Aperçu
Cette semaine, nous traitons de la baisse du nombre de cas de COVID-19, d’un éventail de nouvelles économiques et des trois grands enjeux actuels : l’économie chinoise (une préoccupation croissante), les problèmes liés aux chaînes logistiques (une préoccupation sérieuse, mais légèrement décroissante) et l’inflation (une préoccupation sérieuse et constante). Nous examinons ensuite certains thèmes à long terme, notamment la reprise des voyages d’affaires et le poids grandissant de la main-d’œuvre au détriment du capital.
Les infections sont principalement en baisse
La COVID-19 demeure essentiellement en recul dans le monde (voir le graphique suivant). C’est le cas dans la majeure partie des États-Unis, du Canada, ainsi que des pays développés et émergents.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 dans le monde
Au 17 octobre 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Cela dit, il existe quelques exceptions importantes. Il est à noter que certains pays comme l’Australie et Singapour, qui tous deux ont récemment abandonné les politiques d’éradication de la COVID-19, ont connu une recrudescence des infections (voir le graphique suivant).
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 en Australie
Au 17 octobre 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
De plus, des preuves provisoires indiquent que le nombre de cas commence à remonter dans certaines régions d’Europe, notamment en Allemagne, en France et aux Pays-Bas (voir le graphique suivant). Comme nous le verrons plus loin, l’Europe s’est particulièrement empressée de normaliser certaines activités telles que le travail dans les bureaux et les voyages d’affaires.
Cas de COVID-19 et décès causés par la COVID-19 en Allemagne
Au 17 octobre 2021. Moyennes mobiles sur sept jours du nombre quotidien de nouveaux cas et de décès. Sources : OMS, Macrobond, RBC GMA
Évolution de la conjoncture économique
Nous nous attaquons maintenant à un éventail de nouvelles économiques.
Embouteillages
Les mesures en temps réel de la congestion routière révèlent qu’en Europe, les niveaux de circulation aux heures de pointe du matin et de l’après-midi sont maintenant revenus à leurs normes d’avant la pandémie. Ces données sont légèrement supérieures à celles de la plupart des villes nord-américaines et asiatiques, qui restent en deçà des normes antérieures.
Nous considérons cette situation comme un indicateur du retour des travailleurs dans les bureaux, mais cela en dit aussi plus long sur la normalisation de la vie quotidienne. Certes, dans la mesure où le transport en commun a perdu en popularité, les chiffres dressent sans doute un portrait amplifié.
Ce qui est étrange, c’est qu’en termes économiques, l’Europe est à la traîne plutôt qu’à la tête de la reprise post-pandémie. Peut-être que le trafic reflète davantage une rigidité des pratiques de travail européennes qu’une véritable normalisation économique. L’Europe s’était aussi démarquée pour le rythme rapide auquel ses travailleurs étaient retournés au bureau après le premier confinement en 2020 et pourtant, son économie n’était pas en avance à ce moment-là non plus.
L’humeur médiatique s’assombrit encore plus
L’indice de confiance selon les nouvelles quotidiennes de la Réserve fédérale de San Francisco continue de fléchir. Cette tendance, que nous avons signalée par le passé, s’est récemment beaucoup accentuée (voir le graphique suivant). À notre avis, cette mesure a bien rendu compte des fluctuations de l’activité au cours des dernières années. Effectivement, l’activité économique américaine est en perte de vitesse depuis plusieurs mois.
L’indice de confiance selon les nouvelles quotidiennes à l’heure de la COVID-19
Au 3 octobre 2021. Sources : Federal Reserve Bank de San Francisco, Macrobond, RBC GMA
La dernière baisse reflète probablement les manchettes négatives associées aux problèmes de la Chine, aux chaînes logistiques et à l’inflation, autant de sujets que nous abordons plus loin dans ce billet. Compte tenu de tout cela, nous nous demandons si l’humeur médiatique n’est pas sur le point de s’améliorer. Des indicateurs provisoires laissent entendre que l’économie américaine commence à se redresser plus rapidement et que certains problèmes mondiaux s’atténuent un peu.
