Webémission mensuelle sur l’économie
Voici notre webémission mensuelle sur l’économie d’octobre, intitulée Les baisses de taux favorisent un atterrissage en douceur. Depuis leur première publication, nos probabilités d’un atterrissage en douceur ont encore augmenté, comme nous l’expliquons plus loin.
Les distorsions causées par les ouragans
Le sud-est des États-Unis a été frappé non pas par un, mais par deux ouragans majeurs au cours des dernières semaines : Helene et Milton. Comme toujours, les catastrophes naturelles sont avant tout des tragédies humaines, mais elles ont aussi des effets économiques à court terme.
La Caroline du Nord a subi les dommages les plus importants causés par l’ouragan Helene, tandis que la Floride était la principale cible de l’ouragan Milton. Les deux régions ont connu une baisse importante de leur production économique alors que l’électricité était coupée et que les débris étaient nettoyés. Une approximation raisonnable est que le produit intérieur brut (PIB) global des États-Unis pourrait avoir augmenté de 0,25 à 0,5 point de pourcentage en rythme annualisé moins rapidement au cours du trimestre visé. C’est un résultat visible, mais pas une force dominante.
Il est à noter que la saison des ouragans est inhabituelle du point de vue de la comptabilité, à cheval sur la toute fin du troisième trimestre et le tout début du quatrième. Le repli économique devrait donc être réparti sur les deux trimestres, s’il se rapproche un peu du quatrième trimestre, compte tenu du calendrier de collecte des données de certains sondages.
N’oubliez pas que la majeure partie de tout déclin de la production économique provoqué par les ouragans est temporaire, de sorte que la croissance au cours du mois et du trimestre qui suivent devrait être légèrement plus rapide à mesure que la situation retourne à la normale.
En ce qui a trait aux données mensuelles, la majorité des dommages devraient être visibles dans les données d’octobre, aussi en partie en raison du calendrier de collecte des données des sondages. Le mois historique moyen des ouragans a vu une baisse d’environ 50 000 emplois créés par rapport à la normale aux États-Unis, une augmentation d’environ 20 000 demandes de prestations d’assurance-emploi et une chute des mises en chantier d’environ 4 %.
N’oubliez pas que la majeure partie de tout déclin de la production économique provoqué par les ouragans est temporaire, de sorte que la croissance au cours du mois et du trimestre qui suivent devrait être légèrement plus rapide à mesure que la situation retourne à la normale. Les données de novembre devraient être un peu plus solides, tandis que la faiblesse se dissipera. Nous devrons ensuite attendre jusqu’en décembre pour avoir une bonne lecture des données, qui ne seront pas publiées avant janvier. Par conséquent, il sera un peu plus difficile d’évaluer l’état de l’économie américaine pour le reste de l’année.
À moyen et à long terme, la reconstruction des propriétés et des infrastructures endommagées devrait lui donner un petit coup de pouce grâce à l’augmentation des dépenses en immobilisations qui y seront affectées, et cette intensification de l’activité s’échelonnera sur plusieurs années. Les estimations des dégâts causés par les ouragans – et donc ce qui devra théoriquement être reconstruit – s’élèvent à plusieurs centaines de milliards de dollars.
Tout effet sur l’inflation devrait être assez faible, mais constituerait théoriquement un signe positif en raison des pénuries et des perturbations de la chaîne d’approvisionnement. Il est peu probable que la politique monétaire s’écarte de sa trajectoire prévue en réponse à un choc temporaire comme un ouragan. Enfin, comme nous le verrons plus loin, les ouragans pourraient avoir un effet sur les élections présidentielles américaines.
Diminution du risque de récession
Nous continuons de réduire progressivement la probabilité d’une récession aux États-Unis au cours de la prochaine année, cette fois-ci de 30 % à 25 %.
Ce risque est encore nettement plus élevé que le risque de référence de 10 % à 15 % pour une année moyenne, cet écart étant largement alimenté par des taux d’intérêt encore élevés et par divers signaux de récession qui demeurent au rouge, comme des courbes de rendement inversées et un taux de chômage qui a augmenté par rapport à son creux.
La probabilité révisée à la baisse constitue néanmoins un progrès, l’atterrissage en douceur étant passé d’une possibilité lointaine à une possibilité concrète.
