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Accepter Déclin
Par  Eric Lascelles 27 mars 2024

Contenu de cet article :

Les conditions demeurent en place pour un atterrissage en douceur

La vigueur persistante de l’activité économique accroît les chances d’un atterrissage en douceur.

Après avoir tablé sur un semblant de récession, étant donné que l’activité économique était stable, voire en déclin, dans un grand nombre de régions, le dernier livre beige de la Réserve fédérale américaine (Fed) a fait état d’un rebond impressionnant. Notre indicateur du climat économique fondé sur le livre beige, qui convertit les évaluations qualitatives du rapport en une note quantitative, montre une très nette amélioration des conditions.

Huit régions sur douze ont signalé une augmentation de l’activité (voir le graphique suivant). Dans le rapport précédent, publié en janvier, sept régions sur douze avaient indiqué que l’activité était stable ou en baisse. Les perspectives de croissance ont également été qualifiées de positives, contrastant avec les évaluations principalement moroses de 2023.

L’indicateur du climat économique fondé sur le livre beige fait état d’un rebond impressionnant

L’indicateur du climat économique fondé sur le livre beige fait état d’un rebond impressionnant

En date de mars 2024. L’indicateur est établi en attribuant des points positifs et négatifs, selon des pondérations différentes, à un éventail de mots positifs et négatifs utilisés dans le livre beige de la Réserve fédérale pour décrire la croissance économique globale. Sources : Réserve fédérale américaine, RBC GMA.

L’indice économique hebdomadaire de la Réserve fédérale de New York continue également de monter. Cela indique que l’économie poursuit son expansion (voir le graphique suivant). Cette constatation est confortée par la faiblesse continue des demandes hebdomadaires initiales de prestations d’assurance-emploi (voir le deuxième graphique).

L’indice économique hebdomadaire de la Réserve fédérale de New York continue de monter

L’indice économique hebdomadaire de la Réserve fédérale de New York continue de monter

Données pour la semaine se terminant le 16 mars 2024. L’indice économique hebdomadaire se compose de dix indicateurs de l’activité économique réelle, mis à l’échelle pour s’aligner sur le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) sur quatre trimestres. Sources : Réserve fédérale de Dallas, Macrobond, RBC GMA.

Les demandes de prestations d’assurance-emploi demeurent faibles aux États-Unis

Les demandes de prestations d’assurance-emploi demeurent faibles aux États-Unis

Données pour la semaine se terminant le 16 mars 2024. Sources : Department of Labor des États-Unis, Macrobond, RBC GMA.

L’indice de confiance selon les nouvelles quotidiennes de la Fed de San Francisco a grimpé en flèche au cours des derniers mois. En fait, il a récemment atteint son plus haut niveau depuis la fin de 2019. Les nouvelles ne donnent aucune raison de croire que des problèmes se profilent à l’horizon.

L’indice de confiance selon les nouvelles quotidiennes a grimpé en flèche

L’indice de confiance selon les nouvelles quotidiennes a grimpé en flèche

Au 24 mars 2024. Sources : Federal Reserve Bank de San Francisco, Macrobond, RBC GMA.

Bien qu’il ne s’agisse que d’un seul secteur, la production de pétrole s’est encore accrue aux États-Unis. Elle a récemment battu un nouveau record (voir le graphique suivant). La production de pétrole est devenue une part importante de l’économie américaine et la demande représente aussi un indicateur indirect révélateur de la situation économique.

La production de pétrole brut aux États-Unis a augmenté

La production de pétrole brut aux États-Unis a augmenté

Données pour la semaine se terminant le 15 mars 2024. Sources : Energy Information Administration des États-Unis, Haver Analytics, RBC GMA.

Certes, les indices de l’Institute of Supply Management (ISM) du secteur manufacturier et du secteur des services ont légèrement fléchi en février. Toutefois, le niveau de l’indice du secteur des services demeure assez solide et l’indice du secteur manufacturier dépasse encore largement les creux précédents (voir le graphique suivant). Rien dans ces indices ne laisse présager une détérioration soudaine de l’activité.

L’activité manufacturière a rebondi aux États-Unis

L’activité manufacturière a rebondi aux États-Unis

En date de février 2024. Les zones ombrées représentent une récession. Sources : Institute for Supply Management (ISM), Macrobond, RBC GMA.

