Stabilisation au Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, la tourmente politique semble avoir pris fin. Liz Truss, qui n’a pas fait long feu au poste de première ministre, a démissionné, laissant la place à Rishi Sunak. M. Sunak était arrivé derrière Mme Truss lors de la course au leadership de l’été dernier. Au grand soulagement des marchés, il a été rapidement choisi après que plusieurs adversaires possibles se sont inclinés. Il a été ministre des Finances de 2020 jusqu’au début de 2022 et prendra les rênes du pays dans sept semaines (ce sera le troisième à jouer ce rôle cette année).
Rappelons qu’à leur arrivée au gouvernement, en septembre, Mme Truss et son ministre des Finances avaient proposé une série de réductions d’impôt. Ce projet avait provoqué la panique sur les marchés des changes et des obligations, car la hausse de la dette semblait malavisée à un moment où les coûts d’emprunt sont élevés et qu’en période d’inflation élevée, il faut ralentir l’économie au lieu de la stimuler.
Ces plans avaient déjà été mis au rancart lorsque le second ministre des Finances, Jeremy Hunt, a pris ses fonctions. Cela n’a pas empêché le marché obligataire britannique de célébrer le changement de garde. Le taux des obligations à 10 ans a chuté (cédant un tiers de point de pourcentage pour repasser en deçà de 4 %) et c’est une bonne nouvelle étant donné que la Banque d’Angleterre a récemment cessé les achats d’obligations effectués dans le cadre de son programme d’aide d’urgence.
Cependant, la situation reste difficile au Royaume-Uni, pour plusieurs raisons :
- L’inflation est beaucoup trop élevée.
- La livre a dégringolé.
- La hausse du prix du gaz naturel est dévastatrice.
- les répercussions du Brexit continuent de nuire à l’économie.
La Banque d’Angleterre a donc encore du pain sur la planche. Déjà considérable avant la pandémie et même le Brexit, le déficit du compte courant s’est encore creusé (voir le graphique suivant). Cela signifie que le Royaume-Uni consomme plus qu’il ne produit. Or, ce genre de situation ne peut pas durer indéfiniment, surtout à cette échelle. Le pays devra donc se serrer la ceinture et restructurer son économie.
Le déficit du compte courant du Royaume-Uni s’accentue
Au deuxième trimestre de 2022. Sources : Office for National Statistics (ONS), Macrobond, RBC GMA
Fin du congrès en Chine
En Chine, le Congrès du parti communiste s’est terminé. Sans surprise, le mandat du président Xi sera reconduit en mars prochain, pour cinq années de plus. Ce troisième mandat constitue un événement sans précédent. M. Xi a profité de l’occasion pour consolider son pouvoir. Plusieurs de ses fidèles siégeront au Comité permanent du bureau politique, tandis que toute personne susceptible de vouloir le remplacer un jour a été exclue.
Sans rivaux ni divergences d’opinions, un seul point de vue domine, des conditions défavorables à de bonnes politiques publiques.
Durant son discours, le président Xi a insisté sur la sécurité nationale et la modernisation de l’armée. Il a réitéré son engagement à réunifier la Chine et Taïwan, de préférence pacifiquement, mais par la force si nécessaire (nous y reviendrons plus loin).
Il n’a pas été question d’abandonner la politique zéro-COVID pourtant si néfaste à l’économie du pays. On pense généralement que les restrictions seront levées au printemps prochain, quand la vague hivernale sera passée et que les vaccins bivalents auront été administrés.
Rien n’a été dit non plus à propos d’une modification de la politique sur le logement. Rappelons que le marché immobilier, longtemps source de vigueur, est maintenant en phase de consolidation.
La croissance de l’économie chinoise n’a pas été aussi faible qu’on le craignait au troisième trimestre. L’activité en temps réel est restée stable, tandis que la production industrielle s’est fortement accrue. Cependant, la croissance sera probablement anémique pour l’ensemble de l’année 2022, alors que les ventes au détail et le logement continuent de battre de l’aile.
Plus généralement, les perspectives de croissance à moyen terme de la Chine nous inquiètent de plus en plus. Alors que le pays avait l’habitude de croître au rythme de 8 % à 10 % par an, notre hypothèse penche de plus plus vers un taux inférieur à 4 % de façon régulière à l’avenir. Ce n’est probablement pas une coïncidence : plus les chiffres perdent de leur éclat, moins la Chine en publie. Depuis dix ans, elle a réduit de moitié le nombre de données qu’elle diffuse.