Il est important de noter que les statistiques économiques aux États-Unis ont soudainement changé de cap, alimentant des attentes très pessimistes pendant la majeure partie de 2024 et les surpassant récemment (voir le graphique suivant).
Les surprises économiques ont commencé à rebondir
Au 3 octobre 2024. Sources : Citigroup, Bloomberg, RBC GMA.
Les données de septembre sur l’emploi aux États-Unis ont également été un jalon important. Les enquêtes auprès des entreprises et des ménages laissent croire à une accélération de l’embauche au cours des derniers mois (voir le graphique suivant).
Augmentation de l’embauche aux États-Unis selon deux sondages
En date de septembre 2024. Sources : Bureau of Labor Statistics (BLS) des États-Unis, Macrobond et RBC GMA.
Les 254 000 nouveaux emplois dont fait état l’enquête auprès des entreprises ont été particulièrement remarquables, non seulement parce qu’ils sont conformes à une économie saine et qu’ils ont dépassé les attentes de plus de 100 000 postes, mais parce que 72 000 emplois ont été ajoutés par suite de révisions positives des mois précédents. Cela est plus important qu’il n’y paraît parce qu’auparavant, la tendance était aux révisions constamment négatives ; c’est donc une très agréable surprise par rapport à l’hypothèse par défaut que ces révisions à la baisse se poursuivraient.
Les révisions ont également considérablement refaçonné les derniers mois. Contrairement à un marché du travail qui perd constamment des emplois, jusqu’en dessous du seuil de 100 000 emplois par mois, la moyenne mobile sur trois mois s’établit maintenant à plus de 186 000 emplois par mois, un nombre éminemment robuste. Ce n’est pas beaucoup moins que les 203 000 nouveaux emplois mensuels moyens de l’année dernière. Les faibles données d’août sur l’emploi semblent maintenant être une exception plutôt que le début inquiétant d’une nouvelle tendance.
Le taux de chômage ayant baissé au cours de chacun des deux derniers mois (d’un sommet de 4,3 % à 4,1 %), le glissement régulier antérieur du taux de chômage a au moins été temporairement interrompu. Bien que la règle de Sahm ait déjà été déclenchée (ce qui signifie qu’une récession se produit habituellement après que le taux de chômage a augmenté autant qu’il l’a déjà fait de son niveau le plus bas), le risque de récession diminue à mesure que le taux de chômage change de cap.
Ailleurs, l’indice ISM (Institute for Supply Management) du secteur manufacturier est resté faible, mais l’indice ISM des services a assez bien rebondi, passant d’un résultat correct de 51,5 à un solide résultat de 54,9.
Revirement remarquable, les investisseurs estiment à nouveau que les bonnes nouvelles économiques sont de bonnes nouvelles pour les marchés, maintenant que les craintes d’inflation ont considérablement diminué.
Avec l’aide des baisses de taux (dont nous reparlerons plus loin), l’économie peut tout à fait opérer un atterrissage en douceur.
Revirement remarquable, les investisseurs estiment à nouveau que les bonnes nouvelles économiques sont de bonnes nouvelles pour les marchés, maintenant que les craintes d’inflation ont considérablement diminué. Ce changement survient après que la vigueur des données économiques eut été source de préoccupation, car elle risquait d’aggraver l’inflation.
Au niveau international, à l’exception de l’Allemagne qui a récemment connu des difficultés, on s’entend pour dire que le risque de récession est à présent beaucoup plus faible dans les pays développés qu’il ne l’était durant la majeure partie des deux dernières années (voir le graphique suivant).
La probabilité d’une récession est maintenant relativement faible, à part en Allemagne
Au 14 octobre 2024. Probabilité médiane de récession selon les dernières prévisions reçues dans le cadre de sondages menés par Bloomberg. Sources : Bloomberg, RBC GMA.
Baisses des taux plus modérées de la Réserve fédérale
Les banques centrales sont résolument en mode assouplissement (voir le graphique suivant). La Fed a été la dernière des principales d’entre elles à joindre le mouvement le 18 septembre, en décrétant une baisse de taux substantielle de 50 pb.
