soutenir le marché immobilier.
- La Banque du Canada semble être sur le point de procéder à sa première hausse de taux de 75 points de base. Les marchés pourraient revoir à la baisse leurs attentes concernant l’ampleur de l’augmentation des taux directeurs, mais maintiennent leur pronostic quant à la rapidité avec laquelle les banques centrales agiront au cours des prochains mois.
- Parmi les troubles politiques récents, mentionnons la démission du premier ministre britannique Boris Johnson, l’assassinat de l’ancien premier ministre japonais Shinzo Abe et la chute du gouvernement sri-lankais au milieu d’accusations de mauvaise gestion économique.
Webémission mensuelle
Notre webémission économique du mois de juillet est maintenant accessible : « À la recherche du pic d’inflation ».
Poursuite du débat sur l’inflation
L’inflation est extrêmement élevée, mais elle pourrait atteindre un sommet. Cela est attribuable à :
- la récente baisse des prix des produits de base attribuable aux attentes liées à la destruction de la demande ;
- l’allégement des contraintes logistiques ;
- la réduction des attentes inflationnistes fondées sur le marché (voir dans le graphique suivant les principaux facteurs d’inflation au cours de périodes différentes).
L’inflation est très élevée en ce moment, mais elle devrait baisser à partir de l’an prochain
Données au 7 juillet 2022. Source : RBC GMA
En ce sens, les prévisions immédiates de la Fed de Cleveland tablent sur une baisse importante de l’inflation aux États-Unis d’un mois sur l’autre en juillet (voir le graphique suivant). Toutefois, le mois est encore loin d’être terminé.
Inflation aux États-Unis : des signes de plafonnement ?
En mai 2022, prévisions immédiates d’inflation de la Fed de Cleveland au 5 juillet 2022. Sources : U.S. Bureau of Economic Analysis (BEA), Federal Reserve Bank de Cleveland, Macrobond, RBC GMA
Anticipations inflationnistes
La baisse des anticipations inflationnistes fondées sur le marché mérite une attention particulière étant donné son ampleur (voir le graphique suivant). Les marchés sont passés d’une inflation annualisée d’environ 4 % au cours des cinq prochaines années à une inflation d’environ 2,5 %. Il s’agit d’une baisse considérable qui, si elle se confirme, permettrait d’avoir une croissance économique et un rendement des marchés financiers relativement normaux. Il n’est pas certain que nous voulions revenir aux niveaux d’inflation d’avant la pandémie, étant donné que la désinflation a été une source de préoccupations pendant la majeure partie de la décennie précédente.
Les anticipations inflationnistes sont maintenant à la baisse aux États-Unis
Au 6 juillet 2022. Sources : Bloomberg, RBC GMA
Ce qui complique beaucoup les choses, c’est que les anticipations inflationnistes ne diminuent pas encore parmi les ménages et les entreprises. Pour le moment, elles continuent d’être à la hausse chez les consommateurs (voir le graphique suivant), ainsi que chez les entreprises. Au Canada, 53 % des entreprises s’attendent maintenant à ce que l’inflation demeure supérieure à la cible pendant encore deux ans, contre seulement 38 % au début de l’année. Sans surprise, il semblerait que les ménages et les entreprises accordent une plus grande importance aux attentes adaptatives. En revanche, il n’est pas certain que l’inflation disparaisse comme par enchantement.
Les prévisions d’inflation établies à partir de sondages menés aux États-Unis tablent sur une augmentation, tandis qu’on commence à observer une baisse du côté des anticipations fondées sur le marché.
Anticipations inflationnistes fondées sur le marché au 8 juillet 2022 ; anticipations inflationnistes selon les sondages en date de juin 2022. Sources : Réserve fédérale, sondages auprès des consommateurs de l’Université du Michigan, Haver Analytics, RBC GMA
On signale de plus en plus de cas où certaines tensions inflationnistes finissent par s’apaiser. Cela est vrai pour la production automobile qui est désormais en mesure de progresser d’une année sur l’autre. On s’attend à ce que certains détaillants commencent à réduire considérablement le prix d’articles qu’ils ont en trop, notamment des objets volumineux comme de grands canapés, des appareils électroménagers et des meubles de patio. La pénurie de puces pourrait aussi commencer à s’atténuer, d’une part en raison de l’augmentation de la production, et d’autre part à mesure que la demande découlant de la pandémie s’amenuise et que le boom lié aux cryptomonnaies s’estompe. Target a annoncé récemment qu’elle comptait offrir des rabais, et il semble plausible que le mot « solde » pourrait réintégrer le vocabulaire des détaillants après deux ans de hausse de prix.
