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Par  Eric Lascelles 10 mai 2022

Contenu de cet article :

Aperçu

Les difficultés persistent sur les marchés financiers ; le taux de l’obligation américaine à 10 ans s’est envolé à 3,1 %, tandis que l’indice S&P 500 a cédé 15 % depuis le début de l’année. Les principales préoccupations du marché sont la flambée de l’inflation et le risque qu’elle devienne un problème structurel. Les autres sont le durcissement monétaire rapide, le choc des marchandises en cours, le ralentissement de l’économie chinoise et le risque réel d’une récession au cours des 18 prochains mois.

Ce rapport examine les points clés suivants :

  • Par le passé, les périodes d’inflation aussi élevée se sont terminées par une récession, dont l’avantage est que l’inflation retombe.
  • À l’heure actuelle, les consommateurs ne se comportent pas comme s’ils s’attendaient à ce que l’inflation demeure forte pendant longtemps.
  • Le marché du travail et l’économie sont encore plus tendus qu’on pourrait le croire.
  • Selon notre feuille de pointage du cycle économique, nous en serions encore au milieu du cycle. Cependant, les indicateurs pointent de plus en plus vers un stade ultérieur.
  • La croissance économique semble ralentir, conformément à nos prévisions.
  • Le contexte actuel a des points communs avec de nombreuses périodes, notamment les années 1970 et 1994. Toutefois, les similitudes avec la fin des années 1940 sont frappantes et encourageantes.
  • L’économie de la Chine est aux prises avec de grandes difficultés.
  • Les banques centrales poursuivent leur resserrement, qui s’annonce important.
  • Dans ce contexte de hausses des taux, les marchés du logement devraient perdre de la vigueur et les prix des propriétés pourraient chuter au Canada.
  • En dehors de la Chine, l’épidémie de COVID-19 a peu de répercussions.

Inflation élevée

L’inflation demeure extrêmement élevée. La mise à jour de l’IPC des États-Unis sera publiée dans le courant de la semaine. Même si la variation sur un mois devrait baisser, elle risque encore de dépasser les attentes, à notre avis. Nos prévisions relatives à l’inflation tablent sur une certaine décélération vers le milieu de l’année, mais demeurent nettement au-dessus des prévisions moyennes.

L’inflation reste problématique pour plusieurs raisons. Les problèmes qui perturbent les chaînes logistiques ne se règlent pas aussi rapidement qu’on l’avait imaginé, en raison des confinements en Chine et des sanctions contre la Russie. Le marché du travail pourrait être encore plus étroit que l’indiquent les estimations officielles (nous y reviendrons). Enfin, l’inflation s’est généralisée au point qu’il sera beaucoup plus difficile de la maîtriser (voir notre analyse dans un #MacroMémo précédent).

Inflation et récessions

Jusqu’à présent, le débat sur la récession a mis de l’avant le fait que les cycles de resserrement monétaire finissent souvent par une récession ou que le choc des marchandises pourrait en entraîner une. Ces analyses pertinentes montrent que le risque de récession est élevé pour les 18 prochains mois.

Un autre type d’analyse, axée sur l’inflation cette fois, souligne également ce risque élevé (voir le graphique suivant). En bref, l’économie a plongé en récession chaque fois que l’inflation a monté aussi haut. Certes, l’échantillon est restreint, puisqu’il n’y a que trois épisodes (les pics de l’inflation de la fin des années 1960 jusqu’au début des années 1980) ou six, si on prend en compte les hausses plus modestes de l’inflation.

L’inflation aux États-Unis atteint un sommet inégalé en plusieurs décennies

L’inflation aux États-Unis atteint un sommet inégalé en plusieurs décennies

En date de mars 2022. La zone ombrée représente une récession. Sources : Bureau of Labour Statistics, Macrobond et RBC GMA.

L’inflation est sans aucun doute en partie responsable des récessions qui ont suivi. Il ne faut cependant pas oublier qu’un resserrement monétaire a également eu lieu lors de la grande majorité de ces épisodes.

L’un des principaux avantages est que, dans tous les cas, l’inflation a fortement chuté par la suite. L’inflation n’a pas été complètement maîtrisée dans les années 1970, puisque les creux de l’inflation étaient chaque fois un peu plus hauts. Néanmoins, l’inflation a reculé de trois à douze points de pourcentage durant chacune de ces trois périodes.

Voilà qui donne un éclairage optimiste aux perspectives économiques. Une récession risque fort de se produire, mais elle sera probablement « utile » dans la mesure où elle fera baisser l’inflation. Pour l’économie, ce serait l’objectif le plus important des prochaines années et il contrebalancerait largement une contraction temporaire.

En outre, l’idée d’une récession est déjà largement intégrée par les marchés financiers. Les actions ont déjà perdu du terrain en prévision d’une conjoncture économique moins favorable. Bien que d’autres baisses soient tout à fait possibles, les marchés pourraient rebondir lorsque l’inflation sera jugulée, et ce, malgré les conséquences négatives pour l’économie. Ils pourraient aussi rester résolument tournés vers l’avenir, comme au tout début de la pandémie ; ils avaient alors résisté à la forte contraction de l’économie, car ils anticipaient une reprise complète.

Attitude des consommateurs face à l’inflation

Dans les années 1970, les consommateurs ont réagi très différemment à la flambée d’inflation (voir le graphique suivant). À cette époque, ils préféraient avancer leurs dépenses, car ils supposaient que les prix continueraient d’augmenter rapidement et que les produits seraient donc de moins en moins abordables.

La situation actuelle est bien différente : les consommateurs estiment que le moment est mal choisi pour faire des achats, étant donné que les prix ont fortement augmenté récemment.