Les trois priorités à long terme que s’est fixées le président Xi ne sont pas propices à une expansion rapide de l’économie :
- Resserrement du contrôle sur la population.
- Politique étrangère plus affirmée.
- Renationalisation de l’économie.
Ce dernier point, en particulier, semble inconciliable avec le type d’innovation qui favorise le développement économique. En fait, cette politique entraînerait un retour en arrière pour la Chine, par rapport aux progrès réalisés au cours des dernières décennies. Le dernier Congrès national comptait 50 % de représentants du secteur privé de moins qu’avant l’arrivée au pouvoir du président Xi.
Les données soulèvent d’autres préoccupations :
- Le logement, qui a longtemps été un moteur de croissance, constituera un obstacle pendant un certain temps.
- L’endettement a considérablement augmenté.
- Les investissements ont perdu de leur efficacité pour ce qui est de stimuler la croissance et l’amélioration de la productivité a fortement ralenti. La mesure de la productivité totale des facteurs est même passée en territoire négatif.
- Les niveaux d’éducation sont encore nettement inférieurs à ceux nécessaires pour que le pays se hisse du revenu intermédiaire au revenu élevé.
- Les composants électroniques de pointe sont inaccessibles en raison de la stricte réglementation américaine.
- Les données démographiques du pays sont notoirement mauvaises.
Le ralentissement de la croissance pourrait empêcher la Chine d’atteindre ses objectifs sociétaux et inciter les dirigeants à prendre des risques sur la scène géopolitique, afin de remporter des « victoires » sur d’autres terrains (p. ex., en ce qui concerne Taïwan). Ce déclin a aussi pour conséquence que l’apport de la Chine à la croissance mondiale sera plus modeste que par le passé (voir le graphique suivant).
La Chine représente un tiers de la croissance mondiale
La croissance moyenne du PIB réel sur cinq ans et les pondérations moyennes sur cinq ans ont servi aux calculs. Sources : FMI, Perspectives de l’économie mondiale, avril 2022 ; Macrobond ; RBC GMA
Risque accru pour Taïwan
La Chine assoit avec fermeté sa présence dans le Pacifique et sur la scène mondiale : prise de bec avec le Japon en mer de Chine orientale, construction d’îles en mer de Chine méridionale et initiative mondiale d’infrastructure « une ceinture, une route ». Mais le principal objectif du pays reste Taïwan.
Taïwan a été une province chinoise, mais aussi une nation indépendante, et une colonie des Pays-Bas, du Portugal et du Japon. L’île a été gouvernée à deux reprises par des dirigeants chinois en exil. À l’heure actuelle, Taïwan est une démocratie qui fonctionne comme un pays indépendant. Cependant, sous la pression politique de la Chine, la plupart des pays ont refusé de reconnaître son indépendance.
Les sondages indiquent que la plupart des citoyens taïwanais rejettent l’idée d’une réunification avec la Chine. Les États-Unis sont quant à eux devenus plus explicites dans leur promesse de défendre Taïwan en cas d’attaque de la Chine.
De son côté, le président Xi s’est engagé, dans son dernier discours, à réunifier les deux pays en privilégiant un processus pacifique, mais sans exclure la force. À force de répéter sa promesse, il devient difficile pour la Chine de retarder indéfiniment le déclenchement du processus, d’autant plus que M. Xi serait sûrement ravi de reprendre Taïwan pendant qu’il dirige le pays, peut-être même au cours de son prochain mandat de cinq ans. D’ailleurs, la divulgation d’un document révèle que le président Xi a demandé à l’armée de préparer une intervention pour 2027 au plus tard.
Auparavant, l’idée communément admise était que la Chine aspirait à se rapprocher de Taïwan au fil du temps, pour aboutir à une unification mutuellement convenue. L’année 2049 a souvent été évoquée, quand la Chine s’est engagée à réaliser le « renouveau national ».
Les marchés des paris évaluent à 8 % la probabilité d’une confrontation létale entre la Chine et Taïwan d’ici la fin de 2022, quoique cela puisse se traduire par la perte de quelques vies à la suite d’une provocation et non pas d’une guerre à proprement parler.
La Chine pourrait user de diverses stratégies pour tenter de s’emparer de Taïwan :
- L’une consisterait à mettre la main sur certaines des petites îles situées entre les deux pays et à attendre la réaction des autres acteurs.