Mélange de données traditionnelles aux États-Unis
Aux États-Unis, le nombre d’emplois créés en septembre s’est établi à 194 000, soit moins de la moitié des prévisions générales. Cependant, cette déception a été compensée par le fait que les révisions ont révélé 169 000 emplois supplémentaires créés au cours des mois précédents et que le nombre de travailleurs embauchés est supérieur à ce qui serait strictement nécessaire pour suivre la croissance démographique. Bien qu’il y ait cinq millions d’Américains sans emploi de plus qu’avant la pandémie, le taux de chômage n’en a pas moins chuté à seulement 4,8 %.
Il convient de préciser que si le taux d’embauche semble avoir ralenti, le nombre de demandes initiales de prestation d’assurance-emploi a continué de baisser considérablement. La semaine dernière, celles-ci se sont chiffrées à seulement 293 000. Ce nombre n’est pas si loin des 222 000 demandes enregistrées dans la dernière semaine de 2019 (un creux en 50 ans), mais à des années-lumière des 6 millions de la pire semaine de 2020 !
Les inscriptions au chômage aux États-Unis oscillent autour de leur creux de la pandémie
En date de la semaine se terminant le 2 octobre 2021. La zone ombrée représente une récession. Sources : Département du Travail, Haver Analytics, RBC GMA.
Les deux indices de l’Institute for Supply Management (ISM) pour septembre suggèrent que la décélération de l’économie américaine pourrait prendre fin. La composante manufacturière a grimpé à 61,1, son niveau le plus élevé en quatre mois. La composante des services, quant à elle, a atteint 61,9. Il s’agit de la deuxième valeur la plus élevée en quatre mois et un résultat spectaculaire par rapport à la normale.
Par conséquent, la Réserve fédérale pourra probablement commencer son resserrement avant la fin de l’année. Le message a été suffisamment clair pour que le marché obligataire en tienne déjà compte.
En ce qui concerne les autres politiques publiques américaines, le plafond de la dette a été reporté au début de décembre, conformément à la prolongation du financement gouvernemental jusqu’à cette date. Selon toute vraisemblance, le projet de loi sur les infrastructures, le financement gouvernemental et le plafond de la dette seront tous abordés à ce moment-là dans une course effrénée.
La vigueur canadienne est susceptible de s’estomper
Au Canada, en septembre, 157 000 emplois ont été créés, un nombre gargantuesque. Ainsi, le taux de chômage est passé de 7,1 % à 6,9 %. L’emploi au Canada se situe donc au-dessus du pic d’avant la pandémie, bien que d’autres embauches soient nécessaires pour éliminer complètement le marasme du marché du travail, étant donné que la population du pays a augmenté au cours des deux dernières années.
De surcroît, la plus récente Enquête sur les perspectives des entreprises au Canada est très encourageante. Les résultats sommaires sont sans contredit les plus forts jamais enregistrés. Bien que les entreprises ne soient plus aussi convaincues que leurs ventes augmenteront plus rapidement qu’au cours de la dernière année (vraiment, comment pourraient-elles ?), les projets de dépenses en immobilisations et d’embauches sont à leurs sommets.
Le rapport révèle également une quantité non surprenante de pressions en matière de capacité et d’inflation. Les prévisions de croissance des salaires sont plus élevées que jamais et les entreprises font état des pénuries de main-d’œuvre les plus intenses en 22 ans, soit depuis que l’enquête existe. Les prix des intrants et des extrants devraient aussi augmenter rapidement, et un nombre inégalé d’entreprises prévoient une inflation supérieure à 3 % au cours des deux prochaines années.
Lorsqu’interrogées à savoir quels obstacles les empêcheraient de faire face à une hausse inattendue de la demande, les entreprises ont majoritairement répondu la pénurie de main-d’œuvre. Les problèmes liés aux chaînes logistiques figurent aussi parmi les réponses, mais dans une moindre mesure.
Fossé entre le Canada et les États-Unis
Il est intéressant de noter que, si le niveau d’emploi du Canada atteint des records, on ne peut pas encore en dire autant de sa production économique. À l’inverse, aux États-Unis, l’économie a dépassé son pic d’avant la pandémie à la fin de mai, alors qu’il reste du chemin à parcourir avant qu’il en soit de même pour le marché du travail. Cette dichotomie est pour le moins inhabituelle.