Jusqu’à présent, les consommateurs agissent comme si l’inflation sera temporaire, contrairement aux années 1970

Jusqu’à présent, les consommateurs agissent comme si l’inflation sera temporaire, contrairement aux années 1970

En date de mars 2022. La zone ombrée représente une récession. Sources : Université du Michigan, Macrobond, RBC GMA

En principe, c’est une bonne attitude, car elle signifie que les ménages ne croient pas que l’inflation sera indéfiniment aussi élevée. Comme ces attentes influent sur l’inflation réelle, elles réduisent le risque que l’inflation devienne structurelle.

Par contre, cela signifie aussi que les dépenses de consommation pourraient diminuer à partir de maintenant. Les intentions d’achats importants se sont déjà nettement affaiblies ; certaines entreprises réduisent leur production en prévision d’un recul de la consommation. Par ailleurs, les résultats des magasins et marques de vente au rabais commencent à s’envoler à mesure que les consommateurs deviennent plus soucieux des coûts.

Cela risque de faire sursauter nos lecteurs, mais une certaine prudence dans les dépenses de consommation pourrait bien s’avérer idéale. Les dépenses de consommation – en particulier celles consacrées aux biens – sont actuellement en pleine surchauffe. Si elles revenaient à la normale, les pressions exercées sur les chaînes logistiques diminueraient considérablement. Cela contribuerait à juguler la poussée d’inflation sans entraîner de dommages économiques importants.

Étroitesse du marché du travail

Aux États-Unis, le marché du travail est censé être moins tendu qu’il en a l’air. En fait, c’est le contraire. Explications.

Le taux de chômage est la mesure habituelle de l’étroitesse du marché du travail. Aux États-Unis, il est revenu à son creux d’avant la pandémie. Il donne donc l’impression que le marché du travail est relativement tendu.

Cependant, la pertinence du taux de chômage est souvent mise en doute, parce qu’il ne rend pas compte des personnes qui ont quitté le marché du travail. En réalité, les États-Unis comptent encore un million d’emplois de moins que la moyenne d’avant la pandémie, et ce, malgré la croissance démographique des deux dernières années. Cela voudrait dire que des capacités excédentaires subsistent dans l’ombre.

Or, nous sommes d’avis que c’est le contraire. D’après nous, un nombre suffisant de personnes ont pris leur retraite tôt ou ont définitivement quitté la population active pour que le déclin de la main-d’œuvre n’augmente pas outre mesure les capacités inutilisées sur le marché du travail. En outre, selon des mesures plus précises, le marché du travail n’a jamais été aussi tendu.

Le nombre de personnes prêtes à quitter leur emploi dépasse maintenant largement le sommet des derniers cycles (voir le graphique suivant). Par ailleurs, les entreprises qui embauchent ont souvent du mal à trouver du personnel. Ainsi, le nombre d’offres d’emploi est supérieur de près de 50 % au précédent pic, en pourcentage du nombre d’employés (voir le graphique suivant). Les entreprises rapportent de nombreuses anecdotes qui abondent dans ce sens.

Forte hausse des départs volontaires aux États-Unis

rte hausse des départs volontaires aux États-Unis

En date de février 2022. Estimations pour toutes les entreprises non agricoles du secteur privé. La zone ombrée représente une récession. Sources : BLS, Macrobond, RBC GMA

Le nombre de postes à pourvoir aux É.-U. avoisine un sommet record

Le nombre de postes à pourvoir aux É.-U. avoisine un sommet record

En date de février 2022. Estimations pour toutes les entreprises non agricoles du secteur privé. La zone ombrée représente une récession. Sources : Bureau of Labour Statistics, Macrobond et RBC GMA.

L’examen d’un ensemble différent de mesures permet de constater que la croissance des salaires des travailleurs de l’alimentation rapide est sans précédent, signe que même les travailleurs les moins qualifiés de la population active sont en forte demande (voir le graphique suivant). La croissance des salaires d’un autre groupe souvent laissé pour compte – les travailleurs à temps partiel – a presque rattrapé celle des salaires des travailleurs à temps plein (voir le deuxième graphique).

Bond de la croissance des salaires des travailleurs peu qualifiés aux États-Unis

Bond de la croissance des salaires des travailleurs peu qualifiés aux États-Unis

Restaurants à service restreint en février 2022, total des entreprises non agricoles du secteur privé en mars 2022. Sources : Bureau of Labour Statistics, Macrobond et RBC GMA.

La croissance des salaires des travailleurs à temps partiel rattrape celle des travailleurs à temps plein

La croissance des salaires des travailleurs à temps partiel rattrape celle des travailleurs à temps plein

Données en date de mars 2022. Moyenne mobile sur 12 mois de la croissance du salaire médian. Sources : Federal Reserve Bank d’Atlanta, Macrobond, RBC GMA

Tout cela pour dire qu’il s’agit non seulement d’un marché du travail serré, mais d’un marché du travail serré d’un point de vue générationnel. En retour, l’économie est bel et bien en surchauffe, et cet élan économique constitue une importante source d’inflation élevée, bien qu’il ne fasse pas cavalier seul. Les banques centrales et la politique budgétaire sont aussi en partie responsables du resserrement de l’économie. En conséquence, une simple atténuation des perturbations des chaînes logistiques ne suffira pas pour faire diminuer l’inflation – une décélération économique sera également nécessaire.

Montée des pressions inflationnistes en Europe

De manière générale, nous nous sommes moins inquiétés de l’inflation en Europe que de celle en Amérique du Nord. Après tout, les économies de la zone euro progressent moins rapidement. Leur taux d’inflation a traditionnellement été inférieur à celui des États-Unis, et leur population vieillissante est foncièrement déflationniste. Sans compter qu’elles ont régulièrement raté leur cible d’inflation.