Les banques centrales amorcent l’abaissement des taux d’intérêt
Au 10 octobre 2024. Graphique établi d’après les taux directeurs de 30 pays. Sources : Haver Analytics, RBC GMA.
Toutefois, nous avons récemment exprimé des préoccupations, car les baisses de taux prises en compte par les marchés pour les prochaines réunions nous semblaient exagérées, les réductions de 50 pb qui étaient anticipées pour les États-Unis étant loin d’être certaines.
Depuis, le marché s’est rapproché de notre point de vue, après la publication de plusieurs indicateurs.
Les données sur l’emploi aux États-Unis, mentionnées plus haut, se sont révélées excellentes, comme d’autres signes de la santé de l’économie.
L’indice des prix à la consommation (IPC) des États-Unis, annoncé par la suite, a légèrement dépassé les prévisions. Ainsi, l’inflation de base s’est établie à 0,3 % d’un mois sur l’autre (voir le graphique suivant). Même si l’IPC global a reculé d’une année sur l’autre et que l’inflation des prix du logement a enfin décéléré, cette nouvelle nous rappelle que l’inflation élevée n’est pas encore complètement maîtrisée.
Surprise concernant l’inflation aux États-Unis
En date de septembre 2024. La zone ombrée représente une récession. Sources : Bureau of Labor Statistics (BLS) des États-Unis, Macrobond et RBC GMA.
Même si la vaste majorité des participants à la réunion de la Fed du 18 septembre ont approuvé la réduction de 50 pb qui a été décidée, le procès-verbal montre que certains (en plus de la seule personne qui s’opposait à toute baisse) auraient préféré une baisse de 25 pb. En outre, une partie de ceux qui ont appuyé la réduction de 50 pb aurait été satisfaite si elle avait été de 25 pb. On voit donc bien que la banque centrale n’a pas agi sous le coup de la panique parce qu’elle était à la traîne.
Les taux des obligations ont en effet augmenté depuis lors et les réductions de taux prises en compte ne sont plus aussi importantes. Le marché prévoit maintenant que le taux directeur des États-Unis s’établira à 3,5 % d’ici juillet prochain. Cela représente un rajustement marqué par rapport au taux de 2,9 % qui était prévu voilà tout juste quelques semaines. Cette révision est encourageante, mais nos prévisions s’écartent du nouveau consensus : nous sommes d’accord qu’une baisse de 25 pb est plus probable qu’une baisse de 50 pb en novembre (voir le graphique suivant) et nous nous attendons également à une autre réduction de 25 pb à la dernière réunion de 2024.
L’ampleur de la réduction des taux de la Réserve fédérale prévue pour novembre a été révisée à la baisse
Au 14 octobre 2024. Sources : Bloomberg, RBC GMA.
La probabilité d’une victoire de M. Trump augmente
Alors que jusqu’en septembre, la candidate démocrate Kamala Harris avait réussi à se constituer une avance légère, mais inébranlable, un renversement significatif s’est produit au cours des dernières semaines. Mme Harris est à présent derrière son rival selon PredictIt et bien d’autres marchés des paris (voir le graphique suivant).
La course à la présidence est très serrée
Au 15 octobre 2024. D’après les marchés de prédiction et les calculs de RBC GMA. Sources : PredictIt, Macrobond, RBC GMA
Pourquoi Mme Harris a-t-elle perdu son avance ? Deux facteurs peuvent expliquer ce revers :
Elle s’est montrée peu convaincante lors de récentes entrevues, en particulier parce qu’elle n’a pas su expliquer en quoi elle est différente de l’impopulaire président Biden.
Les deux ouragans qui ont récemment frappé le sud-est des États-Unis pourraient nuire à ses chances. La réponse de la Maison-Blanche a été critiquée, et les électeurs de la Géorgie et de la Caroline du Nord, deux États pivots qui ont été durement touchés, pourraient exprimer leur mécontentement aux urnes. D’un autre côté, les régions les plus dévastées penchent en faveur des républicains et la participation pourrait y être plus faible, puisque les gens pourraient donner la priorité aux efforts de reconstruction plutôt qu’à l’élection.
Comme nous le disons depuis le début, la course demeure serrée et le résultat dépendra probablement de quelques dizaines de milliers de voix dans une petite poignée d’États. Dans un tel scénario, il est impossible de se livrer à des prédictions.