Qui est en meilleure position ? Cela dépend de votre point de vue. Les États-Unis sont certainement admirables en ce sens qu’ils ont réussi à assurer une croissance considérable de la productivité avec moins de travailleurs. Les marchés financiers préfèrent naturellement cet état. Le Canada s’en tire moins bien en termes de productivité, mais au moins, sa population active n’est plus gravement compromise, un objectif clé pour les décideurs durant les relances économiques.
Restrictions régionales
Après plusieurs mois de croissance économique rapide pendant lesquels le pays était engagé dans une phase de rattrapage, de nouvelles perturbations modérées liées à la pandémie sont à prévoir au Canada. Deux régions du pays ont considérablement resserré leurs restrictions en raison de la forte hausse récente des cas de COVID-19 : les provinces de l’Atlantique et la région des Prairies (voir le graphique suivant).
Rétablissement des restrictions relatives à la COVID-19 dans certaines régions du Canada
Au 29 septembre 2021. Les provinces de l’Atlantique sont le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard. Les Prairies comprennent l’Alberta, le Manitoba et la Saskatchewan. Sources : Banque du Canada, RBC GMA
Ralentissement en Chine
L’économie chinoise a fortement ralenti au troisième trimestre, enregistrant une augmentation d’à peine 4,9 % d’une année sur l’autre. Il importe toutefois de regarder au-delà de ce chiffre. Nous connaissions déjà les résultats de trois des quatre trimestres couverts par l’année en question. Au cours du plus récent trimestre, de juillet à septembre, l’économie a progressé de 0,2 % seulement. Il s’agit d’une hausse dérisoire pour un pays comme la Chine, dont le taux de croissance est habituellement environ sept fois plus élevé.
La croissance devrait s’améliorer légèrement au quatrième trimestre, mais elle demeurera tout de même nettement inférieure à la normale. Nous tablons par ailleurs sur un taux de croissance de moins de 5 % pour la Chine en 2022. Ce taux est bien en deçà de celui d’avant la pandémie et est légèrement inférieur aux prévisions générales, mais il est somme toute assez intéressant selon les normes de pratiquement tous les autres pays du monde.
Nous tenons à préciser que rien de tout cela n’indique que la relance économique postpandémique de la Chine est en train de s’essouffler. L’économie s’est remise depuis un moment déjà de la plupart des effets secondaires de la pandémie. La situation est plutôt représentative de plusieurs obstacles plus récents :
- un approvisionnement en électricité insuffisant dans les usines;
- les problèmes liés aux chaînes logistiques mondiales;
- la répression des entreprises chinoises, qui vise surtout celles du secteur technologique;
- les revers du marché du logement attribuables au resserrement des règles par le gouvernement et aux difficultés des constructeurs.
Parmi ces obstacles, les problèmes liés à l’électricité devraient être d’assez courte durée. Il est toutefois possible que certaines restrictions persistent pendant plusieurs mois, jusqu’à ce que les pénuries de charbon et de gaz naturel soient résolues ; certaines difficultés attribuables aux nouveaux engagements de la Chine à l’égard des changements climatiques pourraient perdurer.
Les perturbations des chaînes logistiques mondiales se poursuivront vraisemblablement pendant plusieurs mois ; leurs effets seront modérés pendant plusieurs trimestres, avant de se dissiper graduellement au cours des prochaines années (nous en reparlerons plus en détail plus loin). Cela étant dit, les contraintes les plus lourdes ont peut-être déjà commencé à s’estomper.
La répression du secteur de la technologie est certes considérable, mais elle pourrait en fin de compte devenir une force neutre, voire positive, à long terme si elle ouvre la voie à une concurrence accrue à l’échelle de l’économie.
Les préoccupations liées au marché du logement sont plus difficiles à ignorer. Le gouvernement exerce des pressions sur le secteur, mais celui-ci se trouvait sans doute déjà dans une situation excédentaire importante, et la confiance des acheteurs a diminué. Il n’est pas déraisonnable de penser que la faiblesse du secteur de l’immobilier soustraira près de 1,5 % au taux de croissance du pays au cours de l’année à venir.
Les ventes d’appartements accusaient déjà un recul de 20 % à 30 % en septembre par rapport à l’an dernier, avant même que Evergrande et d’autres sociétés du même acabit ne commencent à faire état de leurs problèmes de liquidités. En fait, on pourrait avancer que le refroidissement soudain de la demande est l’une des principales raisons pour lesquelles les promoteurs éprouvent autant de difficultés.