Cela dit, la combinaison de plusieurs facteurs pourrait faire en sorte que l’inflation en Europe devienne aussi problématique qu’en Amérique du Nord :

  1. De toute évidence, les économies européennes sont les plus exposées aux sanctions russes et au choc des marchandises.
  2. Dans le même ordre d’idées, une quantité étonnamment importante de produits chinois destinés à l’Europe transitent par train à travers la Russie. Pour la seule année 2020, 24 millions de tonnes métriques de marchandises ont été transportées de cette façon. Ce mode de transport n’étant plus possible, les fabricants tentent de se tourner vers les navires, déjà surchargés.
  3. Le taux de syndicalisation est beaucoup plus élevé dans l’Union européenne (UE), où il atteint 23 % en moyenne, comparativement à 10 % aux États-Unis. Les salaires sont également plus susceptibles d’être indexés en fonction de l’inflation en Europe ou d’augmenter en réaction à l’inflation. Il pourrait donc éventuellement être plus difficile pour l’UE de maîtriser l’inflation.

Ce point de vue semble justifié, puisque le taux d’inflation a bondi en mars dans la zone euro. Il est passé de 5,9 % d’une année sur l’autre en février à 7,4 % d’une année sur l’autre. Il ne se situe plus désormais qu’à un seul point de pourcentage de celui des États-Unis.

Contrôles improbables des salaires et des prix

Au cours des années 1970, un élément important du contexte inflationniste a été l’imposition de contrôles des salaires et des prix par les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada. Les trois pays espéraient juguler l’inflation en forçant une baisse des salaires et des prix, contournant ainsi les forces économiques sous-jacentes à la source de l’inflation.

En fin de compte, ces tentatives auront été infructueuses à tous les égards, hormis celui d’avoir moussé de façon temporaire la popularité du président Nixon aux États-Unis pendant les mois qui ont précédé les élections de 1972.

Le contrôle des prix et des salaires s’est avéré très difficile en pratique. Les tentatives ont eu pour effet de créer une bureaucratie massive.

L’économie a immédiatement subi plusieurs distorsions. Il n’était plus économique de vendre certains produits, et l’approvisionnement en viande a été particulièrement touché. Les contrôles ont de façon arbitraire resserré ou élargi les marges bénéficiaires dans certains secteurs, ce qui a eu pour effet de fausser les décisions de placement. Les fabricants ont cherché à éviter les marchés nationaux assujettis aux contrôles des prix et à vendre leurs produits à des marchés extérieurs où ils pouvaient obtenir un juste prix.

Le programme rencontrant une embûche après l’autre, des règles de plus en plus alambiquées ont été mises en place. Des hausses salariales ont été autorisées dans certains cas, mais ne devaient pas dépasser un certain plafond. Les prix des denrées alimentaires et de l’énergie ont finalement été exemptés, ce qui signifie que les composantes les plus volatiles de l’inflation ne relevaient plus du programme. Dans certains cas, les entreprises ont été autorisées à relever leurs prix si leurs propres coûts avaient augmenté (ce qui, on l’imagine aisément, était le lot de presque chacune d’entre elles). Il fallait tenir des audiences pour justifier les changements de prix ou de salaire.

Les contrôles des salaires ne s’appliquaient toutefois pas aux changements d’emploi ou aux promotions, ce qui a poussé les travailleurs à passer d’une entreprise à l’autre. Les entreprises – qui souhaitaient limiter les dégâts – ont été incitées à créer des organigrammes de plus en plus labyrinthiques pour permettre des promotions douteuses.

Plus important encore, les contrôles des salaires et des prix n’ont, en fin de compte, pas eu l’effet escompté : dès qu’ils ont été levés, les prix sont revenus aux niveaux où ils auraient été sans les mesures.

Étant donné l’arrière-goût amer associé à ces tentatives initiales, il semble peu probable que les décideurs politiques envisagent sérieusement de répéter l’expérience. D’autant plus qu’aux États-Unis, la division qui règne au sein du Congrès rend la mise en œuvre de tels programmes à peu près impossible. Il n’est toutefois pas impossible que les politiciens évoquent de tels programmes si l’inflation reste élevée et que la hausse des taux d’intérêt commence à faire mal. Les programmes de contrôle des salaires et des prix représentent le genre de solutions magiques (bien qu’irréalistes) qui séduisent les électeurs.

L’éventualité d’une déflation

En théorie, on pourrait s’attendre à une période d’inflation inférieure à la normale à un moment donné, une fois que les diverses distorsions de prix se seront atténuées. En effet, il est difficile d’imaginer que les coûts de transport resteront élevés en permanence, que les voitures d’occasion continueront de coûter beaucoup plus cher qu’avant, ou que les prix des denrées alimentaires demeureront plus élevés pour de bon, même après que les agriculteurs se seront adaptés à la nouvelle dynamique de l’offre et de la demande.

Cela dit, ces revirements éventuels ne garantissent aucunement une période de faible inflation ou une déflation pure et simple. Ils pourraient en effet se produire à un moment où les tensions inflationnistes sont encore assez élevées, ce qui signifie que l’inflation pourrait alors être plus faible qu’elle ne l’aurait été autrement, sans être faible à strictement parler.

De plus, les salaires ont déjà augmenté, et toute baisse des salaires nominaux ne se fait habituellement pas sans une certaine résistance. Autrement dit, il est probable que toute augmentation des charges salariales sera permanente. Par conséquent, les prix devront demeurer un peu plus élevés pour que les entreprises puissent financer ce fardeau additionnel.