Les marges bénéficiaires des entreprises sont sérieusement menacées, car les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux prix et les pressions salariales persistent.
Une chute soudaine de l’inflation est peu probable
Même si certaines tensions inflationnistes s’apaisent, on ne doit pas s’attendre à un brusque repli de l’inflation. Nous avons décrit en détail dans les numéros précédents du MacroMémo les tensions inflationnistes, dont l’ampleur complique toute normalisation ultérieure. La Fed de San Francisco, qui estime que ces tensions découlent d’une combinaison de pressions sur la demande et sur l’offre, nous donne un point de vue plus précis sur la question (voir le graphique suivant). Il en résulte qu’affaiblir l’économie ne suffit pas puisque cela a surtout une incidence sur la demande, mais peu d’impact sur l’offre.
Des facteurs liés à l’offre et à la demande contribuent à l’inflation
En mai 2022. Sources : Federal Reserve Bank de San Francisco, BEA, RBC GMA
Si on analyse la situation sous un tout autre angle, on constate que même si l’inflation de base aux États‑Unis a légèrement diminué récemment, la portion du panier de prix non liée à la pandémie a continué d’augmenter (voir le graphique suivant). Ce n’est donc pas pour tous les éléments qui contribuent à l’inflation qu’on observe une baisse.
Indice des prix à la consommation de base des États-Unis : l’apport des composantes sensibles à la pandémie
En mai 2022. Les composantes sensibles à la pandémie comprennent l’hébergement hors du foyer, les voitures et les camions d’occasion, la location de voitures et de camions, les billets d’avion, les télévisions, les jouets et les ordinateurs et les appareils périphériques. Sources : Haver Analytics, RBC GMA.
L’écho de l’inflation
L’inflation se répercute comme un écho : on en constate les effets avec un décalage.
Le processus d’ajustement à l’augmentation des coûts de l’énergie se poursuit tandis que la hausse se propage à d’autres secteurs par les coûts du transport et de la régulation du climat.
Parallèlement, certains ne font que commencer à subir les contrecoups de cette hausse. Les prix du gaz naturel, par exemple, sont généralement très réglementés au détail. Or, au Canada, les autorités de réglementation provinciales viennent de commencer à transférer une partie de la hausse, alors que celle-ci a eu lieu sur le marché au comptant il y a de cela plusieurs mois.
De son côté, Walmart a annoncé qu’elle transférait l’augmentation des coûts de transport à ses fournisseurs. Les consommateurs éviteront donc l’inflation à court terme. À moyen terme, cependant, ils finiront peut-être par devoir payer ces coûts supplémentaires malgré les efforts de Walmart, tandis que les grossistes augmenteront leurs prix. Le fait est que les acteurs économiques essaient tous de se renvoyer la balle.
Même si le marché du travail commence à se tasser (il en sera question un peu plus loin), la croissance des salaires n’a pas nécessairement terminé d’exercer une pression à la hausse sur l’inflation. L’inflation a crû passablement plus vite que les salaires réels dans la dernière année, si bien que ceux-ci sont loin derrière. Toutefois, les périodes d’inflation élevée antérieures n’ont habituellement pas entraîné de perte de revenus permanente pour les travailleurs. C’est pourquoi les salaires pourraient rattraper une partie de leur retard, ce qui garderait l’inflation à un niveau important.
Tout cela pour dire que l’inflation est sûrement sur le point de culminer et devrait redescendre au cours des prochains mois, sans toutefois revenir à un niveau normal à court terme. Qui plus est, il est possible qu’elle soit ravivée temporairement par certains de ses propres effets.
Amélioration des chaînes logistiques
Les tensions dans les chaînes logistiques continuent de s’atténuer. On peut voir une nette amélioration dans l’indicateur global de la Fed de New York (voir le prochain graphique). De même, les livraisons des fournisseurs ne suscitent plus autant de plaintes de la part des fabricants américains (voir le graphique suivant).