- Une autre serait de commencer par bloquer ou limiter de manière considérable les exportations et les importations taïwanaises. Cela affaiblirait Taïwan et permettrait à la Chine de contrôler les frontières du pays – un premier pas vers l’absorption.
- Des scénarios d’attaques militaires à grande échelle sont possibles, mais apparemment, la géographie de l’île les rend difficiles.
Selon nous, compte tenu des répercussions indésirables d’un conflit opposant la Chine aux États-Unis, la probabilité d’une attaque majeure contre Taïwan est encore bien inférieure à 50 % pour les prochaines années. Cela dit, les risques ont augmenté ces derniers mois.
La question est lourde de conséquences pour l’économie mondiale et les investisseurs. Si le monde répondait à une invasion chinoise de la même manière qu’il l’a fait à l’égard de la Russie, les dommages économiques seraient énormes. D’après une estimation prudente, l’économie chinoise est de six à onze fois plus importante que l’économie russe (voir le graphique suivant). Les sanctions pourraient donc causer des dommages d’une ampleur bien plus grande.
L’économie de la Chine surpasse de plusieurs fois celle de la Russie
Données annuelles pour 2021. Sources : CEIC, MSCI, Statista, Goldman Sachs Global Investment Research.
Le fait de séparer la Chine du monde développé serait extrêmement coûteux. Les chaînes logistiques mondiales passent par la Chine beaucoup plus que n’importe quel autre pays. En outre, les Chinois détiennent près de 1 000 milliards de dollars d’obligations du Trésor américain. Par contre, comme les États-Unis pourraient facilement geler les actifs chinois, il est peu probable qu’une liquidation soudaine de titres du Trésor arrive.
Par ailleurs, Taïwan est un pays d’une importance capitale. Bien qu’il soit peu peuplé, il produit 70 % des micropuces du monde ; or, celles-ci entrent dans la fabrication de téléphones, d’ordinateurs, de voitures et d’une foule d’autres biens. Même si la Chine s’emparait de Taïwan sans endommager physiquement les usines de fabrication de puces, la production serait interrompue, car la plupart des puces reposent sur des conceptions et des intrants occidentaux.
Encore une fois, le risque a augmenté, mais n’est pas strictement élevé. En fait, les conséquences seraient trop graves. Cela suffira, espérons-le, à dissuader les principaux acteurs de s’engager dans un conflit. Entre-temps, les sociétés occidentales ont commencé à diversifier une partie de leur production, délaissant les installations de fabrication chinoises, au profit de celles de l’Inde, de l’Asie du Sud-Est, du Mexique et d’autres pôles en émergence.
Escalade du conflit en Ukraine
L’Ukraine continue de progresser sur le champ de bataille, et la Russie réagit en intensifiant l’offensive et en changeant de tactique :
- La Russie a saboté ses propres gazoducs (dormants) reliant l’Europe.
- Elle utilise des drones iraniens pour cibler les infrastructures électriques ukrainiennes.
- Elle a récemment enrôlé plusieurs centaines de milliers de soldats supplémentaires dans son armée et déclaré sa souveraineté sur les régions de l’Ukraine qu’elle occupe actuellement.
Il est possible que la guerre ralentisse pour des raisons météorologiques alors que débute une saison boueuse. Toutefois, elle restera vraisemblablement plutôt vigoureuse étant donné les visées ukrainiennes sur un territoire beaucoup plus vaste. Les marchés des paris estiment que la probabilité d’un cessez-le-feu à court terme est faible et évaluent désormais à 11 % (un niveau inquiétant) les risques qu’une arme nucléaire tactique soit utilisée d’ici mars 2023.
La théorie de la guerre peut nous aider à comprendre pourquoi ce conflit a éclaté et pourquoi il persiste. Le concept d’asymétrie de l’information contribue à expliquer la décision de Moscou de déclencher la guerre. La Russie pensait avoir l’armée la plus puissante, mais en pratique, cela ne s’est pas avéré. Le pays a surestimé ses propres prouesses et sous-estimé l’Ukraine (ainsi que le soutien militaire que l’Ukraine recevrait de l’Occident).
Les questions de confiance et de politique peuvent servir à comprendre pourquoi la guerre persiste. Vu le manque extrême de confiance entre les deux pays et l’absence de mécanismes d’application réalistes, aucun des deux ne croit l’autre en ce qui a trait au respect d’un cessez-le-feu ou d’un traité de paix. Ainsi, ils peuvent difficilement s’entendre sur des conditions qui seraient autrement mutuellement acceptables.