La situation au Moyen-Orient accroît également l’incertitude qui plane sur les élections. Une nouvelle escalade du conflit pourrait mettre en évidence le fait que la Maison-Blanche n’a guère d’influence sur les parties en conflit et une éventuelle intervention des États-Unis (ou leur inaction) pourrait soulever la colère des divers blocs électoraux.
Nous avons déjà longuement discuté des répercussions économiques des programmes des deux candidats dans le numéro précédent du MacroMémo. Bien que notre point de vue n’ait pas beaucoup changé depuis, nous avons élaboré un tableau pratique pour résumer les principaux facteurs déterminants et leurs résultats (voir le tableau suivant).
Dans l’ensemble, aucun des deux candidats ne devrait déployer d’importantes mesures de relance budgétaire. Trump est peut-être plus susceptible de donner un modeste coup de pouce à l’économie à court terme, mais il est alors plus susceptible d’exercer un léger freinage à moyen terme. L’inflation augmenterait probablement peu à peu sous une administration Trump, et le marché boursier favorise Trump alors que le marché obligataire favorise Harris.
Comparaison des programmes électoraux de Trump et de Harris
Estimation des répercussions au 4 octobre 2024. Source : RBC GMA.
Tout aussi importante (économiquement) que l’identité du gagnant est la question de savoir si le Congrès se regroupera massivement derrière le vainqueur. À l’heure actuelle, cela semble peu probable, d’où les répercussions économiques plutôt modestes mentionnées ci-dessus. Mais en cas de balayage – et cela se produit à une fréquence surprenante lors des élections présidentielles –, un tel résultat ouvrirait la voie à l’injection d’encore plus d’argent dans l’économie, quel que soit le parti qui réussit l’exploit.
Mesures de relance en Chine
L’économie chinoise suscite encore des inquiétudes légitimes. Le profil démographique, les frictions avec les États-Unis, les difficultés du marché du logement et le favoritisme à l’égard du secteur public par rapport au secteur privé sont tous vraiment préoccupants. Il convient aussi de noter ce qui suit :
La croissance de la masse monétaire a récemment chuté (voir le graphique suivant) et l’inflation est presque inexistante.
Les prix des logements baissent, les investissements immobiliers reculent, les importations stagnent et les ventes au détail n’augmentent que de 2 % par an.
La confiance des consommateurs demeure très faible (voir le graphique suivant).
Selon des rapports, plus d’un million de restaurants chinois ont fermé au cours du premier semestre 2024, ce qui est presque autant que durant toute l’année précédente.
La croissance de la masse monétaire a considérablement ralenti en Chine
En date de septembre 2024. Sources : Macrobond, RBC GMA.
La confiance des consommateurs chinois demeure anémique depuis le confinement à Shanghai
En date d’août 2024. Sources : National Bureau of Statistics of China, Macrobond, RBC GMA.
Manifestement, tout ne va pas si bien en Chine. Mais nous pensons également que le degré d’inquiétude est peut-être exagéré.
En réponse aux rumeurs selon lesquelles l’économie de la Chine serait possiblement en net déclin si les données « réelles » étaient révélées, mentionnons que nos indicateurs alternatifs du PIB de la Chine affirment toujours que l’économie continue fort probablement de croître à peu près au taux officiel (voir le graphique suivant). Le PIB officiel de la Chine demeure sur la voie d’une croissance de près de 5 % en 2024.
D’autres indicateurs confirment le PIB de la Chine
Indice Li Keqiang en date de juillet 2024 ; PIB au T2 de 2024 ; outil de suivi des activités cycliques en Chine (SACC) au T2 de 2024. Indice d’activité économique (juillet 2024) établi à l’aide de huit indicateurs indirects de l’activité économique. Sources : Clark, Pinkovskiy et Sala-i-Martin, Is Chinese growth overstated? ; Réserve fédérale de New York, Liberty Street Economics, 2017 ; Réserve fédérale de San Francisco, Haver Analytics, Macrobond, RBC GMA.
Malgré la faiblesse du secteur du logement et du commerce de détail, les sources traditionnelles de vitalité de la Chine, comme les exportations et la production industrielle, demeurent solides (voir le graphique suivant). Certains signes semblent aussi indiquer que les transactions immobilières chinoises commencent à reprendre de la vigueur.