Les tensions dans les chaînes logistiques mondiales se sont atténuées, mais sont encore fortes
En juin 2022. La zone ombrée représente une récession aux États-Unis. Sources : Gianluca Benigno, Julian di Giovanni, Jan J.J. Groen et Adam I. Noble, « A New Barometer of Global Supply Chain Pressures » (nouveau baromètre des tensions sur les chaînes logistiques mondiales), Federal Reserve Bank de New York, Liberty Street Economics, Macrobond, RBC GMA.
Les livraisons des fournisseurs retournent à la normale, les hausses de prix semblent persister
En juin 2022. La zone ombrée représente une récession. Sources : Institute for Supply Management, Macrobond, RBC GMA.
Notons que certaines entreprises ont annulé une partie de leurs commandes des troisième et quatrième trimestres après avoir réévalué la demande économique pour le reste de l’année. Au moins un détaillant a indiqué que les usines chinoises avaient commencé à le solliciter, un revirement par rapport aux deux années précédentes, alors que les appels allaient dans l’autre sens. Tout cela porte à croire que les chaînes logistiques sont en train de se décoincer.
D’un autre côté, on ne peut pas dire que les retards d’expédition se sont complètement résorbés. La congestion des ports a rapidement diminué en Amérique du Nord, mais elle est encore assez importante en Chine et en Europe (voir le prochain graphique).
Congestion des ports en Chine, aux États-Unis et en mer du Nord : la situation commence à s’améliorer
Au 1er juillet 2022. Pourcentage de la capacité mondiale de chargement des porte-conteneurs qui est bloquée à cause de la congestion des ports. Ports inclus : Géorgie, Guangdong, Hong Kong, mer du Nord, Shanghai, Californie du Sud, Caroline du Sud, Zhejiang. Sources : Institut de Kiel, Macrobond, RBC GMA.
Indicateurs économiques en temps réel : des préoccupations persistantes
Les données économiques continuent pour la plupart de brosser un portrait difficile. L’indice de confiance selon les nouvelles, notamment, s’est remis à plonger après avoir fait brièvement surface (voir le prochain graphique).
La confiance selon les nouvelles quotidiennes à l’heure de la COVID-19 diminue de nouveau
Au 3 juillet 2022. Sources : Federal Reserve Bank de San Francisco, Macrobond, RBC GMA
Étrangement, la croissance du crédit continue d’évoluer à contre-courant. En effet, elle a décéléré pendant la majeure partie de la reprise faisant suite au déploiement de mesures de relance extraordinaires en 2020, mais elle a seulement commencé à se redresser récemment, au moment même où l’économie en général s’affaiblit.
Aux États-Unis, le crédit continue de croître pour l’instant
En date de la semaine se terminant le 22 juin 2022. Sources : Réserve fédérale, Macrobond, RBC GMA
Confiance et activité en berne
La confiance des consommateurs et des entreprises est en chute libre depuis plusieurs mois (voir les deux graphiques suivants).
La confiance des consommateurs décline : États-Unis, zone euro et Royaume-Uni
En juin 2022. La zone ombrée représente une récession aux États-Unis. Sources : Conference Board, Commission européenne (DG ECFIN), GfK UK, Université du Michigan, Macrobond et RBC GMA
L’indice composite des attentes des entreprises américaines est également en baisse
En mai 2022. Analyse des composantes principales fondée sur l’indice d’optimisme de la National Federation of Independent Business (NFIB) et les perspectives du monde des affaires, les nouvelles commandes selon les indices ISM du secteur manufacturier et du secteur tertiaire, et les attentes des chefs de la direction du Conference Board à l’égard de l’économie. Sources : The Conference Board, ISM, NFIB, Macrobond, RBC GMA
Les prévisions de ventes au Canada ont également chuté. Il convient toutefois de préciser que la question porte ici simplement sur le ralentissement de la croissance des ventes, non pas sur la baisse du niveau des ventes (voir le graphique suivant). Malgré cela, historiquement, les replis importants de cette mesure ont toujours été fortement corrélés avec les récessions, et pas seulement avec les périodes de ralentissement de la croissance.