L’environnement politique russe complique également tout effort visant à mettre fin à la guerre. Dans les démocraties, les guerres irréfléchies et impopulaires peuvent finir lorsque le chef est contraint par l’opinion publique d’y mettre fin ou est démis de ses fonctions s’il n’obtempère pas. Dans les dictatures absolues, le dictateur peut arrêter une guerre irréfléchie sans être la cible de menaces personnelles étant donné son pouvoir inconditionnel. Ce sont les dictatures partielles (ce qui correspond sans doute à la situation politique en Russie) qui sont les moins susceptibles d’abandonner une guerre irréfléchie, parce que le chef pourrait être personnellement en danger s’il admet qu’il s’agissait d’une erreur. Par conséquent, la guerre continue.
L’évolution de la conjoncture économique
Nous continuons d’anticiper une récession dans une grande partie des pays développés et nous avons revu la probabilité à la hausse à cet égard (de 75 % à 80 %) pour l’Amérique du Nord d’ici la fin de 2023. La probabilité avoisine plutôt les 90 % dans la zone euro et au Royaume-Uni.
Nous continuons de prévoir une récession d’ampleur moyenne. Certains arguments convaincants penchent en faveur d’une récession plus modérée que celle-ci. Ils sont en grande partie fondés sur l’observation selon laquelle le marché du travail pourrait afficher une meilleure tenue que de coutume tout au long d’un ralentissement à venir. Mais de bons arguments plaident également en faveur d’une récession plus profonde : p. ex., l’absence de réduction des taux d’intérêt par les banques centrales pour amortir le choc. À notre avis, les deux ensembles d’arguments s’annulent l’un l’autre, ce qui justifie notre prévision de recul d’un niveau historiquement moyen de 1,5 % à 2,0 %.
Nous révisons actuellement nos prévisions de croissance à la baisse pour refléter pleinement ces perspectives. Nous avions déjà intégré un facteur de récession dans nos projections précédentes, mais les nouveaux chiffres refléteront mieux la pleine ampleur du déclin prévu. Ce faisant, nous resterons de nouveau en deçà des prévisions générales de croissance pour 2023, après un trimestre au cours duquel les prévisions générales, d’abord bien supérieures aux nôtres, ont dégringolé pour s’aligner sur celles-ci.
Faiblesse ténue du marché du travail
Malgré le nombre d’emplois positif en Amérique du Nord en septembre, une faiblesse ténue commence à émerger. À titre d’exemple, le nombre de postes vacants aux États-Unis et le nombre de personnes qui quittent leur emploi ont tous deux clairement commencé à diminuer. Ce modèle annonce habituellement des pertes d’emploi ultérieures (voir le graphique suivant).
Aux États-Unis, les postes vacants et les départs ont diminué
En date d’août 2022. Estimations pour toutes les entreprises non agricoles du secteur privé. La zone ombrée représente une récession. Sources : Bureau of Labour Statistics, Macrobond et RBC GMA.
Les suppressions d’emplois sont encore assez limitées, mais commencent clairement à augmenter (voir le graphique suivant).
Les suppressions d’emplois annoncées aux États-Unis ont commencé à augmenter
En date de septembre 2022. Sources : Challenger, Gray & Christmas, Inc., Macrobond, RBC GMA.
Amélioration des chaînes logistiques
Les chaînes logistiques se sont déjà améliorées fortement, voire remises complètement (voir le graphique suivant).
Les tensions des chaînes d’approvisionnement se sont atténuées dans le monde entier, mais sont encore fortes
En date de septembre 2022. La zone ombrée représente une récession aux États-Unis. Sources : Gianluca Benigno, Julian di Giovanni, Jan J.J. Groen et Adam I. Noble, « A New Barometer of Global Supply Chain Pressures » (nouveau baromètre des tensions sur les chaînes logistiques mondiales), Federal Reserve Bank de New York, Liberty Street Economics, Macrobond, RBC GMA.
Nous restons convaincus que les chaînes logistiques continueront de s’améliorer à mesure que les entreprises s’ajusteront et que l’activité économique ralentira. Une série d’indicateurs plus obscurs des chaînes logistiques confortent aussi ce point de vue. Aux États-Unis, l’évolution de l’utilisation des entrepôts et des frais d’entreposage a commencé à s’inverser au cours de l’été (voir le graphique suivant).