En ce qui concerne l’emploi, les licenciements massifs sont un peu plus nombreux que la normale. Toutefois, ils n’augmentent pas et voilà plus d’un an qu’ils sont importants sans que l’économie s’en porte plus mal (voir le graphique suivant). Certaines tendances du marché du travail nous tracassent, en particulier, la légère hausse du taux de chômage et le recul des emplois temporaires. Cela dit, tant que les demandes de prestations d’assurance-emploi demeurent modérées et que la création d’emplois mensuelle reste soutenue, il n’y a pas lieu de s’en inquiéter outre mesure.

Aux États-Unis, les annonces de licenciements collectifs et de suppressions d’emplois demeurent élevées, mais ne sont pas en forte hausse

Aux États-Unis, les annonces de licenciements collectifs et de suppressions d’emplois demeurent élevées, mais ne sont pas en forte hausse

Avis selon la loi Worker Adjustment and Retraining Notification (WARN) en date de décembre 2023. Suppressions d’emplois de Challenger en date de janvier 2024. Avis selon la loi Worker Adjustment and Retraining Notification (WARN) pour les plus grands États : la Californie, New York, la Floride, le Texas, l’Illinois, la Pennsylvanie, l’Ohio, le Maryland, Washington et la Virginie. La zone ombrée représente une récession. Sources : openICPSR, Challenger, Gray & Christmas, Federal Reserve Bank de St. Louis, Macrobond, RBC GMA.

Les prévisions immédiates de la Réserve fédérale d’Atlanta concernant le produit intérieur brut (PIB) tablent sur une croissance annualisée de 2,1 % pour le premier trimestre de 2024. C’est nettement moins que le résultat de 3 à 5 % obtenu au deuxième semestre de 2023 qui, de toute évidence, était insoutenable. Un taux de 2,1 % est parfaitement acceptable, surtout après une croissance aussi rapide.

Bien que l’économie du Canada soit moins vigoureuse que celle des États-Unis, rien n’indique non plus qu’elle connaisse une chute soudaine.

  • L’indice de la situation des entreprises locales en temps réel de Statistique Canada a récemment augmenté (voir le graphique suivant).

  • De plus, 41 000 emplois ont été créés en février.

La deuxième donnée est un peu décevante en ce sens qu’elle est légèrement inférieure à ce qui est nécessaire pour absorber la croissance démographique remarquable du pays ces derniers mois. Il s’agit toutefois d’un signe plus que suffisant que l’économie était en expansion.

Les conditions d’affaires au Canada ont rebondi

Les conditions d’affaires au Canada ont rebondi

Données pour la semaine du 18 mars 2024. Moyenne à pondérations égales des indices des conditions d’affaires pour les villes suivantes : Calgary, Edmonton, Montréal, Ottawa-Gatineau, Toronto, Vancouver et Winnipeg. Sources : Statistique Canada, Macrobond, RBC GMA.

L’inflation recule progressivement

L’inflation reste de l’ordre de 3 %. C’est une nette amélioration par rapport à son sommet de 8 % à 10 %. Cela dit, elle demeure bien au-dessus de la cible de 2 %.

En février, aux États-Unis, chacun a pu trouver son compte dans les données de l’indice des prix à la consommation (IPC). Il a été un peu plus élevé que les prévisions générales, mais a tout de même enregistré une légère amélioration. Par exemple :

  • L’IPC de base est passé de 3,9 % à 3,8 % sur 12 mois.

  • L’IPC global s’est établi à 3,2 % sur 12 mois.

  • Les prix de l’essence ont augmenté en février.

  • L’inflation de base a connu une deuxième hausse mensuelle consécutive de 0,4 %, une déception après des hausses mensuelles 0,2 % à 0,3 %.

À partir de maintenant, la descente sera plus difficile. Malgré tout, une nouvelle baisse est plus probable que le contraire, d’abord en raison de la tendance observable déjà en cours, ensuite parce que le ralentissement de la croissance des salaires se poursuit, et enfin vu que les coûts du logement (qui occupent une place très importante) devraient diminuer.

Bien que les problèmes de transport maritime en mer Rouge ne soient pas entièrement résolus, les frais d’expédition d’un conteneur continuent de fléchir après avoir culminé (voir le graphique suivant). Cela est modérément avantageux, plus particulièrement pour l’Europe.

Soit dit en passant, même si le commerce des marchandises dans la région s’améliore, l’échange de services a récemment été perturbé. En effet, des câbles de télécommunications sous-marins ont été coupés en mer Rouge, probablement par les rebelles houthis ou leurs alliés. Ces coupures ont principalement touché l’Internet en Afrique.