Après une décennie de forte inflation dans les années 1970, nous n’avons pas assisté à une décennie de déflation ou d’inflation particulièrement faible pendant les années 1980 – le taux d’inflation s’est normalisé, mais le niveau des prix n’est jamais revenu à celui des années 1960.

Rappelons que les banques centrales ciblent le taux d’inflation, et non le niveau des prix. Elles veulent simplement revenir à un taux d’inflation de 2 %, et non pas annuler le dépassement des prix qui a déjà eu lieu. Elles estiment en effet qu’une période où l’inflation est inférieure à la cible est tout aussi indésirable qu’une période d’inflation élevée. Nous croyons en conséquence qu’une normalisation de l’inflation est plus probable qu’une baisse significative, bien que l’inflation pourrait diminuer de façon temporaire dans l’éventualité d’une profonde récession.

Le cycle économique avance

Selon notre feuille de pointage du cycle de l’économie américaine, les États-Unis se situent encore en « milieu du cycle » (voir le graphique suivant). Cela donne lieu à une interprétation plutôt favorable, tant du point de vue économique que du point de vue des marchés financiers.

La feuille de pointage du cycle de l’économie américaine indique toujours le milieu de cycle

La feuille de pointage du cycle de l’économie américaine indique toujours le milieu de cycle

Au 29 avril 2022. Calcul effectué à l’aide de la technique de la feuille de pointage par RBC GMA. Source : RBC GMA

Le cycle continue cependant de progresser à un rythme exceptionnellement rapide. Bien que le « stade initial » ait été presque aussi élevé que le « milieu du cycle » enregistré le trimestre dernier, les indicateurs pointant vers un « stade initial » ont diminué depuis, et ont été remplacés par une augmentation importante des indicateurs associés à un « stade avancé », à une « fin de cycle » et à une « récession ». En fait, selon notre feuille de pointage, il est à peu près aussi probable que l’économie soit en « fin de cycle » ou au-delà qu’en « milieu de cycle ».

Nous avons eu tendance à croire que le cycle économique en cours serait moins long que les précédents, et qu’il s’étendrait peut-être sur cinq ans plutôt que sur dix. Mais compte tenu de la possibilité réelle qu’il tire à sa fin d’ici ou deux trimestres et des risques élevés de récession, il est vraisemblable qu’il durera trois ou quatre ans seulement.

Fléchissement de l’économie américaine

Le rythme des embauches s’est maintenu aux États-Unis, où 428 000 emplois ont été créés. Le taux de chômage est resté bas à 3,6 %. La rémunération horaire a continué de croître de l’ordre de +5,5 % en glissement annuel.

L’emploi au Canada a connu une augmentation plus modeste de 15 000 nouveaux travailleurs en avril, bien que le taux de chômage ait atteint son niveau le plus bas depuis une génération avec seulement 5,2 %.

Nous pensons que l’embauche ralentira quelque peu au cours des prochains mois. Les entreprises continuent d’exprimer leur enthousiasme à l’égard de l’embauche et pourraient rester enclines à créer des emplois en cas de ralentissement de l’économie, compte tenu des difficultés qu’elles ont rencontrées dans le passé pour porter leur effectif à la taille désirée. Néanmoins, il semble de plus en plus probable que le rythme de l’embauche diminue à partir de maintenant.

En effet, une certaine décélération économique se dessine dans les autres pays. Aux États-Unis, les indices de l’Institute for Supply Management (ISM) du secteur manufacturier et du secteur des services ont perdu de la vitesse ces derniers temps, bien qu’ils restent cohérents avec une croissance économique modérée.

L’indice économique hebdomadaire de la Réserve fédérale de New York – qui a connu une ascension monotone au cours des deux dernières années, à un rythme pratiquement constant – s’est renversé, ce qui semble refléter une détérioration des conditions économiques (voir le graphique suivant).

L’indice économique hebdomadaire de la Réserve fédérale de New York retombe

L’indice économique hebdomadaire de la Réserve fédérale de New York retombe

Données pour la semaine terminée le 23 avril 2022. La variation par rapport à 2019 est établie en comparant l’indice économique hebdomadaire en cours et son niveau pour la même semaine de l’année précédente. Sources : Réserve fédérale de New York, Macrobond, RBC GMA.

De même, l’outil de suivi hebdomadaire du produit intérieur brut (PIB) de l’Organisation de coopération et de développement économiques pour les États-Unis commence à montrer un fléchissement, même si cette tendance est moins évidente (voir le graphique suivant).

L’outil de l’OCDE de suivi de la croissance du PIB des États-Unis amorce un recul

L’outil de l’OCDE de suivi de la croissance du PIB des États-Unis amorce un recul

Suivi hebdomadaire pour la semaine terminée le 23/04/2022, PIB réel au 1er trimestre 2022. PIB hebdomadaires estimés d’après une interpolation du PIB trimestriel réel. Sources : Outil de suivi du PIB de l’OCDE (Woloszko, 2020), Macrobond, RBC GMA

Cet affaiblissement est compréhensible, compte tenu de la flambée de l’inflation, du choc dans le secteur des marchandises, de la hausse des taux d’intérêt, du ralentissement de la Chine et de l’effritement de la confiance. Nous continuons d’anticiper une importante décélération de la croissance en 2022, et nos projections restent inférieures aux prévisions générales à la fois pour 2022 et 2023.