L’utilisation des entrepôts et la croissance des frais d’entreposage ralentissent
En date d’août 2022. Une valeur supérieure à 50 indique une expansion ; une valeur inférieure à 50 indique une contraction. Sources : Rapports sur l’indice des responsables logistiques, RBC GMA.
Le coût des puces informatiques a également diminué depuis son pire niveau atteint – un bon signe que la demande et l’offre reviennent à l’équilibre (voir le graphique suivant). En fait, beaucoup d’analystes prédisent un surplus de puces pendant plusieurs années, compte tenu de ce qui semble maintenant avoir été un surinvestissement dans le secteur.
La pénurie de puces diminue
En date d’août 2022. La puce DDR4 de densité standard utilisée est la puce DDR4 de 8 Go, 1 G x 8, 2 400/2 666 MHz. Source : InSpectrum Tech, Bloomberg.
Les rapports sur la logistique maritime indiquent une baisse de 20 % des commandes de fret maritime en septembre et octobre. Entre-temps, le ratio entre la demande de services de camionnage aux États-Unis et l’offre de camions disponibles pour le transport a chuté d’un taux flagrant de 70 % par rapport à son niveau le plus haut.
L’étendue et le décalage de l’inflation
L’inflation a légèrement ralenti en Amérique du Nord au cours des trois derniers mois. Malheureusement, l’inflation de base n’a toujours pas fait de même (voir la ligne jaune dans le graphique ci-après). On peut mesurer l’inflation de base de plusieurs façons, qui donnent des résultats sensiblement identiques : il n’y a pas de ralentissement clair et net (voir le graphique suivant ; seuls les biens essentiels font exception).
La tendance mensuelle de l’indice des prix à la consommation (IPC) aux É.-U. affiche un léger déclin
En date de septembre 2022. Sources : Bureau of Labour Statistics, Macrobond et RBC GMA.
Les mesures de l’inflation de base aux É.-U. n’ont pas encore fléchi
Bureau of Labor Statistics (BLS) des É.-U., Federal Reserve Bank de Cleveland, Bureau of Economic Analysis (BEA) des É.-U., Macrobond, RBC GMA
Heureusement, l’inflation de base devrait baisser tôt ou tard si l’on s’en tient à la théorie économique. En effet, les quatre principaux facteurs de l’inflation élevée ont tous changé de cap :
- Les banques centrales ont cessé de réduire les taux pour finalement les relever, à tel point que la politique monétaire est aujourd’hui restrictive.
- La politique budgétaire se fait désormais moins généreuse.
- Les chaînes logistiques se sont déjà beaucoup améliorées, comme nous l’avons déjà mentionné.
- Le choc des marchandises s’est au moins partiellement amoindri, comme en témoignent les baisses des prix du pétrole, des métaux de base, du bois d’œuvre et des aliments non transformés.
En attendant que cette tendance s’observe peu à peu dans un plus grand éventail de produits de consommation, les banques centrales sont toutefois portées à continuer de relever les taux d’intérêt.
La Banque du Canada devrait ainsi relever les taux de 50 à 75 points de base à la fin d’octobre, la Fed lui emboîtant probablement le pas en décrétant une hausse de 75 points de base au début de novembre. Bien que le rythme du resserrement puisse ralentir par la suite, les banques centrales hésiteront à y mettre fin jusqu’à ce qu’elles constatent une diminution de l’inflation de base et un rétrécissement de l’ampleur de l’inflation durant quelques mois. Or, cette évolution ne devrait pas apparaître nettement avant au moins le début de 2023.
Une question importante reste sans réponse : dans quelle mesure les banques centrales sont-elles prêtes à tabler sur la récurrence des décalages historiques ? Par exemple, nous estimons que le renversement des prix des produits alimentaires négociés sur le marché survient entre trois et six mois avant celui de l’IPC des aliments. Nous devrions donc nous attendre à ce que l’inflation des aliments ralentisse au cours des prochains mois, puisque les prix du blé et du soya sont déjà redescendus de leurs sommets. Mais ce n’est toujours pas le cas.
La situation est encore plus aberrante au vu des prix du logement. Aux États-Unis, le prix des habitations et les loyers diminuent habituellement environ 18 mois avant leurs équivalents de l’IPC. Dans une étude récente, la Fed de Dallas estime que la composante logement de l’IPC aux États-Unis continuera de se dégrader jusqu’au milieu de 2023, avant de commencer à se redresser. Les banques centrales doivent-elles poursuivre le resserrement jusqu’à ce moment ?