Les coûts de transport ont augmenté sous l’effet des tensions en mer Rouge

Les coûts de transport ont augmenté sous l’effet des tensions en mer Rouge

Données pour la semaine se terminant le 3 mars 2024. Sources : Drewry Supply Chain Advisors, Macrobond, RBC GMA.

Données pour la semaine se terminant le 3 mars 2024. Sources : Drewry Supply Chain Advisors, Macrobond, RBC GMA.

En ce qui concerne les données de mars sur l’inflation, on peut s’attendre à une nouvelle hausse.

  • Les prix de l’essence ont encore augmenté.

  • Les mesures de l’inflation en temps réel plaident en faveur d’un regain (voir le graphique suivant).

  • Les prévisions immédiates de la Réserve fédérale de Cleveland laissent entrevoir un autre mois plutôt robuste.

L’indice quotidien de l’inflation aux États-Unis de PriceStats indique que celle-ci demeure élevée

L’indice quotidien de l’inflation aux États-Unis de PriceStats indique que celle-ci demeure élevée

Indice de l’inflation PriceStats au 22 mars 2024. Indice des prix à la consommation (IPC) en date de février 2024. Sources : State Street Global Markets Research, RBC GMA.

L’inflation au Canada s’est montrée plus coopérative ces derniers mois.

  • En février, l’IPC est passé de 2,9 % à 2,8 % d’une année sur l’autre.

  • L’IPC hors alimentation et énergie est tombé de 3,1 % à 2,8 % d’une année sur l’autre.

Les coûts du logement demeurent le principal point d’interrogation pour le Canada. Les loyers et les intérêts hypothécaires sont encore en forte progression. Ces derniers s’amélioreraient bien sûr si la Banque du Canada abaissait les taux. Autrement dit, la composante des loyers est celle qui devrait retenir l’attention de la Banque du Canada. Mais ce n’est pas aussi simple que cela. Un examen plus approfondi des coûts du logement au pays révèle que les prix d’un bon nombre d’intrants ont grimpé (voir le graphique suivant).

Selon l’indice IPC canadien du logement, les coûts de celui-ci demeurent élevés

Selon l’indice IPC canadien du logement, les coûts de celui-ci demeurent élevés

En date de février 2024. Sources : Statistique Canada, Macrobond, RBC GMA.

Les anticipations inflationnistes fournissent des indications

Les anticipations inflationnistes donnent une certaine idée non seulement de la direction que devrait prendre l’inflation, mais aussi de son évolution véritable, car les prévisions de prix aident à fixer les prix réels. Il y a plusieurs paramètres à analyser pour les déchiffrer aux États-Unis, par exemple, le point d’équilibre des marchés obligataires et les sondages auprès des consommateurs et des entreprises. Chacun offre un point de vue légèrement différent (voir le graphique suivant). Les opinions varient en fonction de l’horizon temporel (voir les deux graphiques subséquents).

Aux États-Unis, les anticipations inflationnistes ne sont plus en repli

Aux États-Unis, les anticipations inflationnistes ne sont plus en repli

Attentes du marché au 4 mars 2024, attentes des consommateurs et des entreprises évaluées par des sondages, en date de février 2024. Sources : Federal Reserve Bank d’Atlanta, conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale, sondages auprès des consommateurs de l’Université du Michigan, Haver Analytics, RBC GMA.

Attentes du marché au 4 mars 2024, attentes des consommateurs et des entreprises évaluées par des sondages, en date de février 2024. Sources : Federal Reserve Bank d’Atlanta, conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale, sondages auprès des consommateurs de l’Université du Michigan, Haver Analytics, RBC GMA.

Les anticipations inflationnistes à moyen terme aux États-Unis ont légèrement augmenté

Les anticipations inflationnistes à moyen terme aux États-Unis ont légèrement augmenté

Au 5 mars 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA.

Les anticipations inflationnistes à court terme des consommateurs américains ont diminué

Les anticipations inflationnistes à court terme des consommateurs américains ont diminué

En date de février 2024. Les zones ombrées représentent une récession. Sources : Sondages de l’Université du Michigan sur la confiance des consommateurs, Macrobond, RBC GMA.

À première vue, il est difficile de tirer des conclusions claires de ce mélange d’informations contradictoires. Certaines prévisions anticipent une baisse de l’inflation, d’autres une stabilité, et enfin d’autres une hausse.

Il est sans doute plus pertinent de regarder uniquement les niveaux de taux affichés. Les taux demeurent tous un peu élevés par rapport aux niveaux d’avant la pandémie. En moyenne, ils sont entre 0,5 et 1,0 point de pourcentage supérieurs à la normale. L’inflation devrait donc se maintenir dans la fourchette de 2,5 % à 3,0 %, soit une légère amélioration par rapport aux chiffres actuels, mais pas un retour complet à la normale avec un taux à 2,0 %.