Un indicateur curieusement à contre-courant est celui des prêts commerciaux et industriels aux États-Unis. Il est monté en puissance juste au moment où la plupart des autres indicateurs perdaient du terrain (voir le graphique suivant). Il se peut que les emprunteurs se soient empressés de bloquer des emprunts à taux garanti avant la hausse des coûts du crédit. Ou bien ils empruntent par précaution, en pensant que leur accès au crédit pourrait diminuer ultérieurement et que des liquidités supplémentaires seraient bienvenues en cas de ralentissement économique.

La croissance du crédit aux États-Unis remonte

La croissance du crédit aux États-Unis remonte

Données pour la semaine terminée le 13 avril 2022. Sources : Réserve fédérale, Macrobond, RBC GMA

Même si cela paraît contre-intuitif, le fait que le PIB américain se soit contracté de 1,4 % en rythme annuel au premier trimestre de l’année n’est pas forcément synonyme de faiblesse économique. Ce repli n’est sans doute pas représentatif des conditions économiques générales du pays. Le taux est faussé par deux forces :

  • une énorme accumulation des stocks au trimestre précédent qui fait paraître le dernier trimestre anémique, en comparaison ;
  • une poussée des importations qui reflète la forte demande intérieure des États-Unis, alors que les importations viennent en déduction dans le calcul du PIB.

Parallèle avec la fin des années 1940

Il est intéressant de faire un parallèle entre la période économique actuelle et des périodes comparables passées, pour avoir une idée de ce qui nous attend. Le parallèle le plus évident remonte aux années 1970, lorsque l’inflation se trouvait également à un niveau extrême. Nous avons déjà parlé des similitudes et des différences par rapport à cette période, et nous y reviendrons probablement sous peu. Il existe aussi certains parallèles avec l’année 1994, pendant laquelle les banques centrales ont procédé à des hausses de taux soudaines et rapides – un autre parallèle à analyser ultérieurement.

Aujourd’hui, nous nous attarderons sur les similitudes avec les années 1946-1950 aux États-Unis, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. L’épargne des ménages s’était accumulée pendant la guerre, alors que leur capacité à dépenser était limitée – comme pendant la pandémie.

Le retour des soldats a fait exploser la demande, car beaucoup sont entrés dans la vie active, se sont mariés, et ont acheté des maisons, des appareils électroménagers et des voitures. De façon similaire, un choc positif de la demande s’est produit aujourd’hui, à la suite de l’allègement des restrictions liées à la pandémie et de la remise en marche des économies. À la fin des années 1940, les usines ont dû être réaménagées à des fins civiles et non plus militaires, ce qui a provoqué des pénuries d’approvisionnement. Aujourd’hui, les raisons sous-jacentes sont plutôt liées aux restrictions dues à la pandémie et aux changements dans les préférences en matière de demande, mais le résultat est similaire : une offre insuffisante face à la demande.

L’inflation s’est donc envolée à la fin des années 1940, tout comme aujourd’hui. Les banques centrales sont alors intervenues, comme elles le font aujourd’hui.

Quel a été le résultat final ? Une récession modérée s’est produite à la fin de 1948 et en 1949, réduisant de 1,7 point de pourcentage le niveau de la production économique. Le taux de chômage a culminé à un niveau tolérable de 7,9 % et les prix sont quelque peu retombés par la suite.

Le marché boursier a chuté de 17 % entre son sommet de juin 1948 et juin 1949 (un déclin relativement faible par rapport à certaines récessions), et il avait déjà récupéré le terrain perdu au début de l’année suivante.

De toute évidence, le parallèle n’est pas parfait par rapport à la situation d’aujourd’hui : les années 1940 ont connu une politique de contrôle des prix qui n’est probablement plus à l’ordre du jour. Le taux de chômage était en hausse à la fin des années 1940, étant donné que le chômage avait été pratiquement nul pendant la guerre. Bien que l’inflation soit élevée aujourd’hui, les prix ne sont pas aussi volatils qu’à l’époque. Un ralentissement économique ne s’accompagnerait sans doute pas d’une déflation pure et simple.

La plus grande différence entre cette époque et celle d’aujourd’hui est que la fin des années 1940 faisait suite à une guerre, alors que l’épisode présent survient après une pandémie. Cette distinction n’est pas anodine, car historiquement, les guerres ont tendance à être inflationnistes alors que les pandémies ont tendance à être déflationnistes.

Malgré ces réserves, les similitudes sont plus nombreuses que les différences. Les quatre points essentiels à retenir sont les suivants :

  1. Une récession s’est ensuivie.
  2. Cette récession a été relativement légère.
  3. La flambée de l’inflation a été jugulée avec succès.
  4. Le déclin des marchés boursiers n’a pas été beaucoup plus important que le repli actuel, et il s’est rapidement retourné.

Ces résultats ne seraient pas désastreux, s’ils se reproduisaient dans le cycle d’aujourd’hui.

Le repli de l’économie chinoise

Exemples récents tirés des données économiques officielles du pays :

  • Les exportations chinoises n’ont augmenté que de 3,9 % en glissement annuel en avril, après une hausse de 15 % en glissement annuel en mars.
  • Les ventes au détail sont maintenant en baisse de 3,5 % en glissement annuel. C’est extrêmement rare pour un pays dont l’économie s’accroît normalement de 6 à 8 % par an en termes réels et de 7 à 11 % en termes nominaux.
  • Les ventes de voitures chinoises ont chuté de 10,5 % en glissement annuel en mars. Cette évolution inhabituelle pour un pays dont la classe moyenne est en pleine expansion.

Les données en temps réel montrent des tendances similaires. La congestion routière s’est récemment résorbée en Chine (voir le graphique suivant). Bien que cela soit agréable pour les conducteurs chinois, cette tendance reflète des conditions économiques plus faibles. La fréquentation du métro reste assez déprimée, bien que légèrement moins basse qu’il y a quelques semaines (voir le graphique suivant).