Si les banques centrales sont disposées à accepter que le prix des logements a en fait commencé à baisser il y a quelques mois et que la hausse des loyers ralentit à tout le moins (voir le graphique suivant, et noter que d’autres mesures des loyers indiquent qu’ils sont déjà en baisse), elles pourraient pousser un soupir de soulagement plus tôt que prévu.
Ralentissement de la hausse des loyers aux États-Unis
En date de septembre 2022. Sources : Zillow Macrobond, RBC GMA
Il est intéressant de noter que la politique monétaire est aussi censée produire des effets avec un décalage de un an et demi. Autrement dit, les répercussions des hausses de taux déjà annoncées se feront de plus en plus sentir au cours des 18 prochains mois. Ainsi, les banques centrales pourraient théoriquement cesser leur resserrement même si certaines composantes de l’inflation demeurent actives. Nous serions alors doublement assurés que le durcissement monétaire antérieur continuera d’avoir un effet de plus en plus fort et que les composantes de l’inflation devraient perdre de leur intensité à un moment donné.
Réflexions sur la politique américaine
Les élections de mi-mandat aux États-Unis auront lieu le 8 novembre, soit dans deux semaines au moment où cet article a été rédigé. Pour résumer, il n’y aura pas de changement à la Maison-Blanche, la Chambre des représentants passera probablement sous contrôle républicain, et le Sénat devrait rester à majorité démocrate. Toutefois, cette dernière affirmation est la moins certaine des trois. Le site FiveThirtyEight donne tout juste 62 % de chance aux Démocrates de conserver le Sénat, soit à peine plus que quand on joue à pile ou face, et on assiste depuis peu à une convergence des probabilités (voir le graphique suivant).
Qui contrôlera le Sénat après les élections de mi-mandat de 2022 ?
Au 19 octobre 2022. Sources : FiveThirtyEight, RBC GMA
Quoi qu’il en soit, le travail des législateurs sera entravé par la conjonction d’une Maison-Blanche démocrate et d’un Congrès partiellement, ou totalement, entre les mains des Républicains. Les marchés n’ont généralement pas peur d’une impasse, quoique cela puisse changer selon l’urgence des enjeux politiques au cours des deux prochaines années.
Outre le dépôt annuel du budget auquel il faudra s’attaquer d’ici le 16 décembre, un certain nombre de murs budgétaires devraient surgir au début de 2023.
Les Américains ayant des prêts étudiant fédéraux n’ont pas eu à payer d’intérêts sur ces prêts pendant la majeure partie des trois dernières années. Ce moratoire prendra fin en janvier, et ce, quelle que soit l’issue de la contestation judiciaire du décret du président Biden visant à réduire modérément le fardeau de la dette étudiante. Avec près de 2 000 milliards de dollars américains de prêts étudiant, les Américains devront commencer à payer environ 100 milliards de dollars supplémentaires par an, ce qui représente un détournement considérable de ressources financières.
Presque au même moment, le 11 janvier, l’administration Biden devrait déclarer la fin de l’état d’urgence sanitaire consécutif à la pandémie. Cette mesure aura un effet non négligeable sur certains ménages, puisqu’environ 15 millions de personnes perdront leur admissibilité à l’assurance Medicare, et 7 millions à l’assurance Medicaid. Le programme d’aide supplémentaire à la nutrition sera également réduit.
Tout cela devrait porter un dur coup aux finances des ménages américains au début de l’année prochaine.
Développement humain et changements démographiques
Notre mesure interne du développement humain à l’échelle mondiale, qui est fortement inspirée d’un paramètre des Nations Unies, comparable mais erroné, indique une baisse en 2020 et 2021 (voir le graphique suivant). C’était la première fois que cette mesure, qui prend en compte l’espérance de vie, le niveau d’instruction et le revenu national brut par personne, a chuté depuis qu’elle a été introduite il y a une trentaine d’années. Jusqu’à présent, la tendance était que la qualité de vie réussissait toujours à progresser malgré les fluctuations de l’économie.