Nous sommes tentés de penser que l’inflation pourrait s’orienter vers le bas de cette fourchette, en suivant toutefois une trajectoire en dents de scie. Il faudra du temps avant que l’inflation descende à 2,5 % et il n’est pas certain qu’elle pourra encore perdre 0,5 point de pourcentage pour atteindre 2,0 %.

Sans un atterrissage brutal permettant de rétablir le pouvoir d’établissement des prix des sociétés et le niveau des salaires, l’inflation pourrait tout simplement rester légèrement plus élevée qu’avant. En effet, l’inflation subit des pressions haussières structurelles, notamment les possibles séquelles de la pandémie, la démondialisation, l’influence croissante des travailleurs et les changements climatiques. Par ailleurs, si les banques centrales s’obstinent dans leur quête de réduction de l’inflation, les taux d’intérêt réel pourraient devoir encore augmenter. Par ailleurs, l’activité économique pourrait devoir encore ralentir.

Divergences des banques centrales

Ces derniers temps, nous observons une divergence des politiques des banques centrales.

Considérée comme un indicateur subséquent, la Banque du Japon vient de procéder à son premier relèvement de taux en 17 ans, en portant son taux directeur de -0,1 % à une fourchette entre 0,0 % et 0,1 %. Elle a également abandonné son système de contrôle de la courbe des taux. Par conséquent, le taux des obligations à 10 ans n’est plus officiellement plafonné. La Banque du Japon continuera à acheter des obligations d’État, mais elle cessera d’acheter des fonds négociés en bourse (FNB) et des parts de sociétés de placement immobilier (SPI). Elle réduit ainsi le montant des liquidités injectées (et le soutien des cours) sur ces marchés.

Ces mesures ont été encouragées par les fortes augmentations accordées lors des négociations salariales du printemps pour la deuxième année consécutive. La Banque du Japon se déclare optimiste quant à la reprise de la consommation privée.

Toutefois, la Banque du Japon demeure limitée quant à l’ampleur des mesures de resserrement monétaire qu’elle peut réellement mettre en œuvre. Les anticipations d’inflation ne sont pas encore solidement ancrées dans la fourchette souhaitée par la banque centrale. Compte tenu d’une dette publique extrêmement élevée, le coût du service de la dette exploserait si les taux d’intérêt remontaient trop.

La question la plus pressante est peut-être de déterminer si la Banque nationale suisse constitue un indicateur avancé. Celle-ci a surpris les marchés en diminuant son taux directeur. Toutefois, la situation en Suisse est assez différente de celle d’un pays développé moyen. Par exemple :

  • Au moment de la baisse, le taux directeur suisse se situait à 1,75 %, soit moins de la moitié du taux en vigueur dans la plupart des grands pays développés.

  • Plus important encore, l’inflation en Suisse atteint seulement 1,2 % sur 12 mois. C’est beaucoup plus faible que dans d’autres pays et il se situe déjà dans le milieu de la fourchette cible de 0 % à 2 % du pays. 

  • Enfin, l’économie de la Suisse est très dépendante du commerce international et le franc suisse est une monnaie forte. Cela nuit à la compétitivité du pays. Les baisses de taux devraient contribuer à rétablir partiellement cette situation.

Par conséquent, il est peu probable que d’autres pays suivent exactement l’exemple de la Banque nationale suisse. Néanmoins, dans les faits, des baisses de taux semblent se profiler aux États-Unis, au Royaume-Uni, dans la zone euro et au Canada au cours de l’été.

On dit que les banques centrales montrent plus d’empressement à abaisser les taux d’intérêt qu’à les relever. Lors du dernier cycle de hausse, les banques centrales ont toutefois relevé leurs taux bien plus rapidement. On entretient aussi l’idée qu’on pourrait diminuer les taux sans entraîner la récession qui permet habituellement de maintenir les taux bas. Aussi, peut-être que cette fois-ci, ce sera différent.

Selon son dernier communiqué, la Réserve fédérale américaine (Fed) maintient le projet de réduire ses taux de 75 points de base en 2024. Son président, Jerome Powell, a déclaré que la Réserve fédérale aura « bientôt » suffisamment d’assurance sur le fait que « l’inflation se dirige durablement vers la cible de 2 % ». Aux États-Unis, les marchés évaluent à 64 % la probabilité qu’une baisse de taux de 25 points de base soit annoncée lors de la réunion de la Fed en juin. Cette hypothèse paraît tout à fait raisonnable, même si nous pensons que la baisse des taux pourrait tout aussi bien démarrer en juillet, compte tenu de la persistance de l’inflation et de la multiplication des perspectives d’atterrissage en douceur.