Evergrande, le deuxième constructeur en importance du pays, n’a toujours pas versé la totalité des intérêts exigés sur sa dette étrangère, et les investisseurs se plaignent que la société n’a pas engagé de « dialogue significatif » avec eux depuis son défaut de paiement, en septembre. Le passif total d’Evergrande s’élève à 305 milliards de dollars, dont 37 milliards doivent être remboursés d’ici un an.
D’autres constructeurs connaissent des difficultés similaires :
- Modern Land a demandé un report de trois mois pour ses obligations qui arrivent à échéance en octobre;
- Fantasia a manqué à ses obligations de paiement du capital d’une de ses dettes de premier rang il y a quelques semaines;
- China Fortune Land a fait défaut sur une obligation étrangère en février.
Les investisseurs se sont détournés de l’ensemble des obligations immobilières à rendement élevé chinoises, ce qui a entraîné des taux obligataires régulièrement supérieurs à 20 %.
Lorsque nous avons écrit au sujet des difficultés des promoteurs immobiliers chinois à la fin de septembre, nous avons posé comme postulat qu’il était peu probable que le gouvernement renfloue entièrement les sociétés, mais qu’une certaine conversion en société d’État était possible. La situation demeure instable et cette option est toujours envisageable, mais certains commentaires récents de la Banque populaire de Chine ont plutôt souligné les réticences du gouvernement à prendre des mesures radicales, le problème ayant été décrit comme étant « contrôlable » et peu susceptible de se propager. Le gouvernement a également formulé une critique cinglante à l’égard d’Evergrande, affirmant qu’au lieu de bien gérer ses affaires et d’exercer ses activités de manière prudente dans un contexte d’évolution des conditions du marché, elle avait aveuglément pris de l’expansion et diversifié ses opérations.
Beaucoup d’experts se demandent si nous assistons à un scénario Lehman à la chinoise. Ce n’est probablement pas le cas. La Chine dispose en effet des ressources nécessaires pour éviter au besoin le type de crise financière généralisée qui a suivi la chute de Lehman Brothers en septembre 2008. Il serait peut-être plus productif d’établir des parallèles entre deux événements différents : l’échec de Bear Stearns au milieu de 2008 et l’implosion de l’économie japonaise qui a commencé au début des années 1990.
Les parallèles avec Bear Stearns portent évidemment sur la situation excédentaire du marché du logement et du marché financier, mais se rapportent en fin de compte à l’idée que la position de Bear Stearns a pu être gérée et a révélé des dépassements dont l’importance a été connue plus tard. Il s’agit maintenant pour la Chine de veiller à ce que les problèmes ne fassent pas boule de neige et n’entraînent pas un scénario Lehman.
En ce qui concerne les parallèles avec le Japon, nous savons que l’économie japonaise a subi un ralentissement économique soudain et permanent au début des années 1990, au moment de l’éclatement de sa bulle immobilière, dans un contexte de données démographiques défavorables et d’endettement élevé. La Chine présente elle aussi un marché du logement important en pleine effervescence, des données démographiques médiocres et un endettement considérable. Toutefois, même si la Chine perdait définitivement une partie de l’élan généré par le marché du logement, qui représente entre 15 % et 25 % de son produit intérieur brut (PIB), il est très peu probable qu’elle enregistre un taux de croissance économique pratiquement nul. Le Japon demeure considérablement plus pauvre que la Chine ne l’était alors, ce qui signifie qu’un fort dynamisme naturel devrait persister tandis que le pays continue de viser le niveau de vie des pays développés. De plus, il est peu probable que les décideurs chinois répètent la série d’erreurs politiques qui ont contribué aux problèmes du Japon pendant une dizaine d’années.
Légère amélioration des problèmes liés aux chaînes logistiques
Il est probable que les problèmes liés aux chaînes logistiques persisteront, dans une certaine mesure, pendant plusieurs années.
Le secteur de l’automobile a été particulièrement touché par la pénurie de semi-conducteurs. En conséquence, il ne reste tout simplement pas assez de véhicules pour répondre à la demande, en raison surtout des difficultés d’approvisionnement à ce chapitre. Malgré la demande, les ventes de véhicules de promenade en Chine ont diminué de 17 % par rapport à l’an dernier ; aux États-Unis, elles ont chuté de 25 %.