Indicateurs économiques mensuels de la Chine
En date d’août 2024. La moyenne de 2019 a été indexée sur 100. Sources : Haver Analytics, RBC GMA.
L’autre aspect positif clé pour la Chine, c’est que les décideurs politiques du pays recommencent à prendre des mesures. À la fin de septembre, ils ont annoncé un certain nombre de nouvelles initiatives importantes :
Une diminution de 50 pb du coefficient de réserves (une autre baisse étant prévue d’ici la fin de l’année).
Une série de réductions de taux d’intérêt connexes, dont une de 50 pb des taux hypothécaires.
Un abaissement de la mise de fonds minimale pour les résidences secondaires (de 25 % à 15 %).
De l’aide supplémentaire aux gouvernements locaux pour l’achat de propriétés invendues mais achevées qui engorgent le marché immobilier.
Un total de 800 milliards de renminbis sous forme de liquidités réparti entre deux programmes visant à soutenir les achats en bourse par les grandes institutions financières et entreprises chinoises.
Les marchés boursiers chinois ont grimpé en flèche à la suite de l’apport de liquidités et demeurent nettement plus élevés qu’auparavant, même s’ils ont depuis perdu une partie des gains initiaux (voir le graphique suivant). De plus, les prix mondiaux des marchandises ont quelque peu augmenté en raison de la possibilité d’une hausse de la demande chinoise (voir le deuxième graphique).
Les marchés boursiers chinois ont grimpé en flèche à la suite de l’annonce des mesures de relance
Au 14 octobre 2024. Sources : Bourse de Shanghai, Bourse de Shenzhen, Macrobond, RBC GMA.
Les prix des marchandises ont récemment augmenté
Au 10 octobre 2024. La zone ombrée représente une récession aux États-Unis. Sources : S&P Global, Macrobond, RBC GMA.
De récents rapports laissent également entendre que les décideurs chinois ont d’autres plans en réserve. Apparemment qu’une attention particulière serait accordée à l’aide aux gouvernements locaux aux prises avec des problèmes d’endettement importants. Cela aiderait aussi les nombreuses banques qui ont prêté à ces derniers. À cette fin, la Chine pourrait ajouter jusqu’à 6 000 milliards de renminbis à la capacité d’emprunt fédérale.
Il semblerait aussi que les décideurs envisagent de prendre des mesures pour soutenir la demande par l’intermédiaire des consommateurs chinois. Ce virage longtemps attendu devra toutefois être mis en œuvre avec soin, étant donné la propension des ménages chinois à épargner plutôt qu’à dépenser.
Il convient de gérer les attentes avec prudence, car les chances que l’économie chinoise revienne à ses jours glorieux de croissance supérieure à 6 % sont minces. Au contraire, nous sommes d’avis qu’une décélération progressive vers une croissance annuelle de 3 % à 4 % est le scénario le plus probable. Cela reste néanmoins suffisant pour que la Chine demeure une puissance mondiale et pour lui permettre de marcher sur les traces du Japon et de la Corée du Sud vers le statut de pays développé.
Risque lié aux prix du pétrole
Le prix du West Texas a considérablement augmenté au cours du dernier mois, passant de 66 $ à 77 $ (voir le graphique suivant). Cette hausse s’explique en grande partie par l’escalade des tensions au Moyen-Orient.
L’escalade des tensions au Moyen-Orient a poussé le prix du brut à la hausse
Au 11 octobre 2024. Sources : Macrobond, RBC GMA.
Même en dehors de cette situation, nous croyons que les prix du pétrole sont davantage soumis à un risque de hausse que de baisse.
Certes, les préoccupations relatives à la croissance mondiale – et plus particulièrement à la croissance chinoise – sont fondées. Cela dit, l’économie mondiale est plus susceptible de connaître un atterrissage en douceur que brutal, et nous pensons que les inquiétudes concernant l’économie chinoise sont, au minimum, légèrement exagérées.