PIB et développement humain
Au 16 septembre 2022. Cote de développement humain calculée par RBC GMA en fonction de l’espérance de vie, du niveau d’éducation et du revenu national brut (RNB) par personne. Sources : Banque mondiale, Programme des Nations Unies pour le développement, RBC GMA
Mais la pandémie a occasionné de réels dégâts dans ces trois catégories. La longévité a diminué, le niveau d’instruction (et la qualité de l’éducation) a baissé, et l’économie s’est contractée.
Les données de 2022 révéleront probablement une certaine amélioration des trois paramètres qui ne compensera peut-être pas tous les dommages causés au cours des deux dernières années, compte tenu en plus de l’imminence d’une récession.
Examinons les données, particulièrement faibles, sur la longévité aux États-Unis. Après avoir subi une énorme baisse de 1,8 an en 2020, la longévité aux États-Unis a baissé de 0,9 an en 2021. Mis ensemble, ces replis constituent la plus forte baisse enregistrée depuis les années 1920. Ils font reculer l’espérance de vie à la naissance à seulement 76,1 ans. Ce niveau est le plus bas depuis 1996 et place les États-Unis, qui disposent du régime de soins de santé le plus coûteux au monde, au 46e rang des pays du monde.
Plus de la moitié de la récente baisse de l’espérance de vie est attribuable aux décès liés à la COVID-19, l’augmentation des surdoses de drogues représentant aussi une portion importante des causes de décès aux États-Unis.
Il est vrai que nous avons jeté un regard critique sur l’économie chinoise dans cet article, mais le pays peut maintenant au moins prétendre dépasser les États-Unis sur le plan de la longévité.
Angoisse générationnelle
Dans notre #MacroMémo du 23 août, nous avons parlé d’un certain nombre de tendances démographiques intéressantes. Nous avons entre autres mentionné qu’il y a maintenant plus de personnes de la génération Y que de baby-boomers, mais que cela ne signifie pas que les personnes de la génération Y auront l’effet démesuré sur la société qu’ont eu les baby-boomers.
Nous avons effectué d’autres recherches et nous sommes en mesure de fournir plus de précisions sur ce sujet.
Pour commencer, l’influence des baby-boomers par rapport aux autres générations a légèrement été surestimée en raison de l’étalement des années de naissance de cette génération sur près de 20 ans, comparativement à 14 ou 16 années de naissance pour la plupart des autres générations. Pour corriger cette anomalie, nous avons mis de côté les différents noms et les fourchettes de dates complexes rattachés à chaque génération, et avons plutôt regroupé la population américaine en tranches de 15 ans en remontant à l’an 1900 (voir le graphique suivant).
Les personnes dans la force de l’âge prédominent dans la population américaine
Des estimations ont été faites pour les groupes de personnes de plus de 100 ans. Sources : Census Bureau des É.-U., RBC GMA
Nous pouvons ainsi voir qu’aucune génération ne domine vraiment en occupant une plus grande part de la population que la normale. La cohorte de 1945 à 1959 s’est distinguée en partie à cause du nombre exceptionnellement élevé des personnes qui la composent, mais aussi parce que le nombre des personnes de la « génération silencieuse » antérieure était exceptionnellement bas et que la part globale de la population des États-Unis était inférieure à la moitié de la part de la population à la naissance des baby-boomers. C’est ce qui lui a valu une plus grande influence par rapport aux générations actuelles ayant une taille semblable.
En proportion de la population, la génération de 1900 à 1914 était en fait encore plus grande que celle des baby-boomers. Ce fait peut en grande partie être attribué à la faible longévité de l’époque où chaque génération représentait une plus grande part de la population totale (voir le graphique suivant). L’on imagine bien que des générations auraient constitué une part encore plus grande de la population si l’analyse avait été prolongée au 19e siècle.
Les baby-boomers nés avant 1960 ont représenté 30 % de la population américaine
Des estimations ont été faites pour les groupes de personnes de plus de 100 ans. Sources : Census Bureau des É.‑U., RBC GMA
Les milléniaux chevauchent étrangement les cohortes de 1975 à 1989 et de 1990 à 2004 dans notre analyse. Le graphique final montre clairement que la part qu’ils occupent au sein de la population est loin d’être aussi importante que celle de leurs parents – les baby-boomers – à leur apogée. Et n’oublions pas que le décès en grand nombre des baby-boomers explique en grande partie pourquoi le nombre des milléniaux a récemment surpassé celui des baby-boomers. Cette comparaison ne reflète plus parfaitement la réalité.
– Avec la contribution de Vivien Lee, de Vanessa Adamset et d’Aaron Ma
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