Nous reconnaissons toutefois que la dynamique des chaînes logistiques s’est considérablement améliorée à plusieurs égards ces derniers temps et que l’intensité des problèmes qui y sont liés devrait s’estomper avec le temps. Par exemple :
- Le nombre de porte-conteneurs devant être déchargés qui attendent à l’ancre ou dans les aires d’attente des deux principaux ports de la Californie du Sud a légèrement reculé pour la première fois depuis le printemps dernier (voir le graphique suivant). Cette amélioration pourrait être en partie attribuable au fait que le port de Los Angeles fonctionnera désormais 24 heures par jour (emboîtant ainsi le pas à la plupart des autres grands ports). Un pourcentage incroyable de 25 % des importations américaines transigent par ces deux ports.
Porte-conteneurs à l’ancrage ou dans les aires d’attente
Au 14 octobre 2021. Marine Exchange of Southern California, RBC GMA
- Les frais d’expédition semblent avoir commencé à diminuer, pour la première fois depuis près de six mois également (voir le graphique suivant). L’indice mondial des conteneurs Drewry demeure relativement élevé, mais a légèrement fléchi ces derniers temps. On rapporte en coulisses que les frais d’expédition d’un conteneur de la Chine à Los Angeles ont chuté de 17 000 $ à 8 000 $, pratiquement du jour au lendemain. Cette chute radicale pourrait être en partie attribuable au fait que les agents qui avaient acquis le plus gros de la capacité cherchent maintenant à s’en défaire, estimant que le marché a atteint un sommet. Les frais d’expédition à long terme pour le même itinéraire commencent déjà à passer sous la barre des 5 000 $.
Les coûts de transport ont bondi pendant la pandémie
Données pour la semaine se terminant le 14 octobre 2021. Sources : Drewry Supply Chain Advisors, RBC GMA
- L’indice des livraisons des fournisseurs et l’indice des prix de l’Institute for Supply Management (ISM) pour l’industrie manufacturière ont tous deux légèrement reculé par rapport à leurs sommets (voir le graphique suivant). C’est un autre signe que la situation a cessé de se détériorer de façon notable.
Les fabricants américains sont aux prises avec les prix élevés des matières premières et la lenteur des livraisons des fournisseurs
En date de septembre 2021. Sources : ISM, Haver Analytics, RBC GMA
- En théorie, les produits destinés à la période du magasinage des Fêtes doivent être expédiés par bateaux à la mi-octobre, afin d’arriver à bon port et d’être déchargés deux à quatre semaines plus tard. Cela signifie que la période critique est en cours et se poursuivra le mois prochain, avec la possibilité d’un répit plus tard.
Tout cela est très utile. Cependant, cela ne signifie pas pour autant que les problèmes de la chaîne logistique sont sur le point d’être entièrement résolus.
Même si les contraintes de transport diminuent peu à peu :
- les frais d’expédition demeurent extrêmement élevés, tout comme le nombre de navires en attente dans les ports ;
- un nombre record de conteneurs attendent d’être ramassés par des camions aux États-Unis et dans d’autres marchés à travers le monde. Cependant, le nombre de camions et de trains est insuffisant pour absorber le volume supplémentaire ;
- on compte d’importants retards dans les usines chinoises. En effet, les entrepôts sont pleins, de sorte que les fabricants refusent de plus en plus de produire davantage, ou en sont tout simplement incapables, tant que leurs clients n’auront pas ramassé les commandes pour les acheminer aux ports ;
- les bateaux, les camions et les trains sont tous moins efficients s’il faut attendre avant que la marchandise soit chargée ou déchargée. Il n’y en a pas assez pour assurer l’approvisionnement normal, sans parler de la forte demande actuelle. Les ports de la Californie du Sud prennent environ deux fois plus de temps que d’habitude pour décharger la cargaison d’un bateau ;
- le coût réel de l’expédition n’a pas eu d’incidence majeure sur les prix des produits ; il représente en fait une fraction relativement faible du prix de la plupart des produits ;
- les répercussions sur les coûts causées par les perturbations des chaînes logistiques à grande échelle devraient se faire sentir avec un certain décalage. Des détaillants ont affrété des bateaux à des prix plus élevés, et les produits touchés par la hausse n’atteindront pas les rayons avant des semaines, voire des mois.