Enquête sur les perspectives des entreprises canadiennes : recul de l’indice des prévisions de ventes futures
Au deuxième trimestre de 2022. Sources : Banque du Canada, Macrobond, RBC GMA
Maintenant, la prochaine progression naturelle devient évidente. Les projets d’embauche et de dépenses en immobilisations sont en baisse (voir les deux graphiques suivants).
L’indice de l’emploi dans les secteurs de la fabrication et des services se contracte
En juin 2022. La zone ombrée représente une récession. Sources : ISM, Macrobond, RBC GMA
Les attentes en matière de dépenses en immobilisations aux États-Unis diminuent rapidement
Les dépenses en immobilisations dans six mois (juin 2022, avancées sur trois mois) correspondent à la moyenne mobile sur trois mois d’un ensemble d’indicateurs normalisés des dépenses futures provenant d’enquêtes sur les entreprises manufacturières et non manufacturières menées par la NFIB et les Federal Reserve Banks de Chicago, Dallas, Kansas City, New York, Philadelphie et Richmond. Investissement réel en matériel au premier trimestre de 2022. Sources : Haver Analytics, RBC GMA
Ce qui reste à se produire, c’est un affaiblissement marqué de l’activité économique réelle. Il s’agit encore de spéculations, mais certains éléments commencent à se manifester. En juin, l’emploi se portait bien aux États-Unis, avec 372 000 nouvelles embauches, selon l’enquête sur la main-d’œuvre. Toutefois, le sondage mené auprès des ménages, qui est plus volatil, indiquait une baisse. Les inscriptions au chômage sont maintenant en hausse depuis plusieurs mois (voir le graphique suivant). Au Canada, 43 000 postes nets ont été retranchés en juin.
Les inscriptions au chômage augmentent aux États-Unis
En date de la semaine du 27 juin 2022. Sources : Department of Labor des États-Unis, Macrobond, RBC GMA
En ce qui a trait aux dépenses, la mesure en temps réel des dépenses par cartes de crédit de Bank of America révèle une décélération au point où l’activité des consommateurs se situe à peine au-dessus des niveaux d’il y a un an (voir le graphique suivant). Compte tenu du taux d’inflation élevé, les dépenses par cartes corrigées de l’inflation seraient probablement inférieures à celles d’il y a 12 mois.
Réduction des dépenses quotidiennes globales par cartes aux États-Unis
Au 2 juillet 2022. Le total des dépenses par cartes comprend l’ensemble des opérations par cartes de BAC, qui tient compte des ventes au détail et des services payés par cartes. Il exclut les paiements traités par une chambre de compensation automatisée. Sources : publication hebdomadaire de Bank of America sur la consommation en période de pandémie de COVID-19, RBC GMA.
D’un mois sur l’autre, la consommation personnelle corrigée de l’inflation aux États-Unis a reculé en mai. Pour l’instant, cela doit être considéré comme une anomalie, puisqu’il ne s’agit que d’un seul mois (voir le graphique suivant).
La croissance de la consommation personnelle réelle aux États-Unis s’est également repliée
En mai 2022. Sources : Bureau of Economic Analysis des États-Unis, Macrobond, RBC GMA
Hausse des risques de récession
Nous continuons de penser qu’une récession est plus probable qu’improbable. Ainsi, nous évaluons à environ 75 % les chances qu’elle se déclenche d’ici 18 mois. Il ne s’agit plus d’une perspective marginale. Les attentes évoluent de plus en plus en ce sens, comme en témoignent les révisions à la baisse constantes des prévisions de croissance, la diminution des anticipations inflationnistes et le recul des prix des produits de base. Le marché obligataire se dirige également dans cette voie, la courbe des taux des obligations américaines à 2 ans par rapport à celles à 10 ans s’étant légèrement inversée et deux autres indicateurs clés penchant aussi vers l’inversion (voir le graphique suivant).
La courbe des taux signale une hausse des risques de récession
Au 6 juillet 2022. L’écart de taux à terme des titres à court terme est le taux à terme des bons du Trésor à trois mois dans six trimestres moins le taux au comptant des bons du Trésor à trois mois. La zone ombrée représente une récession. Sources : Engstrom et Sharpe (2018). Articles de la Fed. Washington : Board of Governors of the Federal Reserve System, Bloomberg, Haver Analytics, RBC GMA.