La Banque centrale européenne et la Banque d’Angleterre ont toutes deux indiqué qu’elles devraient réduire leurs taux sous peu, en évoquant les alentours du mois de juin comme un point de départ raisonnable.

Par le passé, une fois qu’elles étaient lancées, les banques centrales avaient pour habitude de réduire substantiellement leurs taux. Il était commun d’observer des baisses de plus de 200 points de base au cours de la première année (voir le graphique suivant). On dit que les banques centrales montrent plus d’empressement à abaisser les taux d’intérêt qu’à les relever. Lors du dernier cycle de hausse, les banques centrales ont toutefois relevé leurs taux bien plus rapidement. On entretient aussi l’idée qu’on pourrait diminuer les taux sans entraîner la récession qui permet habituellement de maintenir les taux bas. Aussi, peut-être que cette fois-ci, ce sera différent.

Les baisses de taux ont tendance à s’enchaîner rapidement après la première baisse

Les baisses de taux ont tendance à s’enchaîner rapidement après la première baisse

En date de février 2024. Sources : Federal Reserve Board, Macrobond, RBC GMA.

La dernière décision de la Banque du Canada a été de maintenir le taux du financement à un jour inchangé à 5,00 % et de conserver une orientation explicitement neutre quant à ses prochaines décisions. En effet, la Banque a déclaré qu’il est « trop tôt pour envisager des baisses de taux ». Elle demeure plus évasive que ses pairs quant aux baisses de taux à venir, alors que la situation économique et le taux d’inflation au Canada permettraient d’envisager de modestes baisses de taux comme dans les autres marchés. Nous supposons donc que les taux amorceront également une légère baisse au Canada au cours de l’été, en dépit des récentes déclarations contraires.

Notre tour d’horizon de la situation

Balayons rapidement les nouvelles macroéconomiques variées présentant de l’intérêt.

Le financement du gouvernement américain... est à nouveau à la page

La dernière menace de paralysie du gouvernement américain a une fois de plus été évitée de justesse. Contrairement aux épisodes précédents, qui ne faisaient que reporter le problème d’un mois ou deux, cet épisode finance la majeure partie du budget du gouvernement jusqu’à la fin de l’exercice financier en septembre. Sur le plan politique, une fermeture du gouvernement ne s’est jamais justifiée à l’approche des élections.

Nomination du candidat républicain

Depuis le dernier MacroMemo, l’ancien président, M. Trump, a remporté la nomination républicaine après avoir franchi les primaires du « super mardi » et avec le départ de sa dernière rivale. Hormis des problèmes de santé, l’élection présidentielle de novembre semble vouée à être une reprise de la course de 2020 entre Biden et Trump.

Le budget canadien s’approche

Le budget du Canada est maintenant fixé au 16 avril, une date inhabituellement tardive en fin d’exercice. Il contiendra probablement d’importantes dépenses promises, compte tenu des engagements prévus en matière d’assurance médicaments. Des dépenses militaires supplémentaires seront sans doute prévues, puisque le pays cherche à atteindre l’objectif de 2 % du PIB fixé par l’OTAN. L’augmentation des coûts du service de la dette devrait également alourdir les dépenses. La décote des libéraux et l’approche d’une élection présumée en 2025 pourraient aussi stimuler des dépenses supplémentaires. Le Bureau du directeur parlementaire du budget use de prudence dans ses prévisions, en estimant que le déficit doublera par rapport à celui de l’exercice précédent. Il faut noter que le déficit du Canada en part du PIB devrait encore être inférieur aux gouffres budgétaires de nombreux pays.

Autres ajustements de l’immigration canadienne

Après avoir annoncé une réduction de 35 % du nombre ciblé d’étudiants étrangers pour les années à venir, le gouvernement fédéral s’est engagé à réduire le nombre général de résidents temporaires en le faisant passer de 6,2 % à 5,0 % de la population d’ici 2027. D’un point de vue machinal, cela tendrait à signifier que l’accroissement de la population canadienne devrait diminuer et revenir de son taux incroyable de plus de 3 % en 2023 à environ 0,9 % par an au cours des prochaines années. Le taux de croissance annuel devrait retomber à 1,2 % en 2028 (compte tenu de l’objectif sous-jacent du pays de 500 000 nouveaux résidents permanents par an).