L’indice montre un déclin de la congestion routière en Chine

L’indice montre un déclin de la congestion routière en Chine

Au 4 mai 2022. Indexé à janvier 2021. L’indice reflète la congestion dans les 15 plus grandes villes chinoises selon les immatriculations. Sources : Baidu, BloombergNEF, RBC GMA

La fréquentation du métro dans les grandes villes chinoises demeure anémique

La fréquentation du métro dans les grandes villes chinoises demeure anémique

Au 27 avril 2022. L’indice est la somme pondérée sur périodes mobiles de sept jours des trajets en métro à Beijing, Guangzhou, Nanjing, Shanghai, Suzho et Zhengzhou. Sources : Sociétés de métro chinoises, Macrobond, RBC GMA

Tout cela est évidemment la conséquence de la campagne de tolérance zéro du pays face aux cas de COVID-19. Shanghai a encore renforcé le confinement au cours de la semaine dernière, tandis que Beijing semble toujours sur le point d’étendre le sien. Ces mesures ont freiné la demande et la production en Chine et rejaillissent maintenant sur le reste du monde du fait de la décélération des exportations mentionnée plus haut. Le volume des marchandises exportées à partir du port de Shanghai a chuté de 23 % entre la mi-mars et la mi-avril, ce qui n’est pas rien.

Le gouvernement chinois s’est efforcé de soutenir l’économie tout au long de cette période difficile ; récemment, il a annoncé qu’il interrompait la réforme réglementaire visant le secteur de la technologie. Cependant, les autorités ne parviendront probablement pas à porter la croissance au taux cible d’au moins 5,5 % en 2022.

Malgré ces nombreux défis, il convient de rester positif. Un jour, ces confinements seront levés et la Chine retrouvera son plein potentiel. On ne sait pas quand cela se produira : au cours des prochains mois dès que Shanghai lèvera les restrictions (voir le graphique suivant illustrant la chute extrêmement rapide des cas à Hong Kong – un baromètre possible pour la Chine), après la réélection du président Xi pour un troisième mandat historique et une fois que le pays aura adopté une approche plus souple relativement à la COVID-19, ou encore à un autre moment, quand la Chine offrira à sa population des vaccins à ARN messager plus efficaces. Avec un peu de chance, la reprise surviendra au moment où l’économie mondiale basculera dans un ralentissement, et atténuera ainsi la gravité de ce repli.

Les cas de COVID-19 et les décès causés par la COVID-19 ont chuté rapidement à Hong Kong

Les cas de COVID-19 et les décès causés par la COVID-19 ont chuté rapidement à Hong Kong

Au 8 mai 2022. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : Our World in Data, Macrobond, RBC GMA

Les banques centrales poursuivent leur resserrement

Sans surprise, les banques centrales continuent de resserrer leur politique monétaire, avec un sentiment d’urgence.

Conformément aux attentes, la Réserve fédérale américaine a relevé le taux des fonds fédéraux de 50 points de base le 4 mai, portant le taux directeur à 1 %. La banque centrale commencera à dégonfler son bilan le 1er juin. Le commentaire qui a accompagné la décision souligne que la Fed surveille de près les risques liés à l’inflation et que le resserrement qui se poursuit reste approprié. Le marché s’attend raisonnablement à deux nouvelles hausses de 50 points de base lors des réunions du 15 juin et du 27 juillet.

La Banque d’Angleterre avance de façon assez différente. Elle a le mérite d’avoir entamé son resserrement dès la fin de 2021 (avant les autres), mais elle procède maintenant à des hausses de seulement 25 points de base, quelque peu discutables. Son taux directeur est maintenant de 1,00 %, mais pourrait être dépassé par le taux directeur américain.

Risques liés au logement

Les marchés du logement sont particulièrement vulnérables aux hausses des taux d’intérêt : ils font partie des secteurs de l’économie qui y sont les plus sensibles.

À l’heure actuelle, les banques centrales se focalisent sur l’inflation élevée au détriment de tout le reste. Autrement dit, elles sont prêtes à tolérer une faiblesse de l’économie à mesure qu’elles relèvent les taux. En outre, elles ne s’inquiéteront pas trop si les prix des priorités baissent légèrement, vu leur forte augmentation au cours des deux dernières années.

À cet égard, l’accessibilité s’est fortement détériorée par rapport à ce qu’elle était voilà quelques années, étant donné le gain démesuré des prix de propriétés dans de nombreux pays développés. Voilà un autre obstacle pour le marché du logement.

Enfin, un ralentissement de l’activité économique exercerait une troisième pression baissière sur le marché du logement.

Par contre, en période d’inflation élevée, les actifs réels tels que l’immobilier tendent à être hautement valorisés dans la mesure où ils assurent une protection naturelle contre l’inflation.

Le marché du logement américain devrait connaître une accalmie

Le marché du logement américain devrait ralentir – c’est déjà le cas selon plusieurs mesures, notamment les demandes de prêt hypothécaire. Le fléchissement devrait cependant être limité, pour plusieurs raisons :

  • Malgré un recul, la confiance des constructeurs résidentiels demeure assez solide.
  • Les coûts du service de la dette restent extrêmement faibles pour les ménages américains.
  • L’accessibilité est encore raisonnable selon les normes historiques. En fait, elle est plutôt bonne par rapport à la moyenne internationale.