Les prix du pétrole oscillent toujours autour d’un niveau modéré, malgré la probabilité d’une intensification du conflit au Moyen-Orient. Selon une approximation raisonnable, les prix normaux se situent entre 70 $ et 90 $ le baril; or, ils se trouvent encore dans la moitié inférieure de cette fourchette. Bien entendu, il existe des scénarios dans lesquels les prix s’aventurent un peu au-dessus de la normale pendant un certain temps, en cas de restriction de l’offre suffisamment importante.
Bref, les prix du pétrole sont davantage susceptibles d’être légèrement plus élevés que l’inverse à court et à long terme.
Nous nous hasarderions en outre à supposer que les prix du pétrole risquent plus d’augmenter graduellement que de baisser à long terme. Cette évolution se produirait d’une part, juste pour suivre le rythme de l’inflation et, de l’autre, parce qu’au tournant de la décennie, tout pic structurel et tout repli subséquent de la demande pourraient être plus que compensés par un pic structurel et un repli subséquent de l’offre.
Bref, les prix du pétrole sont davantage susceptibles d’être légèrement plus élevés que l’inverse à court et à long terme.
Cependant, nous nous opposons à l’idée d’une forte probabilité que les prix explosent à cause du conflit au Moyen-Orient, et plus particulièrement à celle voulant qu’ils se maintiennent durablement à un niveau extrême.
Bien sûr, il est possible que les installations iraniennes d’extraction, de raffinage ou d’expédition de pétrole soient ciblées, ce qui ferait augmenter les prix. Quoi qu’il en soit, les cours actuels reflètent déjà cette possibilité. De surcroît, l’Iran, qui n’est plus ce qu’il était autrefois, ne génère aujourd’hui que 3 % de la production mondiale.
En comparaison, l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) dispose d’une capacité de réserve équivalant à près de 5 % de la production mondiale et serait donc en mesure de combler la part de l’Iran au fil du temps.
Essentiellement, les prix du pétrole sont plus susceptibles d’augmenter que de chuter, mais nous repoussons l’idée d’une nouvelle explosion durable, même face à un risque géopolitique réel.
Après l’éclatement de la guerre en Ukraine en février 2022, les acheteurs occidentaux ont dédaigné la production énergétique de la Russie. Celle-ci continue toutefois de produire et de vendre une énorme quantité d’énergie. Alors que les acheteurs occidentaux se sont retirés, d’autres pays désireux d’obtenir une réduction de prix (ou écartés de leur fournisseur habituel par les pays occidentaux ayant changé leur fusil d’épaule) ont augmenté leurs achats auprès de la Russie. L’Inde et la Chine ont joué un rôle particulièrement central. Ainsi, après sa montée initiale, le prix du pétrole a ensuite fait volte-face. Si l’Iran se trouve encore plus limité dans sa capacité à vendre son pétrole à des acheteurs classiques, ne sous-estimons pas sa capacité à emboîter le pas à la Russie.
Le secteur américain de l’huile de schiste demeure un important producteur d’appoint, capable d’accroître et de réduire la production assez rapidement si le signal des prix devient suffisamment convaincant. La durée des chocs pétroliers mondiaux s’en trouve ainsi réduite. En d’autres termes, toute flambée des prix du pétrole serait probablement plus brève.
Il semble clair que les principaux intervenants ne tiennent pas particulièrement à voir augmenter les prix du pétrole. Cela vaut certainement pour les consommateurs. Et la Maison-Blanche. Ordinairement, on pourrait faire valoir que les producteurs de pétrole le voudraient, mais l’OPEP (et par extension l’Iran) devrait craindre des prix du pétrole élevés parce que les États-Unis pourraient alors continuer à engloutir des parts de marché. Les producteurs de pétrole doivent aussi tenir compte du fait qu’un nouvel épisode de prix pétroliers démesurés inciterait de nombreux ménages ayant l’intention d’acheter une voiture à passer à un véhicule électrique et à d’autres technologies écoénergétiques. La demande de pétrole à l’avenir en serait ainsi définitivement réduite.
Essentiellement, les prix du pétrole sont plus susceptibles d’augmenter que de chuter, mais nous repoussons l’idée d’une nouvelle explosion durable, même face à un risque géopolitique réel.
Le point sur l’économie canadienne
Dans cette section, nous abordons les dernières statistiques sur l’emploi au Canada (bons résultats), l’Enquête sur les perspectives des entreprises (recul malgré une légère amélioration), les derniers chiffres de l’IPC du pays (ralentissement). Nous donnons aussi notre pronostic de la prochaine décision concernant la Banque du Canada.