De plus, il ne faut pas oublier que les problèmes de la chaîne logistique ne se limitent pas à l’expédition. En voici d’autres :
- La variété grandissante des achats des consommateurs. Cette tendance bouleverse les chaînes logistiques de façon problématique, et elle ne semble pas près de s’inverser. Selon les estimations de RBC Marchés des Capitaux basées sur des données géospatiales, le nombre de conteneurs entrant dans les ports de Los Angeles et de Long Beach aurait augmenté de 29 %. Si la demande de biens demeure élevée, il faudra attendre la construction d’une nouvelle flotte de navires, un processus de plusieurs années, pour obtenir une solution complète.
- Une quantité insuffisante de certains intrants essentiels, causée non seulement par les retards des bateaux, mais aussi par les capacités de production limitées dans le monde. Il faudra encore quelques années pour résoudre ce problème grâce à de nouveaux sites de fabrication de puces, notamment.
- Les problèmes auxquels font face les usines existantes : les coupures d’électricité en Chine et en Inde, la vague de pandémie qui frappe l’Asie du Sud-Est et les travailleurs migrants qui hésitent à reprendre le travail en Chine.
- Le peu de capacités excédentaires ou de redondance dans les chaînes logistiques, qui fait en sorte qu’elles peuvent difficilement rattraper les retards, même lorsque les contraintes les plus importantes sont levées.
Bref, la situation semble s’être quelque peu améliorée, mais elle est loin d’être réglée. À notre avis, d’importantes perturbations dureront encore quelques mois ; d’autres, plus modérées, s’étendront sur quelques trimestres ; et enfin, certaines distorsions persisteront pendant plusieurs années. Globalement, leurs effets freinent la croissance, tout en stimulant l’inflation.
L’inflation en bref
Nous conservons des prévisions d’inflation supérieures à la moyenne pour 2021 et 2022, non pas parce que nous croyons qu’un changement structurel est en cours, mais à cause des nombreux facteurs qui stimulent l’inflation à court terme, y compris les problèmes liés à la chaîne logistique et la hausse des prix des marchandises.
Le fait de qualifier l’inflation élevée de « temporaire » n’a plus beaucoup de sens. Au printemps dernier, on croyait que la flambée d’inflation ne durerait que quelques mois. Or, elle ne semble toujours pas sur le point de retomber. Néanmoins, nous croyons que les pressions finiront par s’atténuer en 2022, et que l’inflation reviendra à un niveau normal avec le temps.
Voici de nouvelles réflexions sur l’inflation :
Inflation en temps réel – soutenue et élevée
Les mesures de l’inflation en temps réel sur Internet ont cessé d’augmenter aux États-Unis et au Canada depuis quelques mois, mais elles n’ont pas fléchi non plus. Selon ces mesures, l’inflation demeure élevée, mais s’établit autour de 4 % plutôt qu’à 5,4 % comme ce fut le cas en septembre. Ce qu’il faut retenir, c’est que rien ne prouve encore de façon concluante que l’inflation élevée régresse, même si elle n’augmente plus.
Fait intéressant, ces mêmes mesures de l’inflation en temps réel pour l’Allemagne et le Japon s’accélèrent actuellement et atteignent de nouveaux sommets. Cela donne à penser que la hausse de l’inflation touche les marchés non américains à retardement. Si c’est le cas, cela expliquerait pourquoi les prix ont grimpé plus fortement aux États-Unis qu’ailleurs sous l’effet de facteurs mondiaux, un phénomène de prime abord surprenant. La dynamique de l’économie américaine permet peut-être de répercuter les hausses de coûts plus rapidement aux consommateurs.
Les prix de l’énergie contribuent à l’inflation élevée à court terme
Les prix de l’énergie se sont remis, depuis longtemps déjà, de l’effondrement initial causé par la pandémie. Ils ont récemment atteint des niveaux largement supérieurs à la normale d’avant la pandémie. Ainsi, le prix du pétrole West Texas Intermediate se situe actuellement à 82 $, du jamais vu depuis sept ans.