Comme les hypothèques ont habituellement une durée de 30 ans aux États-Unis, très peu de propriétaires devront renouveler la leur à un taux plus élevé. Par contre, les nouveaux acheteurs seront beaucoup plus touchés par la hausse des taux hypothécaires (voir le graphique suivant). Mais la situation ne sera en rien comparable à celle de la crise financière mondiale (davantage causée par les pratiques de prêt que par une bulle immobilière).

Les taux hypothécaires augmentent rapidement aux États-Unis

Les taux hypothécaires augmentent rapidement aux États-Unis

Au 25 avril 2022. Sources : Freddie Mac, Macrobond, RBC GMA

Nous croyons que les prix des propriétés aux États-Unis se stabiliseront, mais qu’ils ne chuteront pas considérablement compte tenu des taux, de l’accessibilité et du ralentissement de l’économie.

Le marché du logement canadien est fortement menacé

Le marché du logement canadien semble aussi ralentir (voir le graphique suivant). Les mises en chantier et les permis de construire diminuent, et les reventes affichent une légère baisse. La confiance dans le marché semble aussi se dégrader.

Les mises en chantier diminuent au Canada depuis l’été dernier

Les mises en chantier diminuent au Canada depuis l’été dernier

En date de mars 2022. Nombre d’unités mises en chantier et valeur des permis de construire. Sources : Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), Haver Analytics, RBC GMA

Le marché du logement canadien semble fondamentalement faire face à des difficultés plus grandes que celui des États-Unis et même que la plupart des autres marchés (voir le graphique suivant).

Le logement est menacé dans de nombreux pays, puisque les taux montent après une forte hausse des prix. Le risque de correction est grand sur le marché canadien

Le logement est menacé dans de nombreux pays, puisque les taux montent après une forte hausse des prix. Le risque de correction est grand sur le marché canadien

Au 28 avril 2022. Source : RBC GMA

Comme les taux hypothécaires augmentent partout et que les prêts hypothécaires d’une durée de cinq ans sont populaires au Canada, les nouveaux acheteurs doivent emprunter à des taux plus élevés et de nombreux actuels détenteurs d’hypothèques devront composer avec une hausse des coûts d’emprunt au cours des prochaines années. Les titulaires d’une marge de crédit sur valeur nette à taux variable devront rembourser leur dette plus rapidement.

L’accessibilité à la propriété s’est nettement détériorée au Canada au cours des dernières années ; elle s’écarte actuellement du niveau moyen d’au moins 25 %. Si les taux hypothécaires revenaient à la normale, le coût de propriété dépasserait la moyenne de 35 % (voir le graphique suivant). Il est vrai que le logement est cher au Canada depuis des années et que cela n’a pas vraiment eu d’effet modérateur sur le marché. Mais l’écart d’accessibilité approche maintenant des niveaux qui n’avaient pas été atteints depuis le début des années 1990, période après laquelle le marché du logement canadien s’est effondré. Les prix des propriétés au Canada ont plus que triplé depuis le début du millénaire ; ils ont progressé à un rythme près de deux fois plus rapide qu’aux États-Unis pendant la même période.

Écart de l’accessibilité à la propriété au Canada

Écart de l’accessibilité à la propriété au Canada

Données au quatrième trimestre de 2021. Un taux plancher fixe impose un taux hypothécaire minimal « normal » pour les calculs de l’accessibilité et montre donc l’accessibilité selon des taux hypothécaires « normaux ». Sources : L’Association canadienne de l’immeuble, Statistique Canada, Haver Analytics, RBC GMA

Autrement dit, les ménages canadiens consacrent actuellement une part exceptionnellement faible de leur revenu au paiement des intérêts, mais un montant substantiel aux versements des intérêts et du capital (voir le graphique suivant). Comme la part des intérêts augmentera considérablement, il faudra bien peu pour que le coût du service de la dette – largement défini – gruge une part record du revenu des ménages.

Le fardeau du service de la dette des ménages canadiens a diminué pendant la pandémie

Le fardeau du service de la dette des ménages canadiens a diminué pendant la pandémie

Données au quatrième trimestre de 2021. Le ratio du service de la dette correspond uniquement au coût des versements d’intérêt sur la dette. Taux d’intérêt effectifs moyens depuis 1995. Sources : Statistique Canada, Macrobond, RBC GMA

Contrairement à ce qui se passe dans de nombreux pays, le Canada resserre simultanément les règles qui régissent le marché du logement. Le gouvernement a dernièrement décidé d’en interdire l’accès aux investisseurs étrangers. Cette décision s’ajoute à d’autres mesures qui visent à calmer le marché, comme les initiatives pour favoriser une plus grande transparence dans le processus d’offres d’achat et décourager la détention de plusieurs propriétés. Certaines provinces ont également pris des initiatives pour accroître l’offre de logements qui, malgré leurs avantages, pourraient faire baisser les prix.

Il importe de souligner que le gouvernement cherche à compenser le manque à gagner (causé par la pandémie) en matière d’immigration, et donc que le Canada pourrait accueillir un nombre particulièrement élevé d’immigrants au cours des prochaines années (voir le graphique suivant). Cela devrait favoriser la demande de logements.

Le Canada accueille maintenant plus d’immigrants qu’avant la pandémie

Le Canada accueille maintenant plus d’immigrants qu’avant la pandémie

En date de février 2022. Sources : Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), Macrobond, RBC GMA

En outre, après la crise financière mondiale, les économistes ont cherché des mesures qui permettraient de prédire les crises découlant de l’effondrement du marché du logement et de l’endettement des ménages. Curieusement, il s’est avéré qu’il était difficile d’obtenir des prévisions. Le paramètre le plus pertinent est sans doute celui qui détecte une croissance du crédit des ménages exceptionnellement élevée par rapport à la norme historique. Ce qui est étonnant, c’est que si l’on s’appuie sur cette base, le risque d’une crise du crédit des ménages au Canada est apparemment assez faible en ce moment (voir le graphique suivant).