Une certaine incertitude tient au fait que le gouvernement envisage de faciliter l’obtention d’un statut de résident permanent à un nombre croissant de résidents illégaux. La réduction du taux d’accroissement de la population pourrait ainsi être limitée.

Au Canada, la faiblesse de la productivité va encore plus loin

Il n’y a pas si longtemps, nous avions indiqué que la productivité canadienne – ou du moins son estimation raisonnable au moyen du PIB réel par habitant – ne s’était pas améliorée depuis six ans. Il s’agit de la pire année (en dehors des récessions) depuis la Seconde Guerre mondiale. Au vu des dernières données trimestrielles, cette situation s’est encore empirée : le PIB par habitant au Canada ne s’est plus amélioré depuis huit ans (voir le graphique suivant).

Le PIB par habitant au Canada a diminué

Le PIB par habitant au Canada a diminué

Au quatrième trimestre de 2023. Sources : Statistique Canada, Macrobond, RBC GMA.

En toute franchise, il est peu probable que le récent déclin pur et simple de la productivité se poursuive. Il reflète principalement des facteurs provisoires, comme l’intégration à la main-d’œuvre d’un nombre inhabituellement élevé de nouveaux arrivants. De plus, les résultats semblent moins terribles au niveau des ménages si l’on dégonfle la donnée en fonction des prix à la consommation au lieu des prix à l’échelle de l’économie, même si la situation reste assez lamentable.

Malgré ces mises en garde, le Canada a un véritable problème de productivité qui s’est aggravé avec le dernier déclin.

Contradictions des mesures de production économique

Il existe plusieurs façons de calculer la taille de l’économie d’un pays. Le plus souvent, on calcule le produit intérieur brut (PIB) par l’approche des dépenses : les dépenses de tout le monde sont additionnées, puis ajustées pour tenir compte des échanges et des stocks afin d’arriver à une estimation de la production. Une autre approche consiste à utiliser le revenu intérieur brut (RIB) : les revenus de tout le monde sont additionnés d’une façon qui devrait donner le même résultat. Théoriquement, le PIB devrait correspondre exactement au RIB.

Dans les faits, le PIB et le RIB ont tendance à varier légèrement, pour des raisons liées aux imprécisions de la collecte de données. La plupart du temps, les différences entre les deux sont plutôt modestes, mais il arrive qu’un écart se creuse. Récemment, le RIB a été sensiblement inférieur au PIB. Alors que le PIB porte à croire que le second semestre de 2023 a été une période de croissance remarquable, le RIB donne à penser qu’en fait, l’économie a fait du surplace (voir le graphique suivant).

Produit intérieur brut des États-Unis (PIB) par rapport au revenu intérieur brut (RIB)

Produit intérieur brut des États-Unis (PIB) par rapport au revenu intérieur brut (RIB)

PIB au quatrième trimestre de 2023, RIB au troisième trimestre de 2023. La zone ombrée représente une récession. Sources : Bureau of Economic Analysis des États-Unis (BEA), Macrobond, RBC GMA.

Une analyse statistique succincte fait valoir que le RIB pourrait devancer légèrement le PIB, de sorte que ce dernier pourrait être sur le point de chuter, comme l’a déjà fait le RIB. Mais les preuves sont moins convaincantes qu’il n’y paraît à première vue.

  • Au cours des dernières décennies, le début de la crise financière mondiale a été l’unique occasion où le RIB a été inférieur au PIB. Les deux indicateurs ont évolué de concert au début des autres récessions et le reste du temps, soit au cours des récessions ou en période de croissance normale. Il est donc loin d’être certain que la faiblesse du RIB annonce une faiblesse à venir du PIB.

  • D’autres indicateurs de l’activité économique ont pour la plupart fait ressortir que l’économie se portait bien au second semestre de 2023, des indicateurs du marché du travail au marché boursier, ce qui conforte l’opinion selon laquelle l’économie enregistrait une croissance au cours de cette période.

En fin de compte, l’économie n’a probablement pas été aussi robuste que le PIB le portait à croire, ni aussi faible que le RIB le laissait supposer. L’économie a probablement inscrit une croissance modérée. Il est peu probable que le PIB reste aussi vigoureux qu’il l’a été récemment, pourtant il est aussi peu probable que le RIB demeure aussi faible. Ces deux indicateurs devraient revenir à un niveau plus modéré au cours des prochains trimestres, et le RIB pourrait surpasser le PIB pendant un certain temps afin de combler l’écart qui s’est récemment creusé.