Les prix du gaz naturel ont inscrit une hausse encore plus forte, et les contrats au Royaume-Uni et dans l’Union européenne se négocient à des prix dix fois plus élevés qu’au début de l’année. La Russie pourrait accroître son offre, ce qui atténuerait certaines des pires contraintes en Europe.
Les prix du charbon aussi ont nettement augmenté, en grande partie parce que ce produit est utilisé comme substitut du gaz naturel, mais aussi à cause du différend qui oppose la Chine et l’Australie. Le prix du charbon thermique, qui représente la référence mondiale, est actuellement le triple de ce qu’il était à la fin de 2019. Par conséquent, la production d’électricité est fortement restreinte, tout particulièrement en Inde. La Chine pourrait, par nécessité, revoir son refus d’utiliser le charbon australien et envisage d’accroître sa propre production.
Tous ces événements sont globalement néfastes pour la croissance économique (sauf pour les pays producteurs d’énergie) et contribuent à la hausse de l’inflation. Même si les prix des marchandises ne devraient plus augmenter beaucoup, il faudra peut-être du temps avant que leur hausse se reflète dans l’indice des prix à la consommation. Par conséquent, d’autres pressions haussières devraient s’exercer sur les prix à la consommation au cours des prochains mois. À lui seul, le bond des prix du gaz naturel pourrait générer 1,5 point de pourcentage d’inflation dans les pays les plus durement touchés.
Toutefois, ces pressions devraient commencer à se dissiper peu de temps après et on peut raisonnablement s’attendre à une légère baisse des prix de l’énergie d’ici la fin de l’hiver.
Cet épisode montre aussi que la nouvelle ère de décarbonation aura d’importantes conséquences, puisque la demande de combustibles fossiles diminuera. Les sociétés et les investisseurs hésitent désormais à investir dans les combustibles fossiles puisque la demande culminera au cours des prochaines décennies. On peut donc s’attendre à un regain de volatilité des prix de l’énergie, étant donné que les fournisseurs répondront avec moins d’enthousiasme aux chocs positifs de la demande et aux chocs négatifs de l’offre. C’est probablement, en partie, ce que l’on observe en ce moment.
Par ailleurs, on pourrait croire que le tassement de la demande de combustibles fossiles devrait entraîner une baisse des prix, mais cela dépend entièrement des fournisseurs, selon qu’ils réduisent leur production dans une mesure inférieure ou supérieure au recul de la demande. Il y a tout lieu de croire que la baisse de la production sera plus marquée que celle de la demande, car les fournisseurs voudront éviter de se retrouver avec des actifs délaissés. Par conséquent, les prix de l’énergie devraient rester supérieurs, et non inférieurs, à la normale pendant un certain temps. À tout le moins, la décarbonation ne garantit pas que les prix des combustibles fossiles baisseront.
L’inflation dans le secteur du logement demeurera élevée à moyen terme
Le prix des logements dans une grande partie du monde développé a augmenté de façon exceptionnelle durant la pandémie. Il s’agit d’une tendance inflationniste.
Le logement représente 40 % de l’indice des prix à la consommation (IPC) aux États-Unis et une part importante du panier des prix dans la plupart des pays (mais avec des approches méthodologiques nettement différentes).
Cependant, pour diverses raisons, la hausse du prix des logements prend du temps à apparaître dans l’IPC. Aux États-Unis, cela est dû au fait que l’accroissement des coûts du logement tient compte du coût du loyer pour les locataires, et du coût de location de leur propriété pour les propriétaires. En bref, le coût de location compte beaucoup plus que le coût de possession. Durant la pandémie, les coûts de location ont d’abord augmenté moins vite que le prix des logements. Mais on assiste maintenant à un rattrapage, ce qui implique que l’inflation devrait demeurer élevée au cours de l’année à venir.
Au Canada, le coût de propriété est reflété par le coût du maintien d’une hypothèque. Comme beaucoup de personnes ont acheté leur logement il y a plusieurs années, l’augmentation correspond en fait à la hausse moyenne du prix des logements au cours des 25 dernières années, ce qui devrait sensiblement adoucir les données. Mais la forte hausse du prix des logements durant la pandémie pourrait se répercuter de façon importante sur ces données et, par le fait même, sur le taux d’inflation. Et cette surchauffe devrait se prolonger pendant des années.