La vulnérabilité des ménages au crédit diminue à mesure que l’économie redémarre

La vulnérabilité des ménages au crédit diminue à mesure que l’économie redémarre

Données au quatrième trimestre de 2021. Tendance établie à l’aide d’un filtre Hodrick Prescott pour les données trimestrielles ayant un coefficient lambda de 500 000. Sources : Haver Analytics, BRI, Banque du Canada, RBC GMA

Il est également encourageant de constater que la plupart des ménages canadiens ont été capables de respecter leurs obligations financières pendant cette période de hausse des taux d’intérêt (voir le graphique suivant). Les Canadiens sont, en partie, protégés par le resserrement progressif des règles au cours des quinze dernières années, qui exigent, entre autres, que les acheteurs fortement endettés soient soumis à un test de résistance fondé sur des taux hypothécaires nettement supérieurs à ceux qui prévalent au moment de l’achat de leur logement.

Peu de signes de stress chez les emprunteurs

Peu de signes de stress chez les emprunteurs

Prêts hypothécaires en souffrance depuis plus de 3 mois. Taux de défaillances non hypothécaires depuis 90 jours ou plus. Sources : Association des banquiers canadiens, Equifax, RBC GMA

Par conséquent, tout n’est pas si noir pour le marché du logement au Canada. La véritable inconnue est la confiance des acheteurs. Au cours des deux dernières décennies, les nouveaux ménages souhaitaient ardemment accéder le plus rapidement possible au marché du logement étant donné que les prix des propriétés n’ont fait que grimper et ont généré d’énormes rendements si l’on tient compte de l’effet de levier déployé par la plupart des acheteurs.

Par conséquent, le premier instinct en réaction à une baisse des prix pourrait être simplement un renouvellement de la demande puisque les acheteurs ont l’impression que les propriétés à vendre sont plus abordables. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit au début de 2017 après seulement quelques mois d’une baisse brutale du prix des logements consécutive au renforcement de la réglementation.

Mais l’état d’esprit des acheteurs pourrait aussi changer de façon plus durable, auquel cas on pourrait assister à une baisse des prix de l’immobilier substantielle et soutenue.

Une analyse des scénarios permet d’esquisser de possibles résultats. Un scénario de base réaliste prévoit une baisse cumulative de 10 % du prix des logements au Canada d’ici la fin de 2023. Combiné à la hausse des revenus (et partiellement compensé par la hausse des taux), cela permettrait d’atténuer le problème de l’accessibilité sans le régler complètement. Si l’on part du principe que les taux d’intérêt dépassent le niveau neutre, une baisse subséquente des taux qui reviendraient alors à un niveau neutre ou inférieur permettrait d’éliminer la moitié de l’écart d’accessibilité.

Selon un scénario optimiste (pour les propriétaires et l’économie à court terme, si ce n’est pour les nouveaux acheteurs), les prix des logements augmenteraient de 5 % au cours des dix-huit prochains mois, au cas où l’économie atterrirait en douceur et où les taux d’intérêt n’auraient pas besoin d’augmenter autant que prévu.

Dans un scénario pessimiste, les prix des logements baisseraient de 25 %, ce qui comblerait totalement l’écart d’accessibilité et annulerait une grande partie de la formidable hausse des prix qui a été observée au cours des deux dernières années. Une baisse de cette ampleur pourrait causer de grandes difficultés à certains nouveaux acheteurs et aurait d’éventuelles répercussions.

Cas de COVID-19

Malgré la propagation du variant Omicron et de divers sous-variants, le nombre de cas et de décès à l’échelle mondiale a nettement diminué depuis le début de 2022 (voir le graphique suivant).

Les cas de COVID-19 et les décès causés par la COVID-19 dans le monde ont baissé

Les cas de COVID-19 et les décès causés par la COVID-19 dans le monde ont baissé

Au 8 mai 2022. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : Our World in Data, Macrobond, RBC GMA

Le nombre de cas dans la plupart des pays développés est de nouveau en baisse, alors qu’il pourrait bientôt atteindre un sommet aux États-Unis, qui sont à la traîne.

Il est à noter que le nombre d’infections en Afrique du Sud augmente à nouveau à l’approche de l’hiver dans l’hémisphère sud.

Nous pensons qu’il y aura à l’avenir deux vagues de virus chaque année, mais qu’elles n’auront qu’un impact économique limité étant donné les niveaux élevés de vaccination et d’immunité naturelle et la réticence des gouvernements à imposer de nouveaux confinements.

L’Organisation mondiale de la santé et des experts estiment que les sous-variants BA.4, BA.5 et XE pourraient être 10 % plus contagieux que le variant BA.2 qui est actuellement prédominant dans le monde. On peut déplorer que de tels variants continuent de se propager, mais la différence est bien moindre par rapport aux situations précédentes, et il est encourageant de constater que ces derniers variants n’ont pas réussi à avoir une plus grande incidence en matière d’évasion immunitaire ou de gravité.

Enfin, selon une nouvelle étude américaine, en date de février, 58 % des Américains avaient développé des anticorps à la suite d’une infection à la COVID-19. Étant donné que les anticorps disparaissent au fil du temps, cela suggère que plus de 58 % des Américains ont été infectés à un moment ou un autre au cours des deux dernières années, ce qui paraît vraisemblable.

– Avec la contribution de Vivien Lee, d’Andrew Maleki et d’Aaron Ma

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