Les titres de créance privés ne dynamisent pas le marché du crédit

On a récemment prétendu que, bien que les flux de crédit bancaire aient été assez limités ces derniers trimestres, on sous-estime le montant réel des liquidités injectées dans l’économie étant donné que les titres de créance privés ont fait une grande partie du travail.

Certes, le crédit privé est en croissance et devient donc plus pertinent pour l’économie dans son ensemble. Les prêts privés en circulation totalisant actuellement 1 400 milliards de dollars américains, ils peuvent effectivement influencer la situation. Il faut toutefois mettre les choses en contexte (voir le graphique suivant). Les titres de créance privés représentent toujours moins de 5 % de l’ensemble du marché du crédit aux États-Unis. Les prêts des banques commerciales sont au moins dix fois plus importants. Les obligations de sociétés, sept fois plus importantes. Le marché hypothécaire (regroupant les hypothèques et les titres adossés à des créances hypothécaires), 16 fois plus important. Même le marché des titres adossés à des actifs les devance légèrement.

Les titres de créance privés ne représentent toujours qu’une petite partie du marché du crédit aux États‑Unis

Les titres de créance privés ne représentent toujours qu’une petite partie du marché du crédit aux États‑Unis

Au 8 mars 2024. Sources : Securities Industry and Financial Markets Association (SIFMA), Réserve fédérale, RBC GMA.

Ce constat ne vise pas à minimiser l’importance d’un secteur en croissance qui joue un rôle important dans l’attribution du crédit. Mais ce secteur n’est tout simplement pas encore assez important pour jouer un rôle prépondérant dans les conditions de crédit dans leur ensemble aux États-Unis.

Où est le boum des dépenses en immobilisations ?

Comme beaucoup d’autres, nous sommes optimistes en ce qui concerne le rythme à venir des progrès technologiques. Plusieurs nouvelles technologies intéressantes sont en cours de développement, et l’intelligence artificielle générative pourrait bien être la prochaine technologie à usage général qui accélérera le taux de croissance de la productivité dans un vaste éventail de secteurs pendant une longue période.

Mais ces gains de productivité se manifestent généralement avec un retard considérable. Il faut du temps pour trouver des utilisations pour les nouvelles technologies et pour bien les intégrer dans le flux des activités économiques et dans la vie quotidienne.

En théorie, les avantages économiques des nouvelles technologies devraient d’abord se manifester dans les données sur la recherche et développement (R et D) et les dépenses en immobilisations. Les entreprises consacrent beaucoup d’argent à la mise au point de nouvelles technologies, puis d’autres dépensent beaucoup d’argent pour acheter et déployer ces technologies.

Étonnamment, ce n’est pas encore le cas. Bien entendu, Nvidia et une poignée d’autres sociétés réalisent des bénéfices fulgurants, et un certain nombre de sociétés technologiques ont vu leurs valorisations boursières grimper en flèche. Mais ces dépenses ne semblent pas assez importantes, pour l’instant du mois, pour se répercuter sur les données économiques globales.

Par exemple, la recherche et développement aux États-Unis a connu une solide croissance en pourcentage du PIB au cours des deux dernières décennies, mais elle a en fait reculé de façon marquée au cours de la dernière année – période au cours de laquelle l’IA générative a le plus gagné en importance (voir le graphique suivant). Ce recul pourrait être en grande partie imputable à un facteur spécial : le crédit d’impôt permettant l’amortissement accéléré de la R et D a expiré à la fin de 2022, ce qui pourrait inciter les entreprises à retarder leurs projets de R et D. Ce crédit d’impôt pourrait être rétabli avant longtemps. Mais le fait est que nous n’avons toujours pas observé le boom attendu des dépenses de R et D attribuable à l’IA.

Les investissements dans la recherche et le développement ont diminué aux États-Unis

Les investissements dans la recherche et le développement ont diminué aux États-Unis

Au quatrième trimestre de 2023. La zone ombrée représente une récession. Sources : Bureau of Economic Analysis des États-Unis (BEA), Macrobond, RBC GMA.

La situation est semblable pour les dépenses en immobilisations (voir le graphique suivant). Les dépenses affectées aux logiciels ont continué d’augmenter en proportion du PIB, mais pas plus rapidement qu’auparavant. Entre-temps, les dépenses consacrées aux ordinateurs et aux périphériques – dont on aurait pu s’attendre à ce qu’elles augmentent avec l’offre de puces informatiques de pointe – ont en fait chuté de manière assez marquée au cours de la dernière année.