Statistiques sur l’emploi au Canada
Comme aux États-Unis, les statistiques sur l’emploi au Canada ont largement dépassé les prévisions, les 46 700 postes créés en septembre ayant facilement surpassé les prévisions générales (27 000 postes). Au cours des derniers mois, le taux d’embauche s’est solidement accéléré. Souvenez-vous : au cours de l’été, des emplois ont été supprimés pendant deux mois consécutifs (voir le graphique suivant).
Rebond positif du recrutement au Canada
En date de septembre 2024. Sources : Statistique Canada, Haver Analytics, Macrobond, RBC GMA.
L’embauche était axée sur le secteur privé (+61 000). Il s’agit là d’un bon indicateur pour la santé de l’économie. Le taux de chômage a également reculé (de 6,6 % à 6,5 %). Ce fut un grand soulagement au vu de la forte progression antérieure (pour rappel, le taux de chômage canadien était même tombé à 4,8 % à la fin de 2022).
En toute honnêteté, bien que les statistiques sur l’emploi étaient positives en termes nets, quelques faiblesses ont été enregistrées. La baisse du taux de chômage est principalement attribuable à la baisse du taux d’activité. Au Canada, la croissance démographique est si rapide qu’une création de 50 000 emplois en un mois peine à tenir le rythme. De même, le nombre total d’heures travaillées a chuté de 0,4 % en septembre, ce qui laisse à penser que les entreprises canadiennes n’ont pas sollicité davantage de main-d’œuvre malgré le plus grand nombre de travailleurs.
Ceux qui observent la Banque du Canada auront également remarqué que la croissance des salaires horaires a ralenti, passant de +5,0 % d’une année sur l’autre à +4,6 % d’une année sur l’autre, rompant ainsi avec le niveau de 5 % toujours maintenu. Dernièrement, nous avons abordé le fait que d’autres indicateurs salariaux canadiens montrent déjà un affaiblissement de la croissance des salaires au Canada.
Enquête sur les perspectives des entreprises
La dernière enquête trimestrielle sur les perspectives des entreprises au Canada a montré que la demande demeurait modérée, mais aussi que l’activité économique donnait des signes de reprise et que les tensions inflationnistes avaient tendance à s’apaiser. Ce sont deux bonnes nouvelles.
Du côté de l’activité, comme le montre l’indicateur global de l’enquête sur les perspectives des entreprises, les prévisions de croissance pour les 12 prochains mois et les indicateurs des ventes futures se sont légèrement améliorés (voir les deux tableaux suivants). Il est possible que l’activité économique reprenne un peu de vitesse, de façon générale, bien que l’embauche et les projets d’investissement restent inchangés.
L’indicateur de l’enquête sur les perspectives des entreprises au Canada est devenu moins négatif
Au T3 2024. Sources : Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada, Macrobond, RBC GMA.
Les entreprises canadiennes prévoient une amélioration de la croissance des ventes
Au T3 2024. Pourcentage des entreprises qui prévoient une croissance des ventes, diminué du pourcentage des entreprises qui prévoient un ralentissement de la croissance au cours des 12 prochains mois. Sources : Enquête sur les perspectives des entreprises de la Banque du Canada, Macrobond, RBC GMA.
Sur le front des prix, il semble que les tensions inflationnistes continuent de s’apaiser. Les attentes d’inflation des sociétés continuent de fléchir dans tous les horizons temporels (voir le graphique suivant). La part des entreprises qui s’attendent à une inflation supérieure à 3 % au cours des deux prochaines années a chuté de 41 % à seulement 15 % au cours du dernier trimestre.
Les attentes d’inflation au Canada continuent de baisser
Conclusions de l’étude Pouls des entrepreneurs en septembre 2024 ; enquête sur les perspectives des entreprises au troisième trimestre 2024. Sources : Banque du Canada, RBC GMA.