Voyages d’affaires : une reprise étonnamment rapide
Nous sommes d’avis que les déplacements à titre personnel finiront par reprendre complètement, contrairement aux voyages d’affaires. Certaines activités, en particulier les réunions internes et certaines conférences, demeureront probablement en mode virtuel, et ce, de façon permanente. À l’inverse, il semble qu’on assiste à une reprise générale des déplacements à visée commerciale.
Cela dit, nous sommes surpris de la rapidité avec laquelle les voyages d’affaires reprennent dans certaines régions. En Europe, on a atteint 49 % du niveau de 2019 selon ForwardKeys, une société spécialisée dans l’analyse des déplacements. Et aux États-Unis, on est maintenant revenu à 42 % de la normale.
Si la normale après la pandémie pour les voyages d’affaires correspond à peu près aux deux tiers de la situation d’avant la pandémie, cela signifie que l’Europe et les États-Unis sont déjà respectivement à 73 % et à 63 % de la « nouvelle normalité » pour les déplacements professionnels.
Pris sous un autre angle, cet important redémarrage des voyages d’affaires a de quoi surprendre quand on sait que les bureaux continuent d’être remplis à bien moins de 50 % de leur capacité habituelle dans la plupart des villes américaines. Nous pensions que la reprise toucherait d’abord les bureaux et que les déplacements professionnels viendraient ensuite. Mais apparemment, ce n’est pas le cas. C’est certainement une bonne nouvelle pour les compagnies aériennes, qui tirent une grande partie de leurs revenus des voyages d’affaires.
La main-d’œuvre avant le capital ?
On dirait que le vent tourne dans la bataille entre le travail et le capital. Après des décennies où le capital l’emportait sur le travail – autrement dit, les marges bénéficiaires des entreprises augmentent, alors que les salaires progressent peu – un certain nombre de nouvelles forces poussent maintenant dans la direction opposée.
La pandémie a apparemment incité à accorder plus d’importance aux personnes qu’aux finances. Elle a également donné lieu à un vaste élargissement des filets de sécurité sociale, dont certains pourraient devenir permanents, ou du moins être réintroduits en cas de futures récessions. Dans le même temps, la réduction de l’immigration en raison des mesures de confinement et la hausse importante du nombre de départs à la retraite anticipée, auxquelles s’ajoute une pénurie de main-d’œuvre, font en sorte que les travailleurs sont en mesure d’exiger des salaires plus élevés. Certes, les salaires augmentent plus rapidement, mais pas assez vite pour suivre le rythme débridé de l’inflation, ce qui rend l’interprétation finale quelque peu floue. Fait intéressant, on signale une augmentation du nombre de grèves, mais sans que cela apparaisse encore dans les statistiques officielles.
De toute évidence, on assistait déjà au début d’un retournement de tendance en faveur de la main-d’œuvre et au détriment du capital, même avant la pandémie. La montée du populisme au cours des dernières décennies en constitue sans aucun doute une des manifestations. Les récentes élections en Allemagne, au Canada et aux États-Unis ont toutes amené au pouvoir des gouvernements qui tendent vers la gauche. Les mouvements antitrust se renforcent, et la Chine et l’Europe, en particulier, s’attaquent aux grandes sociétés de technologie. Les inégalités suscitent une plus grande attention. Le salaire minimum a été augmenté de façon importante et un cadre est maintenant en place pour instaurer un taux d’imposition minimal des sociétés de 15 % à l’échelle mondiale. Le départ à la retraite des baby-boomers entraîne une pénurie relative de travailleurs. Au Royaume-Uni, cette situation est exacerbée par l’arrêt du recours à des travailleurs originaires de l’Union européenne après le Brexit.
Tout cela laisse à penser que le potentiel de hausse des marges bénéficiaires sera moindre à l’avenir, ce qui constitue un défi pour les investisseurs qui ont bénéficié des hausses précédentes. La croissance des salaires pourrait augmenter un peu plus rapidement, et les travailleurs pourraient réussir à négocier d’autres avantages, comme la possibilité de travailler à domicile. L’inflation pourrait aussi être un peu plus élevée, toutes choses étant égales par ailleurs (même si nous pensons que les changements démographiques et plusieurs autres facteurs continuent d’avoir un effet net sur la déflation et pourraient l’emporter sur cet effet).
– Avec la contribution de Vivien Lee et d’Aaron Ma
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