Les investissements dans la technologie ont bondi aux États-Unis pendant la pandémie

Les investissements dans la technologie ont bondi aux États-Unis pendant la pandémie

Au quatrième trimestre de 2023. La zone ombrée représente une récession. Sources : Bureau of Economic Analysis des États-Unis (BEA), Macrobond, RBC GMA.

À des fins de clarté, nous croyons toujours que les progrès de l’intelligence artificielle entraîneront une augmentation des dépenses en recherche et développement et en immobilisations. Il faut toutefois un peu plus de temps pour qu’elle se matérialise que ce que les médias auraient cru, et plus de temps que ce à quoi l’on aurait raisonnablement pu croire.

L’énigme des taux de défaillance sur les prêts hypothécaires

L’écart entre les taux de défaillance sur les prêts hypothécaires aux États-Unis et au Canada est assez surprenant. Aux États-Unis, il est de 2,8 %, contre seulement 0,18 % au Canada. Vous avez bien lu : le taux de défaillance est approximativement 15 fois plus élevé aux États-Unis.

Cela est totalement contre-intuitif, étant donné que l’accessibilité à la propriété est plus limitée au Canada, que les ménages sont plus endettés, que le marché du logement peine davantage et que l’exposition immédiate à la hausse des taux d’intérêt est plus importante.

Que faut-il en penser ?

Il s’avère que les problèmes de définition expliquent l’écart en bonne partie.

Point important à noter, le populaire taux de défaillance sur les prêts hypothécaires aux États-Unis est mesuré sur 30 jours, comparativement à 90 jours au Canada. Beaucoup plus de gens accusent un mois de retard sur leurs versements hypothécaires que trois mois. Ainsi, une fois rajusté, le taux de défaillance hypothécaire aux États-Unis passe de 2,8 % à seulement 0,57 %. L’écart entre les États-Unis et le Canada passe donc de 15 fois à seulement 3 fois (voir le graphique suivant).

Le taux de défaillance hypothécaire à 90 jours grimpe aux États-Unis

Le taux de défaillance hypothécaire à 90 jours grimpe aux États-Unis

Sources : Société canadienne d’hypothèques et de logement, RBC GMA.

Un autre problème de définition est que les données des États-Unis tiennent compte des prêteurs privés, contrairement à celles du Canada. Les prêteurs privés prêtent généralement aux emprunteurs plus risqués, de sorte que leur exclusion sous-estime le véritable niveau de défaillance au Canada. Le taux de défaillance hypothécaire sur les prêts privés au Canada est près de six fois supérieur à celui des prêts bancaires, et il augmente aussi plus rapidement (voir le graphique suivant). Après quelques calculs sommaires, le taux de défaillance hypothécaire au Canada se situe probablement autour de 0,22 % si l’on tient compte des prêteurs privés.

Les prêts hypothécaires en souffrance augmentent auprès des prêteurs privés canadiens

Les prêts hypothécaires en souffrance augmentent auprès des prêteurs privés canadiens

En date du premier trimestre de 2023. Prêts hypothécaires en souffrance depuis 90 jours ou plus. Sources : Sondage auprès des prêteurs hypothécaires non bancaires, Association des banquiers canadiens, Statistique Canada, RBC GMA.

C’est encore tout de même deux fois moins que le taux de défaillance hypothécaire aux États-Unis sur des durées semblables. Nous supposons que le reste de l’écart – notamment, puisque l’on pourrait s’attendre à ce que le marché du logement soit davantage tendu au Canada – découle de facteurs tels que les hypothèques sans recours aux États-Unis (ce qui rend la cessation des versements hypothécaires moins problématique). Les banques canadiennes ont également des relations approfondies et multidimensionnelles avec leurs clients, ce qui les incite à rajuster le calendrier des versements.

Par conséquent, il est probablement préférable d’ignorer l’écart brut entre le taux de défaillance hypothécaire des deux pays, et de surveiller plutôt les variations significatives par rapport à la normale de l’un et de l’autre. Les deux montent jusqu’à présent, mais pas de manière astronomique. Une accélération de l’un ou l’autre signalerait des problèmes.

Le Canada est encore théoriquement plus vulnérable que les États-Unis. Une récente recherche du FMI souligne que le risque de défaillance hypothécaire au Canada est le plus élevé au monde, devançant même celui de l’Australie, de la Suède et des Pays-Bas.

– Avec la contribution de Vivien Lee, de Vanita Maharaj et d’Aaron Ma

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