L’enquête sur les attentes des consommateurs au Canada qui accompagne cette étude confirme que les ménages continuent de réviser leurs attentes d’inflation à la baisse (voir le graphique suivant). L’enquête montre également une amélioration de l’attitude des consommateurs face au stress financier. Les pourcentages de consommateurs estimant que leur situation financière se détériore ou se détériorera, que l’accès au crédit devient ou deviendra plus difficile, qu’ils ont une chance de perdre leur emploi, ou qu’ils ont une chance de faire défaut sur un remboursement de dette sont autant d’indicateurs qui ont nettement reculé au cours du dernier trimestre.
Il s’agit de données extrêmement importantes, en cette période déroutante où le taux directeur du pays diminue alors que les prêts hypothécaires sont en cours de renouvellement à des taux plus élevés.
Les attentes d’inflation des consommateurs canadiens sont en déclin
Au T3 2024. Sources : Enquête sur les attentes des consommateurs au Canada, Banque du Canada, Macrobond, RBC GMA
IPC de septembre au Canada
Selon l’IPC du Canada, l’inflation a faibli en septembre (voir le graphique suivant). Cette baisse est conforme aux points de vue exprimés dans l’Enquête sur les perspectives des entreprises, selon lesquels les tensions inflationnistes s’amenuisent.
Inflation globale et inflation de base selon l’IPC du Canada
En date de septembre 2024. Sources : Statistique Canada, Macrobond, RBC GMA.
Le chiffre annuel global est passé d’un niveau déjà faible de +2,0 % à seulement +1,6 % d’une année sur l’autre – un résultat inférieur aux prévisions consensuelles et inférieur à la cible. En fait, les prix ont reculé pour un deuxième mois consécutif (de 0,4 % en septembre, après un repli de 0,2 % en août), bien qu’ils soient restés stables en données désaisonnalisées. Le principal facteur déflationniste a été la baisse des prix de l’essence.
Le coût du loyer, qui a ralenti de +8,9 % à +8,2 % d’une année sur l’autre, a également représenté une amélioration importante. Le coût du logement a représenté la dernière des principales sources de tensions inflationnistes au Canada, et nous avons prédit une décélération des augmentations de loyer.
Le Canada présente un large éventail de mesures différentes sur le plan de l’inflation de base :
L’IPC médian est demeuré inchangé, dans la lignée de la cible de +2,3 % d’une année sur l’autre.
L’IPC tronqué est demeuré inchangé à +2,4 % d’une année sur l’autre (bien qu’au-dessous des prévisions générales).
L’IPC excluant les aliments et l’énergie s’est établi à un niveau identique de 2,4 % d’une année sur l’autre.
En conclusion, l’inflation a reculé au Canada et elle se situe maintenant dans une fourchette acceptable. Bien que les manchettes donnent une vue optimiste de la situation générale, nous continuons de penser qu’un nouveau déclin pourrait survenir, compte tenu de la mollesse de l’économie et de la chute des attentes d’inflation.
En attendant la décision de la Banque du Canada
Comment la Banque du Canada réagira-t-elle ? Selon nous, elle reste prête à réduire les taux, mais la situation est un peu moins urgente qu’il y a un mois.
Au vu de l’amélioration constatée sur le marché de l’emploi, de l’apaisement des préoccupations financières des ménages, de l’embellie progressive des perspectives des entreprises et des prix du pétrole plus élevés par rapport à la dernière publication de l’IPC (cette dernière tendance ayant trait à l’inflation et au secteur pétrolier du pays), la nécessité d’une série d’importantes réductions du taux de référence à court terme a diminué.
Évidemment, les baisses de taux demeurent nécessaires, dans une certaine mesure, étant donné que le niveau du chômage est au-dessus de son taux naturel, que la trajectoire de l’inflation est globalement favorable et que les taux d’intérêt restent restrictifs.
À notre avis, le scénario le plus probable est celui d’une baisse des taux de 50 points de base le 23 octobre, surtout si nous tenons compte du précédent établi par les États-Unis et du fait que les marchés anticipent déjà un changement de 50 points de base. Mais cette nécessité est moins marquée qu’auparavant, et un changement de 25 points de base est de l’ordre du possible. Par conséquent, nous supposons que la Banque du Canada reviendra à des réductions de 25 points de base en décembre, bien qu’il lui reste beaucoup de données à mettre dans la balance avant de prendre une décision lors de cette réunion.
– Avec la contribution de Vivien Lee et d’Aaron Ma
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