C’est aussi l’impression des particuliers américains : un sondage CivicScience mené à la fin de juin montrait qu’un pourcentage impressionnant de 71 % d’Américains s’attendaient à ce que les États-Unis tombent en récession d’ici la fin de 2022.
D’un point de vue technique, les États-Unis risquent d’enregistrer un deuxième recul trimestriel d’affilée du PIB au deuxième trimestre de cette année, le PIB ayant déjà fléchi au premier trimestre. L’indice GDPNow de la Federal Reserve Bank d’Atlanta, très respecté, laisse entrevoir un repli de 1,2 % en rythme annualisé au deuxième trimestre, mais certains font valoir que l’indice pourrait accorder trop d’importance à la baisse des stocks et pas assez à la remontée des échanges commerciaux. Quoi qu’il en soit, en l’absence d’un recul important et simultané de l’emploi, on ne peut pas vraiment dire qu’une récession s’est déjà produite.
Toute récession, si elle devait se produire, serait vraisemblablement d’importance moyenne : nous pourrions observer une baisse de 2,5 % de la production sur deux ou trois trimestres, et la récession commencerait à la fin de l’année ou au début de 2023. Bien entendu, cette baisse contrasterait avec une croissance « normale » de 2 % du PIB ; la différence totale entre une croissance normale et la baisse attribuable à la récession correspondrait à une variation d’environ 4,5 %.
Puisqu’il semble que les entreprises cherchent à embaucher beaucoup plus de gens qu’elles ne le peuvent en ce moment, nous supposons que la hausse du taux de chômage serait relativement modeste, dans un contexte de rétention de la main-d’œuvre. Si on applique un multiplicateur de 0,5 en vertu de la loi d’Okun, une baisse de 4,5 % de la croissance se traduirait par une augmentation d’environ 2,25 % du taux de chômage. Le taux de chômage serait alors tout juste inférieur à 6 % aux États-Unis, et légèrement supérieur à 7 % au Canada. Il ne s’agit pas de niveaux idéaux, mais ils ne sont pas aussi catastrophiques que ceux atteints lors des plus récentes récessions.
Toute reprise subséquente de l’économie – au risque d’aller trop vite – sera vraisemblablement moins rapide que celle, sans précédent, qui a suivi la pandémie, alors que le taux de chômage a plongé de 11 % en seulement deux ans. De même, elle devrait être de plus courte durée que celle qui a suivi la crise financière mondiale, alors qu’une amélioration beaucoup plus modeste a mis près de dix ans à se produire. Le rythme de la reprise serait probablement moyen.
Apparition des effets de richesse
Les gens se sont appauvris au cours des derniers trimestres, en raison de la dépréciation des actifs financiers. Grosso modo, la valeur boursière aux États-Unis a reculé d’environ 10 000 milliards de dollars depuis le début de l’année. En supposant un effet de richesse boursière de deux cents par dollar, cette baisse devrait retirer environ 1,5 % aux dépenses annuelles de consommation. Ces chiffres ne prennent évidemment pas en compte les pertes causées par d’autres actifs financiers et supposent que les évaluations des actifs financiers ne diminuent pas encore par rapport à leurs niveaux actuels. Il est donc probablement plus sûr de tabler sur un effet de richesse correspondant à une baisse de 2 % des dépenses de consommation.
Cette analyse ne tient pas compte de la richesse du marché immobilier. Jusqu’à présent, les prix des logements n’ont pas baissé considérablement aux États-Unis. En revanche, dans un contexte canadien, même une baisse modeste de 10 % des prix des logements (avec un effet de richesse plus élevé de quatre cents par dollar, en raison d’une propension plus forte de traduire en dépenses la richesse du marché immobilier que la richesse boursière) devrait en théorie retirer environ 2 % des dépenses des consommateurs canadiens. Il est possible que la baisse des prix des logements soit plusieurs fois supérieure à ce pourcentage.
Si l’on tient compte du fait que les prix des actifs augmentaient encore tout récemment et faisaient donc progresser les dépenses de consommation, la variation potentielle de l’activité des consommateurs est encore plus grande.
– Avec la contribution de Vivien Lee, d’Andrew Maleki et d’Aaron Ma
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